Mes chers collègues, par cet amendement, la commission vous demande de supprimer cet article.
Quatre raisons principales motivent cette décision.
Premièrement, il faut tenir compte du contexte.
Monsieur le ministre, comment comprendre qu’en période de lourds déficits des comptes sociaux, au moment où l’on va demander de nouveaux efforts à nos concitoyens, le Gouvernement, par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, demande la création d’un nouveau fonds ?
Ce fonds serait alimenté, à hauteur de 5 millions d'euros environ, par les budgets de gestion des différentes caisses nationales du régime général : CNAM, CNAV, CNAF, RSI, MSA, etc. Celles-ci sont-elles en si bonne santé financière qu’il paraisse possible de les mettre aussi simplement – j’oserais dire aussi légèrement – à contribution ?
Deuxièmement, quel est l’objet de ce fonds ?
Ce fonds aurait pour mission de financer des travaux d’évaluation et de performance d’intérêt transversal au profit des organismes de sécurité sociale. Or de multiples travaux sont déjà menés à ce titre, sans qu’il soit besoin d’une structure spécifique. Ainsi, pour la gestion immobilière, les achats, les ressources humaines – trois domaines mentionnés à cet article –, l’Union des caisses nationales de sécurité sociale, l’UCANSS, est déjà chargée de mener des opérations de mutualisation ; certaines d’entre elles ont d’ailleurs déjà permis de réaliser des économies non négligeables !
La mise en commun des diagnostics et le rapprochement des pratiques requièrent-ils davantage que la volonté de travailler ensemble ? Est-il par ailleurs véritablement opportun de priver les caisses de sécurité sociale d’une partie de leurs ressources pour financer des études et des audits qui ne les concerneraient pas forcément directement ?
Troisièmement, la création de ce fonds témoigne d’un mépris à l’égard du Sénat.
Monsieur le ministre, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, le Sénat a déjà refusé, à la quasi-unanimité, la création d’un fonds de la performance, dont le fonds de prospective et de performance de la sécurité sociale que vous proposez à cet article est la copie conforme !
Dans sa configuration d’aujourd’hui, comme dans celle d’hier, la commission des affaires sociales est très peu convaincue de l’intérêt du dispositif. Les arguments du Gouvernement n’ayant pas changé depuis deux ans, la commission maintient elle aussi ses interrogations et ses très fortes réticences.
Quatrièmement, il s’agit ici d’une atteinte aux droits du Parlement.
En effet, plus grave encore, avec cet article, le Gouvernement supprime les conseils de surveillance de la CNAM, de la CNAF, de la CNAV et de l’ACOSS. Pourtant, lors des débats à l’Assemblée nationale, à aucun moment cette suppression n’a été explicitement abordée. En effet, déposé à la dernière minute, l’amendement du Gouvernement n’a pas été examiné en commission. Mme la ministre n’a pas évoqué cette suppression en présentant l’amendement et le rapporteur ne l’a pas mentionnée non plus dans l’avis personnel qu’il a rendu.
Or les conseils de surveillance sont des instances présidées par des parlementaires, députés ou sénateurs, dans lesquelles ils peuvent exercer leur pouvoir de contrôle. Même si le bilan des conseils de surveillance peut certainement faire l’objet d’appréciations nuancées, il n’est pas normal que leur suppression ait eu lieu sans discussion.
Tous les membres de la commission des affaires sociales ont en mémoire les multiples interventions d’Alain Vasselle, qui ne comprenait pas pourquoi le Gouvernement ne renommait pas les membres du conseil de surveillance de l’ACOSS qu’il présidait et qu’il souhaitait réunir, ce que l’on peut aisément comprendre au regard du montant faramineux des déficits portés par cet organisme en 2010 et en 2011.
J’ai également vérifié, monsieur le ministre : nos collègues députés n’ont pas plus que nous été avertis de la suppression de ces conseils de surveillance.
Vous le constatez, mes chers collègues, cet article ne peut être accepté par le Sénat. C’est pourquoi la commission en demande la suppression.