Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les crédits examinés dans le présent rapport pour avis sont ceux qui sont dévolus, au sein de la mission « Justice », d’une part, au fonctionnement et à l’organisation des juridictions et, d’autre part, à l’aide juridictionnelle.
L’élévation, cette année, des crédits du Conseil supérieur de la magistrature au rang de programme autonome répond à une demande récurrente de la commission des lois. Je veux saluer à cette occasion le travail réalisé par le précédent rapporteur pour avis, notre collègue Yves Détraigne.
La nécessité d’un rattrapage des moyens de la justice, dans un contexte de forte contrainte budgétaire, est une fois de plus présentée comme une priorité du ministère.
Mais, derrière l’objectif affiché, l’examen détaillé des crédits sur lesquels porte le présent rapport pour avis oblige à nuancer fortement l’effort engagé par le Gouvernement.
Les crédits pour 2012 enregistrent une augmentation très faible, qui, rapportée à l’évolution du budget général de l’État, à laquelle elle reste inférieure, manifeste une stabilisation de la dépense consacrée au fonctionnement de l’institution judiciaire dans les dépenses de l’État.
Or, depuis cinq ans, les réformes se sont accumulées sur les juridictions, affectant fortement leur fonctionnement et leur organisation.
Les personnels et les magistrats ont été particulièrement sollicités pour conduire ces changements et, trop souvent, pour compenser par leur dévouement et leur engagement l’insuffisance des moyens qu’on leur offrait.
Cette seule année 2011 aura vu l’achèvement de la carte judiciaire, la refonte du contentieux de l’exécution, la réforme de la garde à vue, celle de l’hospitalisation d’office, la création des citoyens assesseurs et, avec le vote du projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles, la suppression de la juridiction de proximité ainsi que l’application d’une bonne partie des recommandations de la commission Guinchard.
On était en droit d’attendre que l’avalanche de réformes s’accompagne de moyens suffisants pour garantir le bon fonctionnement des juridictions. Souvent, des engagements en ce sens ont été pris par le ministre à l’occasion de l’examen de ces projets de loi. Force est de constater que le budget proposé est loin de lever toutes les hypothèques.
La création de 84 emplois supplémentaires de magistrats compense à peine la suppression, cette année, de 76 postes. Cette création est censée répondre aux besoins nés des réformes adoptées cette année, mais l’effectif proposé est bien inférieur à ce qui serait nécessaire : pour ne prendre que l’hospitalisation d’office, l’expérimentation des citoyens assesseurs et le transfert aux juges d’instance du contentieux civil actuellement suivi par les juges de proximité, le besoin serait au total de 214 postes.
La question des moyens concerne aussi les frais de justice, qui, depuis 2008, connaissent une inflation très importante, et ce pour plusieurs motifs : revalorisation tarifaire des experts, renchérissement du coût de certaines prestations, augmentation du nombre de prescriptions en matière médicale ou d’analyse génétique en raison des réformes qui intensifient l’activité pénale.
Si la Chancellerie a engagé de réels efforts de maîtrise des frais de justice, le ministère continue de mener en la matière une politique de sous-budgétisation dont les conséquences sont graves. Les retards de paiement détournent les prestataires et les experts des tribunaux, ce qui, à terme, posera problème aux juridictions qui ne trouveront plus personne pour répondre à leurs prescriptions.
S’agissant de la dépense d’aide juridictionnelle, elle augmentera de plus de 100 millions d’euros en raison de la réforme de la garde à vue. La question de son financement sera abordée lors de la discussion de l’amendement de la commission des lois tendant à supprimer la contribution pour l’aide juridique.