La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 42 du règlement du Sénat.
Je me demande parfois à quoi servent les lois que nous votons ! Je voudrais en effet dénoncer le non-respect de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.
Demain, le 25 novembre, est la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Aujourd’hui, à dix heures trente, le Gouvernement présente sa campagne d’information sur le sujet. Je saisis donc cette occasion pour expliquer mon propos.
L’une des innovations majeures de la loi précitée est la création d’un délit de violences psychologiques au sein du couple. Celles-ci relèvent d’un processus progressif d’emprise et de manipulation destructrice.
Force est de constater que, un an après, le bilan sur le terrain s’avère sur ce point affligeant. Les dossiers de procédure de séparation restent en effet instruits, dans leur majorité, de la même manière qu’avant la promulgation de la loi. Les enfants continuent à être confiés, dans le cadre de la garde en résidence alternée, voire en résidence exclusive, au parent manipulateur destructeur. La médiation continue à être préconisée par les magistrats, malgré les preuves apportées de violence psychologique.
Manifestement, la création d’un délit de « harcèlement psychologique » n’a pas retenu l’attention des juges, qui ne se sont pas informés et ne sont pas arrivés à cerner la notion de manipulation destructrice.
On assiste à une avalanche de procédures introduites par ces parents manipulateurs destructeurs, du fait de leur personnalité paranoïaque, qui aboutit à un encombrement des tribunaux et, surtout, à un non-respect total du réel « intérêt supérieur des enfants ».
On assiste toujours au « meurtre » psychologique des parents et des enfants victimes, qui développent des symptômes allant des maladies psychosomatiques, comme l’obésité, aux troubles psychiatriques tels que dépression, décompensation délirante ou alcoolique, violence, drogue et parfois suicide.
Le législateur que nous sommes a voulu mettre un frein à cette spirale infernale. En résumé, la violence psychologique a été reconnue par le législateur, la loi existe, mais concrètement rien n’a changé ! L’ensemble des acteurs judiciaires conduisent les procédures exactement comme avant.
Les parents et les enfants victimes subissent, en plus de leur préjudice psychologique et physique, une violence institutionnelle qui pèsera lourdement sur leur avenir, en particulier sur celui des enfants.
Cette situation est inacceptable, et je tenais à la dénoncer fermement.
Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et au banc des commissions. –M. Jean-Pierre Michel applaudit également.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 106, rapport n° 107).
Nous en sommes parvenus aux dispositions de la seconde partie du projet de loi de finances.
SECONDE PARTIE
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Nous allons maintenant entamer l’examen des différentes missions.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission : Justice (et articles 52 et 52 bis).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, vous trouverez dans mon rapport écrit une analyse détaillée et objective du présent projet de budget. Dans le souci d’éclairer le Sénat, j’ai tenu à reprendre en introduction deux appréciations, celle du président du Conseil national des barreaux et celle du président de l’Union syndicale des magistrats, et à faire figurer en annexe une note détaillée de la convention nationale des associations de protection de l’enfant portant observation du programme 182 du projet de loi de finances pour 2012, ainsi que le tableau d’occupation des établissements pénitentiaires au 1er juillet 2011.
Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie d’avoir bien voulu permettre cette communication. Je vous remercie également pour toutes les réponses que vous-même et vos collaborateurs avez bien voulu nous apporter.
J’en viens à mes principales observations.
Premièrement, je m’interroge sur la sincérité de ce budget.
L’état de nos finances publiques a des exigences, mais la sous-estimation budgétaire ne facilite ni la vie du service public ni le dialogue institutionnel et partenarial.
Observons, par exemple, la question des frais de justice. Comme vous le savez, ces derniers se rapportent aux expertises, aux analyses, aux diagnostics, aux tenues de fichier, aux évaluations, aux réunions de groupes de parole, aux honoraires médicaux et d’interprétariat entre autres.
Ces actes sont de plus en plus nombreux et de plus en plus coûteux. Bien souvent, ils découlent de la loi même. Ils sont nécessaires aux magistrats pour fournir un travail irréprochable. À la suite des réserves financières décidées, leurs crédits disponibles ont été ramenés en 2011 à 436, 4 millions d’euros. Fin août, ils ont été portés à 462, 7 millions d’euros. Pour 2012, vous prévoyez, monsieur le garde des sceaux, une augmentation de 2, 3 %, soit un total de 470 millions d’euros.
Vos propres services estiment que, pour 2011, le report de charges prévisible sera de 100 millions d’euros. Vous prévoyez également une dépense moyenne par affaire pénale de 250 euros en 2011 contre 288 euros en 2010. Croyez-vous sincèrement, eu égard à l’objet même de ces dépenses, que c’est de ce côté que des économies substantielles sont à attendre ?
Ces questions n’empêchent pas que nous reprenions l’initiative de notre collègue Roland du Luart, qui proposait de commander à la Cour des comptes un rapport sur ce sujet.
Mais vous pourriez sans attendre, monsieur le garde des sceaux, mettre un peu d’ordre dans la procédure de paiement de ces frais de justice. Je sais que vous n’y êtes pas insensible.
Le budget alloué à la réforme de la carte judiciaire ne tient pas compte des aménagements nécessaires pour le tribunal de grande instance de Paris, dont le coût est estimé à 623, 5 millions d’euros. Vous seriez bien en peine de nous dire aujourd’hui où sera hébergé le Conseil supérieur de la magistrature…
… qui, au dire de son président, doit quitter ses locaux actuels au 1er avril 2012.
Le secteur associatif habilité, acteur déterminant de la projection judiciaire de la jeunesse, a beaucoup de raisons d’être en attente.
Je note tout d’abord une divergence d’appréciation. Dans le document officiel qui nous a été fourni, la hausse des crédits de paiement serait de 2 %. Si je me réfère au document associatif, elle serait de 0, 83 %.
En tout état de cause, je note que les reports de charges se succèdent de manière très régulière : 27 millions d’euros en 2010, 34 millions d’euros en 2011, 40 millions d’euros en 2012.
Le report de charges à la fin de l’année 2011 représente environ deux mois de crédits de paiement de 2012. En 2011, quarante à cinquante contrats de personnels spécialisés n’ont pas été reconduits, faute de crédits.
Le 10 novembre dernier, lorsque nous avons rencontré les représentants du secteur, beaucoup d’associations n’avaient pas encore reçu leur accord budgétaire pour 2011.
Enfin, il ne me semble pas raisonnable d’évaluer le prix d’une journée en centre éducatif fermé à 575 euros, contre 642 euros en 2007 et 594 euros en 2011, sauf à vouloir – et encore ! – s’en tenir à une simple politique d’enfermement, ce à quoi une tragique actualité ne nous invite pas.
Deuxièmement, le service public de la justice est, lui aussi, victime de la révision générale des politiques publiques.
Globalement et officiellement, vous supprimez 400 postes d’équivalents temps plein travaillé. De 2011 à 2013, ce sont 1 726 équivalents temps plein travaillé qui disparaissent. Votre ministère reconnaît lui-même très loyalement le sous-encadrement du transfèrement des détenus, l’insuffisance du nombre d’agents de service pénitentiaire et de probation affectés au service du bracelet électronique, qui doit se développer, ainsi que l’insuffisance du nombre de greffiers. Le fameux rapport « un greffier pour un magistrat » ne serait atteint qu’en 2014.
Ce même souci de restriction de la dépense publique nous éloigne du principe de gratuité et d’égalité devant la justice. Au nom de la commission des finances, je proposerai à la Haute Assemblée la suppression de la contribution de 35 euros instituée par l’article 54 de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.
Troisièmement, je m’interroge sur la crédibilité de votre gestion prévisionnelle pluriannuelle. J’en veux pour preuve les annonces successives et rapides de création de places de prison.
Au 1er juillet 2011, nous comptions 64 726 personnes incarcérées pour 56 081 places opérationnelles.
Nous avons entendu les annonces présidentielles successives. Il y a eu le temps des 13 200, puis des 11 000. Le 22 janvier 2009, le chiffre était de 5 000. Début 2011, c’était 60 000 places de prison pour 2017. À l’issue de ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire de Pornic », nous en étions à 70 000. Le 13 septembre 2011, le Président de la République a annoncé 80 000 places à l’horizon 2017.
Qu’en est-il des maîtrises foncières nécessaires ? De la révision des projets de rénovation et de réhabilitation ? Qu’en est-il de la nécessaire différenciation des places ? Quid de l’amont et de l’aval de la prison ?
Mardi dernier, M. Claude Guéant a annoncé une augmentation de 50 % des places en centres éducatifs fermés. S’agissant de ces établissements, nous ne devons pas nous en tenir à une approche strictement quantitative. Certains enfermements doivent conjuguer le médical, l’éducatif et le pédopsychiatrique, ce qui influe nécessairement sur le prix de journée.
Quatrièmement, je veux insister sur la détresse du service de la protection judiciaire de la jeunesse, qui, après avoir perdu 420 postes en trois ans, en perdra 106 en 2012.
Comme d’autres, j’estime que le discours officiel adressé à l’opinion, fort répressif, ne répond pas à la diversité des situations. La succession des réformes législatives et la mise en œuvre de dispositifs principalement répressifs ont des limites.
Nos collègues Jean-Claude Peyronnet et François Pillet, dans un excellent rapport sur les centres éducatifs fermés intitulé Enfermer et éduquer: quel bilan pour les centres éducatifs fermés et les établissements pénitentiaires pour mineurs?, …
… rappelaient une philosophie qui devrait tous nous inspirer. Ils écrivaient : « Tous deux attachés à l’ordonnance de 1945, nous croyons que la prévention doit prévaloir sur la répression, qu’il faut autant que possible privilégier des mesures alternatives à l’enfermement, que des mesures éducatives sont indispensables avant, pendant et après l’enfermement, mais, pas d’angélisme, nous sommes également convaincus que l’incarcération est parfois nécessaire. »
Mes chers collègues, c’est, me semble-t-il, parce que nous exercerons aussi pleinement qu’excellemment notre mission parlementaire que les différents professionnels pourront décider et agir. Il peut y avoir des dysfonctionnements. Ils ne se décrètent pas ; ils se prouvent et se corrigent !
On peut toujours mieux faire, y compris sur le plan budgétaire, mais gardons-nous de toute prédiction et évitons, selon l’expression de Daniel Zagury, expert psychiatre auprès de la cour d’appel de Paris, de prendre la posture du « chevalier de l’après-coup ».
Pour les quatre raisons que j’ai précédemment évoquées, la commission des finances a décidé, lors de sa séance du 17 novembre 2011, de proposer le rejet des crédits de la mission « Justice ».
Je terminerai en vous faisant part d’une impression générale que j’ai ressentie à la suite de toutes nos auditions, monsieur le garde des sceaux. Le dialogue social dans votre ministère doit pouvoir progresser, sous peine d’un approfondissement de l’incompréhension entre les différentes parties prenantes de l’institution qui nous est chère.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UCR.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, avec une dotation de près de 3 milliards d’euros de crédits de paiement, en hausse de 7 % par rapport à 2011, le projet de budget pour l’administration pénitentiaire s’inscrit dans l’évolution favorable depuis de nombreuses années du budget de la justice, qui, je le rappelle, est passé depuis 2002 de 1, 6 % à 2, 6 % du PIB, nous rapprochant ainsi de la moyenne de l’OCDE.
Ce projet de budget pour l’administration pénitentiaire paraissait donc devoir échapper à la critique. Pourtant, les perspectives qu’il dessine pour 2012 et les années à venir suscitent la perplexité.
La principale interrogation porte sur le respect des grandes orientations de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, qui représente pour beaucoup d’entre nous la traduction, après une décennie d’attente, des préconisations des commissions d’enquête de 2000 de l’Assemblée nationale et du Sénat. C’est pour nous l’espoir qu’il sera à jamais mis fin à cette humiliation pour la République que notre univers carcéral a trop longtemps constitué !
Or, dans l’équilibre entre emprisonnement ferme et aménagement de peine, la loi pénitentiaire a fait le choix non pas d’un accroissement continu des capacités de détention, mais de la rupture du cercle vicieux entre l’augmentation du nombre de détenus et l’augmentation des capacités d’accueil en prison. C’est ainsi qu’elle a fait de la peine d’emprisonnement sans sursis, en matière correctionnelle et en dehors des condamnations en récidive légale, le dernier recours. Elle a prévu qu’une telle peine, lorsqu’elle était prononcée, devait, si la personnalité et la situation du condamné le permettaient, faire l’objet d’une mesure d’aménagement. Le quantum de peines susceptibles de faire l’objet d’un aménagement a ainsi été porté de un an à deux ans.
Dans le respect de cette volonté du législateur, les mesures de libération conditionnelle ont progressé de 3, 8 % en 2010, une récente étude de l’administration pénitentiaire confirmant en outre les effets positifs sur le risque de récidive des aménagements de peine, et plus particulièrement de la libération conditionnelle. Ainsi, les risques de recondamnation des personnes libérées n’ayant bénéficié d’aucun aménagement de peine restent 1, 6 fois plus élevés que ceux des bénéficiaires d’une libération conditionnelle, et les risques d’une recondamnation à une peine privative de liberté 2 fois plus élevés.
Quant au placement sous surveillance électronique, il est devenu la principale mesure d’aménagement de peine. Le seuil des 5 000 placements simultanés a été atteint au mois de mars 2010, pour s’élever à 7 051 au 1er septembre 2011. En outre, en application de la loi pénitentiaire, la surveillance électronique de fin de peine est entrée en vigueur le 1er janvier de cette année. Vous nous avez indiqué, monsieur le garde des sceaux, que l’objectif pour 2012 était de l’ordre de 12 000 bracelets électroniques.
Mais l’outil que constitue ce bracelet risque de mener à de cruelles désillusions si l’accompagnement humain, notamment par le nombre des conseillers d’insertion et de probation, devait faire défaut. Je sais bien que le nombre de ces derniers a fortement augmenté de 2002 à 2011, passant de 1 300 à 2 671. Mais nous sommes bien loin pourtant des 1 000 emplois supplémentaires que l’étude d’impact considérait comme indispensables pour permettre la bonne application de la loi pénitentiaire. Et ce ne sont pas les quarante et une créations d’emploi prévues au budget 2012 pour l’ensemble des métiers du greffe, de l’insertion et de l’éducatif qui y changeront quelque chose.
Parallèlement, nous constatons une augmentation de 4, 6 % en un an du nombre de personnes écrouées détenues, qui est passé de 60 789 au 1er octobre 2010 à 63 602 au 1er octobre 2011. Cette évolution semble résulter pour une large part de la volonté de porter à exécution les peines d’emprisonnement ferme.
Or il nous paraît important de rappeler qu’une peine aménagée est une peine exécutée. Cela permet de nuancer la donnée selon laquelle 85 600 peines d’emprisonnement étaient en attente d’exécution au 30 juin 2011. En effet, près de 95 % d’entre elles sont constituées de peines aménageables, en réalité en cours d’exécution, puisque transmises aux services de l’application des peines et aux services pénitentiaires d’insertion et de probation.
Votre rapporteur pour avis s’inquiète de voir l’effort important consenti pour les prisons dans ce projet de loi de finances pour 2012 être accaparé pour l’essentiel par l’ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires, et l’augmentation du nombre d’équivalents temps plein travaillé se concentrer sur les personnels de surveillance.
En outre, la mise en œuvre, à l’achèvement du programme Perben de 13 200 places, d’un nouveau programme immobilier visant la réalisation de 14 282 places nouvelles et l’indispensable fermeture de 7 570 places vétustes, puis l’annonce, confirmée hier, dans le cadre de la présentation du projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines, d’un objectif de 80 000 places disponibles dès 2017 laissent craindre, dans un contexte marqué par une dépense publique fortement contrainte, qu’il ne restera guère de marges financières pour donner les moyens de la réussite aux mesures de substitution à l’incarcération et aux aménagements de peine.
Je conclurai en formulant deux souhaits.
D’une part, alors que l’on constate pour la première fois depuis 2003 une augmentation du nombre de prévenus, je souhaiterais la réactivation de la commission de suivi de la détention provisoire, suspendue de facto depuis la nomination en 2008 de son président, M. Jean-Marie Delarue, comme Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
D’autre part, il faut éviter un système à deux vitesses entre le parc pénitentiaire en gestion publique, qui souffre seul des gels de crédits en cours d’année, et les établissements en gestion déléguée ou construits en partenariat public-privé. Gardons-nous, par exemple, d’oublier que le défaut d’entretien a imposé la rénovation complète de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, dont le coût équivaut largement à la construction d’un établissement neuf.
Mes chers collègues, la commission des lois s’est déclarée défavorable à l’adoption des crédits du programme « Administration pénitentiaire » au sein de la mission « Justice » du projet de loi de finances pour 2012.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UCR.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les crédits examinés dans le présent rapport pour avis sont ceux qui sont dévolus, au sein de la mission « Justice », d’une part, au fonctionnement et à l’organisation des juridictions et, d’autre part, à l’aide juridictionnelle.
L’élévation, cette année, des crédits du Conseil supérieur de la magistrature au rang de programme autonome répond à une demande récurrente de la commission des lois. Je veux saluer à cette occasion le travail réalisé par le précédent rapporteur pour avis, notre collègue Yves Détraigne.
La nécessité d’un rattrapage des moyens de la justice, dans un contexte de forte contrainte budgétaire, est une fois de plus présentée comme une priorité du ministère.
Mais, derrière l’objectif affiché, l’examen détaillé des crédits sur lesquels porte le présent rapport pour avis oblige à nuancer fortement l’effort engagé par le Gouvernement.
Les crédits pour 2012 enregistrent une augmentation très faible, qui, rapportée à l’évolution du budget général de l’État, à laquelle elle reste inférieure, manifeste une stabilisation de la dépense consacrée au fonctionnement de l’institution judiciaire dans les dépenses de l’État.
Or, depuis cinq ans, les réformes se sont accumulées sur les juridictions, affectant fortement leur fonctionnement et leur organisation.
Les personnels et les magistrats ont été particulièrement sollicités pour conduire ces changements et, trop souvent, pour compenser par leur dévouement et leur engagement l’insuffisance des moyens qu’on leur offrait.
Cette seule année 2011 aura vu l’achèvement de la carte judiciaire, la refonte du contentieux de l’exécution, la réforme de la garde à vue, celle de l’hospitalisation d’office, la création des citoyens assesseurs et, avec le vote du projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles, la suppression de la juridiction de proximité ainsi que l’application d’une bonne partie des recommandations de la commission Guinchard.
On était en droit d’attendre que l’avalanche de réformes s’accompagne de moyens suffisants pour garantir le bon fonctionnement des juridictions. Souvent, des engagements en ce sens ont été pris par le ministre à l’occasion de l’examen de ces projets de loi. Force est de constater que le budget proposé est loin de lever toutes les hypothèques.
La création de 84 emplois supplémentaires de magistrats compense à peine la suppression, cette année, de 76 postes. Cette création est censée répondre aux besoins nés des réformes adoptées cette année, mais l’effectif proposé est bien inférieur à ce qui serait nécessaire : pour ne prendre que l’hospitalisation d’office, l’expérimentation des citoyens assesseurs et le transfert aux juges d’instance du contentieux civil actuellement suivi par les juges de proximité, le besoin serait au total de 214 postes.
La question des moyens concerne aussi les frais de justice, qui, depuis 2008, connaissent une inflation très importante, et ce pour plusieurs motifs : revalorisation tarifaire des experts, renchérissement du coût de certaines prestations, augmentation du nombre de prescriptions en matière médicale ou d’analyse génétique en raison des réformes qui intensifient l’activité pénale.
Si la Chancellerie a engagé de réels efforts de maîtrise des frais de justice, le ministère continue de mener en la matière une politique de sous-budgétisation dont les conséquences sont graves. Les retards de paiement détournent les prestataires et les experts des tribunaux, ce qui, à terme, posera problème aux juridictions qui ne trouveront plus personne pour répondre à leurs prescriptions.
S’agissant de la dépense d’aide juridictionnelle, elle augmentera de plus de 100 millions d’euros en raison de la réforme de la garde à vue. La question de son financement sera abordée lors de la discussion de l’amendement de la commission des lois tendant à supprimer la contribution pour l’aide juridique.
Je souhaite toutefois souligner dès maintenant l’opposition de la commission des lois au « ticket modérateur » de 35 euros pour l’accès à la justice.
Le financement de l’aide juridictionnelle doit reposer sur la solidarité nationale et non peser sur les seuls justiciables. D’autres solutions de financement sont envisageables, telle une meilleure contribution des assurances de protection juridique au financement de l’aide juridictionnelle, notamment.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je conclurai en attirant votre attention sur la situation très difficile des tribunaux d’instance et le véritable désarroi de leurs personnels.
L’activité de ces tribunaux n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années – plus 21 % depuis 2001 – sous l’effet conjugué de plusieurs réformes. Demain, encore, ils se verront réattribuer le contentieux civil inférieur à 4 000 euros dont s’occupaient les juridictions de proximité.
Les moyens n’ont pas suivi : au cours des six dernières années, seuls 28 nouveaux postes de juge d’instance ont été créés. Ces juges se vivent donc comme les parents pauvres de la justice. Or les tribunaux d’instance sont essentiels : ce sont par excellence les tribunaux les plus proches des gens, ceux des litiges du quotidien.
Monsieur le ministre, on ne peut certes vous imputer tous les retards accumulés en termes de moyens consacrés à la justice, …
… mais le Parlement est en droit d’exiger que le gouvernement auquel vous appartenez assume budgétairement l’impact de ses réformes.
Compte tenu de l’écart constaté entre les besoins des juridictions et les moyens qui leur sont alloués, la commission des lois s’est déclarée défavorable à l’adoption de ces crédits. §
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, chers collègues, le projet de budget confirme les observations et les inquiétudes de la commission des lois s’agissant des crédits consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ.
Sans doute, pour la première fois depuis 2008, les crédits alloués à la PJJ augmenteront de 4, 6 % en autorisations d’engagement et de 2 % en crédits de paiement. La PJJ disposera ainsi de près de 793 millions d’euros en autorisations d’engagement et de près de 773 millions d’euros en crédits de paiement.
Toutefois, ces crédits supplémentaires seront consacrés à l’ouverture de vingt nouveaux centres éducatifs fermés, ou CEF, au détriment des autres structures.
Parallèlement, le plafond d’emplois alloué à la PJJ diminuera – M. le rapporteur spécial l’a rappelé – de 106 équivalents temps plein travaillé.
Ce budget déséquilibré inquiète la commission des lois. Je souhaite vous faire part de ses craintes, mes chers collègues.
Depuis 2002, une priorité a été accordée à la prise en charge des mineurs multiréitérants ou multirécidivistes par les centres éducatifs fermés et les établissements pénitentiaires pour mineurs.
Entendons-nous bien : la commission des lois n’est pas hostile à ces prises en charge destinées aux mineurs délinquants les plus difficiles. Un récent rapport d’information de nos collègues François Pillet et Jean-Claude Peyronnet a montré l’intérêt des centres éducatifs fermés, qui permettent de diminuer le nombre de mineurs écroués.
Avant même le drame de ces derniers jours, nos collègues ont estimé que les CEF devaient être ouverts aux primodélinquants lorsque ceux-ci ont commis un crime, car ils peuvent alors y bénéficier d’une prise en charge éducative plus adaptée qu’en détention.
Toutefois, la multiplication des CEF ne peut être la seule solution pour lutter contre la récidive.
Tout d’abord, ces prises en charge coûtent très cher : en 2012, environ 11 % du budget de la PJJ sera consacré aux CEF.
Or, face aux diminutions de crédits décidées depuis trois ans et à l’augmentation du nombre de mineurs confiés à la PJJ, cette priorité se fait au détriment des services de milieu ouvert et des structures d’hébergement traditionnelles.
D’ores et déjà, le nombre de mineurs par éducateur dépasse la cible fixée : vingt-cinq jeunes par éducateur maximum. En outre, dans certaines régions, les délais d’exécution des décisions de justice sont très longs et favorisent la récidive.
Une vingtaine de foyers ont par ailleurs fermé depuis 2008. Le secteur associatif est soumis à de fortes pressions, et plusieurs associations se trouvent actuellement dans de graves difficultés financières, qui viennent d’être évoquées.
Je profite de cette intervention pour rendre hommage aux éducateurs, ainsi qu’aux personnels de la PJJ et des associations qui exercent dans des conditions souvent difficiles des métiers particulièrement ingrats.
À cet égard, le projet du Gouvernement de créer vingt nouveaux CEF à partir de la transformation d’unités d’hébergement existantes ne peut qu’aggraver cette tendance. En effet, une telle orientation risque d’appauvrir la palette des réponses ouvertes aux juges des enfants, au détriment de l’ensemble des mineurs concernés.
D’une part, les foyers traditionnels offrent un mode de prise en charge adapté à certains mineurs délinquants moins difficiles que ceux qui sont placés en CEF. D’autre part, un placement en CEF – ou une détention – ne peut être qu’une étape dans le parcours du jeune, qui doit pouvoir bénéficier d’un suivi éducatif à sa sortie, dans un foyer ou dans un service de milieu ouvert. Or nous savons qu’il faut absolument éviter les sorties sèches de détention ou de centre éducatif fermé pour ne pas favoriser la réitération.
En outre, les événements récents montrent l’importance qu’il y a pour le juge de disposer d’évaluations complètes et pluridisciplinaires sur la personnalité du jeune pour déterminer la meilleure solution de prise en charge.
Or les services chargés des mesures d’investigation sont, eux aussi, affectés par les diminutions de crédits que je viens de mentionner, notamment dans le secteur associatif.
Voilà autant de motifs qui ont conduit la commission des lois à demander au Gouvernement de différer la mise en œuvre du programme de création de vingt nouveaux CEF tant que les conditions budgétaires imposées à la PJJ ne lui permettront pas de garantir que l’ensemble des décisions des juges des enfants sont exécutées dans des conditions satisfaisantes.
Je ferai deux autres observations sur la justice civile des mineurs.
Depuis l’année dernière, la PJJ a totalement abandonné la prise en charge des mineurs en danger. Cette compétence relève désormais exclusivement des départements.
Toutefois, l’État ne peut pas pour autant se désintéresser des conditions dans lesquelles les décisions des juges des enfants sont exécutées.
Or, en dépit des préconisations de la Cour des comptes, l’État ne dispose toujours pas d’outil de suivi lui permettant de connaître le taux et les délais d’exécution des mesures de protection décidées par les juges des enfants. Cette situation est regrettable.
Il n’est pas acceptable que le ministère de la justice, qui est en principe le garant du bon fonctionnement de la justice, ne soit pas en mesure de savoir si les décisions prononcées par les juges des enfants sont exécutées dans des délais raisonnables et des conditions satisfaisantes.
En conséquence, la commission des lois appelle le Gouvernement à mettre en œuvre dans les plus brefs délais un outil de suivi.
En ma qualité de rapporteur pour avis de la commission des lois pour la PJJ, j’ai pu mesurer les progrès réalisés dans un domaine très sensible qui doit nous conduire à transcender toute considération subalterne pour ne privilégier que l’attention que l’on doit porter aux mineurs délinquants et à l’enfance en danger.
S’il est un secteur où l’on doit faire preuve de recul et de sérénité, ainsi que semblent aujourd’hui s’en souvenir les plus hautes autorités de l’État – il faut s’en réjouir, et chacun est libre d’en deviner les raisons –, c’est bien celui-ci.
Ce recul m’a conduit, monsieur le garde des sceaux, à donner personnellement un avis favorable au projet de budget que nous examinons. Pour autant, je n’ai pas pu persuader la commission des lois de me suivre sur cette voie, …
M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis. … et je n’en avais d’ailleurs pas l’ambition. Elle a donc émis un avis défavorable sur les crédits consacrés à la PJJ dans le projet de loi de finances pour 2012.
Applaudissementssur les travées du RDSE, de l’UCR, de l’UMP et du groupe socialiste-EELV.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle aussi qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, chers collègues, certes les crédits inscrits à la mission « Justice » connaissent une augmentation de 3, 5 %, soit 1, 5 % hors inflation. Malgré cette hausse, ils n’en demeurent pas moins dramatiquement insuffisants par rapport aux besoins. De plus, les orientations de ce budget sont contestables.
En effet, cette petite croissance est principalement due à la nécessité d’octroyer des moyens pour faire suite aux réformes et aux projets de nouvelles prisons, à la suite de l’inflation législative sur l’enfermement intervenue au détriment de la prévention et de la promotion de solutions de remplacement à la prison.
J’émets le vœu que, un jour prochain, un prochain gouvernement, quel qu’il soit, s’interdise d’instrumentaliser un drame…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … pour afficher une posture et pour présenter une énième loi d’affichage, tout particulièrement lorsque ce drame nous touche au plus profond de nous-mêmes et suscite une vive émotion parce qu’il concerne un mineur.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et sur certaines travées du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.
Je dirai un mot du programme « Justice judiciaire ».
Nombre de réformes ont des incidences sur le fonctionnement des juridictions et l’ampleur de leur activité. De 2002 à 2010, le nombre des affaires pénales a augmenté de 46 %, et celles du ressort des tribunaux d’instance de 21 %. Or les crédits dévolus à ce programme progressent de 0, 62 % : le compte n’y est pas !
Les créations nettes d’emplois se montent à 282 postes, dont 84 postes de magistrat : vous en avez supprimé 76 en 2011.
La création de 370 postes de greffiers ajoutés aux 30 fonctionnaires de catégorie B est pour une large part annihilée par la suppression de 226 postes de fonctionnaires de catégorie C.
Ainsi, si l’évolution du ratio entre les greffiers et les magistrats s’améliore – certes de très peu –, l’évolution du ratio entre les fonctionnaires et les magistrats se détériore.
En outre, l’instauration des jurys populaires et la loi sur la psychiatrie exigent 145 magistrats et 110 greffiers. Cela ramène l’augmentation dont vous vous targuez à sa juste mesure.
Les frais de justice croissent, surtout en matière pénale, en lien notamment avec vos réformes qui obligent à solliciter davantage d’interventions d’experts et à recourir à des techniques d’investigation coûteuses en plus grand nombre. En matière génétique, le fichier national automatisé des empreintes génétiques, ou FNAEG, recense désormais plus de 1, 7 million de personnes ! Une fois encore, les crédits budgétisés sont sous-évalués. Je partage donc l’opinion selon laquelle ce budget manque de sincérité.
Les audiences par visioconférence ont augmenté de 43 %, surtout après l’adoption de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI 2 ; c’est le résultat, entre autres, de la suppression de tribunaux avec la réforme de la carte judiciaire. Or ces audiences contredisent les droits des justiciables, et nous y sommes donc opposés.
Les crédits du programme « Accès au droit et à la justice » progressent de 7, 7 %, pour l’essentiel en raison de la réforme de la garde à vue. Est-ce suffisant ? Manifestement, non ! Pour pallier cette situation, le Gouvernement a décidé de faire supporter aux justiciables une taxe de 35 euros. Elle s’ajoute aux droits de plaidoirie, aux 150 euros pour se pourvoir en appel ; le coût d’accès à la justice ne fait que croître. L’accès gratuit à la justice est bien derrière nous.
Lors de votre audition devant la commission des lois, monsieur le garde des sceaux, vous avez souligné que la France était première pour ce qui était de la gratuité d’accès à la justice.
C’est de moins en moins vrai, et cela risque de ne plus l’être du tout si l’on ne change pas de politique.
La loi pénitentiaire a aujourd’hui même deux ans et le présent projet de budget n’assurera toujours pas sa mise en œuvre. Si les crédits du programme « Administration pénitentiaire » augmentent de 7, 4 %, la construction de nouvelles prisons concentrera les nouveaux moyens, y compris en personnels de surveillance, au détriment d’autres établissements et au détriment des services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP.
Or, il manque aux SPIP un millier d’emplois pour assurer un réel suivi socio-judiciaire. En mai dernier, un rapport du groupe de travail de votre ministère préconisait d’ailleurs, de toute évidence en vain, d’accroître les recrutements de conseillers d’insertion et de probation.
La surveillance électronique, quant à elle, monte en charge et absorbe désormais 685 agents contre 110 à la fin de 2008.
Au 1er novembre, on comptait 64 700 détenus pour 56 800 places. Mais cette surpopulation carcérale croissante ne saurait justifier votre projet d’un parc pénitentiaire de 80 000 places à l’horizon 2017, si ce n’est à toujours considérer l’enfermement comme la seule sanction possible. Avec votre politique d’enfermement, plus il y aura de places de prison, plus il y aura de détenus.
Loi après loi, les peines de prison augmentent en nombre et en durée ; celle-ci est passée en moyenne de 4, 3 mois en 1975 à 9, 8 mois en 2010.
Vous construisez des prisons très coûteuses pour les finances publiques, surtout en raison des loyers et de la durée des partenariats public-privé, ce qui peut sembler contredire la révision générale des politiques publiques, la RGPP. En octobre dernier, la Cour des comptes écrivait, dans une communication : « outre que le “tout public” est potentiellement aussi efficace, rien n’établit que le privé soit “moins cher” ».
Il est clair qu’une évaluation précise du coût des programmes menés en partenariat public-privé est nécessaire, en tout cas pour les parlementaires. Nous vous la demanderons donc.
Il faut aussi revenir sur le choix de construire, sur des sites excentrés, des prisons de très grande capacité totalement déshumanisées.
Les établissements doivent être dotés des moyens nécessaires en détection électronique pour que les fouilles à corps cessent. Nous nous y sommes engagés au travers de la loi pénitentiaire.
Le transfert des extractions judiciaires se fait sans les moyens : seulement 800 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, sur trois ans. Déjà, des extractions sont annulées dans les régions d’expérimentation. Quid aussi des moyens matériels ?
Cela vous servira-t-il de prétexte à un recours accru à la vidéoconférence, dont s’inquiète le Contrôleur général des prisons et qui touche les personnes les plus vulnérables ? Comme lui, je pense que « les droits de la défense doivent l’emporter sur les considérations budgétaires ».
Les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » stagnent à 2 %, après 6, 3 % de baisse en trois ans et la suppression de 540 emplois. L’essentiel des moyens supplémentaires et les économies tirées de la fermeture de foyers classiques iront à vingt nouveaux centres éducatifs fermés.
Vous dites pourtant vouloir offrir aux magistrats une palette de réponses. De quelle palette dispose-t-on quand la seule réponse se résume aux centres éducatifs fermés ? Bien sûr, personne ne nie que de tels centres puissent être nécessaires pour des cas bien définis.
Le recentrage des missions de la PJJ sur les mineurs délinquants – c’est une conception que j’ai critiquée – s’accompagne de la suppression de 106 ETPT – en réalité 216 selon les organisations syndicales.
La mise en œuvre des décisions de justice doit s’accélérer, dites-vous. Certes, trop nombreux sont ceux qui attendent durant des mois une prise en charge. Mais cela suppose des moyens. Vous les refusez à la PJJ et au secteur associatif. En bref, vous supprimez ce qui marche.
La question lancinante des moyens de la justice, contraints par la RGPP et la LOLF, dessine les contours d’une justice de plus en plus gestionnaire, de plus en plus détachée de sa dimension sociale.
Mais le parti de l’UMP n’a-t-il pas annoncé vouloir faire du budget de la justice une grande priorité, en offrant « le marché » de l’accès à la justice aux assureurs privés et en vendant des actions d’entreprise publique pour trouver de l’argent ? Voilà des solutions que, bien entendu, nous n’approuvons pas.
En conclusion, je voudrais évoquer à ma façon, après Mme Dini qui a tout à l’heure fait un rappel au règlement sur ce point, la loi concernant les violences faites aux femmes. Cette loi que nous avons votée même si, pour notre part, nous la considérions comme insuffisante notamment en ce qui concerne les enfants, prévoit un dispositif utile pour prévenir la récidive. Cependant, ce dernier, faute de moyens, n’est pas mis en œuvre dans la plupart des cas, ce qui ne semble émouvoir personne. Pourtant, tous les jours, une femme tombe sous les coups de son conjoint ou de son compagnon. Si cette violence alimente régulièrement les chroniques, elle ne semble pas suffire à inciter le Gouvernement à prendre des mesures rapides. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce budget. §
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord, comme l’ont fait d’autres collègues, saluer l’effort de rattrapage budgétaire qui, engagé maintenant depuis plusieurs années par les gouvernements successifs, s’est accéléré durant cette mandature. Même s’il faut faire mieux et plus, ne nous posons pas en donneurs de leçons. Nous venons de loin, nous progressons et il faut continuer à progresser.
Cet effort vous permet effectivement, monsieur le garde des sceaux, de mettre en œuvre certaines de vos priorités. J’ai notamment relevé que les crédits immobiliers permettraient non seulement de moderniser les établissements pénitentiaires, voire d’en créer de nouveaux – j’y reviendrai à la fin de mon propos – mais également, au niveau qualitatif, de poursuivre la mise en œuvre de la loi pénitentiaire, même si, comme l’a souligné M. Lecerf, des insuffisances persistent.
Les réformes que vous avez engagées bénéficieront également de ces moyens. Concernant l’exécution effective et rapide des peines prononcées, nous avons tous présent à l’esprit le rapport de l’Inspection générale des services judiciaires de 2009 : une longue pente reste à gravir mais les moyens consentis sont plus importants.
Je soulignerai également un point, peut-être presque de détail mais qui participe de l’indépendance de la justice, à laquelle nous sommes tous attachés. Même si le Conseil supérieur de la magistrature reste lui aussi perfectible, on peut se féliciter qu’il bénéficie d’une meilleure autonomie financière : il y a l’amour, mais il y a aussi les preuves d’amour !
Un autre sujet me tient très à cœur, car je l’ai pratiqué sur le terrain et y ai consacré plusieurs rapports, après d’autres parlementaires : la prévention de la délinquance.
En ce domaine aussi, un effort a été fait sur le plan budgétaire. Comme cela a déjà été dit, il ne faut pas instrumentaliser les drames de l’actualité ; il ne s’agit pas non plus de les banaliser ou de faire preuve d’angélisme ; d’ailleurs, personne ici n’est dans cet état d’esprit.
Je ferai néanmoins deux suggestions très modestes.
Tout d’abord, je pense que le « secret partagé » entre institutions peut progresser. En tant que maire, je l’ai expérimenté au titre des politiques de prévention depuis une dizaine d’années de manière innovante. Au moment où je l’ai mise en œuvre, cette démarche n’était pas vraiment dans les cultures, et j’ai dû faire face à de nombreux blocages, venant d’ailleurs de gens formidables, tels que des éducateurs, des magistrats… Ces obstacles ont été surmontés et, maintenant que cette démarche fonctionne, je peux vous assurer que la parole n’a jamais été remise en cause, que le secret a été partagé mais gardé.
À tous niveaux, c’est une démarche qu’il faut encourager. Même si le risque zéro n’existe pas, même si des drames, que nous déplorons tous, se produisent encore trop souvent, des progrès ont été accomplis et d’autres sont encore possibles. C’est là plus une question culturelle qu’une question de moyens.
Par ailleurs, un sujet ayant fait polémique, peut-être parce que des maladresses ont été commises de part et d’autre, me tient très à cœur car je l’ai abordé dans un rapport récent : il s’agit de la détection précoce des troubles du comportement.
Cette idée québécoise, dont j’ai d’ailleurs pris connaissance il y a une dizaine d’années lors d’un colloque organisé par Julien Dray à Évry et sur laquelle j’ai continué à travailler, me paraît intéressante.
Il ne s’agit nullement de parler de prédétermination de futurs délinquants, comme j’ai encore pu le vérifier au Québec voilà quelques mois, à l’instar d’autres parlementaires de tous bords qui se sont également rendus dans ce pays. Je crois qu’il y a, en France, en matière de prévention de la délinquance dès le plus jeune âge, des marges de progrès possibles.
Je terminerai mon propos sur la question de la prévention de la récidive.
Vous avez annoncé, monsieur le garde des sceaux, la création de vingt-cinq centres éducatifs fermés pour les mineurs, qui s’accompagnera du développement du suivi pédopsychiatrique. Il s’agissait là non pas d’affichage ou d’instrumentalisation, mais de la poursuite et de l’amplification d’une politique sur laquelle tout le monde peut se retrouver, ce que, d’ailleurs, personne ne conteste.
Mais au-delà de la nécessité de construire de nouvelles prisons en France pour réduire la surpopulation carcérale, pourquoi, alors que le besoin s’en fait véritablement sentir, notamment par rapport à d’autres pays, ne mettez-vous pas enfin en œuvre la prison ouverte ? Il n’y en a qu’une en France, alors qu’il y en a partout en Europe : 8 à 30 % des personnes incarcérées en Europe – je ne parle pas des alternatives à l’incarcération – bénéficient en effet de ce dispositif.
Ce dernier est bien pour les personnes incarcérées – elles travaillent pour rembourser les frais engagés et pour dédommager les victimes et leur famille, elles préparent leur sortie, puisqu’elles participent à de véritables travaux agricoles d’intérêt général – et bien également pour la collectivité. Les élus locaux y sont favorables. Je sais que vous êtes également favorable à cette idée, que vous avez d'ailleurs évoquée. Mais il faudrait qu’il y ait en France une deuxième puis une troisième prison ouverte, et qu’ainsi le mouvement s’engage.
Je pense que, là aussi, des marges de progression existent et, tant qu’à construire des prisons, pourquoi ne pas privilégier celles dont les coûts d’investissement et de fonctionnement sont moindres ? Cette perspective vous permettrait d’afficher votre volontarisme politique, monsieur le garde des sceaux.
Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, sans démagogie aucune, j’indiquerai que le retard en crédits et en moyens du ministère de la justice vient de loin. Monsieur le ministre, vous l’avez suffisamment dit, et c’est la vérité.
C’est une raison de plus pour abonder dans le sens de Mme Borvo Cohen-Seat, qui, à l’instant, appelait de ses vœux un prochain gouvernement. Celui-ci aura des choix difficiles à faire. Je souhaite qu’il donne la priorité à la justice, car ce choix me paraît juste et profondément nécessaire.
Pour ce qui est de votre budget, monsieur le ministre, mes collègues Edmond Hervé, Catherine Tasca et Nicolas Alfonsi ont cité des chiffres et ils les ont abondamment commentés. Je me permettrai toutefois de revenir sur certains d’entre eux.
Il y a du trompe-l’œil dans ce budget ; j’ai dit que je ne ferai pas de démagogie ! Sont créés 84 postes de magistrats. Or votre étude d’impact évalue à 65 postes supplémentaires les besoins pour les citoyens-assesseurs et à 80 les postes nécessaires à la mise en œuvre de l’hospitalisation sans consentement. Il manque donc 61 postes, monsieur le ministre ! C’est très simple et chacun peut le comprendre.
En outre, compte tenu des délais de recrutement et de formation, les 84 nouveaux magistrats dont nous parlons n’entreront pas en fonction dans les juridictions avant septembre 2012.
J’en viens à présent aux juges de proximité. Robert Badinter et moi-même avions marqué nos réserves sur cette innovation. Nous avons eu raison, et vous en avez d’ailleurs tiré les conséquences.
Malheureusement – je le dis à l’adresse de M. Hyest –, les juges de proximité, qui apportaient un service très précieux dans les tribunaux d’instance, doivent cesser leurs fonctions sans être remplacés, ce qui entraînera de grandes difficultés. Monsieur le garde des sceaux, je vous invite à aller dans un tribunal d’instance pour voir dans quelles conditions sont traitées, parfois, 70 à 90 affaires en une demi-journée !
Pour ce qui est des greffiers et des personnels administratifs, le projet de budget prévoit 198 postes supplémentaires. Je vous en donne acte, mais nous savons tous que ces 198 postes ne compensent pas les 314 emplois équivalents temps plein supprimés en 2010. Vous me répondrez certainement que vous avez déjà créé 203 postes en 2011. Toutefois, un calcul mathématique élémentaire montre que, au final, le nombre de postes créés n’est que de 87, ce qui est bien évidemment très insuffisant.
Je voudrais évoquer maintenant la décision qui a été prise de faire dépendre les escortes non plus du ministère de l’intérieur, mais de celui de la justice. Aujourd'hui, celles-ci concernent 1 200 gendarmes et policiers. Si j’ai bien lu, leur transfert à la Chancellerie devrait conduire à une diminution de 400 emplois entre 2011 et 2013. Comment 800 personnes réussiront-elles à faire ce que 1 200 personnes faisaient auparavant ? J’ai d’ailleurs noté, monsieur le garde des sceaux, que vous aviez déclaré le 16 juin dernier à la presse que cette réforme n’allait « pas marcher ».
Nous sommes au moins d’accord sur un point !
J’espère que vous nous direz comment vous comptez résoudre ce problème.
Par ailleurs, j’entends partout de nombreux discours sur la nécessité d’aider les victimes, mais entre les discours et les actes, je note quelques différences…
Le projet de budget pour 2012 entérine, pour la troisième année consécutive, une baisse des crédits affectés à l’aide aux victimes. Depuis 2009, nous avons ainsi pu constater une baisse du nombre d’associations subventionnées, donc du nombre de salariés et de permanences. Dès lors, de deux choses l’une : soit on tient des discours sur l’aide aux victimes et on s’attache à augmenter les moyens qui lui sont alloués ou, à tout le moins, à maintenir son niveau ; soit on diminue le nombre d’associations aidées et, par conséquent, celui de leurs salariés et de leurs permanences, mais il est préférable, dans ce cas, d’éviter de tels discours.
Je terminerai en abordant deux points.
Premièrement, notre rapporteur pour avis Jean-René Lecerf a excellemment évoqué la question des prisons, maisons d’arrêt, centres pénitentiaires et établissements pour peines. J’ai été particulièrement intéressé par ses propos sur la question des nouveaux modes de financement des prisons.
En effet, monsieur le garde des sceaux, le recours constant aux partenariats public-privé, ou PPP, a des effets délétères.
Tout d’abord, les établissements construits sont de grande taille. Dans son rapport annuel pour 2010, Jean-Marie Delarue a indiqué que « les établissements de plus de 200 détenus génèrent des tensions et, donc, des échecs multiples, incomparablement plus fréquents que ceux qui sont plus petits. » Quelle conclusion tirez-vous de ce constat, monsieur le garde des sceaux ?
Ensuite, j’attire votre attention sur un point : nombre de personnels de l’administration pénitentiaire, y compris des cadres, regrettent certains choix d’architecture et d’aménagement. L’architecture d’une prison et les détails de sa conception relèvent, selon moi, des prérogatives régaliennes de votre ministère. Construire une prison n’est pas un acte anodin, et je regrette que l’on s’éloigne peu à peu de la maîtrise d’œuvre publique. Alors que cette mission relève toujours, je le répète, de la compétence de votre ministère, vous vous en dessaisissez de plus en plus.
Vous le savez, mes chers collègues, j’ai toujours affirmé que les PPP étaient utiles dans certaines circonstances. Néanmoins, leur généralisation pourrait finir par poser des problèmes. Lorsqu’il a présenté pour la dernière fois le rapport de la Cour des comptes au Sénat, peu avant sa disparition, Philippe Séguin nous avait appelé à veiller à ce que les PPP ne deviennent pas le crédit revolving de l’État et des collectivités locales.
Monsieur le garde des sceaux, à l’heure où l’on parle beaucoup du développement durable, nous devons faire très attention à ce qu’un recours excessif à ces partenariats ne laisse pas trop de dettes durables à nos descendants. Ce que nous ne payons pas aujourd'hui, nous le payerons demain ou après-demain, et au prix fort !
Deuxièmement, je voulais revenir sur la question des faits divers, déjà abordée par plusieurs de mes collègues.
Le fait divers – je n’aime pas cette expression, que j’ai tort d’employer – qui s’est produit voilà quelques jours est tout simplement horrible. Nous avons tous de la compassion, dans cette épreuve douloureuse, pour la famille, les amis et la communauté de la jeune fille qui a été tuée. Pour autant, je suis persuadé, monsieur le garde des sceaux – je tiens à le répéter –, qu’annoncer une nouvelle loi d’affichage après chaque fait divers dramatique n’est pas de bonne méthode.
La réponse réside non pas dans l’empilement des lois, mais dans les moyens, notamment humains, que l’on consacre à une politique.
Monsieur le garde des sceaux, je ne veux pas faire de démagogie, …
Sourires sur les travées de l ’ UMP.
M. Jean-Pierre Sueur. … mais j’ai été surpris de lire dans la presse que vous prévoiriez l’existence de 96 000 détenus en 2014.
M. le garde des sceaux s’étonne.
Vous prévoyez donc qu’il y aura dans trois ans plus d’un tiers de prisonniers supplémentaires par rapport à aujourd'hui !
Monsieur Sueur, je n’ai fait aucune déclaration à ce journal ! C’est un article de presse, qui vaut ce que valent tous les articles de presse. Je vous apporterai des précisions sur ce point tout à l’heure.
Par conséquent, monsieur le garde des sceaux, vous démentez ces chiffres ?
Si nous créons des places supplémentaires, c’est pour qu’il y ait moins de détenus qui dorment sur des matelas dans les couloirs !
Tout à fait, monsieur le garde des sceaux. Toutefois, le nombre de détenus est déjà très important aujourd'hui. Si vous créez de nouvelles places, cela posera des problèmes pour les établissements, qu’ils soient anciens ou récents. Ce qu’il faut faire, cela a été dit et répété, c’est développer les alternatives à la détention, au lieu de faire du chiffre et d’annoncer pour demain une population pénitentiaire considérable, comme si cela allait rassurer les Français.
Le véritable problème, c’est le suivi du détenu en prison en termes d’instruction, de préparation à la sortie, d'encadrement médical.
Il faut éviter les sorties sèches : les détenus ne doivent pas quitter la prison sans être entourés par un réseau familial ou social et sans avoir de travail.
Je termine, monsieur le président.
Pour nous, une autre politique est nécessaire, car, nous le voyons bien, il faut prévoir suffisamment de personnels pour préparer la réinsertion et éviter la récidive. Nous ne souscrivons pas à votre politique du chiffre, monsieur le garde des sceaux, et nous attendons vos explications sur ce sujet.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer le travail des quatre rapporteurs et la clarté de leurs explications.
Monsieur le garde des sceaux, quand des médicaments sont amers, on les entoure de sucre. Tel me semble être votre rôle au sein du Gouvernement !
Sourires.
On apprécie la valeur d’une action politique nationale ou locale à chaque fin de mandature en répondant à une seule question : la situation laissée est-elle meilleure que celle qui a été trouvée au début ?
Or il n’est point besoin de forcer le trait pour s’apercevoir que notre justice va mal et que son image s’est encore détériorée, souvent d’ailleurs sous les propres coups de l’exécutif.
Multiplier sans cesse les lois pour répondre aux faits divers médiatiques, aux drames du quotidien qui sont toujours trop nombreux mais qui, dans aucune société, ne seront jamais totalement éradiqués, constater qu’un pourcentage trop considérable de décisions de justice est inappliqué…
… sans se donner les moyens d’y remédier, c’est signer une politique judiciaire inefficace, qui privilégie le message médiatique au règlement des problèmes de fond.
Monsieur le garde des sceaux, vous voulez recommencer aujourd'hui avec la récidive ce que vous fîtes avec la rétention de sûreté. Or, si je ne me trompe pas, il me semble qu’il n’y a qu’une ou deux personnes ainsi retenues dans notre pays, …
… ce qui démontre l’efficacité de ce genre de loi, malgré toute la médiatisation qui s’est ensuivie avec les peines planchers.
Légiférer à chaque fait divers dramatique, c’est reconnaître au quotidien vos échecs.
Nous souhaitons une justice lisible et compréhensible par le citoyen, accessible à tous et donc aussi aux plus démunis ; des lois moins nombreuses mais mieux appliquées ; une réponse judiciaire qui soit rapide mais pas expéditive.
Monsieur le garde des sceaux, qu’avez-vous fait pour votre part ?
La réforme de la carte judiciaire a été très coûteuse et son application s’est révélée très néfaste dans les territoires en termes de proximité. La loi de suppression des avoués d’appel a été obtenue au forceps et c’est le justiciable qui en fait les frais. Et n’épiloguons pas sur les promesses d’embauche et les expériences pseudo-innovantes, telles que le juré citoyen en matière correctionnelle, la volonté de déjudiciariser à tout va et le recours à des modes de traitement des litiges extérieurs aux tribunaux sans fléchage des moyens financiers nécessaires.
Au crédit de ce gouvernement et de notre collègue Jean-René Lecerf, il y a la loi pénitentiaire. Mais qu’en faites-vous sur le terrain ?
La population carcérale bat des records avec 64 711 détenus en 2011 et un taux d’occupation de 115 %, ce qui représente une augmentation de 5 % en un an.
On place, encore aujourd’hui, 7 détenus dans 15 mètres carrés : quel constat d’échec ! Un journal nous a informés que vous tabliez sur 96 000 détenus en 2014, ce que vous avez démenti à l’instant. Je vous imagine mal, en effet, donner des instructions en ce sens aux magistrats du siège… Considérons donc que c’était une erreur de la presse.
Certes, on dénombre de plus en plus d’aménagements de peines, qui sont souvent positifs et peuvent favoriser la réinsertion. Nous notons une augmentation de ces mesures de 46 % en deux ans. Mais quelle en est la traduction sur le terrain ? Si plus de peines de prison sont prononcées, la Chancellerie doit les aménager, tout en expliquant qu’il convient de lutter énergiquement pour que les peines soient réellement effectuées, ce qui n’est pas le cas et ce qui a suscité de légitimes réactions de votre part à votre entrée en fonctions.
En réalité, votre méthode consiste à gérer des stocks de détenus, non à réfléchir à la finalité de la peine. Les directeurs de prison sont inquiets de votre politique immobilière pénitentiaire, avec des équipements de plus en plus grands et de plus en plus concentrés.
Quant à l’innovation consistant à transférer vers le ministère les charges d’escorte et de garde des détenus jusqu’aux palais de justice, que nous avions dénoncée lors de l’examen de la LOPPSI 2, c’est un fiasco. L’expérimentation menée dans trois cours d’appel depuis le 1er septembre 2011 met en lumière le manque de personnel.
Certains détenus ont dû être relâchés, faute de respect des délais de procédure.
Tout cela n’est pas conforme au discours qu’a tenu hier M. Hortefeux sur i>Télé…
Dans le domaine pénal, qu’avez-vous fait du projet de réforme du code de procédure pénale ? Est-il simplement resté publié sur le site internet du ministère ? Quant à la réforme de l’ordonnance de 1945, vous avez annoncé qu’elle serait engagée après l’élection présidentielle.
Je le répète : votre budget est une nouvelle réalisation en trompe-l’œil. En la matière, le retard pris par la France s’est creusé depuis 2006. Lors de l’examen du projet de loi de règlement pour 2009, le Gouvernement avait d’ailleurs reconnu loyalement que votre ministère n’avait pas bénéficié, sur la durée, des mêmes efforts que ceux qui avaient été consentis à d’autres administrations, surtout si l’on tenait compte des hausses d’activité constatées.
Vous connaissez, comme nous, le Livre blanc sur l’état de la justice en France qu’a publié l’Union syndicale des magistrats. Il décrit la réalité du terrain. Comment faire fonctionner un tribunal lorsque celui-ci manque de magistrats et de greffiers et qu’il n’a pas de quoi payer les frais de justice ?
En réalité, en 2011, ce sont 160 magistrats qui sont entrés en fonction, pour 230 départs. La RGPP a frappé indistinctement les services publics, sans égard pour les grandes priorités nationales.
La loi du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs nécessite 65 magistrats supplémentaires ; celle du 5 juillet 2011, relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, 80. Or le problème des sous-effectifs entraîne inéluctablement un allongement des procédures, en particulier en appel, tandis que la dégradation du ratio greffiers-magistrats se poursuit.
Non, ce n’est pas faux : s’il y a eu une légère amélioration, elle a été précédée d’une dégradation !
Quant au recours systématique à la visioconférence, vous connaissez l’avis fort sage rendu sur ce sujet, le 14 octobre 2011, par le Contrôleur général des lieux privatif de liberté.
Dans le cadre de ce débat, je désire insister sur la question essentielle de l’accès à la justice.
Il faut le dire haut et fort : les plus démunis ont encore plus de difficultés à y accéder, en particulier en matière pénale, ce qui est dramatique. Vous n’hésitez pas à rétablir des taxes d’un autre temps
M. le garde des sceaux s’exclame.
L’évolution du financement de l’aide juridictionnelle montre que vous ne pouvez répondre à l’évolution de la vie sociale et judiciaire, y compris la réforme de la garde à vue.
Monsieur le garde des sceaux, nous comprenons que le budget de l’État soit de plus en plus contraint. Il faut donc examiner d’autres pistes. À cet égard, nous observons avec plaisir que le rapporteur spécial, notre collègue Edmond Hervé, a retenu une proposition que nous avions formulée à plusieurs reprises : la taxation des contrats d’assurance juridique. En tout cas, le maintien de la situation actuelle est inacceptable et contraire aux principes fondamentaux de notre République.
En conclusion, monsieur le garde des sceaux, l’héritage est lourd, certes. Les majorités successives de toutes sensibilités y ont contribué. Toutefois, une nation moderne ne peut se permettre durablement d’avoir une justice dont elle doute à ce point de l’efficacité. Il est aussi urgent d’effacer le climat de méfiance qui s’est instauré entre l’exécutif et les magistrats et de faire de la justice une véritable priorité.
Monsieur le garde des sceaux, telle n’est pas votre politique. En conséquence, dans sa très grande majorité, le groupe du RDSE ne votera pas votre budget.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, si vous me le permettez, je prendrai, dans une certaine mesure, la défense des crédits de la mission « Justice ».
En effet, je suis parlementaire depuis vingt-six ans. Et lorsque j’ai été élu, le budget de la justice représentait 1, 2 % du PIB. À l’époque, on prétendait qu’on s’occupait de la justice, mais on laissait des prisons pourrir. On affirmait la nécessité d’une politique pénitentiaire, mais on ne faisait strictement rien.
Depuis lors, ce budget est passé à 2, 6 % du PIB. Certes, c’est toujours insuffisant, mais le nombre de magistrats a augmenté au fil des années, notamment, je tiens à le souligner, quand la droite était aux affaires.
Nous nous sommes opposés à ce discours et, s’il n’y avait pas eu le « programme 13 000 » – lancé par Albin Chaladon –, le programme Méhaignerie ou la loi de 2002 d’orientation et de programmation pour la justice, la situation serait bien pire.
J’ai entendu les critiques qui ont été portées sur les établissements. À ce propos, contrairement à ce vous avez affirmé, monsieur Sueur, et qui est une bêtise, le cahier des charges est bien déterminé par la Chancellerie, qui décide ainsi, notamment, de la taille des cellules.
S’agissant du choix du public, du privé ou du public-privé pour la gestion des services, la commission d’enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, que j’avais présidée, avait prouvé dans son rapport que, si un réel problème de financement se pose effectivement à terme, …
… la qualité d’entretien est bien meilleure dans les établissements à gestion privée.
M. Jean-Jacques Hyest. Même les syndicats l’avaient alors reconnu. Certaines critiques sont donc valables, et d’autres non.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat proteste.
En revanche, monsieur le garde des sceaux, comme vous le savez, je partage toutes les solutions défendues par Jean-René Lecerf, qui s’est beaucoup intéressé aux questions pénitentiaires.
Dans la loi pénitentiaire, nous avons affirmé qu’il fallait favoriser l’aménagement des peines, parce que nous ne croyons pas – quelqu'un en juge-t-il d'ailleurs autrement ? – que les peines courtes soient utiles et efficaces.
Il faut donc trouver le moyen d’aménager les peines.
Il est vrai que, pour cette mission non plus, la justice ne dispose pas de moyens suffisants. On peut nous reprocher de ne pas en avoir fait assez dans ce domaine, mais je rappellerai tout de même que les effectifs des services pénitentiaires d’insertion et de probation ont presque triplé en quatre ans !
Toutefois, on ne peut éviter que des dysfonctionnements inquiètent nos concitoyens, lesquels nous demandent alors de trouver des solutions.
Par ailleurs, monsieur le garde des sceaux, j’ai quelques questions à vous poser, notamment en ce qui concerne les frais de justice.
Je connais bien la question des écoutes administratives : je sais qu’une plateforme nationale des interceptions judiciaires est en cours d’installation. Toutefois, m’a-t-on dit, sa mise en place pose quelques problèmes… Il faut vraiment l’accélérer ! En effet, une telle plateforme ne présente que des avantages : elle permettra de discuter avec les opérateurs d’une manière beaucoup plus satisfaisante et rendra possibles des économies considérables.
D'ailleurs, je ne comprends pas que l’on n’ait pas déjà mis en place une telle plate-forme : les ministères de la défense et de l’intérieur, qui l’ont fait depuis longtemps, savent qu’un tel système permet des économies considérables.
Monsieur le garde des sceaux, je souhaite également vous interroger sur l’état d’avancement d’un certain nombre de processus.
S’agissant de la suppression des avoués, vous le savez, je ne suis pas loin de partager l’opinion que vient d’exprimer Jacques Mézard : nous souhaitions que soit prévue au moins une indemnisation digne de ce nom, mais cette question est derrière nous. Pouvez-vous nous dire, notamment, si tous les avocats qui nous affirmaient alors qu’ils étaient prêts l’ont vraiment été ?
Je voudrais également être certain que la dématérialisation des procédures fonctionne.
En effet, s’il n’y a pas de dématérialisation, il faut, évidemment, garder des agents de catégorie C pour accomplir des tâches pratiques, matérielles. Je pense pour ma part que les métiers doivent être revalorisés et qu’il doit y avoir plus de greffiers et d’agents de catégorie A ou B que de catégorie C. Il s’agit, en effet, d’une élévation de la qualité des personnels.
C’est d'ailleurs ce que les personnels des juridictions réclament aujourd'hui, puisque cela permet de les décharger de tâches d’un intérêt très moyen.
La dématérialisation peut donc susciter des économies sans pour autant nuire à la qualité de la justice, mais à la condition que tout le monde s’y mette.
J’en viens enfin à la carte judiciaire, qui est critiquée. Il est vrai qu’elle aurait pu être meilleure et différente.
C’est sûr, mais elle a le mérite d’exister !
Je me suis posé des questions à son sujet.
Je me suis demandé pour quelle raison on avait gardé toutes les cours d’appel : c’est sans doute au nom de l’aménagement du territoire, mais ce n’est quand même pas tous les jours que l’on passe devant la cour d’appel !
Sourires.
Je me suis également demandé pourquoi, en dessous d’un certain seuil, des tribunaux de grande instance avaient été conservés et d’autres supprimés ; il s’agit peut-être, pour le coup, d’aménagement du territoire… Toutefois, nous savons tous que certaines juridictions, qui ne comportent qu’une chambre, ne peuvent fonctionner.
En fait, le véritable problème, s’agissant du moins de la justice civile, me semble concerner les tribunaux d’instance.
Nous avons connu des périodes de complète embolie des tribunaux d’instance, par exemple à la suite de l’entrée en vigueur de la loi Neiertz, relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles. Ensuite, une certaine déjudiciarisation a eu lieu, mais l’engorgement, depuis lors, a repris de plus belle.
Monsieur le garde des sceaux, certaines lois récentes posent de nouveaux problèmes : je pense notamment à celle qui est relative aux tutelles, ou encore, aujourd'hui, à la réforme de l’hospitalisation sans consentement, qui constitue certainement un véritable point noir. Il y a urgence en la matière, parce que ce problème concerne de nombreuses familles.
Je pense qu’il faudrait rééquilibrer les effectifs entre les tribunaux d’instance et d’autres juridictions qui disposent tout de même de certaines marges de productivité.
M. Jean-Jacques Hyest. En effet, un élément m’a toujours frappé : en ce qui concerne la quantité de travail, tous les magistrats ne sont pas logés à la même enseigne – c’est une question taboue, mais je l’évoque tout de même. Certains juges sont totalement surchargés, quand d’autres ont le temps de réfléchir profondément aux décisions qu’ils vont prendre.
Sourires.
À cet égard, monsieur le garde des sceaux, je pense qu’une réforme des indicateurs de performance pourrait nous aider à moderniser les juridictions et à faire des économies.
Je connais des juridictions qui travaillent bien, parce que leur personnel fournit des efforts importants et se mobilise. À celles-là, on refuse de nouveaux moyens, alors qu’on en donne à d’autres, plus laxistes, qui n’arrivent pas à assumer leurs missions. Ce n’est pas une bonne manière d’encourager les magistrats !
Les services judiciaires doivent donc faire encore des efforts afin de trouver des indicateurs permettant de mieux répartir les effectifs.
Certes, la carte judiciaire a été redessinée ; il faut dire qu’elle datait du XIXe siècle… Toutefois, monsieur le garde de sceaux, il y a des départements dont la population a doublé en vingt-cinq ans. Croyez-vous que l’on ait, dans le même temps, doublé le nombre de leurs juges ? Non ! On n’a augmenté leur nombre que de 10 %, sans retirer un seul magistrat à des juridictions qui sont pourtant à l’aise en termes d’effectifs.
Certains affirment que les effectifs de magistrats sont suffisants – je l’ai entendu dire souvent, même dans les milieux judiciaires – ; je pense, pour ma part, qu’ils sont certainement mal répartis et mal employés. §Les juges d’instance, en particulier, ne sont vraiment pas bien traités, alors que ce sont les magistrats les plus importants pour la justice au quotidien, comme cela a été souligné à plusieurs reprises au cours de notre débat.
Comme vous le savez, monsieur le garde des sceaux, nous aurions préféré conserver les juges de proximité en matière civile. Or ils seront employés à d’autres tâches. C’est très bien, mais si vous n’accordez pas des moyens aux juges d’instance, les déconvenues des justiciables seront fortes.
Pour ce qui est de l’aide juridictionnelle, enfin, nous avons essayé de la réformer, mais la loi portant réforme de l’assurance de protection juridique n’a pas eu les résultats escomptés. Mme Tasca l’évoque d'ailleurs dans son rapport pour avis.
Je pense qu’il faut réexaminer la question de la participation. Les recettes de l’assurance de protection juridique sont colossales. Chacun de nous, sans le savoir, est bien souvent couvert par deux ou trois assurances de protection juridique. Nous pourrions peut-être reprendre le dialogue avec les compagnies d’assurance pour garantir un meilleur financement de l’aide juridictionnelle.
Bien entendu, monsieur le garde des sceaux, mon groupe votera le budget de la mission « Justice ».
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le garde des sceaux, vous nous présentez aujourd’hui un budget dont vous êtes fier en expliquant que, malgré le contexte de rigueur budgétaire, les crédits accordés à la justice sont en hausse cette année et visent deux objectifs : rattraper un retard historique et accorder les moyens suffisants pour mettre en œuvre les nombreuses réformes adoptées.
Puis, très vite, vous déposez à l’Assemblée nationale un amendement qui l’ampute de 20 millions d’euros au titre de la contribution à l’effort supplémentaire d’un milliard d’euros annoncé par le Premier ministre !
Voilà une illustration de ce que l’on appelle un « effet d’annonce ». Vous pouvez difficilement prétendre que la justice fait l’objet d’un effort tout particulier et, dans le même temps, diminuer ses crédits.
En creusant un peu, on s’aperçoit que ce budget ne permettra pas à l’institution judiciaire de faire face à ses missions existantes, et encore moins à celles qui résultent des réformes récentes.
Les recrutements que vous annoncez ne suffiront pas à absorber toujours plus d’affaires et toujours plus de missions. La création de postes nets de magistrats ne permettra pas d’appliquer les réformes relatives aux citoyens assesseurs et à l’hospitalisation sans consentement, pour lesquelles les études d’impact évaluaient les besoins en magistrats à respectivement 65 et 80 postes.
Nous regrettons également que, pour satisfaire les dernières annonces du Président de la République, l’essentiel de ce budget soit englouti dans la construction de nouvelles places de prison.
Nous ne contestons pas la nécessité de mettre aux normes le parc carcéral afin d’accueillir dans des conditions décentes les personnes détenues.
Certaines prisons sont effectivement surpeuplées. J’en veux pour preuve la maison d’arrêt de Majicavo, dans le département dont je suis l’élu, qui avait fait l’objet, en 2009, d’un rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté particulièrement alarmant. Celui-ci relevait un taux de sur-occupation de 240 %, pouvant aller dans certains quartiers jusqu’à 333 %, et faisait état de conditions de vie déplorables. Au 1er juillet 2011, ce taux était encore de 168 %.
J’attire néanmoins votre attention sur le fait que votre politique pénale fondée sur l’enfermement génère de façon quasi automatique une surpopulation carcérale. Ne serait-il pas plus judicieux de développer les peines alternatives plutôt que de systématiser le recours à l’emprisonnement ?
Nous aurions également souhaité que le Gouvernement s’intéresse un peu plus à la réhabilitation des bâtiments judiciaires plus que délabrés ou inadaptés.
Le tribunal de grande instance de Mayotte n’offre pas les capacités d’accueil attendues. La multiplication des contentieux oblige bien souvent les magistrats à tenir des audiences dans des pièces minuscules, parfois même dans leurs propres bureaux !
Les droits des justiciables mahorais devraient être mieux défendus, avec la création d’une cour d’appel pleine et entière au lieu d’une chambre détachée. Aujourd’hui, monsieur le garde des sceaux, pour déposer une requête en nullité au greffe de la chambre de l’instruction, l’avocat doit se déplacer à Saint-Denis de la Réunion ou s’attacher les services payants d’un avocat réunionnais. Telle est la réalité. Les mêmes difficultés se posent à lui pour former un pourvoi en cassation contre la décision de la même chambre de l’instruction.
Par ailleurs, vous reconnaissez dès le départ l’insuffisance du budget de l’aide juridictionnelle, car, bien qu’en hausse de 8 %, celui-ci ne permettra pas de financer la réforme de la garde à vue. C’est une contribution imposée à tous les justiciables qui s’en chargera. Or cette taxe de 35 euros porte atteinte au principe d’égal accès des citoyens à la justice.
Avec ce budget, vous souhaitez mettre l’accent sur le développement des nouvelles technologies, notamment la visioconférence. Malheureusement, Mayotte ne pourra y recourir tant que le haut débit n’y sera pas installé. M. Nicolas Sarkozy l’avait pourtant promis pour le mois de novembre… Nous attendons toujours.
Enfin, je souhaiterais aborder la question de la protection de l’enfance et particulièrement le problème des mineurs étrangers isolés.
Monsieur le garde des sceaux, lors de votre audition devant la commission des lois, le 2 novembre dernier, vous avez rappelé que la loi de mai 2007 confiait aux départements le soin de s’en occuper.
Face à la montée du phénomène, vous proposez une mutualisation des moyens avec les départements voisins. Il me semble que la problématique des mineurs étrangers isolés dépasse largement la politique d’aide sociale à l’enfance relevant des conseils généraux ; elle s’inscrit totalement dans la politique d’immigration de l’État, à qui il revient d’assumer la prise en charge de ces enfants.
Contrairement à ce que vous prétendez, Paris et la Seine-Saint-Denis ne sont pas les premiers départements touchés par ces problèmes. À Mayotte, ce sont des milliers de jeunes qui vivent de façon isolée ! La sénatrice des Hauts-de-Seine s’est dite « impressionnée par le nombre de mineurs isolés sur le territoire de Mayotte » lors de la présentation de son rapport au Premier ministre, en mai 2010.
Il faut savoir qu’il n’existe pas d’établissement étatique spécialisé pour l’accueil des mineurs délinquants à Mayotte, ni même de quartier spécifique au sein de la maison d’arrêt. La justice n’a d’autre choix que de compter sur l’esprit civique des citoyens et de s’en remettre aux structures associatives.
L’association Tama, que j’ai l’honneur de présider, a mis en place une structure de prise en charge éducative pour éviter la prison à ces enfants. Sa capacité n’est que de huit places, ce qui, vous en conviendrez, est plus qu’insuffisant. Il est vrai que le système judiciaire de Mayotte s’est caractérisé par un régime dérogatoire jusqu’au 31 mars dernier.
Les crédits destinés à Mayotte pour l’année 2012, toutes missions budgétaires confondues, sont en hausse de 1, 2 %. Ils sont affectés en priorité à la modernisation et au renforcement du développement économique. Cette augmentation est indispensable, mais elle n’est pas du tout à la hauteur des difficultés de l’île.
Le budget nécessaire à la préparation de l’évolution institutionnelle de Mayotte, pourtant prévue depuis dix ans, est, quant à lui, plus que modeste.
Les chiffres recueillis dans les documents budgétaires ne sont pas clairs. Pourriez-vous me dire, monsieur le garde des sceaux, quel montant est consacré au financement de la nouvelle organisation judiciaire, entrée en vigueur le 1er avril dernier ? Pourriez-vous aussi préciser le montant des sommes consacrées aux traducteurs-interprètes ?
J’ajoute que le défi majeur que constitue la lutte contre l’immigration clandestine à Mayotte n’est pas sans conséquences sur la justice. Elle affecte lourdement l’institution judiciaire dans son ensemble : les juridictions, l’administration pénitentiaire et la protection de la jeunesse. Le 25 octobre dernier, Daniel Goldberg a demandé au ministre de l’intérieur un chiffrage, même approximatif, du budget consacré à la lutte contre l’immigration dans l’île. Celui-ci n’a pas répondu. Qu’en est-il exactement ?
Dans son rapport d’information intitulé La Justice entre deux eaux dans l’Océan indien du 25 mai 2011, M. Roland du Luart résumait la situation ainsi : « La conjonction d’un manque récurrent de moyens et d’une anticipation approximative des conséquences de la départementalisation de Mayotte recèle une situation, sinon explosive, en tout cas particulièrement problématique.
« Il est grand temps d’en prendre conscience et d’agir ».
Au vu des événements récents, je crois qu’il s’agit désormais d’une urgence véritable.
J’avais demandé qu’une délégation de sénateurs se rende à Mayotte. Je me félicite que cette initiative ait été actée en commission des lois. Pourrons-nous enfin avoir des chiffres clairs ?
Je doute véritablement que ce budget permette à la France de retrouver une place décente dans le classement des pays du Conseil de l’Europe pour la part de PIB consacrée à la justice, monsieur le garde des sceaux.
La commission des lois a émis un avis défavorable sur la mission « Justice » ; je ne peux que m’en féliciter compte tenu de ses insuffisances.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mon intervention portera uniquement sur la protection judiciaire de la jeunesse.
En préambule, je souhaiterais souligner, comme je l’ai fait en commission, que je partage la plupart des avis et des observations présentés par notre rapporteur pour avis, Nicolas Alfonsi, qui rejoignent plusieurs des remarques que Jean-Claude Peyronnet et moi-même avions formulées dans notre rapport sur les centres éducatifs fermés.
Je voterai les crédits de la mission, car leur augmentation, soulignée par notre rapporteur spécial, témoigne de l’attention particulière que le Gouvernement porte à la protection judiciaire de la jeunesse, dans un contexte que nous savons tous très difficile.
Comme l’a rappelé Nicolas Alfonsi, la délinquance des mineurs évolue, sa nature change. La protection judiciaire de la jeunesse a donc dû aussi évoluer : elle a recentré son action sur la prise en charge des mineurs délinquants et s’est dégagée de l’exécution des mesures d’assistance éducative ordonnées par les juges des enfants dans le cadre de la protection de l’enfance en danger. Ces mesures relèvent désormais de la compétence des services d’aide sociale à l’enfance des conseils généraux.
Parallèlement, elle s’est engagée dans une démarche de restructuration de ses services déconcentrés, de rationalisation de l’offre de prise en charge sur l’ensemble du territoire et de modernisation de ses pratiques, afin de limiter l’effet des ajustements budgétaires sur la qualité des prises en charge. À ce titre, des efforts très importants ont été accomplis et doivent être soulignés.
Ne l’oublions pas, mes chers collègues, la réforme de la protection de l’enfance intervenue en 2007 repose sur un schéma simple : la prise en charge des mineurs délinquants relève de la PJJ, celle de l’enfance en danger des départements. Pour autant, bien évidemment, il faut veiller à la continuité de ces deux missions et éviter toute césure entre elles.
Nous savons tous – les statistiques le montrent – que la délinquance des mineurs est multiforme et que le nombre de mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie a augmenté de 20 % entre 2002 et 2010. Il est donc de notre devoir de réfléchir constamment à la prise en charge de ces jeunes pris dans la spirale infernale de la délinquance.
En effet, la délinquance des mineurs présente un certain nombre de spécificités par rapport à celle des majeurs : plus de 40 % des mineurs mis en cause le sont pour vol, contre 20 % pour les majeurs ; les mineurs sont également plus souvent mis en cause pour destructions et dégradations de biens, soit 13 % des mises en cause, contre 5 % pour les majeurs en 2010 ; à l’inverse, contrairement à l’opinion communément admise, les mineurs sont moins concernés que les majeurs par les affaires de stupéfiants.
On relève enfin que les faits de violence représentent une part croissante de la délinquance des mineurs, passant de 16 % à 22 % des mises en cause entre 2002 et 2010.
Les infractions commises sont de nos jours nettement plus empreintes de violence mais, pour une très grande majorité des mineurs – ce point est très important – la délinquance constitue un acte isolé : plus de sept mineurs sur dix ne font pas l’objet de nouvelles poursuites ou d’une mesure alternative aux poursuites dans l’année suivant la fin de leur prise en charge par la PJJ.
Depuis 2002, nous avons conforté le rôle croissant du parquet dans le traitement de la délinquance des mineurs, au travers de deux possibilités de saisine directe de la juridiction pour mineurs sans instruction préalable par le juge des enfants.
Tout d'abord, la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a créé la procédure de présentation immédiate, inspirée de la procédure de comparution immédiate applicable aux majeurs.
Cette procédure permet au procureur de la République de traduire directement un mineur devant le tribunal pour enfants, lorsque des recherches sur les faits ne sont pas nécessaires et que des investigations sur la personnalité du mineur ont été accomplies au cours des douze mois précédents. Nous avons souhaité qu’il ne puisse être recouru à cette procédure que lorsque le mineur fait l’objet ou a déjà fait l’objet d’une ou plusieurs procédures judiciaires.
Ensuite, la loi du 10 août 2011 a ouvert au parquet la possibilité de recourir à la procédure de convocation par un officier de police judiciaire dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues pour la procédure de présentation immédiate. Cette procédure permet au parquet de faire comparaître le mineur devant la juridiction pour mineurs dans un délai de dix jours à deux mois.
Nous avons par ailleurs véritablement modernisé les pratiques de prise en charge des mineurs délinquants.
À cet égard, je souhaite revenir sur un sujet qui me tient à cœur, les centres éducatifs fermés, lesquels n’ont rien d’établissements pénitentiaires pour mineurs. Ils constituent des solutions adaptées à l’évolution de la délinquance des mineurs et à l’intensité qui la caractérise.
Comme l’a montré M. le rapporteur spécial, la part des crédits consacrés par la PJJ aux centres éducatifs fermés n’a cessé d’augmenter.
Créés par la loi de 2002 d’orientation et de programmation pour la justice, ces établissements ont été conçus afin d’offrir aux magistrats une solution éducative alternative à l’incarcération, à destination des mineurs délinquants les plus difficiles. Ce sont de petites structures, pouvant accueillir une douzaine de mineurs. Elles relèvent soit du secteur public, soit du secteur associatif habilité.
Les mineurs placés y font l’objet d’une prise en charge éducative renforcée, assurée au quotidien par une équipe de 24 à 27 éducateurs, à laquelle s’ajoutent souvent un enseignant et, le cas échéant, un ou plusieurs personnels de santé, notamment dans les centres dits « renforcés en santé mentale ».
En raison de ce fort taux d’encadrement, le coût d’un placement en centre éducatif fermé est élevé : selon les statistiques – si elles sont fiables –, il s’élève en 2010 à 614 euros en moyenne, par jour et par mineur.
Mon collègue Jean-Claude Peyronnet et moi-même avions souligné la nécessité de mieux évaluer ce dispositif. Un tel exercice se révèle délicat à mettre en œuvre en raison du passé judiciaire et institutionnel souvent très lourd des mineurs placés en centre éducatif fermé.
Le dispositif des centres éducatifs fermés mérite d’être conservé et étendu, car il est fortement sollicité par les juges des enfants. En outre, dans certaines régions, ces centres sont proches de la saturation. Enfin, ils permettent d’offrir à ces mineurs une dernière chance avant la prison, contribuant ainsi à la diminution du nombre de mineurs détenus.
Nous savons que le Président de la République a souhaité la création de vingt centres éducatifs fermés supplémentaires. Cette décision a été prise avant le drame du Chambon-sur-Lignon…
… et le présent budget acte leur mise en chantier.
Je souhaite enfin m’arrêter un instant sur la difficulté de l’État à appréhender statistiquement les taux d’exécution des mesures d’assistance éducative prononcées. Notre collègue Christophe Béchu l’avait d’ailleurs indiqué lors de la présentation du rapport en commission : « La loi réformant la protection de l’enfance avait pointé cette lacune : il n’existe pas d’outil statistique renseignant sur l’efficacité des interventions publiques en la matière ».
Les raisons en sont nombreuses. L’aide sociale à l’enfance ne passionne pas les médias, sauf dans les circonstances dramatiques, et elle est souvent reléguée au second rang des priorités. Lorsque l’Observatoire national de l’enfance en danger a été chargé de mettre en place un instrument statistique permettant de mieux appréhender l’aide sociale à l’enfance, il a dû vaincre les réticences des travailleurs sociaux, qui dénonçaient un risque de fichage social.
À force de dialogue, ce dossier a été mené à son terme, ce qui nous permettra de disposer, dans quelques années, d’études statistiques complètes sur la situation de l’enfance en danger et sur l’efficacité des dispositifs mis en place pour prévenir la délinquance des mineurs. Nous serons ainsi mieux informés pour nos débats et nous éviterons le pilotage à vue.
Je souscris à la proposition de M. le rapporteur spécial sur la création d’un outil statistique de suivi des décisions judiciaires rendues au sujet des mineurs délinquants.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, je soutiens les propositions du Gouvernement en faveur de la protection de la jeunesse.
Par ailleurs, je salue l’objectivité intellectuelle de Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis, qui, devant la commission des lois, alors qu’il nous invitait à adopter ce budget, nous a déclaré, en substance, que le pragmatisme était sans doute, particulièrement dans ce domaine inquiétant et pour cette politique perfectible, une voie plus prometteuse que celle qui est empruntée par les mots de la bonne conscience.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, pour commencer, je souhaite remercier le Gouvernement d’avoir enfin créé, au sein de la mission « Justice », un programme spécifique pour porter les crédits du Conseil supérieur de la magistrature. C’était une demande que j’exprimais depuis plusieurs années en tant que rapporteur pour avis de la commission des lois pour la justice judiciaire. Comme Mme Tasca, qui exerce désormais cette fonction, je me réjouis que soit aujourd'hui consacrée l’autonomie financière du CSM.
Il faut, s’agissant de ce budget, se féliciter de la poursuite de l’effort de rattrapage budgétaire engagé depuis plusieurs années, en ce qui concerne tant les crédits de fonctionnement, hors masse salariale, et les crédits d’investissement – ils augmentent globalement de 5, 6 % –, que les créations d’emplois. En 2012, quelque 512 emplois seront créés, soit plus que ce qui était prévu initialement, et cela dans un contexte budgétaire où la tendance est plutôt à la réduction du nombre des emplois publics.
Même s’il reste beaucoup à faire, la justice n’est donc plus le parent pauvre de l’État.
Néanmoins, je m’inquiète lorsque j’entends dire que, à la suite de l’affaire de Chambon-sur-Lignon, il va être procédé à une refonte de la justice des mineurs. Je rappelle que l’on a déjà modifié l’ordonnance de 1945 plus d’une trentaine de fois...
Ne risque-t-on pas là de mettre de nouveau le doigt dans l’engrenage de la « législation d’émotion », tant de fois dénoncée à cette tribune ? N’allons-nous pas débattre de dispositions nouvelles que nous n’avons nullement les moyens, je le crains, de mettre en œuvre ?
Évidemment, je me réjouis que tout le monde soit désormais favorable au développement des centres éducatifs fermés pour mineurs. Toutefois, encore faut-il disposer des moyens nécessaires à leur bon fonctionnement !
Il y a quelques jours seulement, monsieur le garde des sceaux, je vous saisissais de la situation d’un centre éducatif fermé du département dont je suis l’élu, qui effectue un travail remarquable auprès des jeunes qui lui sont confiés. Néanmoins, il est prévu que le nombre de ses emplois soit réduit de 27 à 24.
En outre, les CDD se succèdent alors qu’une présence continue et régulière des encadrants est plus que souhaitable.
Ne faudrait-il pas plutôt consacrer les moyens dont nous disposons au bon fonctionnement de ce qui existe…
… et à l’amélioration de la mise en œuvre des mesures déjà adoptée, au lieu de créer de nouvelles procédures que l’on risque de ne pouvoir appliquer qu’au détriment de dispositions existantes ?
Je rappelle que pas moins de six lois ont été adoptées depuis 2005 sur la seule récidive.
M. Yves Détraigne. Cela n’est-il pas suffisant ? Avons-nous encore les moyens de nous offrir de nouvelles lois alors que nous n’avons pas appliqué jusqu’au bout celles qui existent déjà ?
M. le président de la commission des lois applaudit
Même si cette question est dérangeante, j’en conviens, il me semble indispensable de la poser publiquement.
Enfin, monsieur le garde des sceaux, la France a un programme ambitieux de création de 80 000 places en établissements pénitentiaires, lesquelles sont financées aujourd'hui grâce à un partenariat public-privé. Si cette formule permet d’investir sans endetter davantage l’État, il n’en demeure pas moins que le fonctionnement des établissements construits et gérés sous cette forme coûte nettement plus cher que celui d’un établissement classique et que cela risque de poser de sérieux problèmes de financement dans quelques années, car il faudra bien régler la facture. Monsieur le garde des sceaux, une évaluation des coûts à terme pour l’État du développement des partenariats public-privé a-t-elle été réalisée et, si tel est le cas, pourriez-vous informer le Parlement de ses conclusions ?
Tels sont, monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les points sur lesquels je souhaitais intervenir rapidement aujourd’hui. Pour conclure, je vous confirme que je voterai le budget de la justice, qui est, dans le contexte actuel, un bon budget.
Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je n’ai pas, comme M. Hyest, vingt-six années d’ancienneté en tant que parlementaire. J’en ai beaucoup moins : seulement trois. En revanche, j’ai un peu plus d’ancienneté en tant qu’élue locale.
C’est donc en m’imposant les mêmes exigences que celles auxquelles je m’astreins en tant qu’élue locale que j’ai analysé les crédits de la mission « Justice ». Autrement dit, j’ai vérifié l’adéquation entre la politique affichée et les moyens disponibles, ainsi que la pertinence des objectifs affichés eu égard aux besoins des citoyens et du service.
C’est parce que je me suis imposé ces exigences que j’ai succédé en 2001 à l’ancien maire de ma commune, Châteaubourg. Si vous me le permettez, je ferai un rapide retour en arrière, mais n’y voyez là aucune analogie avec des situations nationales ou des personnes existantes.
L’ancien maire de ma commune avait effectué plusieurs mandats en tant qu’adjoint. Il avait sans doute réussi à persuader tant son équipe que les Castelbourgeois qu’il ferait un bon maire et un bon chef de l’exécutif.
Une fois élu maire, ce monsieur, quelles que soient par ailleurs ses qualités personnelles et humaines, n’a cessé de modifier ses priorités, de déterminer des urgences différentes, de communiquer sur le projet suivant en faveur de tel service ou de telle association. Au final, il n’a pas réalisé grand-chose dans la commune. Il a achevé son mandat sur un grand projet immobilier dont il avait tenté de persuader les Castelbourgeois qu’il était utile, et même qu’ils l’avaient demandé !
Je lui ai donc succédé en 2001, à la surprise générale, il faut bien l’avouer, d’autant que je n’avais jamais exercé de fonction municipale.
J’ai commencé par fixer des priorités dans les budgets. Aujourd'hui, la commune est dans une excellente santé financière.
De très nombreux projets ont été réalisés. J’ai même été réélue en 2008, …
Mme Virginie Klès. … en étant à l’écoute de la population, de mon équipe et des élus de l’opposition.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Marques d'ironie sur les travées de l’UMP.
J’en viens maintenant aux crédits de la mission « Justice ». Certes, les grandes masses sont en augmentation. Néanmoins, comme l’ont très justement analysé mes prédécesseurs à cette tribune, ce budget reflète la politique répressive, axée sur l’enfermement, menée par l’exécutif. Seul ce dernier est persuadé que les réformes qu’il met en œuvre sont nécessaires et urgentes, et qu’elles sont demandées par nos concitoyens.
Ces réformes sont censées rapprocher le justiciable de la justice et favoriser l’accès de tous à la justice. Elles sont également censées faire l’objet d’une concertation. Pourtant, combien de textes sont examinés après engagement de la procédure accélérée ? Cette procédure, qui abrège la discussion des textes, empêche les ajouts et les corrections habituellement apportés au fur et à mesure de la navette parlementaire. Combien de textes sont même adoptés conformes, ce qui conduit parfois à sacraliser des erreurs matérielles que l’on ne peut pas rectifier ?
Était-il vraiment nécessaire et urgent – et qui le demandait ? – de réformer la procédure de représentation devant les cours d’appel, pour un coût financier et humain exorbitant ? Où en sommes-nous aujourd'hui concernant l’indemnisation des avoués qui ont dû fermer leur cabinet ?
Où en sont aujourd'hui, monsieur le garde des sceaux, les trois cents salariés qui étaient menacés par cette réforme ? Vous m’avez récemment indiqué en commission que seule, sans doute, une petite dizaine d’entre eux avaient retrouvé des postes dans le secteur de la justice. Une petite dizaine sur trois cents ! Dans quelles conditions ces salariés ont-ils accepté les postes qu’on leur a offerts ? Et qu’en est-il de tous les autres ?
L’instauration d’une taxe de 150 euros par personne en cas d’appel favorise-t-elle l’accès à la justice pour tous ?
Était-il nécessaire et urgent – et qui le demandait ? – d’investir dans la transformation des centres de placement ouverts en centres éducatifs fermés, alors que 95 % des mineurs sont aujourd'hui accueillis en centres de placement ouverts et que 71 % d’entre eux n’ont ni récidivé ni réitéré un an après la fin de leur peine ?
Où est la logique quand vous nous proposez, dans l’urgence également, d’ouvrir 166 places pour des mineurs délinquants dans les établissements publics d’insertion de la défense ? Les EPID sont des établissements d’insertion, où la mixité est la règle et où l’on ne sait pas prendre en charge la délinquance. Vous avez promis, monsieur le garde des sceaux, de créer plus de 40 équivalents temps plein travaillés et d’affecter 8 millions d’euros à ces établissements. Or je les cherche en vain dans tous les bleus en circulation.
Était-il nécessaire et urgent – et qui le demandait ? – de confier des missions au secteur associatif habilité sans lui donner les moyens nécessaires pour les remplir, sans tenir compte du fait que ses conventions collectives ne lui permettent pas de fonctionner avec 27 encadrants pour 12 mineurs ? Ces associations ne font pas preuve de mauvaise volonté. Elles ne manquent pas d’efficacité.
Était-il nécessaire et urgent – et qui le demandait ? – de créer 30 000 places de prison au coût individuel de 100 000 euros sans augmenter les moyens des services pénitentiaires d’insertion et de probation ?
Cette politique d’enfermement a montré ses limites : les taux de récidive et de délinquance ne diminuent pas. Loin de moi l’idée de polémiquer, d'ailleurs : je n’affirme pas qu’ils augmentent, je me contente de signaler qu’ils ne baissent pas, contrairement aux objectifs affichés.
Était-il nécessaire et urgent – et qui le demandait ? – de légiférer à tour de bras, sans tenir compte des problèmes à résoudre dans l’immédiat, en augmentant la charge de travail de la justice, qui fonctionne déjà bien difficilement ?
En revanche, monsieur le garde des sceaux, il me semble, pour ma part, nécessaire et urgent que nous disposions d’un véritable retour, non seulement quantitatif et financier, mais aussi qualitatif, concernant les bracelets électroniques et les partenariats public-privé, notamment dans les établissements pénitentiaires.
Il était nécessaire et il était devenu urgent de se pencher sur la garde à vue : ce problème pressait tellement qu’il a été traité dans de mauvaises conditions. Ainsi, la gestion des locaux n’a fait l’objet d’aucune anticipation et les gardes à vue se déroulent aujourd'hui dans des conditions matérielles et géographiques désastreuses, qui vont coûter très cher à l’État !
À mes yeux, il est de plus en plus nécessaire et urgent d’anticiper clairement la politique de l’emploi à l'échelon du ministère, tant pour les magistrats que pour les greffiers, en prenant en compte les délais d’ouverture des concours, de formation et d’entrée en fonctions des personnels au sein des tribunaux.
Il est nécessaire et urgent d’assurer le transfert effectif des compétences en matière d’escorte et de garde des détenus, entre les ministères de l’intérieur et de la justice ; cet enjeu a déjà été évoqué par les précédents orateurs.
Il est nécessaire et urgent de rendre à la justice les moyens de fonctionner, dans le cadre d’une concertation beaucoup plus étroite avec les forces de sécurité ; de ne plus opposer les uns aux autres par une gestion brouillée de leurs compétences respectives, toujours dessinées dans l’urgence !
Il est nécessaire et urgent que la justice reprenne confiance en elle-même et en les Français, et que les Français reprennent confiance en la justice.
Il est nécessaire et urgent de rétablir le calme et la sérénité qui doivent guider chaque décision de justice.
Ne partageant pas les objectifs que vous affichez et ne souscrivant pas à la construction budgétaire que vous nous avez présentée, monsieur le garde des sceaux, je voterai bien évidemment contre ce projet, de même que les autres membres de mon groupe !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, mon rappel au règlement ne portera pas sur l’intervention de Mme Klès, bien que celle-ci ait mis en cause son prédécesseur à la tête de la commune dont elle est le maire – passons ! –, mais sur celles de Mme Borvo Cohen-Seat et de M. Sueur. Ceux-ci ont affirmé qu’adopter une « nouvelle loi d’affichage, après des faits divers » ne relevait pas d’une « bonne méthode », contestant ainsi tout le travail que nous avons accompli.
Mes chers collègues, permettez-moi d’opérer une mise au point. Ce matin, j’ai de nouveau reçu un appel des grands-parents de la jeune fille sauvagement assassinée il y a quelques jours. En effet, ils ont résidé vingt-cinq années durant dans le département du Loiret, plus précisément à Beaune-la-Rolande, …
… et ils souhaitent que la loi soit aménagée.
On peut bien sûr estimer que nous tirons prétexte d’une situation particulière pour lancer ce débat. Néanmoins, à mes yeux, lorsque survient un drame de cette importance, la représentation nationale ne peut se dispenser d’étudier le problème.
Un projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines a certes été présenté hier en conseil des ministres, mais il ne s’agit pas d’un texte de circonstance. En effet, ce projet a été annoncé il y a un an, au lendemain d’une autre affaire particulièrement dramatique, celle de Pornic, à la suite de laquelle plusieurs inspections avaient été menées et divers groupes de travail réunis.
Le Président de la République a de nouveau évoqué ce texte le 13 septembre dernier. Une meilleure information et une meilleure évaluation de la dangerosité des délinquants ne semblent que plus nécessaires au lendemain de la mort de la jeune Agnès Martin.
Mes chers collègues, en tant que parlementaires, nous ne pouvons rester insensibles aux drames de notre société !
C’est pourquoi je me permets d’apporter ces précisions, après avoir entendu prononcer les expressions de « fait divers » et « d’effets de circonstance » conduisant à modifier les lois. Il me semble nécessaire d’adapter notre législation. Et en l’occurrence, nous travaillons sur ce sujet depuis plusieurs mois.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.
Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur Doligé.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Chers collègues, sur les travées de la droite, certains d’entre vous détournent la procédure de rappel au règlement pour intervenir dans le débat.
En règle générale, les rappels au règlement interviennent en début de séance.
Puisqu’il en est ainsi, je tiens moi aussi à apporter une précision : votre intervention m’étonne beaucoup, monsieur Doligé, car il s’agit d’un pur affichage de vos choix politiques !
Mme Catherine Troendle s’exclame.
En effet, les parents de la jeune fille se sont clairement exprimés : ils ne souhaitent pas que le drame qu’ils vivent soit instrumentalisé.
Si, monsieur Doligé, et vous venez d’en faire la démonstration ! Gardez-vous de prendre la parole dans cet hémicycle pour vous faire l’écho de revendications particulières exprimées par des personnes qui vous ont directement contacté.
Chers collègues, je ne cède pas à la polémique. Je formule un simple vœu : qu’aucun gouvernement n’instrumentalise plus le moindre fait divers.
Je vous donne acte de votre rappel au règlement, madame Borvo Cohen-Seat.
La parole est à M. le président de la commission.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, comme je l’ai souligné il y a quelques instants, je n’aime pas l’expression « faits divers ».
Je le répète, nous partageons tous la douleur de cette famille, de tous ces jeunes, de tous les habitants de la Haute-Loire et de tous les Français. Que ne se glisse entre nous aucune incompréhension ou, du moins, aucune mauvaise compréhension, qu’elle soit volontaire ou non.
La réalité, la voici : il s’est produit un drame terriblement douloureux.
Ce n’est hélas pas la première fois, monsieur Doligé. D’ailleurs, à la suite d’un autre drame, M. le Président de la République s’était rendu dans une ville que vous connaissez bien, située dans un département que vous connaissez parfaitement, où il a tenu des propos qui n’ont pas particulièrement motivé les magistrats, monsieur le garde des sceaux.
Mes chers collègues, le respect dû à cette grande douleur, que tous les Français partagent, nous impose de prendre des mesures adaptées. Toutefois, il ne s’agit pas de multiplier les lois d’affichage qui, faute de moyens, n’ont pas d’effets concrets.
On ne peut ni tout prévoir ni tout programmer, et nous ne pourrons jamais empêcher que de tels drames se répètent, même si nous aimerions pouvoir le faire.
Je le répète, il faut donc privilégier les mesures concrètes. Nous pouvons certes débattre de ces dernières, mais, comme l’ont souligné nombre de nos collègues de toutes sensibilités politiques, l’empilement des lois ne résout aucun problème et ne constitue pas une bonne méthode.
Sur le terrain, des hommes et des femmes accomplissent un travail aussi admirable que difficile, et c’est vers eux qu’il faut nous tourner. Je songe à tous ceux qui se chargent de la jeunesse en péril, qui va très mal et qui commet des actes effectivement inqualifiables, comme celui que nous évoquons ; à tous ceux qui encadrent les jeunes en prison, et dont ils doivent assurer la réinsertion. Comment pouvons-nous empêcher que la condition pénitentiaire devienne la première cause de récidive, selon la formule de Robert Badinter ?
Mes chers collègues, pour aider efficacement ces hommes et ces femmes, il convient de mobiliser de nouveaux moyens, sans se livrer à la moindre exploitation politique de tels drames.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier tous ceux qui, dans cet hémicycle, viennent de prendre la parole pour exprimer le vif intérêt qu’ils portent au service public de la justice.
Nous avons déjà une heure de retard par rapport à l’horaire fixé. Toutefois, je tiens à répondre au plus grand nombre de questions, et je remercie par avance M. le président de bien vouloir m’accorder un peu de temps supplémentaire : ainsi, nous n’aurons plus une, mais deux heures de retard !
Sourires.
En effet, en répondant aux très nombreuses questions et observations des rapporteurs et des orateurs, qui sont toutes extrêmement intéressantes, je pourrai peut-être faire mieux comprendre la situation actuelle du service public de la justice.
Tout d’abord, je tracerai les lignes de force de ce budget pour 2012, dont vous demandez le rejet, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité. Sans avoir la prétention de vous convaincre, je souhaite vous donner le regret de ne pas voter ces crédits.
Comme je l’ai souligné devant les membres de la commission des lois lors de mon audition du 2 novembre dernier, ce budget traduit, plus encore peut-être que ceux qui l’ont précédé au cours de cette législature, la place que le Président de la République et le Gouvernement souhaitent accorder au ministère de la justice et à ses missions, dans le contexte budgétaire particulièrement difficile que nous connaissons tous.
Bien entendu, on peut toujours déplorer des lacunes et des imperfections. Néanmoins, nous vivons dans un contexte qui s’impose à tous : celui de la crise financière. Même si je sais que vous en êtes conscients, mesdames, messieurs les sénateurs, je tenais à le rappeler.
Tout d’abord, le budget pour 2012 poursuit l’effort de rattrapage engagé depuis plusieurs années et accéléré depuis 2007 afin de donner à la justice les moyens d’assumer les nombreuses missions qui lui sont aujourd’hui confiées et, ce faisant, de répondre aux attentes que les Français nourrissent à son égard.
Ainsi, une fois pris en compte le plan d’économies adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, les crédits du ministère de la justice augmenteront de 3, 5 % en 2012, alors que le budget de l’État dans son ensemble, hors charge de la dette et pensions, diminuera en valeur.
Les seuls crédits de fonctionnement et d’investissement – hors masse salariale – augmenteront de près de 5 %, et, au sein de cet ensemble, les crédits immobiliers progresseront même de 17 %. Ces chiffres illustrent l’effort engagé par le ministère pour construire et rénover établissements pénitentiaires et palais de justice.
En termes d’emplois, le ministère sera la seule administration à afficher des créations nettes en 2012, comme c’est le cas depuis 2007. Le budget triennal 2011-2013 autorisait le ministère à créer 200 emplois en 2012, contre 400 en 2011. En définitive, 512 postes seront ouverts l’année prochaine, sans compter les 250 emplois transférés depuis le ministère de l’intérieur, au titre de la reprise progressive des missions d’extraction judiciaire par l’administration pénitentiaire ; je reviendrai sur ce sujet dans quelques instants.
En outre, il est possible de mesurer l’effort de rattrapage accompli au cours de l’ensemble de la législature.
Depuis 2007, les crédits du ministère de la justice ont cru de près de 20 %, progressant de 6, 25 milliards d’euros à 7, 39 milliards d’euros. Pour les seuls services judiciaires, l’augmentation des crédits avoisine les 15 %.
En termes d’emplois, plus de 6 000 postes ont été créés, dont 1 400 environ dans les services judiciaires.
S’agissant des effectifs de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, ils ont certes été réduits d’une centaine d’emplois entre 2007 et 2011, mais ce résultat procède de deux évolutions contraires qui se compensent : plus de 700 emplois de support administratif ont été supprimés, à la suite des réformes de structure qui ont été menées, mais, dans le même temps, 600 postes d’éducateurs ont été créés, permettant à la PJJ de faire face à l’augmentation de l’activité pénale et d’améliorer la qualité de la prise en charge éducative.
Sans bénéficier de créations d’emplois nettes, la PJJ a donc pu autofinancer l’augmentation de ses effectifs d’éducateurs, grâce aux efforts de rationalisation consentis.
Quant aux effectifs des services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP, ils ont progressé d’un peu moins de 3 000 postes en 2007 à près de 4 100 aujourd’hui, soit une augmentation de plus d’un tiers, supérieure à la croissance du nombre des personnes placées sous main de justice et suivies en milieu ouvert au cours de la même période.
Tous ces chiffres parlent d’eux-mêmes : en cinq ans, soit le temps d’une mandature, c’est bien un véritable plan de rattrapage qui aura été accompli !
Bien sûr, il revient au ministère de la justice d’accompagner ces moyens supplémentaires d’un effort de modernisation de ses méthodes et de son organisation, pour parvenir à une plus grande efficacité collective, au service des justiciables. Cela passe, notamment, par la simplification et l’allégement des procédures, le recentrage des personnels sur leur cœur de métier, le recours accru aux nouvelles technologies, la mutualisation des achats et des fonctions support. Je détaillerai davantage ces sujets lorsque je répondrai tout à l’heure à M. Hyest.
Parmi les nombreux chantiers de modernisation engagés, je m’attarderai plus particulièrement sur celui des frais de justice, car il s'agit d’un sujet récurrent, que M. du Luart et Mme Tasca ont évoqué.
L’an dernier, la dotation des frais de justice a bénéficié d’une importante et nécessaire mise à niveau – elle est passée de 393 millions d'euros à 460 millions d'euros –, permettant en particulier de financer la réforme de l’organisation de la médecine légale. Cette année, l’enveloppe sera consolidée et son montant s’élèvera à 470 millions d'euros.
Certes, comme l’an dernier, la dépense constatée en fin d’année sera sensiblement supérieure à la dotation adoptée en loi de finances. Faut-il, comme les rapporteurs, parler de sous-budgétisation ? Je dirais plutôt que, au-delà de la couverture des dépenses courantes de frais de justice, un effort de résorption des retards de paiement constatés historiquement sur ce poste de dépense a pu être engagé, et c’est heureux, car il permet au ministère de régler ses dettes et de préserver l’équilibre financier de ses prestataires en ces temps de crise. Cependant, j’en conviens, tout n’est pas réglé.
Il n’en demeure pas moins que la dynamique de la dépense des frais de justice doit être maîtrisée, comme l’ont relevé à juste titre les rapporteurs. Nonobstant les facteurs qui poussent tendanciellement à la hausse les dépenses en la matière – augmentation du contentieux, multiplication des dispositions normatives impliquant des frais de justice, recours accru à la preuve scientifique, nouveaux droits ouverts aux victimes –, tous les efforts doivent être entrepris pour réaliser des économies, dans le respect de la liberté de prescription des magistrats et des OPJ, et sans porter atteinte à la recherche de la vérité.
À cette fin, j’ai confié cette année à l’inspection générale des services judiciaires et à l’inspection générale des finances une mission conjointe.
L’une des préconisations de ces deux inspections a déjà pu être mise en œuvre en 2011, à savoir la passation de marchés nationaux pour les analyses génétiques ; elle a permis de réaliser près de 2 millions d'euros d’économies. Ces premiers résultats sont encourageants.
Une autre de ces recommandations a donné lieu à un amendement adopté à l’unanimité, je tiens à le souligner, à l’Assemblée nationale, qui vise à mettre par défaut à la charge des personnes morales condamnées au pénal les frais de justice encourus pendant la procédure. Bien sûr, le juge aura toujours la faculté de déroger à cette règle et de mettre ces frais à la charge de l’État s’il l’estime justifié.
Il faut aussi s’attaquer à la question de la tarification des frais de justice : ainsi que le relève le rapport des inspections précitées, il convient de diminuer certains tarifs, notamment les frais de réquisition des opérateurs téléphoniques, tout en sachant que d’autres devront, au contraire, être revalorisés, en particulier ceux qui sont relatifs aux expertises psychiatriques.
En outre, beaucoup reste aussi à accomplir pour appliquer aux frais de justice les méthodes destinées à professionnaliser l’achat public : je pense, notamment, à la définition de cahiers des charges par type de prestation, à des dispositifs d’information systématique des fournisseurs et des prescripteurs pour favoriser l’alignement sur les meilleures performances.
Enfin, la simplification du circuit de paiement me semble indispensable.
Ces différents chantiers sont résolument engagés. J’espère que, au cours de l’année 2012, des avancées en la matière pourront être réalisées.
Le présent projet de budget donne ensuite pleinement au ministère de la justice et des libertés les moyens de mettre en œuvre les réformes que j’ai portées cette année au nom du Gouvernement, qu’il s’agisse de l’introduction des citoyens assesseurs dans les juridictions correctionnelles et dans les juridictions d’application des peines, de la réforme de l’hospitalisation sans consentement, ou encore de celle de la garde à vue.
À la suite d’une décision du Conseil constitutionnel, la réforme de l’hospitalisation sans consentement a été mise en œuvre le 1er août. Je veux en cet instant rendre hommage à cette tribune à tous les magistrats de France, qui sont extrêmement professionnels : grâce à leur engagement et à leur dévouement, tout s’est bien passé et cette réforme fonctionne ! Très souvent – fait nouveau –, ils se sont rendus sur place. Naturellement, cela ne signifie pas pour autant que des moyens supplémentaires ne seraient pas les bienvenus.
Au total, aux termes du projet de budget pour 2012, 315 emplois seront créés au titre de ces nouvelles mesures. Cet effort sera poursuivi en 2013 ; sur deux ans, 485 emplois seront créés au titre de ces réformes, chiffre qui correspond précisément aux évaluations figurant dans les études d’impact réalisées par la Chancellerie. Pour le moment, l’introduction de jurés citoyens dans certaines juridictions est en phase d’expérimentation. Par conséquent, point n’est besoin de mettre à disposition dès aujourd'hui tous les postes nécessaires. Attendons la généralisation de cette mesure.
Quant à la réforme de la garde à vue, elle se traduit par une augmentation de 85 millions d'euros des fonds consacrés à l’aide juridictionnelle, grâce à la contribution pour l’aide juridique d’un montant de 35 euros instituée par la loi de finances rectificative du mois de juillet dernier.
Je tiens à souligner que la création de cette contribution ne traduit nullement un quelconque désengagement du budget de la justice du financement de l’aide juridictionnelle, puisque les crédits qui y seront consacrés augmenteront de 24 millions d'euros en 2012, soit près de 8 %, passant de 312 millions d'euros en 2011 à 336 millions d'euros en 2013.
Toutefois, le coût de la réforme de la garde à vue – 85 millions d'euros – ne pouvait raisonnablement pas être absorbé par le budget de l’aide juridictionnelle du ministère de la justice, qui a déjà augmenté de plus de 50 % depuis 2002. Il fallait donc trouver d’autres ressources. Après avoir examiné différentes voies, le Gouvernement a tranché en faveur d’un droit de timbre de 35 euros, préférant cette solution, notamment, à une intervention sur les droits d’enregistrement.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la contribution en cause ne sera exigible ni des justiciables qui bénéficient de l’aide juridictionnelle ni dans certaines procédures sensibles telles que celles qui concernent les tutelles, les étrangers, le surendettement, ou encore le contentieux de la sécurité sociale. Elle ne constituera donc pas un obstacle à l’accès au juge.
Enfin, le projet de budget pour 2012 met un accent particulier sur les moyens nécessaires à l’exécution effective et rapide des peines prononcées par les juridictions, dont j’ai fait l’une de mes priorités.
Il ouvre ainsi 1, 8 milliard d'euros de crédits d’autorisations d’engagement pour les investissements prévus dans le cadre du nouveau programme immobilier en matière pénitentiaire que j’ai annoncé au printemps.
L’effort est également porté sur les aménagements de peine : les crédits relatifs au bracelet électronique, à hauteur de 23, 3 millions d'euros, sont accrus de 20 %, pour permettre à l’administration pénitentiaire d’atteindre l’objectif de 12 000 bracelets. Je reviendrai sur ce point ultérieurement.
Pour renforcer la prise en charge des mineurs délinquants, 60 emplois d’éducateurs seront créés et 30 millions d'euros d’investissements engagés pour ouvrir 20 nouveaux centres éducatifs fermés.
Néanmoins, il faut incontestablement aller plus loin si nous voulons doter notre pays des moyens nécessaires à une exécution rapide et effective des peines prononcées et remédier de manière durable à la surpopulation carcérale.
Tel est l’objet du projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines que le conseil des ministres a adopté hier, à la demande du Président de la République. Ce texte sera discuté par le Parlement dès la fin de cette année.
L’objectif fixé est de porter la capacité du parc carcéral à 80 000 places d’ici à la fin de 2017, en privilégiant des structures adaptées aux courtes peines, qui représentent aujourd’hui plus de la moitié des peines ne pouvant être exécutées. Dans le même temps, d’ici à 2017, le nombre de personnes condamnées susceptibles d’être placées sous bracelet électronique pourra être porté à 16 000.
Ce projet de loi contient aussi un volet de mesures visant à renforcer la prévention contre la récidive. J’aurai l’occasion de revenir très largement devant le Sénat sur ce texte.
J’en viens maintenant aux questions que vous m’avez posées, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. le rapporteur spécial s’est interrogé sur la crédibilité de la gestion pluriannuelle du ministère de la justice, notamment quant à l’évolution du parc carcéral. L’objet du projet de loi de programmation susvisé est d’apporter une réponse sur ce sujet sur la période 2012-2017.
Comme je l’ai déjà indiqué, il ne s’agit pas de construire un seul type d’établissement. Aujourd’hui, on dénombre environ 300 000 personnes placées sous main de justice, 64 500 détenus, 175 000 personnes faisant l’objet d’une mission en milieu ouvert. D’aucuns critiquent le « tout carcéral ». Or vous pouvez constater, mesdames, messieurs les sénateurs, que plus de la moitié des personnes incriminées se trouvent en milieu ouvert. Il faut donc en finir avec cette idée, qui n’est qu’un slogan de mauvaise qualité !
Je veux insister sur le point suivant : 80 000 personnes condamnées définitivement n’exécutent pas leur peine. Si un phénomène est source de divorce entre les Français et leur justice, c’est bien celui-ci. Il faut sortir de cette logique.
D'ailleurs, il ne s’agit pas forcément de très grands criminels ; nombre de ces personnes sont seulement condamnées à quelques mois de prison.
L’objet du projet de loi de programmation est de disposer en ville de prisons d’un type particulier qui accueilleront les condamnés à des peines de trois, quatre ou cinq mois. Ces structures de proximité seront beaucoup plus légères que les maisons d’arrêt. Le Gouvernement a donc retenu le principe d’une différenciation des places et la mise en œuvre d’instruments adéquats à l’exécution de leur peine par les condamnés, de façon à satisfaire les Français.
Monsieur le rapporteur spécial, vous m’avez interrogé sur les locaux du Conseil supérieur de la magistrature, institution dont tout le monde se préoccupe. Je veux féliciter ses membres de leur diligence et de leur savoir-faire auprès des parlementaires… §
Soyez rassuré, monsieur Hervé : les locaux actuellement occupés par le CSM resteront à sa disposition jusqu’à la fin de l’année 2012. J’ai obtenu sur ce point des assurances de Matignon et de France Domaine. Nous recherchons activement avec ce dernier service des lieux pouvant accueillir le CSM, tout en sachant que tous les locaux parisiens de la justice feront l’objet d’une redistribution en 2017. En effet, doit être construit un palais destiné à accueillir le tribunal de grande instance de Paris et les vingt tribunaux d’instance. De ce fait, nous devrions pouvoir affecter au CSM des locaux tout à fait corrects.
Par ailleurs, vous m’avez fait part de retards de paiement dans le domaine du secteur associatif habilité. Je le reconnais, de façon structurelle, un retard d’un à deux mois est malheureusement constaté chaque année.
D’âpres négociations, je le dis très clairement, sont d’ores et déjà en cours avec le secteur associatif habilité. Il s'agit de faire en sorte que les règles valables pour les services dirigés en régie par les fonctionnaires s’appliquent également au secteur associatif. Je suis favorable à une association très large du secteur associatif, mais ce dernier doit respecter les mêmes règles que le service public.
Certains d’entre vous – M. Détraigne et Mme Klès – m’ont interrogé sur le nombre d’emplois dans les centres éducatifs fermés, les CEF.
Les CEF gérés par le secteur public comptent 12 places et 24 équivalents temps plein. Il en ira de même dans les CEF gérés par le secteur associatif. Et si la convention collective ne le permet pas, il faudra engager des négociations.
Monsieur le rapporteur spécial, les CEF ne sont pas des structures d’enfermement au sens strict. Ces centres sont certes fermés, mais ce ne sont pas des prisons.
Nous avons essayé d’apporter un certain nombre de réponses à la délinquance des mineurs. Il existe trois types de structures fermées : les quartiers pour mineurs des prisons – c’est la structure la plus coercitive –, les établissements pour mineurs et les CEF. Il existe également des structures ouvertes, les foyers.
La création des CEF, qui accordent davantage de place à la dimension éducative que les quartiers pour mineurs des prisons, nous permet de respecter le principe du primat de l’éducatif sur le coercitif, reconnu récemment par le Conseil constitutionnel comme l’un des principes généraux de notre droit pénal des mineurs.
Le développement des CEF a entraîné une diminution de 13 %, entre 2002 et 2010, du nombre de mineurs incarcérés dans les quartiers pour mineurs des établissements pénitentiaires ; c’était d'ailleurs l’objectif visé. Aujourd'hui, il ne reste qu’un peu moins de 800 mineurs en prison. J’estime qu’il s’agit là d’un grand progrès.
Il existe 90 places en CEF. Le projet de loi de programmation prévoit qu’il y en aura 200 en 2014. En outre, de nouveaux moyens seront mis à disposition dans le domaine de la santé, et en particulier de la santé mentale : 37 emplois d’infirmiers et de psychologues seront créés à cet effet.
Je rappelle que, depuis leur création, les CEF ont pris en charge plus de 5 000 adolescents, auxquels nous avons ainsi évité la détention.
Je crois avoir répondu aux critiques sur le « tout carcéral » et la différenciation des places. Celle-ci constituera l’un des objets du projet de loi de programmation.
Monsieur Alfonsi, certains établissements de placement ont effectivement été fermés ou regroupés. Il n’était pas raisonnable de maintenir certains foyers qui ne comportaient que 6 ou 8 lits et plus de 15 agents. La protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, a donc décidé de réorganiser ces établissements, afin qu’ils comptent tous au moins 12 lits. Au total, si le nombre des établissements a diminué, celui des places, quant à lui, a légèrement augmenté.
Dans deux ans, grâce à la transformation de 20 foyers classiques en CEF, il existera autant de places – 750 – en CEF qu’en foyer.
Si les CEF ne constituent pas le seul moyen de lutter contre la récidive, ces établissements n’en obtiennent pas moins des résultats satisfaisants. Nous n’avons donc aucune raison de nous en priver !
Monsieur Lecerf, les effectifs des services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP, ont beaucoup augmenté ces dernières années. Que ce soit encore insuffisant, je n’en disconviens pas, mais un effort important a été accompli. Le rapport rédigé récemment par l’Inspection générale des services judiciaires et l’Inspection générale des finances conclut d'ailleurs que cet effort de rattrapage a permis de porter les effectifs à un niveau globalement satisfaisant. Toutefois, des renforcements ciblés demeurent nécessaires.
Je peux m’arrêter si vous le souhaitez, monsieur le sénateur ! La décision appartient à M. le président.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. J’ai toujours été à la disposition du Parlement. Je réponds aux questions que les sénateurs me posent. Mais peut-être préféreriez-vous que vos questions demeurent sans réponse ? Ce serait plus facile pour vous !
Souriressur les travées de l’UMP.
Monsieur Lecerf, la loi pénitentiaire du 25 novembre 2009 porte ses fruits : le nombre des aménagements de peine ne cesse d’augmenter, notamment via le recours au bracelet électronique.
Vous savez comme moi, monsieur Lecerf, puisque vous êtes un spécialiste de la question, que la principale difficulté provient des différents délais inscrits dans les textes. En effet – j’ai pu le constater en assistant aux réunions de commissions d’application des peines –, aucune décision d’aménagement de peine ne peut être prise à l’expiration d’un délai de quatre mois. Or, bien souvent, le temps nécessaire aux vérifications conduit à dépasser ce délai, de sorte que le dossier ne peut être examiné par la commission.
Cette question ne relève peut-être pas du domaine législatif, mais nous devons tout de même réfléchir à des solutions concrètes. Les magistrats font très bien leur travail, ainsi que j’ai pu le constater récemment en assistant à une réunion de la commission d’application des peines d’Évry, qui est compétente pour toutes les affaires de la prison de Fleury-Mérogis. Cependant, aussi remarquables que soient les jeunes magistrates que j’y ai rencontrées, elles n’en sont pas moins confrontées à de nombreux problèmes.
Monsieur Lecerf, la commission de suivi de la détention provisoire a été suspendue parce que, entre 2008 et 2011, l’Assemblée nationale n’a pas désigné de députés pour y siéger, malgré plusieurs relances. Elle l’a fait en septembre dernier, de sorte que la commission va pouvoir reprendre ses travaux.
Madame Tasca, vous avez déploré l’insuffisance des effectifs judiciaires, ce qui est tout à fait votre droit. Cependant, M. le rapporteur spécial observe, dans son rapport, que le nombre de magistrats en juridiction a fortement augmenté ces dernières années et qu’il répond désormais aux besoins de manière satisfaisante.
S'agissant des greffiers, l’effort engagé en 2011 se prolongera en 2012, puisque 395 postes supplémentaires seront créés.
En 2002, notre pays comptait 7 343 magistrats ; il en a aujourd'hui 8 620. En 2002, on dénombrait 7 860 greffiers ; en 2010, ils étaient 8 920, ce qui représente une hausse de 13 %. Une décision récente du Conseil d’État conduira à une nouvelle augmentation, de sorte que le ratio d’un greffier pour un magistrat sera atteint.
Madame Borvo Cohen-Seat, je n’érige pas en principe absolu le recours aux partenariats public-privé, ou PPP. Au contraire, je veille à ce que nous conservions le choix entre tous les modes de construction et de gestion, afin que nous puissions établir des comparaisons.
Bien entendu.
Les PPP ne représenteront pas plus de la moitié des travaux effectués par le ministère de la justice. Il est vrai qu’un très beau bâtiment sera construit dans le cadre d’un PPP : le nouveau palais de justice de Paris.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il sera très beau, je vous l’assure !
Sourires.
Monsieur Sueur, vous avez raison de lire la presse ! Ce n’est pas moi qui vous en découragerai, bien au contraire : les journaux ont besoin, sinon d’être lus, du moins d’être achetés.
Toutefois, contrairement à ce que vous avez lu, le ministère de la justice, et encore moins la personne qui en a présentement la responsabilité, ne forme absolument pas le projet de porter le nombre des personnes détenues à 96 000.
Dans ce cas, il faudrait publier un démenti, monsieur le garde des sceaux !
Dans ce domaine, ma philosophie, forgée au cours de longues années de mandats électifs, est de garder le silence. En effet, la publication d’un démenti a généralement pour résultat de multiplier le nombre des lecteurs de l’article qui l’a motivé ! Je me contenterai donc de vous répondre personnellement, monsieur Sueur.
La construction de nouvelles places de prison vise – je le dis aussi à l’intention de M. Lecerf – non pas à emprisonner davantage de personnes, mais à diminuer la surpopulation carcérale. De fait, la loi pénitentiaire ne pourra pas – c’est une vérité élémentaire – être appliquée si celle-ci perdure. Nous connaissons tous des établissements dont le taux d’occupation atteint 120 % ou 130 %.
Monsieur Bockel, je vous remercie du soutien que vous m’avez apporté.
En ce qui concerne les juges de proximité, au sujet desquels plusieurs d’entre vous – M. Hyest, Mme Tasca et M. Sueur, notamment – m’ont interrogé, il reste un véritable problème à régler. Nous ne prendrons certes pas de décision aujourd'hui, mais ne faudrait-il pas qu’il existe une juridiction de première instance et une juridiction d’appel ?
M. Hyest acquiesce.
Il s'agit non pas de modifier la localisation géographique des tribunaux, mais d’instaurer un double degré de juridiction. Ce serait une bonne solution tant pour les greffiers que pour les juges de proximité, dont le rôle est très important pour certains contentieux particuliers.
J’ai récemment visité un tribunal d’instance. Celui-ci comptait quatre juges d’instance, dont l’un était absent. Voyant les trois autres personnes présentes, je me suis enquis de leur identité ; on m’a répondu qu’il s’agissait de juges de proximité. Ceux-ci ne sont donc pas considérés comme de véritables juges ! Je suis allé à leur rencontre : entourés de piles de dossiers impressionnantes, ils s’occupaient de toutes les injonctions de payer. Après la réforme, ils auront encore davantage de travail, puisqu’ils devront traiter également les injonctions dont se chargeait auparavant le tribunal de grande instance. À mes yeux, ce rôle fondamental justifie tout à fait la création d’un tribunal de première instance.
Monsieur Hyest, vous m’avez interrogé au sujet de la dématérialisation des procédures. Son développement est en cours, et les résultats sont satisfaisants. En matière civile, depuis le 1er septembre dernier, l’appel ne peut plus se faire que par voie électronique. La généralisation aux cours d’appel et tribunaux de grande instance est en bonne voie. En matière pénale, le programme de dématérialisation nécessite un travail plus important, en collaboration avec le ministère de l’intérieur, car la procédure pénale dépend de ce dernier.
S'agissant de la plate-forme nationale d’interceptions judiciaires, monsieur Hyest, le prestataire a été sélectionné et les travaux ont commencé.
Monsieur Mohamed Soilihi, vous avez pu constater que les travaux avaient commencé à la prison de Majicavo. J’espère que les conditions de détention seront bientôt satisfaisantes à Mayotte.
J’ajoute que, dans ce département, nous avons créé 11 postes de magistrats – 9 pour le siège et 2 pour le parquet – et 16 postes de fonctionnaires, et que nous avons prévu un crédit d’1, 5 million d'euros pour aménager les établissements.
Même si je n’ai pas cité l’ensemble des sénateurs qui sont intervenus, je pense avoir répondu à presque toutes les questions qui m’ont été posées.
En conclusion, je tiens à vous assurer, monsieur Détraigne, que je n’ai pas l’intention de déposer un nouveau projet de loi en matière pénale. Un projet de loi de programmation attribuera des moyens ; annoncé en septembre dernier par le Président de la République, il sera bientôt examiné par le Parlement.
Je ne suis pas un spécialiste de la communication.
Voyons ! Vous n’êtes pas trop mauvais dans ce domaine, monsieur le garde des sceaux.
Je m’en tiens à une prudente réserve, a fortiori lorsqu’il s’agit de questions graves qui concernent des familles entières. Par conséquent, si des mesures concrètes seront prises, il n’y aura pas, je le répète, de nouveau projet de loi en matière pénale avant la prochaine élection présidentielle.
Peut-être un nouveau projet de loi sera-t-il déposé après cette élection, en fonction des engagements pris devant les Français. En effet, il est normal que la justice constitue un enjeu de la campagne présidentielle, mais il faut éviter qu’elle en soit un instrument.
Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Justice
Justice judiciaire
Dont titre 2
2 063 970 256
2 063 970 256
Administration pénitentiaire
Dont titre 2
1 877 852 478
1 877 852 478
Protection judiciaire de la jeunesse
Dont titre 2
432 946 409
432 946 409
Accès au droit et à la justice
Conduite et pilotage de la politique de la justice
Dont titre 2
119 487 774
119 487 774
Conseil supérieur de la magistrature
Dont titre 2
2 485 818
2 485 818
L'amendement n° II-15 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Justice judiciaireDont Titre 2
Administration pénitentiaireDont Titre 2
Protection judiciaire de la jeunesseDont Titre 2
Accès au droit et à la justice
Conduite et pilotage de la politique de la justice Dont Titre 2
Conseil supérieur de la magistratureDont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Je serai brève, monsieur le président, car il me semble que nous avons un problème de temps !
Il y a au moins une chose que nous avons en commun : les uns et les autres, nous avons reconnu lors de l’examen de la loi pénitentiaire que le maintien des liens familiaux était essentiel pour que le temps passé en prison ne devienne pas une cause d’isolement et de difficultés pour les détenus, donc éventuellement un motif de suicide, voire un facteur de récidive privant de tout effet bénéfique la détention.
La jurisprudence européenne va dans ce sens, et c’est aussi d’ailleurs la raison pour laquelle les prisons étaient liées aux villes.
Or l’éloignement géographique, qui est déjà une réalité pour les maisons de détention, se profile pour tous les lieux d’enfermement, qui sont généralement excentrés, ce qui est vrai également, je le dis au passage, des prisons pour jeunes et des centres éducatifs fermés.
En conséquence, les familles des détenus – elles sont pour la plupart modestes, même s’il se produit parfois que des personnes fortunées soient placées en détention… – éprouvent de grandes difficultés pour payer les frais de déplacement qu’elles doivent engager pour aller rendre visite à leurs proches, jeunes ou moins jeunes, emprisonnés à des kilomètres.
C'est la raison pour laquelle je propose que, à l’instar de la Grande-Bretagne, qui s’est engagée dans un programme dit de « visite assistée », dans lequel une aide est ouverte aux parents et partenaires des détenus, notre pays institue une prise en charge, partielle ou totale, de ces frais de déplacement.
Je vous remercie d’avoir respecté votre temps de parole, madame Borvo Cohen-Seat, car nous avons pris une demi-heure de retard, un temps que se sont d’ailleurs partagé le Sénat et le Gouvernement.
Quel est l’avis de la commission ?
Madame Borvo Cohen-Seat, j’ai parfaitement compris le sens de votre amendement, mais je ne suis pas sûr que la limitation des crédits de l’action Action informatique ministérielle puisse être acceptée par tous !
Par ailleurs, je vais demander au Sénat de repousser le projet de budget de la mission « Justice » et il y aurait donc quelque contradiction à voter votre amendement. C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer celui-ci.
Madame Borvo Cohen-Seat, l'amendement n° II-15 rectifié est-il retiré ?
Je mets aux voix l'amendement n° II-15 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que cet amendement a fait l’objet d’une demande de retrait de la part de la commission et d’un avis défavorable du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 57 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
Ces crédits ne sont pas adoptés.
J’appelle en discussion les articles 52 et 52 bis, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Justice ».
Justice
À la fin du II de l’article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, l’année : « 2018 » est remplacée par l’année : « 2020 ».
L'amendement n° II-14 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 1635 bis P du code général des impôts et le II de l’article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 sont abrogés.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
III – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Cet amendement vise à supprimer l’article 54 de la troisième loi de finances rectificative pour 2009, codifié à l’article 1635 bis P du code général des impôts, qui a institué un droit, d’un montant de 150 euros, applicable sur les appels interjetés depuis le 1er janvier 2011.
Cette somme est due par les parties à l’instance d’appel lorsque la constitution d’avocat est obligatoire devant la cour d’appel. Le droit est acquitté par l’avocat postulant pour le compte de son client, mais il est bien sûr entièrement supporté par ce dernier.
Avec cette nouvelle charge financière pesant sur le justiciable, le Gouvernement entend financer la réforme tendant à fusionner les professions d’avoué et d’avocat.
Il y a deux ans, nous avions soutenu la motion du sénateur Badinter. L’une des raisons, parmi bien d’autres, qui nous avaient conduits à nous opposer alors à cette réforme était que nous n’étions pas convaincus qu’elle entraînerait une réduction du coût de la procédure juridictionnelle.
Alors qu’elle était censée simplifier la procédure et l’accès à la justice, la réforme a eu au contraire pour effet d’instaurer depuis un an une nouvelle contrainte financière préjudiciable à l’effectivité du droit d’accès au juge.
Je rappelle cependant que nous avons en la matière des obligations internationales, qui découlent tant de l’article 14 du pacte des droits civils et politiques et de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme que de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Nous considérons donc que cette taxe, qui constitue une remise en cause du principe de gratuité de la justice et du droit d’accès au juge, préalables nécessaires au droit à un procès équitable, doit être supprimée.
La commission des finances a adopté l’article 52 du projet de loi de finances et demande donc le retrait de cet amendement.
Madame Borvo Cohen-Seat, l'amendement n° II-14 rectifié est-il maintenu ?
L'article 52 est adopté.
L’article 800-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police sont à la charge de l’État et sans recours contre le condamné ou la partie civile, sous réserve des cas prévus aux deux derniers alinéas du présent article. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la personne condamnée est une personne morale, les frais de justice exposés au cours de la procédure sont mis à sa charge. La juridiction peut toutefois déroger à cette règle et décider de la prise en charge de tout ou partie des frais de justice par l’État. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-37 est présenté par M. Hervé, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-11 est présenté par Mme Tasca, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5, première phrase
Après les mots :
personne morale
insérer les mots :
à but lucratif
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-37.
Cet article ajouté par l’Assemblée nationale a trait aux frais de justice que les députés ont mis à la charge des personnes morales condamnées.
Il nous semble que sa rédaction est beaucoup trop extensive, car il convient de distinguer entre personnes morales à but non lucratif et personnes morales à but lucratif, qui seules devraient se voir appliquer ces dispositions.
La parole est à Mme Catherine Tasca, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-11.
Cet article revient sur le principe posé par l’article 800-1 du code de procédure pénale, selon lequel les frais de justice pénale ne peuvent jamais être mis à la charge de la personne condamnée et échoient à l’État. C’est ce qui gênant, au fond, dans sa rédaction actuelle.
Le Gouvernement propose d’introduire une exception à ce principe pour les personnes morales. Comme à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, il semble à la commission des lois que cette rédaction est beaucoup trop extensive et qu’il convient de la restreindre la dérogation aux personnes morales à but lucratif.
Les amendements sont adoptés.
L'article 52 bis est adopté.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L'amendement n° II-40 est présenté par M. Hervé, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-12 est présenté par Mme Tasca, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° II-16 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° II-19 est présenté par Mme Espagnac.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 52 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article 1635 bis Q du code général des impôts est abrogé.
II. - A. - Les deuxième et troisième alinéas de l'article 21-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques sont supprimés.
B. - L'article 28 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi modifié :
a) à la première phrase, après le mot : « juridictionnelle », la fin de cette phrase est supprimée ;
b) à la seconde phrase, après le mot : « achevées », la fin de cette phrase est supprimée.
III. - La perte de recettes pour le Conseil national des barreaux résultant de la suppression de la contribution pour l’aide juridique est compensée à due concurrence par la création et l’affectation d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-40.
Cet amendement tend à supprimer la contribution pour l’aide juridique, dont le montant s’élève à 35 euros.
La parole est à Mme Catherine Tasca, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-12.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° II-16.
La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour présenter l'amendement n° II-19.
L'amendement n° II-83 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'article 52 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L'article 1635 bis Q du code général des impôts est abrogé.
II. - La perte de recettes pour le Conseil national des barreaux résultant de la suppression de la contribution pour l’aide juridique est compensée, à due concurrence, par la création et l’affectation d’une taxe sur les contrats visés aux articles L. 127-1 et L. 127-2 du code des assurances.
La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
Dans le dispositif de cet amendement, il est fait référence à l’instauration d’une taxe compensatrice sur les contrats de protection juridique. Or ces contrats sont très divers, et il s’agit d’une notion assez floue, qui mérite d’être étudiée de façon plus approfondie.
C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de l'amendement n° II-83 rectifié.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 52 bis.
Monsieur Alfonsi, l'amendement n° II-83 rectifié est-il maintenu ?
Non, je le retire, monsieur le président. Je suis d’accord avec M. le rapporteur spécial.
L'amendement n° II-83 rectifié est retiré.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Justice ».
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et articles 49, 49 bis et 49 ter).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Comme les années précédentes, le projet de budget de cette mission prend en compte la spécificité de ceux qui se sont battus pour la défense de nos valeurs. La baisse des crédits, de 4, 3 %, est la conséquence logique de la diminution du nombre des bénéficiaires : en 2012, on comptera 15 250 titulaires de pensions militaires d’invalidité et 55 500 bénéficiaires de la retraite du combattant de moins.
Parmi les éléments saillants de ce projet de budget, qui s’établit à 3, 17 milliards d’euros, figurent des revalorisations nouvelles.
En premier lieu, la retraite du combattant sera majorée de 4 points au 1er juillet 2012, pour atteindre 48 points. Elle concerne 1, 2 million de bénéficiaires. Son montant atteindra 665 euros en 2012, contre 609 euros en 2011. Un gain de 15 points a été enregistré depuis 2006.
En second lieu, je veux insister sur la revalorisation annoncée du plafond de l’allocation différentielle en faveur du conjoint survivant, l’ADCS, servie aux conjoints survivants les plus démunis. Ce plafond sera porté à 869 euros en 2012, contre 834 euros actuellement.
Dans le cadre des efforts d'économie à consentir, l'Assemblée nationale a diminué de 27 millions d’euros, soit de 0, 9 %, les crédits de la mission, et ce en deux temps. Cela représente surtout une possibilité de réduire les reports de 2011 sur 2012, sans que cela ait d’incidence concrète, me semble-t-il, sur l'exercice des missions du secrétariat d’État.
J'en viens à l’examen des programmes.
Les crédits destinés au programme « Liens entre la Nation et son armée » s'établissent à 117, 9 millions d'euros. Ils permettront la poursuite de la réforme de la direction du service national, la DSN, avec notamment le transfert de la fonction archives au Service historique de la défense et, malheureusement – c'est une décision que je déplore ! –, le transfert de l’administration centrale de Compiègne à Orléans.
Exclamations amusées sur les travées de l ’ UMP.
C'est une décision à mes yeux regrettable, mais il faut l’accepter, d’autant qu’elle constitue une bonne nouvelle pour d’autres, n'est-ce pas M. Doligé ?
La nouvelle Journée défense et citoyenneté, la JDC, concerne 750 000 jeunes ; 97 % des jeunes d’une classe d’âge se font recenser et 93 % d’entre eux participent à la JDC. Par conséquent, environ 22 000 jeunes se trouvent encore dans ce qui a pu être qualifié de « trappe civique ». Monsieur le secrétaire d'État, il serait heureux que vous puissiez nous indiquer comment vous comptez remédier à cette situation.
Je souligne la poursuite de la rénovation des nécropoles militaires en vue du centenaire du début de la Grande Guerre, avec un effort exceptionnel de près de 5 millions d’euros.
Le programme « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant », qui comprend l'action Administration de la dette viagère, est le principal de la mission. Ses crédits représentent 2, 94 milliards d’euros. Les subventions aux opérateurs, en particulier à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONAC, sont reconduites.
Le budget du programme « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale » s'élève à 116 millions d’euros, avec des crédits de paiement en augmentation.
Monsieur le secrétaire d'État, où en est le décret unique sur la situation des orphelins de guerre ? Pouvez-vous nous préciser les intentions du Gouvernement à ce sujet ?
Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose d’adopter les crédits de la mission sans modification.
En ce qui concerne les trois articles rattachés, j’indique que l’article 49 vise à revaloriser la retraite du combattant. L’article 49 bis prévoit quant à lui la revalorisation de 360 points de la pension de réversion des conjoints survivants de grands invalides. Enfin, l’article 49 ter tend à prescrire au Gouvernement de remettre un rapport sur les modalités de révision du décret portant attribution du bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d’Afrique du Nord. La commission des finances vous propose d’adopter ces articles rattachés sans modification.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » est un moment particulier du débat budgétaire. C’est, chaque année, l’occasion de témoigner notre reconnaissance à ceux qui ont servi la France au combat ou ont été victimes des différents conflits du xxe siècle et de confirmer leur droit à réparation.
La principale avancée de ce projet de budget pour 2012 est la revalorisation, qui était très attendue, de la retraite du combattant. Elle sera portée à 48 points au 1er juillet prochain. Pourtant, par cet artifice de calendrier, ce n’est qu’à partir de 2013 que les anciens combattants en profiteront pleinement, et il reviendra au gouvernement qui sera alors en place de pourvoir à son financement.
Plus généralement, le projet de budget pour 2012 s’établit à 3, 17 milliards d’euros, soit une baisse de 4, 34 %, c’est-à-dire de 143 millions d’euros, par rapport à 2011. À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a supprimé 26 millions d’euros de crédits supplémentaires. Dans ce contexte, faut-il se réjouir du maintien des droits acquis et ne rien demander de plus ? Les anciens combattants ont beaucoup donné à la France ; n’auraient-ils pas mérité un traitement privilégié ?
Nous le savons, leur déclin démographique est inexorable : le nombre des titulaires de la retraite du combattant baissera de 4, 3 % en 2012, celui des allocataires d’une pension militaire d’invalidité de 5, 2 %. Des marges de manœuvre financières pourraient donc être mobilisées au profit des bénéficiaires survivants.
La mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques s’est poursuivie cette année dans l’administration au service des anciens combattants. Il est désormais entériné que l’ONAC est devenu leur interlocuteur unique. Cela étant, durant la transition, la qualité du service rendu s’est dégradée : des problèmes informatiques ont considérablement ralenti la délivrance des cartes et de la retraite du combattant. J’aimerais donc que vous nous assuriez, monsieur le secrétaire d'État, que les dysfonctionnements seront corrigés dans les délais les plus brefs et que l’ONAC sera pérennisé.
C’est en matière d’action sociale qu’un effort supplémentaire devrait être consenti, ce qui n’est pas le cas. L’allocation différentielle en faveur du conjoint survivant a démontré toute sa pertinence, mais son plafond est trop bas pour sortir ses bénéficiaires de la pauvreté. Il n’existe aucun dispositif spécifique pour les anciens combattants les plus démunis, alors que 5 000 personnes sont potentiellement éligibles. Je regrette de nouveau que l’on n’ait pas tiré parti de la diminution des dépenses résultant de la baisse des effectifs des pensionnés pour donner à ces hommes et à ces femmes méritants un niveau de vie décent.
Il faut également dénoncer le caractère pour l’instant inopérant du mécanisme d’indemnisation des victimes des essais nucléaires français : dix-huit mois après le vote de la loi, seulement deux indemnisations ont été accordées, tandis que cent vingt-sept demandes ont été rejetées.
En ce qui concerne le calendrier mémoriel, je suis opposée à l’idée du Président de la République d’instaurer une date unique de commémoration. Il ne faut pas s’acheminer vers la création d’un memorial day à la française qui remplacerait toutes les autres cérémonies commémoratives et effacerait la richesse de notre histoire.
En revanche, je continue de plaider pour que l’on choisisse la date du 19 mars, jour du cessez-le-feu en 1962, pour rendre hommage aux morts de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie. Celle du 5 décembre n’a aucune signification historique. L’année 2012 marquera le cinquantième anniversaire de cet événement : il est indispensable que les autorités civiles soient officiellement représentées au plus haut niveau lors des manifestations commémoratives.
Il reste des injustices à corriger en matière de droit à réparation. La carte du combattant n’est toujours pas accordée à ceux qui ont servi en Algérie pendant une période de quatre mois incluant la date du 2 juillet 1962, malgré la promesse qu’avait faite M. Falco, ancien secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants.
En ce qui concerne les opérations extérieures, les OPEX, en dépit d’une prise de conscience récente, il faut s’assurer que l’égalité des droits entre toutes les générations du feu sera bien réelle. Il faut aussi agir pour faciliter la réinsertion professionnelle des hommes et des femmes ayant servi lors de ces opérations.
Enfin, je profite de cette tribune pour évoquer les questions spécifiques à mon département, la Moselle. Notre histoire reste encore méconnue de nos compatriotes. La réparation du drame de l’annexion n’est pas encore complète : ainsi, la question de la ligne Curzon, située en Russie, n’est toujours pas réglée ; l’inégalité de traitement entre anciens prisonniers, selon qu’ils étaient détenus à l’est ou à l’ouest de cette ligne, est injustifiable, car les conditions de détention étaient identiques et la souffrance quotidienne pour tous. J’aimerais donc connaître les intentions du Gouvernement à ce sujet.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous l’aurez perçu, la commission des affaires sociales a porté un regard plutôt critique sur ce projet de budget, qui comporte des avancées en trompe-l’œil. Certaines politiques ont connu des résultats intéressants, s’agissant notamment de l’entretien et de la transmission du souvenir des soldats tombés pour la France et de la valorisation du patrimoine mémoriel.
Cependant, trop de problèmes ne sont pas encore réglés. C’est pourquoi nous avons donné un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », mais un avis favorable aux articles rattachés, qui répondent aux attentes du monde combattant. Je signalerai, au passage, que le rapport demandé à l’article 49 ter ne nous apprendra rien que nous ne sachions déjà : le bénéfice de la campagne double doit être accordé aux anciens combattants d’Algérie qui ont liquidé leur pension avant 1999 ; c’est une question de justice !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et sur certaines travées du RDSE.
Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle aussi que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Cécile Cukierman.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de budget des anciens combattants et victimes de guerre – on parle désormais des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » – aurait pu être le moins mauvais de cette législature, si son examen n’avait donné lieu, à l’Assemblée nationale, à d’odieuses manœuvres, sans précédent dans le cadre d’une discussion budgétaire relative aux anciens combattants. En matière de cynisme, on peut dire que le Gouvernement s’est surpassé !
En effet, non seulement le projet de loi de finances rectificative avait amputé les crédits pour 2011 de 12 millions d’euros, plan de rigueur oblige, mais vous avez en outre unilatéralement décidé de les « dégraisser » à l’avance de 14 millions d’euros au titre de 2012, au travers d’un amendement gouvernemental déposé à l’Assemblée nationale, en prétendant qu’ils ne seront pas consommés. C’est du jamais vu !
Ensuite, comme à votre habitude, vous avez utilisé l’argument détestable de l’érosion naturelle des effectifs pour réduire les crédits de cette mission de 4, 52 % par rapport à 2011, soit une diminution de 143 millions d’euros.
La retraite du combattant atteindra enfin, il est vrai, 48 points d’indice, mais seulement au 1er juillet 2012 ! Nous reconnaissons que cette avancée n’est pas négligeable, mais il faut souligner qu’elle résulte surtout de la ténacité des associations représentatives des anciens combattants, qui, cette année comme les précédentes, nous ont fortement interpellés sur ce sujet. En outre, cette mesure est marquée du sceau de la mesquinerie, puisqu’il s’agit aussi d’économiser la valeur d’un demi-exercice budgétaire chaque année, sur le dos de ceux qui ont mis leur vie au service de la Nation. Ce n’est donc qu’à partir de 2013 que les anciens combattants en bénéficieront, puisque la retraite est versée semestriellement et à terme échu.
Au chapitre des avancées, nous relevons qu’une cinquantaine de veuves des plus grands invalides de guerre devraient voir leur situation s’améliorer, grâce à l’abaissement de 12 000 à 11 000 points du plafond pour bénéficier de l’augmentation de 360 points votée l’an dernier.
Pour autant, faut-il oublier les veuves d’anciens combattants beaucoup plus nombreuses qui survivent avec une allocation différentielle dont le plafond est fixé à 834 euros depuis le 1er avril 2011 et que vous avez promis, monsieur le secrétaire d’État, de faire relever par l’ONAC à hauteur de 869 euros ? Nous sommes encore bien loin du seuil de pauvreté, qui ne concerne d’ailleurs pas que les seuls conjoints survivants.
En effet, de nombreux anciens combattants subsistent aujourd’hui avec moins de 850 euros par mois. Nous souhaitons donc qu’ils puissent bénéficier, eux aussi, d’une allocation différentielle leur permettant de vivre à peu près dignement.
Ces semblants de victoires obtenus de haute lutte ne sauraient faire oublier les aspects dangereux de ce projet de budget, non plus que l’absence de réponse à des revendications anciennes, que le simple maintien des crédits au niveau de l’année 2011 aurait pu permettre de satisfaire en partie. Il en est ainsi, notamment, du bénéfice de la campagne double, du relèvement du plafond majorable de la rente mutualiste, de l’attribution de la carte du combattant aux anciens des OPEX, de l’octroi d’une indemnisation décente aux victimes des essais nucléaires : autant de sujets que je regrette de ne pouvoir développer dans le temps de parole de sept minutes qui m’est imparti.
Je note également qu’au travers de ce projet de budget se poursuit la réforme de l’ONAC, avec son deuxième contrat d’objectifs et de moyens, visant à « rationaliser l’organisation du travail », ainsi que la réforme de l’Institution nationale des Invalides, qui fait l’objet d’un contrat d’objectifs et de performance !
Comment peut-on se féliciter, à l’instar du Gouvernement, de la disparition quasiment achevée de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale de l’administration des anciens combattants et des directions interdépartementales des anciens combattants ?
L’ONAC devient, par la force des choses, l’interlocuteur unique des anciens combattants, parce que la RGPP a été honteusement appliquée, dans toute sa rigueur, à leurs institutions clés. La situation est surréaliste : par votre voix, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement en est à se féliciter de ne pas avoir osé remettre en question les avantages consentis à ces personnes !
Au titre des promesses non tenues, je voudrais encore évoquer le plafond majorable de la rente mutualiste, bloqué à 125 points depuis le 1er janvier 2007, encore loin des 130 points promis par un certain candidat à l’élection présidentielle de 2007… Je présenterai tout à l’heure un amendement portant sur ce point.
Nous pourrions également parler de l’attribution de la carte du combattant aux militaires arrivés en Algérie avant le 2 juillet 1962 et justifiant de quatre mois de présence sur le territoire algérien avant et après cette date.
Le décret du 29 juillet 2010, que le Conseil d’État vous a contraint de publier, accorde le bénéfice de la campagne double aux ressortissants du code des pensions civiles et militaires, anciens combattants d’Afrique du Nord, mais son article 2 impose une condition de participation aux actions de feu ! Pis encore, son dispositif ne concernera pas ceux qui ont liquidé leur retraite avant le 19 octobre 1999. Une telle mesure n’est pas de nature à assurer l’égalité des droits entre les combattants de tous les conflits.
Il faut également mentionner l’imposture que constitue le mécanisme d’indemnisation des nombreuses victimes des essais nucléaires français. La loi du 5 janvier 2010 est complètement inopérante. Comme vous l’avez reconnu vous-même, monsieur le secrétaire d’État, deux demandeurs sur 609 ont été admis à indemnisation ! Que pouvez-vous nous dire du nouveau décret qui serait en préparation et dont l’objet serait d’élargir les critères d’attribution à certaines maladies et à certaines zones géographiques ? Il serait souhaitable de créer une mission d’information sur ce dossier.
Je voudrais encore aborder la question de l’indemnisation des orphelins de victimes de la barbarie nazie. Bien qu’elle relève directement du Premier ministre, pourriez-vous nous donner quelques éléments sur la teneur du projet de décret ? Il me semble indispensable que l’indemnisation soit au moins ouverte aux orphelins dont les parents ont été tués pour faits de guerre ou de résistance, collective ou individuelle.
S’agissant enfin du calendrier mémoriel, le Président de la République a annoncé, le 11 novembre dernier, que, outre la commémoration de la fin du premier conflit mondial, serait à l’avenir rendu hommage à cette date à tous les morts pour la France, notamment en OPEX. Je suis, comme l’ensemble du groupe CRC, farouchement opposée à l’idée d’instaurer une journée unique de commémoration, remplaçant toutes les autres. De nombreux anciens combattants nous ont d’ailleurs affirmé, à l’occasion des cérémonies du 11 novembre, qu’eux aussi étaient opposés à une telle évolution.
En effet, toutes ces dates commémoratives sont le reflet de la richesse de notre histoire, la marque de notre respect et de la reconnaissance de la nation pour les sacrifices des différentes générations du feu.
À ce propos, nous célébrerons, en 2012, le cinquantième anniversaire du cessez-le-feu du 19 mars 1962, qui a débouché sur la fin de la guerre d’Algérie. Je tiens à redire la détermination de notre groupe à obtenir que la date du 19 mars, plutôt que celle du 5 décembre, dénuée de sens, soit officiellement retenue pour honorer la mémoire des militaires tombés en Algérie, au Maroc ou en Tunisie, et celle de toutes les victimes civiles d’avant et d’après le 19 mars 1962.
Ce choix permettrait d’enrayer une préoccupante dérive mémorielle, dont témoigne un exemple récent et particulièrement frappant : l’initiative, historiquement infondée et politiquement dangereuse, de transférer aux Invalides les cendres du général Bigeard.
En conclusion, j’indique que notre vote sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » dépendra du sort qui sera réservé aux amendements que j’ai déposés au nom du groupe CRC.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste -EELV.
Monsieur le président, je trouve irrespectueux pour le monde combattant que notre débat se déroule dans de telles conditions.
Cette discussion générale, moment fort de l’expression démocratique, sera en effet tronquée puisque, à peine entamée, elle va être interrompue dans quelques instants par la suspension de la séance, ce qui nuira à la qualité et à la cohérence de nos échanges. Le devoir de mémoire revêt pourtant un caractère essentiel et s’impose à tous.
Monsieur le président, il aurait été préférable de commencer la discussion générale cet après-midi.
Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
Je vous rappelle néanmoins que je ne fais que respecter les décisions de la conférence des présidents et du bureau du Sénat.
Malheureusement, les débats sur le projet de loi de finances obéissent à des contraintes dont nous devons tenir compte. Tout retard se répercute sur l’examen des crédits des missions suivantes. Si les dérapages sont trop importants, nous devrons siéger le samedi, voire le dimanche. Ce n’est pas nécessairement souhaitable pour la médiatisation de nos travaux ! Je déplore que la discussion des crédits de la mission « Justice » ait pris plus de temps que prévu…
La responsabilité de la dérive de ce matin est partagée entre M. le garde des sceaux et chacun des orateurs !
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Didier Guillaume.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence de M. le président du Sénat, retenu cet après-midi au Congrès des maires.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
Exclamations amusées sur les travées de l ’ UMP
… les agences de notation sont des instruments, objectifs et indépendants, d’évaluation de la solidité des acteurs financiers et de la fiabilité de leurs produits. Simples thermomètres, …
… elles ne sauraient être responsables des fièvres qu’elles mesurent.
Curieux thermomètres, qui ne détectent pas les débuts de fièvres, mais aggravent celles-ci une fois déclarées ! Crise asiatique, crise des valeurs internet, banqueroute d’Enron, de WorldCom, de Lehman Brothers et des rehausseurs de crédit américains : partout plane l’ombre des agences de notation.
Récemment, Fitch a abaissé la note de PSA, dont les résultats ont pourtant progressé de 18 % au premier semestre de 2011. Un train de licenciements suit, histoire de « rassurer les marchés » ! Cette même agence vient tout juste de rendre publique sa décision de dégrader la note du Portugal pour cause de récession – récession provoquée par la rigueur demandée.
Après avoir certifié les produits financiers à base de subprimes qui ont empoisonné le système bancaire mondial, les agences de notation sont passées à la déstabilisation des États qui se sont endettés pour sauver les banques d’un naufrage mérité. La facture de la récession et du chômage, on le sait, a été envoyée aux peuples…
Cerise sur le gâteau, voilà quelques jours, Standard & Poor’s – j’ai failli dire Laurel et Hardy ! –…
… a annoncé « par erreur » la dégradation de la note de la France, s’attirant ainsi les foudres, sans que cela entraîne plus d’effets, des autorités françaises et suscitant une démangeaison régulatrice à Bruxelles.
Régulons donc, la morale publique y gagnera certainement. Mais, régulation ou pas, monsieur le ministre, aussi longtemps que l’alpha et l’oméga de votre politique sera de sauver le « triple A » français – ou plutôt ce qu’il en reste, au vu de l’écart entre les taux consentis à l’Allemagne et à la France –, vous resterez l’otage des agences de notation et des marchés.
La Banque centrale européenne devrait être faite pour cela.
Ma question est donc simple : jusqu’à quand la France acceptera-t-elle de se plier aux marottes mortifères de l’Allemagne
Murmures sur les travées de l ’ UMP.
, qui refuse toute monétisation directe des déficits publics, moyen pourtant de sortir de la crise à moindres frais et de sauver l’Europe !
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.
Monsieur Collombat, vous allez vraiment très loin dans les facilités de langage pour résumer une situation qui, en réalité, est extrêmement sérieuse.
Ce n’est pas en tapant comme vous le faites sur les agences de notation que l’on réglera le problème essentiel, à savoir l’accumulation des déficits depuis trente ans, …
… amplifié par une crise mondiale sans précédent. Pour sauver l'économie et les dépôts des particuliers, pour éviter une récession majeure et ses cortèges de douleurs sociales, les États ont accepté de prendre le fardeau sur leurs épaules. Telle est la réalité que nous avons à affronter.
La question principale porte donc sur la politique à suivre en matière de finances publiques, sur le rythme de réduction des déficits publics, sur la tenue du calendrier que nous proposons à nos partenaires, et non sur la destruction de « thermomètres », pour reprendre le terme que vous avez employé.
Pour autant, il faut en effet plus de transparence, plus de réglementation et plus de responsabilité.
Plus de transparence, c’est ce qui a été obtenu grâce aux différents travaux menés dans le cadre du G20, qui ont permis de mettre des moyens juridiques supplémentaires à la disposition des autorités de marché, en France comme à l’échelon européen.
En matière de responsabilité, vous avez eu raison d’évoquer ce que nous avons nous-mêmes qualifié de « boulette ». Dans les temps actuels, empreints d’incertitudes et de turbulences, c’est de confiance que nous avons besoin. La responsabilité de l’agence de notation en question doit être à la hauteur de la faute qu’elle a commise et reconnue. Son président s’est déplacé en personne pour présenter ses excuses. Nous avons réagi immédiatement. J’ai saisi l’autorité de régulation compétente et, ce matin, devant la place de Paris, j’ai réaffirmé la position du Gouvernement français. Les régulateurs disposent aujourd'hui de plus de moyens juridiques pour adapter la sanction à l’importance de la faute.
Naturellement, il importe d’aller vers une moins grande dépendance à l’égard de ces agences de notation. La France, au côté de la Commission européenne, œuvre à cette fin. Il s’agit d’adapter la réglementation européenne en fonction de cet objectif prioritaire. En effet, il ne faut pas oublier que la publication d’une note par une agence entraîne des contraintes juridiques. Il faut donc mettre en place un cadre européen pour les alléger : c’est le chemin que nous empruntons. À cet égard, la France est aux avant-postes et elle soutiendra les propositions que fera la Commission européenne.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l ’ UCR.
Ma question s'adresse à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.
Nous avons eu un long débat, au cours de l’examen du projet de loi de finances, sur le niveau des concours de l’État aux collectivités territoriales. Je suis au regret de le dire, je ne vois pas comment nous pourrions, dans le même temps, demander à tous les Français des efforts et nous en exonérer au sein de nos collectivités.
Défendre les finances des collectivités territoriales, mes chers collègues, c’est d’abord éviter de mettre de façon insidieuse de nouvelles dépenses à leur charge. À cet égard, notre responsabilité de législateur est engagée.
De ce point de vue, je note une appréciation assez nouvelle de l’application de l’article 40 de la Constitution dans notre assemblée, donnant à penser qu’il suffirait d’être majoritaire pour s’en exonérer.
Mme Nicole Bricq s’exclame.
Je souhaite que nous puissions, sous une forme ou une autre, reprendre les propositions de notre collègue Éric Doligé sur l’allégement des normes, fût-ce au risque de devoir affronter quelques corporatismes.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Par ailleurs, nous devons être clairs et cohérents. On ne peut, comme le fait Terra Nova, soutenir que le problème français tient au fait que nos « 36 000 communes atomisent les capacités d’action », pour en conclure que les intercommunalités doivent se transformer « en collectivités locales de plein exercice avec attribution de la clause générale de compétences », tout en prétendant se faire le défenseur de l’autonomie communale.
On ne peut à la fois demander plus de dotations d’État pour tenir compte de la réalité des dépenses liées aux transferts de compétences et dénoncer une perte d’autonomie fiscale.
On ne peut à la fois, au nom de la solidarité, en appeler à la péréquation et demander que soit donnée à toutes les collectivités, notamment aux plus riches, une garantie de ressources.
Les maires l’ont clairement exprimé, ils veulent un discours courageux et de vérité.
M. Dominique de Legge. C’est d’ailleurs le sens des nombreux suffrages qui se sont portés sur la candidature à la présidence de l’Association des maires de France de notre collègue député Jacques Pélissard, réélu avec 64 % des voix !
Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l’UCR.
Qu’est-ce que cela aurait été si vous aviez remporté les sénatoriales ! Vous auriez applaudi debout ?
Monsieur le ministre, je prends acte avec satisfaction de l’évolution de la structure de la DGF et de la part prépondérante donnée à la péréquation.
M. Dominique de Legge. Pour autant, je souhaite vous interroger sur les dispositions que vous comptez prendre pour faire en sorte que les dotations accordées tiennent de mieux en mieux compte de la richesse des territoires au regard de leurs charges effectives. D’une façon plus générale, quel équilibre souhaitez-vous instaurer entre péréquation verticale et péréquation horizontale ?
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l’UCR.
Monsieur de Legge, vous relevez à juste titre les efforts faits par le Gouvernement en matière de mise en œuvre des principes constitutionnels qui s’appliquent aux ressources financières des collectivités territoriales : autonomie financière, stricte compensation des charges transférées, péréquation.
Dans le cadre du budget pour 2012 dont le Parlement est en train de débattre, nous souhaitons aller plus loin en matière de péréquation.
Un budget de l’ordre de 3 milliards d’euros est destiné au bloc communal au titre de la péréquation dite verticale, c’est-à-dire de l’État vers les collectivités. Cela permettra de mieux accompagner les communes et intercommunalités fragiles.
Un effort a aussi été consenti pour développer la péréquation horizontale, c’est-à-dire entre départements, afin que ceux qui sont réputés riches puissent aider ceux qui le sont moins.
M. Philippe Darniche applaudit.
Nous allons, cette année, entrer dans une troisième phase, en mettant en place une péréquation horizontale à l’échelon de la strate communale. Dès 2012, cela devrait permettre de répartir environ 250 millions d'euros au bénéfice des communes et intercommunalités les plus fragiles. Ce dispositif est appelé à monter en charge, jusqu’à représenter 1 milliard d’euros en 2016.
La création du fonds de péréquation intercommunal et communal constitue une avancée majeure en termes d’équité entre territoires. C’est la première fois qu’un tel fonds est mis en place et que les intercommunalités sont désignées comme l’échelon de référence d’un tel mécanisme de solidarité, en cohérence avec la mise en œuvre de la réforme des collectivités territoriales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons un débat sur les critères d’éligibilité au fonds de péréquation intercommunal et communal. Je compte bien que, à l’issue de ce débat, nous soyons les uns et les autres contents du travail accompli. Il y a une étape importante à franchir ; je souhaite que nous puissions le faire ensemble !
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l ’ UCR.
Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de la coopération.
Depuis quelques jours, dans le monde entier, les regards sont de nouveau tournés vers la place Tahrir, où semble se jouer l’avenir de l’Égypte.
Les scènes que nous pouvons entrevoir sont très inquiétantes. Les incidents violents se sont multipliés : il est fait état de plusieurs morts et de nombreux blessés. La situation est confuse et la question de la brutalité policière se pose encore.
Ces événements très médiatisés occultent pourtant des atteintes aux droits de l’homme nombreuses et répétées. Partout dans le pays, la répression des manifestants et des protestataires se poursuit, physiquement et sur internet, tandis que, dans le domaine religieux, la discrimination contre les minorités est toujours d’actualité.
Ces constats amènent à poser la question de la capacité du Conseil supérieur des forces armées à mener la transition démocratique. Celle-ci est nécessaire : l’Égypte est un grand pays, qui était jusqu’alors un pôle de stabilité régionale, notamment au regard du conflit israélo-palestinien. Son peuple mérite de trouver la voie de la paix et de la démocratie.
Malgré le calendrier fixé par le pouvoir égyptien, prévoyant en particulier des élections parlementaires dans quelques jours, ce qui donne l’impression que la transition est en marche, nous sommes préoccupés par la situation.
Dans le respect de la souveraineté nationale de l’Égypte, la France doit agir. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser quelles sont vos modalités d’action ? Que fait le Gouvernement pour soutenir la transition vers une société libre et démocratique, pour encourager le respect des droits humains, de la différence religieuse et des libertés d’expression ?
Que fait-on, à l’échelon européen et international, pour éviter que ces heures critiques ne remettent en cause le processus engagé ?
N’oublions pas que, derrière la crise politique, se cache aussi une crise sociale profonde : une crise de la misère, sur fond d’explosion démographique. L’Égypte est un pays jeune, dont l’avenir paraît fort sombre.
Par le « partenariat de Deauville », lancé avec plusieurs pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, les pays membres du G8 se sont engagés à apporter leur soutien à la mise en œuvre des réformes annoncées à la suite du printemps arabe. Pouvez-vous nous détailler, monsieur le ministre, les moyens d’action prévus, notamment en faveur de l’Égypte et de son développement économique ?
L’Égypte est un pays d’importance majeure dans le monde méditerranéen ; il se trouve à un tournant pour son avenir ! Si nous sommes convaincus qu’il revient à l’Égypte de construire son destin, il appartient à la France, en tant que pays ami, de se poser aujourd’hui ces questions essentielles.
Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Madame la sénatrice, je sais l’intérêt tout spécial que vous portez, en tant que présidente du groupe d’amitié sénatorial, à ce grand pays ami de la France qu’est l’Égypte.
Les événements qui se déroulent ces jours-ci sur la place Tahrir sont effectivement inquiétants. Je crois que nous devons réagir en concentrant nos efforts sur plusieurs points.
Il convient d’abord d’inciter les autorités de transition égyptiennes à respecter les échéances électorales. À cet égard, il faut absolument que les élections législatives puissent se tenir comme prévu dans quelques jours, et ce dans d’excellentes conditions. Elles doivent précéder, selon un calendrier resserré, l’élection présidentielle, qui désignera le nouveau chef de l’État.
Ensuite, il faut que la transition démocratique vers un pouvoir civil puisse s’opérer dans les meilleures conditions. La communauté internationale agit en ce sens au travers du Forum pour le futur et du partenariat de Deauville. Ce dernier a permis de mobiliser 40 milliards d’euros en faveur de l’Égypte et de la Tunisie : 20 milliards d’euros proviennent des grandes banques internationales, 10 milliards d’euros des pays du Golfe et 10 milliards d’euros des pays membres du G8. Ces fonds sont destinés à aider à la transition sociale et à soutenir la relance de l’économie, pour promouvoir un nouvel équilibre.
Le Premier ministre nous a demandé d’être extrêmement vigilants sur les conditions dans lesquelles toutes ces opérations complexes se déroulent. En effet, nous le savons bien, si le printemps arabe a permis l’émergence de grandes promesses, le moment est historiquement difficile et elles ne pourront être réalisées sans heurts ni difficultés. Par conséquent, dans un esprit de responsabilité, incitons les autorités égyptiennes à bien respecter la volonté populaire.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.
M. Jean-Jacques Mirassou. M. Sarkozy affirmait, voilà quelques jours, que « voler la sécurité sociale, c’est trahir la confiance de tous les Français ».
Eh oui ! sur les travées de l’UMP.
Parallèlement, vous avez annoncé, monsieur Bertrand, la mise en place d’un quatrième jour de carence pour les salariés du secteur privé en cas d’arrêt pour maladie, ainsi que celle d’un jour de carence dans les trois fonctions publiques.
Bien sûr, personne ne saurait accepter la fraude, quelle qu’elle soit
Bravo ! sur les travées de l ’ UMP.
Au Gouvernement, vous ne vous occupez pas de tous les fraudeurs ! Les patrons voyous, cela ne vous concerne pas !
En effet, vous prenez délibérément le risque, pour instrumentaliser la fraude, de punir les malades tout en désignant tous les salariés comme des fraudeurs ou des voleurs potentiels, sans oublier les médecins, qui sont les prescripteurs des arrêts pour maladie.
Faut-il préciser, au passage, que moins de 3 % des indemnités versées au titre de l’assurance maladie le sont pour des arrêts de moins de dix jours ? Vous vous livrez, de surcroît, à un exercice qui vous est familier, consistant à opposer les salariés du privé à ceux du public. Permettez-moi de vous le dire, ce faisant, vous flirtez avec le populisme !
M. Jean-Jacques Mirassou. Dans le même temps, s’agissant de la fraude, il est un domaine où, jusqu’à présent, nous vous avons trouvés bien discrets. En effet, nous aimerions vous voir déployer autant d’énergie et de sévérité à l’égard des fraudeurs aux cotisations sociales – le montant de cette fraude est estimé à 2 milliards d’euros – ou de ces patrons voyous qui font appel à l’argent public avant de délocaliser !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Par ailleurs, qu’avez-vous fait jusqu’à présent pour lutter contre l’évasion fiscale, notamment en Suisse, alors qu’un ancien ministre du budget prétendait connaître les tricheurs ?
Rien, ou si peu !
En France, la fraude aux prestations sociales atteint 400 millions d’euros. C’est trop, bien sûr, mais cela ne pèse pas lourd en face des 25 milliards d’euros que représente la fraude fiscale dans notre pays !
M. Jean-Jacques Mirassou. Ce constat étant posé, ma question sera simple : vous reste-t-il suffisamment de lucidité pour reconnaître que les plus modestes ne sont pas des voleurs ou des profiteurs du système potentiels, mais, bien au contraire, les victimes de votre politique d’injustice fiscale ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le sénateur, …
M. Xavier Bertrand, ministre. … vous reste-t-il suffisamment de lucidité pour reconnaître que la lutte contre les fraudes est largement soutenue par l’opinion française ?
Non ! sur les travées de l’UMP.
Vous reste-t-il suffisamment de lucidité pour reconnaître que, dans votre département, vos concitoyens jugent la fraude insupportable, quels que soient la nature de la fraude et le statut du fraudeur ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous mettons la même énergie à lutter contre les faux chômeurs qu’à lutter contre les faux entrepreneurs ne faisant travailler que de la main-d’œuvre clandestine !
Applaudissementssur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Nous déployons la même énergie, monsieur le sénateur, pour sanctionner le bénéficiaire d’un faux arrêt de travail que pour sanctionner le signataire du faux arrêt de travail !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Vous qui savez tout, vous ne pouvez ignorer que des enquêtes montrent que ce sujet transcende très largement les clivages politiques. Si vous aviez un minimum de lucidité, vous reconnaîtriez que si nous voulons préserver notre modèle social, …
M. Xavier Bertrand, ministre. … nous devons avoir le courage de réformer – il est vrai que courage et socialisme n’ont jamais vraiment fait bon ménage
Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
… et celui de réprimer des fraudes injustifiables. À l’Assemblée nationale, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, est coprésidée par un député socialiste, M. Mallot, et par un député de l’UMP. C’est dans une telle instance, plus qu’en séance publique, où prévalent trop souvent les effets de manches, que l’on peut travailler ensemble sur ces questions et avancer, au-delà des appartenances politiques ! Pour notre part, nous mettons en œuvre les conclusions de la MECSS ! Ainsi, cette année, les résultats de la lutte contre la fraude se sont accrus de 20 %. Valérie Pécresse, de son côté, prend de nouvelles initiatives pour réprimer la fraude fiscale.
Vous dites que nous en faisons trop, mais moi je trouve que nous n’en faisons pas encore assez : je tiens à vous le dire, nous irons plus loin !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.
M. Xavier Bertrand, ministre. Afin de donner aux agents de contrôle de la sécurité sociale les outils nécessaires pour faire reculer la fraude, nous mettrons en place, avant la fin de l’année, un fichier national des allocataires sociaux. Cela ne vous plaît peut-être pas, mais cela plaît aux Français, qui savent que ceux qui n’ont rien à se reprocher n’ont rien à craindre de la création d’un tel fichier !
Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – Applaudissements sur les travées de l’UMP.
Permettez-moi, en guise de conclusion, de citer Martine Aubry : « Quand c’est flou, il y a un loup ! » En la matière, votre position est floue, elle est inacceptable !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Hier, à l’Assemblée nationale, M. Baroin déclarait que, « depuis le début de l’année, 160 000 emplois nets avaient été créés par le marché ».
Les travailleurs devraient donc se satisfaire de cette affirmation lacunaire.
Pourtant, un rapport d’information du Sénat souligne que, entre le 31 mars 2000 et le 30 septembre 2010, 717 000 emplois salariés directs ont été supprimés dans l’industrie. En outre, 52 000 emplois salariés intérimaires ont disparu. J’en conclus que le marché et vos choix politiques sont nocifs pour l’emploi.
Les exonérations de charges sociales au profit des patrons, les cadeaux fiscaux aux grands groupes, les privations imposées aux salariés ont cassé l’emploi, particulièrement l’emploi industriel.
La preuve en est que les restructurations et les plans sociaux se multiplient dans tous les secteurs. Ce sont 5 000 emplois qui sont menacés chez PSA et ses sous-traitants, dont 400 sur le site PSA de La Garenne-Colombes, dans le secteur recherche et développement, 373 chez BNP-Paribas, 1 650 au journal ParuVendu, tandis que 650 emplois ont déjà été supprimés chez SeaFrance, et plus de 180 chez NetCacao et chez Fralib.
Chez Renault, à l’usine de Sandouville, ce sont 1 120 emplois qui sont compromis en raison de la baisse de production annoncée.
Hier, vous promettiez qu’il n’y aurait aucune suppression de postes chez PSA : de belles paroles, sans qu’aucune assurance ait été donnée aux salariés, qui demandent la conclusion d’un accord tripartite garantissant notamment une répartition équilibrée de la production entre tous les sites.
Le 27 octobre dernier, ici même, M. Besson se portait garant du maintien des approvisionnements de Renault auprès de la Fonderie du Poitou. Un mois plus tard, ses engagements volaient en éclats : 460 emplois à la fonderie et plus de 1 000 emplois induits dans le bassin de vie se trouvaient mis en péril. Vos paroles ne sont que du vent !
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Votre credo, c’est rassurer les marchés, accroître les bénéfices et les dividendes des actionnaires.
Pour notre part, nous pensons qu’il faut sortir notre économie des griffes des marchés financiers, favoriser la mise en cohérence de filières industrielles, faire le lien entre recherche et innovation, qualification et production, encourager l’investissement, harmoniser par le haut la fiscalité des entreprises. En bref, il faut construire une politique industrielle fondée sur des exigences en matière d’emploi, de qualification, de recherche, en favorisant l’indispensable transition écologique.
Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.
Madame la sénatrice, j’ai effectivement dit hier, devant l’Assemblée nationale, que la France avait créé, depuis un an, 160 000 emplois nets. Aujourd’hui, j’ajoute que notre pays a, pour la première fois depuis dix ans, enregistré un solde positif en matière d’emplois nets dans l’industrie.
Cela signifie que les outils mis en œuvre par le Gouvernement au cours de cette législature – le crédit d’impôt recherche, le Fonds stratégique d’investissement, OSEO… – pour accompagner le développement industriel ont permis d’engager la France sur le chemin d’une réindustrialisation progressive.
Protestations sur les travées du groupe CRC.
Il n’est pas question de relâcher, ne serait-ce qu’une seconde, les efforts consacrés depuis des années à la protection de nos bassins d’emploi, à la préservation de l’emploi, à l’accompagnement en matière d’innovation, de recherche et de compétitivité de nos entreprises à l’international.
M. François Baroin, ministre. C’est pourquoi, malgré les conséquences de la crise sur l’économie réelle, le Gouvernement n’acceptera pas que l’emploi soit une variable d’ajustement.
Exclamations sur les travées du groupe CRC.
Dans cette optique, le patron de PSA, M. Philippe Varin, a pris devant le Président de la République l’engagement ferme de ne procéder à aucun licenciement et de ne pas fermer de sites industriels dans notre pays. J’ai quant à moi reçu mardi dernier le président d’Areva à la suite d’une rumeur faisant état de suppressions d’emplois, qui a été immédiatement démentie par la direction de l’entreprise. Le président d’Areva a lui aussi pris l’engagement de ne pas supprimer d’emplois.
S’agissant de Renault, il y a des contrats d’objectifs. Le président de cette entreprise a également pris des engagements en matière de préservation de l’emploi, de maintien des sites industriels implantés sur notre territoire et de sauvegarde du niveau d’activité chez les sous-traitants.
C’est l’ensemble de la chaîne industrielle qui fait l’objet d’une attention très soutenue.
C’est d’ailleurs dans cet esprit que, hier matin, Claude Guéant, Valérie Pécresse, Éric Besson, Pierre Lellouche, Frédéric Lefebvre et moi-même avons réuni tous les préfets pour les mobiliser autour de notre objectif prioritaire, …
Bla-bla ! Vous dites toujours la même chose ! C’est toujours le même discours !
M. François Baroin, ministre. … qui est de maintenir l’activité économique et de préserver les emplois au travers de la protection des bassins de territoire.
Applaudissementssur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UCR.
Marques de satisfaction sur les travées de l ’ UMP.
Ma question s’adresse à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.
La fraude fiscale et la fraude sociale sont malheureusement des réalités dont il est difficile, par définition, de mesurer l’ampleur.
Cependant, on peut penser que leur montant représente plusieurs dizaines de milliards d’euros par an : une vingtaine de milliards d’euros pour la fraude sociale et, selon les estimations du Conseil des prélèvements obligatoires, entre 30 milliards et 40 milliards d’euros pour la fraude fiscale de toute nature, qu’elle concerne l’impôt sur le revenu, l’impôt sur le patrimoine, la TVA, l’impôt sur les sociétés…
Exclamations sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.
M. Philippe Dallier. Sur le constat, tout le monde est à peu près d’accord, mais lorsqu’il s’agit de définir les moyens à mettre en œuvre pour lutter contre les fraudeurs, certains poussent des cris d’orfraie, n’hésitant pas à accuser le Gouvernement de stigmatiser telle ou telle catégorie de professionnels ou de redevables.
Protestations sur les mêmes travées.
Pourtant, nous savons tous que nos compatriotes sont excédés par ces comportements inciviques, qu’ils supportent d’autant moins que la période actuelle impose à chacun des efforts en vue du rétablissement de nos comptes publics.
M. Philippe Dallier. Quelle que soit leur situation, il n’y a pas de fraudeurs excusables ; grands ou petits
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.
Depuis quatre ans, l’engagement du Gouvernement s’est traduit par la mise en place de plus de soixante mesures nouvelles.
M. Philippe Dallier. Parmi celles-ci, madame la ministre, vingt-trois concernent particulièrement votre ministère, dotant l’administration de moyens inédits et plus efficaces pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.
Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.
De même, la coopération entre les services de l’État a été renforcée, à la fois par des croisements de fichiers, enfin rendus possibles techniquement et juridiquement, et par des actions communes menées sur le terrain par les différents services.
notamment grâce à l’adoption, dans le cadre du G20, d’un paquet de mesures de rétorsion applicables aux opérations économiques avec les États et territoires non coopératifs.
M. Philippe Dallier. Madame la ministre, vous avez présenté ce matin le bilan de votre action en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Pouvez-vous nous dire plus précisément quels en sont les résultats, et nous indiquer quelles mesures sont envisagées pour aller encore plus loin dans la lutte contre l’évasion fiscale et la fraude internationale ?
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, votre question me permet de répondre aussi à M. Mirassou.
Ah ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Frauder, c’est voler ! Le Gouvernement est tout aussi implacable avec la fraude fiscale qu’avec la fraude sociale.
Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC. – Applaudissements sur les travées de l’UMP.
Depuis 2007, nous avons considérablement resserré l’étau des contrôles contre les gros fraudeurs, qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises, car la fraude fragilise notre modèle républicain.
Les résultats sont là, mesdames, messieurs les sénateurs.
En 2010, nous avons récupéré 16 milliards d’euros de droits, monsieur Carrère, soit 1 milliard de plus qu’en 2009.
La fameuse liste, issue de la banque HSBC, de 3 000 Français détenteurs d’un compte en Suisse…
Mme Valérie Pécresse, ministre. … a d’ores et déjà permis de déclencher 800 contrôles fiscaux, dont 300 sont terminés, et de récupérer ainsi 160 millions d’euros de droits à ce jour.
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
La cellule de régularisation que nous avons mise en place pendant six mois, en 2009, a permis de régulariser 7 milliards d’euros d’avoirs, pour 1, 2 milliard d’euros de droits payés.
Le nombre de comptes à l’étranger déclarés par les Français est passé de 25 000 en 2007 à 75 000 en 2010.
Monsieur Dallier, les brigades du fisc, qui travaillent désormais avec la police dans les quartiers afin de lutter contre l’économie souterraine, ont d’ores et déjà lancé 2 300 contrôles. Ils agissent, bien évidemment, en se fondant sur l’observation du train de vie des délinquants, dont ils saisissent les biens. Nous pouvons même, désormais, vendre ceux-ci sur le champ.
Jamais un gouvernement n’avait autant fait contre la fraude fiscale !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. –Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.
Nous irons encore plus loin avec le fichier des évadés fiscaux, EVAFISC, qui sera alimenté par des informations provenant de nos banques.
Ce fichier est déjà riche de 95 000 informations, monsieur Carrère !
Nous allons en outre renforcer les pouvoirs de la police fiscale et faire passer à dix ans le délai de prescription en matière de non-déclaration de comptes détenus à l’étranger.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l’UCR.
Ma question s’adresse à M. le ministre auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, chargé des collectivités territoriales.
Nos villes et nos départements sont confrontés à des difficultés grandissantes, consécutives à la crise, qui accroît le chômage et la précarité.
Les élus, répondant au vœu du Gouvernement, ont participé au plan de relance, afin d’atténuer les effets de la crise sur notre économie et sur nos concitoyens.
Ils ont soumis leurs budgets de fonctionnement à des efforts de rigueur et d’optimisation inédits.
Dans nos villes, les sans-abri et les jeunes mineurs en déshérence n’ont jamais été aussi nombreux ; les associations ne parviennent plus à faire face aux besoins, sur les plans tant humain que financier.
Le nombre des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, du revenu de solidarité active, le RSA, et de la prestation de compensation du handicap, la PCH, toutes allocations gérées par les départements, est en constante augmentation.
Les compensations versées par l’État n’accompagnent pas cette progression.
En ce qui concerne l’APA, le RSA et la PCH, le reste à charge atteindra 6 milliards d’euros en 2011 pour les conseils généraux. Un certain nombre de départements ne peuvent plus boucler leur budget.
Nous attendions avec impatience une grande loi sur la dépendance. Elle nous était annoncée comme une des grandes réformes du quinquennat ; nous savons quel sort lui a été réservé…
Le problème du financement de l’action sociale ne sera résolu que par la mise en place d’une vraie politique de péréquation, qui prenne en compte les disparités territoriales et la réalité des dépenses engagées.
Certaines collectivités vont diminuer de façon très importante leurs investissements, ce qui entraînera les conséquences que chacun connaît sur l’économie et l’emploi. Ce n’est pas en ponctionnant 200 millions d’euros de dotations que vous rétablirez un climat de confiance entre l’État et les collectivités. C’est là un bien mauvais signal que vous adressez aux élus, qui sont confrontés au quotidien aux difficultés de nos concitoyens !
Quelles solutions proposez-vous, monsieur le ministre, pour aider les élus à lutter contre l’aggravation de la fracture sociale et territoriale, qui risque de devenir insupportable ? Nous sommes placés devant l’ardente obligation d’agir avant qu’il ne soit trop tard !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Chacun, dans cette enceinte, connaît les effets de la crise sur la société, auxquels tant les collectivités que le Gouvernement doivent faire face. Nous savons bien que la réponse ne peut pas venir seulement de l’un ou l’autre de ces acteurs : il nous faut travailler ensemble, et chacun, à son niveau, doit consentir des efforts et ouvrir des perspectives.
Permettez-moi, monsieur le sénateur, de rappeler que, globalement, l’État n’a pas réduit son soutien aux collectivités.
C’est faux ! sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.
De surcroît, en ce qui concerne le RSA, les dotations de l’État correspondent exactement aux dépenses exposées par les collectivités. C’est ainsi que 100 millions d’euros de plus que ce qui était prévu ont été inscrits à ce titre dans le projet de loi de finances.
S’agissant de la situation des conseils généraux, il est vrai, monsieur Miquel, que la crise survenue en 2008 a entraîné une baisse très importante des droits de mutation pour l’année 2009. Les finances des départements ont alors subi un effet de ciseau, mais une forte remontée des droits de mutation a été observée en 2010, puisque leur montant a atteint 7 milliards d’euros cette année-là, soit presque autant qu’en 2008, contre 5, 3 milliards d’euros en 2009. La progression se poursuivant, les droits de mutation devraient s’élever à 8, 5 milliards d’euros pour 2011, soit environ 1, 3 milliard d’euros de plus qu’en 2008.
Nous avons mis en place, au titre du fonds de péréquation, un écrêtement pour les départements ayant connu une progression très importante de ces ressources, comme le Rhône ou les Hauts-de-Seine, où elle a dépassé 50 %.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.
Cela a ainsi permis de consentir un effort de péréquation à hauteur de 440 millions d’euros.
Entre 2009 et 2010, le département du Lot, monsieur Miquel, a vu ses recettes augmenter de 68 %, grâce notamment à un apport de 4, 5 millions d’euros au titre de la péréquation.
Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP. –Protestations sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.
Telle est la réalité, monsieur le sénateur ! Si l’on ajoute à cela une aide de 2, 5 millions d’euros aux départements fragiles, la progression atteint même 90 %, en une seule année !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Ma question s’adresse à M. le ministre de la ville.
Monsieur le ministre, grâce à votre action décisive tout au long de l’année 2011, le projet du Grand Paris est résolument entré dans sa phase de réalisation. Il s’agit désormais d’une ambition partagée par tous, …
… et l’élu parisien que je suis ne peut que s’en réjouir.
Le développement du plateau de Saclay est l’un des piliers du grand projet présidentiel. Il s’agit de faire émerger autour de ce plateau l’un des principaux pôles d’attraction au monde pour toutes les activités liées à l’innovation, en s’appuyant sur les formidables potentiels scientifiques et technologiques qui y sont regroupés. La réussite de ce projet est d’autant plus importante que, aujourd’hui, notre économie doit se battre pour gagner le moindre point de croissance.
Le 29 avril 2009, à la Cité de l’architecture et du patrimoine, le Président de la République, dans un discours visionnaire
M. Jean-Vincent Placé rit.
Dix-huit mois après l’adoption de la loi relative au Grand Paris, pouvez-vous informer le Sénat de l’avancement du projet Paris-Saclay ?
En dépit de l’accord historique sur les transports en Île-de-France conclu le 26 janvier 2011 avec le président de la région, Jean-Paul Huchon, en présence des présidents des conseils généraux des huit départements franciliens, la desserte du plateau de Saclay faisait encore l’objet de divergences. Notre collègue Jean-Vincent Placé en sait quelque chose…
M. Jean-Vincent Placé sourit.
Pouvez-vous nous rassurer sur ce point, monsieur le ministre ?Plus particulièrement, pouvez-vous nous indiquer comment le métro du Grand Paris rendra possible l’intégration de ce cluster scientifique et technologique dans la métropole ? Comment le projet d’aménagement porté par l’établissement public Paris-Saclay, l’EPPS, permettra-t-il le déploiement du campus tout en respectant les espaces naturels et agricoles qui font aussi la richesse du plateau ?
Enfin, comment la dynamique d’innovation économique espérée par tous se met-elle en place entre les différents établissements de recherche et d’enseignement supérieur, ainsi qu’entre ceux-ci et les centres de recherche et de développement des entreprises ?
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l ’ UCR.
Monsieur le sénateur, le projet Paris-Saclay sera un moteur de croissance pour l’économie française tout entière.
Sur le plateau de Saclay, l’année 2011 aura été très riche en avancées. Dans l’acte motivé, voté à l’unanimité par le conseil de surveillance de la Société du Grand Paris, il a été décidé que les principaux sites du cluster, de Massy à Versailles en passant par Saint-Quentin-en-Yvelines et le campus, seront desservis par le métro automatique.
La Société du Grand Paris étudie toutes les solutions pour tenir le calendrier fixé, le 10 octobre dernier, par le Président de la République.
En 2011, la dynamique de constitution de l’université de Paris-Saclay s’est accélérée, sous le pilotage de la Fondation de coopération scientifique.
Cette même année, l’établissement public Paris-Saclay a réalisé d’importantes avancées s’agissant du projet d’aménagement du cluster. Un schéma de développement territorial s’élabore en collaboration avec les collectivités territoriales, sous l’égide du préfet de la région d’Île-de-France. Un travail approfondi est en cours sur le cœur du cluster, en étroite concertation avec la communauté d’agglomération du plateau de Saclay, présidée par M. François Lamy.
La délimitation de la zone de protection naturelle et agricole prévue par la loi est en bonne voie. Ce point est très important. Votre question, monsieur le sénateur, m’offre l’occasion de redire avec force que le projet s’inscrit parfaitement dans l’environnement agricole du plateau de Saclay, qui sera tout à fait préservé. Nous tiendrons cet objectif.
L’enquête publique aura lieu début 2012. S’implantent déjà sur le plateau l’Institut des sciences moléculaires d’Orsay ou EDF, qui installera en 2014 un centre de recherche ainsi que son campus d’entreprise, sans oublier l’École centrale de Paris, pour laquelle le résultat du concours d’architectes sera rendu public au premier trimestre de 2012.
Vous le voyez, les progrès réalisés en 2011 ont enclenché une forte dynamique d’attractivité pour Paris-Saclay. Il convient de poursuivre nos efforts, avec l’ensemble des collectivités, pour l’amplifier et la rendre irréversible.
Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l ’ UMP.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
C’est demain, vendredi 25 novembre, que M. Philippe Varin, président du directoire de PSA, annoncera les détails d’un plan social qui ne dit pas son nom et dont les contours sont pourtant déjà largement connus.
Nous savons que la direction de Peugeot prévoit la suppression de 6 000 postes en Europe, dont 3 900 en France. Dans notre pays, 1 900 postes seraient supprimés en interne et 2 000 chez des sous-traitants. Ainsi, non seulement le constructeur, mais aussi l’ensemble de la chaîne de l’industrie automobile, seraient touchés.
M. Éric Besson, ministre chargé auprès de vous, monsieur Baroin, de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, déclarait à ce sujet le 15 novembre, sur RTL, qu’il n’y aurait pas de licenciements.
Qu’il aille donc l’expliquer aux salariés de Peugeot et de ses sous-traitants, à ceux du site de Vélizy, dans les Yvelines, à qui l’on a annoncé la suppression de 600 postes, à ceux du site de la Garenne-Colombes, où il est envisagé de supprimer 400 postes, à ceux des usines de Sochaux, où une mesure de même ampleur est prévue, à ceux d’Aulnay-sous-Bois, qui s’inquiètent pour l’avenir de leur site de production depuis qu’une note interne de juin 2011 a évoqué sa fermeture, à ceux des usines de Mandeure dans le Doubs et de Dannemarie dans le Haut-Rhin, qui craignent pour leur emploi !
Le secteur automobile est une branche importante et emblématique de l’industrie française. Il est entré dans une crise profonde, qui est aussi celle de l’industrie française.
Face à cette crise de désindustrialisation, vous faites preuve d’un laxisme irresponsable, en aggravant par un immobilisme d’ordre idéologique les difficultés d’ordre économique auxquelles nous sommes déjà si durement confrontés !
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
… nous défendons, à gauche, un modèle de croissance pour nos industries nationales, fondé sur l’innovation et la compétitivité de nos produits par plus de recherche et d’inventivité, plus de savoir-faire et plus de qualité.
Or, sur les 3 900 emplois supprimés en France, Peugeot annonce que 2 100 le seront dans le secteur de la recherche et du développement, qui devrait pourtant être le bénéficiaire principal des investissements, le moteur de la compétitivité, la garantie de la croissance.
Ces emplois supprimés représentent un drame humain, ainsi qu’une hypothèque grave pour l’avenir, posée sur la compétitivité de nos entreprises et la croissance de notre pays.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, je vous pose la question suivante : soutenez-vous, oui ou non, le plan de suppressions de postes présenté par PSA ? Si tel n’était pas le cas, qu’attend le Gouvernement pour s’attaquer enfin au redressement économique et industriel de nos entreprises et de notre pays ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le sénateur, chacun aura pu apprécier la modération des propos que vous avez eu la gentillesse de m’adresser…
Sur le fond, le Président de la République a personnellement reçu le président du directoire de PSA, M. Varin, qui a pris des engagements fermes et définitifs : le programme envisagé ne comportera aucun licenciement, aucune mesure d’âge, aucun plan de départs volontaires. Il s’agira d’un dispositif social exemplaire, prévoyant la mise en œuvre d’un plan de formation et d’un traitement personnalisé du cas de chaque salarié, ainsi qu’un accompagnement spécifique des salariés intérimaires dont les contrats ne seraient pas renouvelés.
Ces engagements valent pour l’ensemble des sites industriels concernés, notamment ceux de Sochaux-Montbéliard. J’ajoute que PSA veillera particulièrement à ce que les sous-traitants ne soient pas affectés.
Le médiateur de la sous-traitance mis à la disposition des services de l’État dans tous les départements a la responsabilité de vérifier le respect de cet engagement particulier.
Enfin, PSA a clairement réaffirmé son souhait de préserver son implantation industrielle dans notre pays, à Sochaux-Montbéliard comme ailleurs.
Je rappelle que PSA mènera en 2012 une politique d’embauche de 3 000 collaborateurs sous contrats à durée indéterminée, dont 1 300 ingénieurs et 1 700 ouvriers.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, en cette période de crise et de ralentissement économique, le Gouvernement, loin d’observer je ne sais quel silence complice, prend au contraire des initiatives témoignant que, pour lui, l’emploi ne sera jamais une variable d’ajustement.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l ’ UCR.
Le 25 octobre dernier, les députés européens ont été confrontés à l’opposition du Conseil de l’Union européenne à l’adoption de la directive relative au congé de maternité minimal, lequel passerait de quatorze à vingt semaines, avec la garantie d’une indemnisation à 100 %.
Dans le contexte économique actuel, le Parlement européen est prêt à faire preuve de souplesse. La France, où la durée du congé de maternité minimal est de seize semaines, s’est déclarée ouverte à l’idée de la porter à dix-huit semaines. Cette position a été réaffirmée au Sénat le 1er juin dernier, lors du débat sur la proposition de loi relative à la modernisation du congé de maternité que j’avais déposée.
La première raison motivant le blocage du Conseil de l’Union européenne est le coût de la mesure ; la seconde est le risque d’éloignement de la femme du monde du travail.
Un tel progrès social représente effectivement un effort financier ; encore faut-il l’évaluer finement. Pour la France, un allongement à dix-huit semaines de la durée du congé de maternité avec le niveau d’indemnisation actuel ne coûterait que 250 millions d’euros, ce qui est acceptable. J’entends déjà le Gouvernement rétorquer que la gauche est dépensière et irresponsable
Eh oui ! sur les travées de l’UMP.
Quant au risque d’éloignement des femmes du monde du travail, de nombreuses entreprises, au travers des conventions collectives, offrent à leurs salariées parfois plusieurs semaines de congé de maternité supplémentaires. Croyez-vous vraiment que de telles mesures seraient prises si l’allongement du congé de maternité participait vraiment de l’éloignement des femmes du monde du travail ?
En allongeant le congé de maternité, nous améliorerons la sécurité et la santé des femmes qui travaillent, nous contribuerons à renforcer l’égalité entre les femmes. En France, 70 % d’entre elles prennent un congé pathologique de deux semaines, ce qui permet d’ailleurs au Gouvernement de dire que la durée du congé de maternité est déjà, en pratique, de dix-huit semaines dans notre pays. Mais cela n’est pas vrai pour toutes les femmes. La situation actuelle induit une inégalité de fait entre les femmes, et ce n’est pas acceptable.
Madame la secrétaire d’État, la France entend-elle être moteur dans l’avancement de l’Europe sociale, en levant le blocage du Conseil de l’Union européenne ? Si oui, il est impératif d’agir maintenant !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Je voudrais tout d’abord saluer le fait que certains membres de cette assemblée arborent aujourd'hui le petit insigne blanc qui témoigne de leur engagement contre les violences faites aux femmes. C’est une cause que vous défendez vous aussi, madame la sénatrice, puisque vous avez été membre de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de la Haute Assemblée.
Je suis particulièrement engagée dans ce combat, aux côtés de Roselyne Bachelot-Narquin. Je souhaite d’ailleurs l’intensifier, s’agissant notamment des incidences des violences conjugales sur les enfants. Il est important de rappeler l’existence d’un numéro d’appel dédié, le 39-19, qui doit devenir aussi connu de tous nos concitoyens que ceux des pompiers ou des urgences médicales.
Madame la sénatrice, le congé de maternité est à l’évidence un temps essentiel pour bien accueillir un enfant. Notre politique familiale le permet et nous devons tous en être fiers. C’est aussi grâce à elle que notre taux de natalité s’élève à deux enfants par femme et que celui de l’activité professionnelle des femmes atteint 85 %.
Dois-je rappeler que, en 2010, plus de 820 000 enfants sont nés dans notre pays ? C’est le résultat d’une politique familiale ambitieuse. Les crédits alloués à celle-ci sont en effet passés de 4, 7 % de la richesse nationale en 2006 à 5, 1 % en 2010. Malheureusement, la crise économique qui touche notre pays ne nous permet pas de nouvelles dépenses au bénéfice de la branche famille, sauf à les financer à crédit !
Nous avons eu de nombreuses fois l’occasion d’exprimer la position du ministère sur le congé de maternité, plus particulièrement lors de la discussion de la proposition de loi relative à la modernisation du congé de maternité que vous avez déposée, madame la sénatrice. L’allongement de sa durée de seize à dix-huit semaines représenterait, pour la sécurité sociale, une charge supplémentaire de 170 millions d’euros dans le cadre du dispositif actuel. La dépense dépasserait 1, 1 milliard d’euros si nous retenions la disposition votée par le Parlement européen.
Mme Claude Greff, secrétaire d'État. Une telle dépense est évidemment inenvisageable dans l’état actuel de nos finances publiques. L’allongement de la durée du congé de maternité représenterait également une charge supplémentaire pour les employeurs.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.
En outre, un congé de maternité trop long pourrait constituer un frein à l’embauche des femmes, au développement de leur carrière…
Mme Claude Greff, secrétaire d'État. … et à leur progression salariale.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
En toute hypothèse, nous ne devons pas établir de lien direct entre votre proposition de loi et la négociation communautaire.
Mme Claude Greff, secrétaire d'État. En effet, la directive européenne vise à poser des règles minimales harmonisées pour promouvoir la santé maternelle et infantile. Je rappelle qu’en France le congé de maternité est de seize semaines, quand la directive européenne prévoit de fixer sa durée minimale à quatorze semaines.
Applaudissementssur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UCR.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.