C’est de moins en moins vrai, et cela risque de ne plus l’être du tout si l’on ne change pas de politique.
La loi pénitentiaire a aujourd’hui même deux ans et le présent projet de budget n’assurera toujours pas sa mise en œuvre. Si les crédits du programme « Administration pénitentiaire » augmentent de 7, 4 %, la construction de nouvelles prisons concentrera les nouveaux moyens, y compris en personnels de surveillance, au détriment d’autres établissements et au détriment des services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP.
Or, il manque aux SPIP un millier d’emplois pour assurer un réel suivi socio-judiciaire. En mai dernier, un rapport du groupe de travail de votre ministère préconisait d’ailleurs, de toute évidence en vain, d’accroître les recrutements de conseillers d’insertion et de probation.
La surveillance électronique, quant à elle, monte en charge et absorbe désormais 685 agents contre 110 à la fin de 2008.
Au 1er novembre, on comptait 64 700 détenus pour 56 800 places. Mais cette surpopulation carcérale croissante ne saurait justifier votre projet d’un parc pénitentiaire de 80 000 places à l’horizon 2017, si ce n’est à toujours considérer l’enfermement comme la seule sanction possible. Avec votre politique d’enfermement, plus il y aura de places de prison, plus il y aura de détenus.
Loi après loi, les peines de prison augmentent en nombre et en durée ; celle-ci est passée en moyenne de 4, 3 mois en 1975 à 9, 8 mois en 2010.
Vous construisez des prisons très coûteuses pour les finances publiques, surtout en raison des loyers et de la durée des partenariats public-privé, ce qui peut sembler contredire la révision générale des politiques publiques, la RGPP. En octobre dernier, la Cour des comptes écrivait, dans une communication : « outre que le “tout public” est potentiellement aussi efficace, rien n’établit que le privé soit “moins cher” ».
Il est clair qu’une évaluation précise du coût des programmes menés en partenariat public-privé est nécessaire, en tout cas pour les parlementaires. Nous vous la demanderons donc.
Il faut aussi revenir sur le choix de construire, sur des sites excentrés, des prisons de très grande capacité totalement déshumanisées.
Les établissements doivent être dotés des moyens nécessaires en détection électronique pour que les fouilles à corps cessent. Nous nous y sommes engagés au travers de la loi pénitentiaire.
Le transfert des extractions judiciaires se fait sans les moyens : seulement 800 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, sur trois ans. Déjà, des extractions sont annulées dans les régions d’expérimentation. Quid aussi des moyens matériels ?
Cela vous servira-t-il de prétexte à un recours accru à la vidéoconférence, dont s’inquiète le Contrôleur général des prisons et qui touche les personnes les plus vulnérables ? Comme lui, je pense que « les droits de la défense doivent l’emporter sur les considérations budgétaires ».
Les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » stagnent à 2 %, après 6, 3 % de baisse en trois ans et la suppression de 540 emplois. L’essentiel des moyens supplémentaires et les économies tirées de la fermeture de foyers classiques iront à vingt nouveaux centres éducatifs fermés.
Vous dites pourtant vouloir offrir aux magistrats une palette de réponses. De quelle palette dispose-t-on quand la seule réponse se résume aux centres éducatifs fermés ? Bien sûr, personne ne nie que de tels centres puissent être nécessaires pour des cas bien définis.
Le recentrage des missions de la PJJ sur les mineurs délinquants – c’est une conception que j’ai critiquée – s’accompagne de la suppression de 106 ETPT – en réalité 216 selon les organisations syndicales.
La mise en œuvre des décisions de justice doit s’accélérer, dites-vous. Certes, trop nombreux sont ceux qui attendent durant des mois une prise en charge. Mais cela suppose des moyens. Vous les refusez à la PJJ et au secteur associatif. En bref, vous supprimez ce qui marche.
La question lancinante des moyens de la justice, contraints par la RGPP et la LOLF, dessine les contours d’une justice de plus en plus gestionnaire, de plus en plus détachée de sa dimension sociale.
Mais le parti de l’UMP n’a-t-il pas annoncé vouloir faire du budget de la justice une grande priorité, en offrant « le marché » de l’accès à la justice aux assureurs privés et en vendant des actions d’entreprise publique pour trouver de l’argent ? Voilà des solutions que, bien entendu, nous n’approuvons pas.
En conclusion, je voudrais évoquer à ma façon, après Mme Dini qui a tout à l’heure fait un rappel au règlement sur ce point, la loi concernant les violences faites aux femmes. Cette loi que nous avons votée même si, pour notre part, nous la considérions comme insuffisante notamment en ce qui concerne les enfants, prévoit un dispositif utile pour prévenir la récidive. Cependant, ce dernier, faute de moyens, n’est pas mis en œuvre dans la plupart des cas, ce qui ne semble émouvoir personne. Pourtant, tous les jours, une femme tombe sous les coups de son conjoint ou de son compagnon. Si cette violence alimente régulièrement les chroniques, elle ne semble pas suffire à inciter le Gouvernement à prendre des mesures rapides. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce budget. §