Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord, comme l’ont fait d’autres collègues, saluer l’effort de rattrapage budgétaire qui, engagé maintenant depuis plusieurs années par les gouvernements successifs, s’est accéléré durant cette mandature. Même s’il faut faire mieux et plus, ne nous posons pas en donneurs de leçons. Nous venons de loin, nous progressons et il faut continuer à progresser.
Cet effort vous permet effectivement, monsieur le garde des sceaux, de mettre en œuvre certaines de vos priorités. J’ai notamment relevé que les crédits immobiliers permettraient non seulement de moderniser les établissements pénitentiaires, voire d’en créer de nouveaux – j’y reviendrai à la fin de mon propos – mais également, au niveau qualitatif, de poursuivre la mise en œuvre de la loi pénitentiaire, même si, comme l’a souligné M. Lecerf, des insuffisances persistent.
Les réformes que vous avez engagées bénéficieront également de ces moyens. Concernant l’exécution effective et rapide des peines prononcées, nous avons tous présent à l’esprit le rapport de l’Inspection générale des services judiciaires de 2009 : une longue pente reste à gravir mais les moyens consentis sont plus importants.
Je soulignerai également un point, peut-être presque de détail mais qui participe de l’indépendance de la justice, à laquelle nous sommes tous attachés. Même si le Conseil supérieur de la magistrature reste lui aussi perfectible, on peut se féliciter qu’il bénéficie d’une meilleure autonomie financière : il y a l’amour, mais il y a aussi les preuves d’amour !
Un autre sujet me tient très à cœur, car je l’ai pratiqué sur le terrain et y ai consacré plusieurs rapports, après d’autres parlementaires : la prévention de la délinquance.
En ce domaine aussi, un effort a été fait sur le plan budgétaire. Comme cela a déjà été dit, il ne faut pas instrumentaliser les drames de l’actualité ; il ne s’agit pas non plus de les banaliser ou de faire preuve d’angélisme ; d’ailleurs, personne ici n’est dans cet état d’esprit.
Je ferai néanmoins deux suggestions très modestes.
Tout d’abord, je pense que le « secret partagé » entre institutions peut progresser. En tant que maire, je l’ai expérimenté au titre des politiques de prévention depuis une dizaine d’années de manière innovante. Au moment où je l’ai mise en œuvre, cette démarche n’était pas vraiment dans les cultures, et j’ai dû faire face à de nombreux blocages, venant d’ailleurs de gens formidables, tels que des éducateurs, des magistrats… Ces obstacles ont été surmontés et, maintenant que cette démarche fonctionne, je peux vous assurer que la parole n’a jamais été remise en cause, que le secret a été partagé mais gardé.
À tous niveaux, c’est une démarche qu’il faut encourager. Même si le risque zéro n’existe pas, même si des drames, que nous déplorons tous, se produisent encore trop souvent, des progrès ont été accomplis et d’autres sont encore possibles. C’est là plus une question culturelle qu’une question de moyens.
Par ailleurs, un sujet ayant fait polémique, peut-être parce que des maladresses ont été commises de part et d’autre, me tient très à cœur car je l’ai abordé dans un rapport récent : il s’agit de la détection précoce des troubles du comportement.
Cette idée québécoise, dont j’ai d’ailleurs pris connaissance il y a une dizaine d’années lors d’un colloque organisé par Julien Dray à Évry et sur laquelle j’ai continué à travailler, me paraît intéressante.
Il ne s’agit nullement de parler de prédétermination de futurs délinquants, comme j’ai encore pu le vérifier au Québec voilà quelques mois, à l’instar d’autres parlementaires de tous bords qui se sont également rendus dans ce pays. Je crois qu’il y a, en France, en matière de prévention de la délinquance dès le plus jeune âge, des marges de progrès possibles.
Je terminerai mon propos sur la question de la prévention de la récidive.
Vous avez annoncé, monsieur le garde des sceaux, la création de vingt-cinq centres éducatifs fermés pour les mineurs, qui s’accompagnera du développement du suivi pédopsychiatrique. Il s’agissait là non pas d’affichage ou d’instrumentalisation, mais de la poursuite et de l’amplification d’une politique sur laquelle tout le monde peut se retrouver, ce que, d’ailleurs, personne ne conteste.
Mais au-delà de la nécessité de construire de nouvelles prisons en France pour réduire la surpopulation carcérale, pourquoi, alors que le besoin s’en fait véritablement sentir, notamment par rapport à d’autres pays, ne mettez-vous pas enfin en œuvre la prison ouverte ? Il n’y en a qu’une en France, alors qu’il y en a partout en Europe : 8 à 30 % des personnes incarcérées en Europe – je ne parle pas des alternatives à l’incarcération – bénéficient en effet de ce dispositif.
Ce dernier est bien pour les personnes incarcérées – elles travaillent pour rembourser les frais engagés et pour dédommager les victimes et leur famille, elles préparent leur sortie, puisqu’elles participent à de véritables travaux agricoles d’intérêt général – et bien également pour la collectivité. Les élus locaux y sont favorables. Je sais que vous êtes également favorable à cette idée, que vous avez d'ailleurs évoquée. Mais il faudrait qu’il y ait en France une deuxième puis une troisième prison ouverte, et qu’ainsi le mouvement s’engage.
Je pense que, là aussi, des marges de progression existent et, tant qu’à construire des prisons, pourquoi ne pas privilégier celles dont les coûts d’investissement et de fonctionnement sont moindres ? Cette perspective vous permettrait d’afficher votre volontarisme politique, monsieur le garde des sceaux.