Intervention de François Pillet

Réunion du 24 novembre 2011 à 9h30
Loi de finances pour 2012 — Justice

Photo de François PilletFrançois Pillet :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mon intervention portera uniquement sur la protection judiciaire de la jeunesse.

En préambule, je souhaiterais souligner, comme je l’ai fait en commission, que je partage la plupart des avis et des observations présentés par notre rapporteur pour avis, Nicolas Alfonsi, qui rejoignent plusieurs des remarques que Jean-Claude Peyronnet et moi-même avions formulées dans notre rapport sur les centres éducatifs fermés.

Je voterai les crédits de la mission, car leur augmentation, soulignée par notre rapporteur spécial, témoigne de l’attention particulière que le Gouvernement porte à la protection judiciaire de la jeunesse, dans un contexte que nous savons tous très difficile.

Comme l’a rappelé Nicolas Alfonsi, la délinquance des mineurs évolue, sa nature change. La protection judiciaire de la jeunesse a donc dû aussi évoluer : elle a recentré son action sur la prise en charge des mineurs délinquants et s’est dégagée de l’exécution des mesures d’assistance éducative ordonnées par les juges des enfants dans le cadre de la protection de l’enfance en danger. Ces mesures relèvent désormais de la compétence des services d’aide sociale à l’enfance des conseils généraux.

Parallèlement, elle s’est engagée dans une démarche de restructuration de ses services déconcentrés, de rationalisation de l’offre de prise en charge sur l’ensemble du territoire et de modernisation de ses pratiques, afin de limiter l’effet des ajustements budgétaires sur la qualité des prises en charge. À ce titre, des efforts très importants ont été accomplis et doivent être soulignés.

Ne l’oublions pas, mes chers collègues, la réforme de la protection de l’enfance intervenue en 2007 repose sur un schéma simple : la prise en charge des mineurs délinquants relève de la PJJ, celle de l’enfance en danger des départements. Pour autant, bien évidemment, il faut veiller à la continuité de ces deux missions et éviter toute césure entre elles.

Nous savons tous – les statistiques le montrent – que la délinquance des mineurs est multiforme et que le nombre de mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie a augmenté de 20 % entre 2002 et 2010. Il est donc de notre devoir de réfléchir constamment à la prise en charge de ces jeunes pris dans la spirale infernale de la délinquance.

En effet, la délinquance des mineurs présente un certain nombre de spécificités par rapport à celle des majeurs : plus de 40 % des mineurs mis en cause le sont pour vol, contre 20 % pour les majeurs ; les mineurs sont également plus souvent mis en cause pour destructions et dégradations de biens, soit 13 % des mises en cause, contre 5 % pour les majeurs en 2010 ; à l’inverse, contrairement à l’opinion communément admise, les mineurs sont moins concernés que les majeurs par les affaires de stupéfiants.

On relève enfin que les faits de violence représentent une part croissante de la délinquance des mineurs, passant de 16 % à 22 % des mises en cause entre 2002 et 2010.

Les infractions commises sont de nos jours nettement plus empreintes de violence mais, pour une très grande majorité des mineurs – ce point est très important – la délinquance constitue un acte isolé : plus de sept mineurs sur dix ne font pas l’objet de nouvelles poursuites ou d’une mesure alternative aux poursuites dans l’année suivant la fin de leur prise en charge par la PJJ.

Depuis 2002, nous avons conforté le rôle croissant du parquet dans le traitement de la délinquance des mineurs, au travers de deux possibilités de saisine directe de la juridiction pour mineurs sans instruction préalable par le juge des enfants.

Tout d'abord, la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a créé la procédure de présentation immédiate, inspirée de la procédure de comparution immédiate applicable aux majeurs.

Cette procédure permet au procureur de la République de traduire directement un mineur devant le tribunal pour enfants, lorsque des recherches sur les faits ne sont pas nécessaires et que des investigations sur la personnalité du mineur ont été accomplies au cours des douze mois précédents. Nous avons souhaité qu’il ne puisse être recouru à cette procédure que lorsque le mineur fait l’objet ou a déjà fait l’objet d’une ou plusieurs procédures judiciaires.

Ensuite, la loi du 10 août 2011 a ouvert au parquet la possibilité de recourir à la procédure de convocation par un officier de police judiciaire dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues pour la procédure de présentation immédiate. Cette procédure permet au parquet de faire comparaître le mineur devant la juridiction pour mineurs dans un délai de dix jours à deux mois.

Nous avons par ailleurs véritablement modernisé les pratiques de prise en charge des mineurs délinquants.

À cet égard, je souhaite revenir sur un sujet qui me tient à cœur, les centres éducatifs fermés, lesquels n’ont rien d’établissements pénitentiaires pour mineurs. Ils constituent des solutions adaptées à l’évolution de la délinquance des mineurs et à l’intensité qui la caractérise.

Comme l’a montré M. le rapporteur spécial, la part des crédits consacrés par la PJJ aux centres éducatifs fermés n’a cessé d’augmenter.

Créés par la loi de 2002 d’orientation et de programmation pour la justice, ces établissements ont été conçus afin d’offrir aux magistrats une solution éducative alternative à l’incarcération, à destination des mineurs délinquants les plus difficiles. Ce sont de petites structures, pouvant accueillir une douzaine de mineurs. Elles relèvent soit du secteur public, soit du secteur associatif habilité.

Les mineurs placés y font l’objet d’une prise en charge éducative renforcée, assurée au quotidien par une équipe de 24 à 27 éducateurs, à laquelle s’ajoutent souvent un enseignant et, le cas échéant, un ou plusieurs personnels de santé, notamment dans les centres dits « renforcés en santé mentale ».

En raison de ce fort taux d’encadrement, le coût d’un placement en centre éducatif fermé est élevé : selon les statistiques – si elles sont fiables –, il s’élève en 2010 à 614 euros en moyenne, par jour et par mineur.

Mon collègue Jean-Claude Peyronnet et moi-même avions souligné la nécessité de mieux évaluer ce dispositif. Un tel exercice se révèle délicat à mettre en œuvre en raison du passé judiciaire et institutionnel souvent très lourd des mineurs placés en centre éducatif fermé.

Le dispositif des centres éducatifs fermés mérite d’être conservé et étendu, car il est fortement sollicité par les juges des enfants. En outre, dans certaines régions, ces centres sont proches de la saturation. Enfin, ils permettent d’offrir à ces mineurs une dernière chance avant la prison, contribuant ainsi à la diminution du nombre de mineurs détenus.

Nous savons que le Président de la République a souhaité la création de vingt centres éducatifs fermés supplémentaires. Cette décision a été prise avant le drame du Chambon-sur-Lignon…

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