Où en sont aujourd'hui, monsieur le garde des sceaux, les trois cents salariés qui étaient menacés par cette réforme ? Vous m’avez récemment indiqué en commission que seule, sans doute, une petite dizaine d’entre eux avaient retrouvé des postes dans le secteur de la justice. Une petite dizaine sur trois cents ! Dans quelles conditions ces salariés ont-ils accepté les postes qu’on leur a offerts ? Et qu’en est-il de tous les autres ?
L’instauration d’une taxe de 150 euros par personne en cas d’appel favorise-t-elle l’accès à la justice pour tous ?
Était-il nécessaire et urgent – et qui le demandait ? – d’investir dans la transformation des centres de placement ouverts en centres éducatifs fermés, alors que 95 % des mineurs sont aujourd'hui accueillis en centres de placement ouverts et que 71 % d’entre eux n’ont ni récidivé ni réitéré un an après la fin de leur peine ?
Où est la logique quand vous nous proposez, dans l’urgence également, d’ouvrir 166 places pour des mineurs délinquants dans les établissements publics d’insertion de la défense ? Les EPID sont des établissements d’insertion, où la mixité est la règle et où l’on ne sait pas prendre en charge la délinquance. Vous avez promis, monsieur le garde des sceaux, de créer plus de 40 équivalents temps plein travaillés et d’affecter 8 millions d’euros à ces établissements. Or je les cherche en vain dans tous les bleus en circulation.
Était-il nécessaire et urgent – et qui le demandait ? – de confier des missions au secteur associatif habilité sans lui donner les moyens nécessaires pour les remplir, sans tenir compte du fait que ses conventions collectives ne lui permettent pas de fonctionner avec 27 encadrants pour 12 mineurs ? Ces associations ne font pas preuve de mauvaise volonté. Elles ne manquent pas d’efficacité.
Était-il nécessaire et urgent – et qui le demandait ? – de créer 30 000 places de prison au coût individuel de 100 000 euros sans augmenter les moyens des services pénitentiaires d’insertion et de probation ?
Cette politique d’enfermement a montré ses limites : les taux de récidive et de délinquance ne diminuent pas. Loin de moi l’idée de polémiquer, d'ailleurs : je n’affirme pas qu’ils augmentent, je me contente de signaler qu’ils ne baissent pas, contrairement aux objectifs affichés.
Était-il nécessaire et urgent – et qui le demandait ? – de légiférer à tour de bras, sans tenir compte des problèmes à résoudre dans l’immédiat, en augmentant la charge de travail de la justice, qui fonctionne déjà bien difficilement ?
En revanche, monsieur le garde des sceaux, il me semble, pour ma part, nécessaire et urgent que nous disposions d’un véritable retour, non seulement quantitatif et financier, mais aussi qualitatif, concernant les bracelets électroniques et les partenariats public-privé, notamment dans les établissements pénitentiaires.
Il était nécessaire et il était devenu urgent de se pencher sur la garde à vue : ce problème pressait tellement qu’il a été traité dans de mauvaises conditions. Ainsi, la gestion des locaux n’a fait l’objet d’aucune anticipation et les gardes à vue se déroulent aujourd'hui dans des conditions matérielles et géographiques désastreuses, qui vont coûter très cher à l’État !
À mes yeux, il est de plus en plus nécessaire et urgent d’anticiper clairement la politique de l’emploi à l'échelon du ministère, tant pour les magistrats que pour les greffiers, en prenant en compte les délais d’ouverture des concours, de formation et d’entrée en fonctions des personnels au sein des tribunaux.
Il est nécessaire et urgent d’assurer le transfert effectif des compétences en matière d’escorte et de garde des détenus, entre les ministères de l’intérieur et de la justice ; cet enjeu a déjà été évoqué par les précédents orateurs.
Il est nécessaire et urgent de rendre à la justice les moyens de fonctionner, dans le cadre d’une concertation beaucoup plus étroite avec les forces de sécurité ; de ne plus opposer les uns aux autres par une gestion brouillée de leurs compétences respectives, toujours dessinées dans l’urgence !
Il est nécessaire et urgent que la justice reprenne confiance en elle-même et en les Français, et que les Français reprennent confiance en la justice.
Il est nécessaire et urgent de rétablir le calme et la sérénité qui doivent guider chaque décision de justice.
Ne partageant pas les objectifs que vous affichez et ne souscrivant pas à la construction budgétaire que vous nous avez présentée, monsieur le garde des sceaux, je voterai bien évidemment contre ce projet, de même que les autres membres de mon groupe !