Intervention de Gisèle Printz

Réunion du 24 novembre 2011 à 9h30
Loi de finances pour 2012 — Anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo de Gisèle PrintzGisèle Printz, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » est un moment particulier du débat budgétaire. C’est, chaque année, l’occasion de témoigner notre reconnaissance à ceux qui ont servi la France au combat ou ont été victimes des différents conflits du xxe siècle et de confirmer leur droit à réparation.

La principale avancée de ce projet de budget pour 2012 est la revalorisation, qui était très attendue, de la retraite du combattant. Elle sera portée à 48 points au 1er juillet prochain. Pourtant, par cet artifice de calendrier, ce n’est qu’à partir de 2013 que les anciens combattants en profiteront pleinement, et il reviendra au gouvernement qui sera alors en place de pourvoir à son financement.

Plus généralement, le projet de budget pour 2012 s’établit à 3, 17 milliards d’euros, soit une baisse de 4, 34 %, c’est-à-dire de 143 millions d’euros, par rapport à 2011. À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a supprimé 26 millions d’euros de crédits supplémentaires. Dans ce contexte, faut-il se réjouir du maintien des droits acquis et ne rien demander de plus ? Les anciens combattants ont beaucoup donné à la France ; n’auraient-ils pas mérité un traitement privilégié ?

Nous le savons, leur déclin démographique est inexorable : le nombre des titulaires de la retraite du combattant baissera de 4, 3 % en 2012, celui des allocataires d’une pension militaire d’invalidité de 5, 2 %. Des marges de manœuvre financières pourraient donc être mobilisées au profit des bénéficiaires survivants.

La mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques s’est poursuivie cette année dans l’administration au service des anciens combattants. Il est désormais entériné que l’ONAC est devenu leur interlocuteur unique. Cela étant, durant la transition, la qualité du service rendu s’est dégradée : des problèmes informatiques ont considérablement ralenti la délivrance des cartes et de la retraite du combattant. J’aimerais donc que vous nous assuriez, monsieur le secrétaire d'État, que les dysfonctionnements seront corrigés dans les délais les plus brefs et que l’ONAC sera pérennisé.

C’est en matière d’action sociale qu’un effort supplémentaire devrait être consenti, ce qui n’est pas le cas. L’allocation différentielle en faveur du conjoint survivant a démontré toute sa pertinence, mais son plafond est trop bas pour sortir ses bénéficiaires de la pauvreté. Il n’existe aucun dispositif spécifique pour les anciens combattants les plus démunis, alors que 5 000 personnes sont potentiellement éligibles. Je regrette de nouveau que l’on n’ait pas tiré parti de la diminution des dépenses résultant de la baisse des effectifs des pensionnés pour donner à ces hommes et à ces femmes méritants un niveau de vie décent.

Il faut également dénoncer le caractère pour l’instant inopérant du mécanisme d’indemnisation des victimes des essais nucléaires français : dix-huit mois après le vote de la loi, seulement deux indemnisations ont été accordées, tandis que cent vingt-sept demandes ont été rejetées.

En ce qui concerne le calendrier mémoriel, je suis opposée à l’idée du Président de la République d’instaurer une date unique de commémoration. Il ne faut pas s’acheminer vers la création d’un memorial day à la française qui remplacerait toutes les autres cérémonies commémoratives et effacerait la richesse de notre histoire.

En revanche, je continue de plaider pour que l’on choisisse la date du 19 mars, jour du cessez-le-feu en 1962, pour rendre hommage aux morts de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie. Celle du 5 décembre n’a aucune signification historique. L’année 2012 marquera le cinquantième anniversaire de cet événement : il est indispensable que les autorités civiles soient officiellement représentées au plus haut niveau lors des manifestations commémoratives.

Il reste des injustices à corriger en matière de droit à réparation. La carte du combattant n’est toujours pas accordée à ceux qui ont servi en Algérie pendant une période de quatre mois incluant la date du 2 juillet 1962, malgré la promesse qu’avait faite M. Falco, ancien secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants.

En ce qui concerne les opérations extérieures, les OPEX, en dépit d’une prise de conscience récente, il faut s’assurer que l’égalité des droits entre toutes les générations du feu sera bien réelle. Il faut aussi agir pour faciliter la réinsertion professionnelle des hommes et des femmes ayant servi lors de ces opérations.

Enfin, je profite de cette tribune pour évoquer les questions spécifiques à mon département, la Moselle. Notre histoire reste encore méconnue de nos compatriotes. La réparation du drame de l’annexion n’est pas encore complète : ainsi, la question de la ligne Curzon, située en Russie, n’est toujours pas réglée ; l’inégalité de traitement entre anciens prisonniers, selon qu’ils étaient détenus à l’est ou à l’ouest de cette ligne, est injustifiable, car les conditions de détention étaient identiques et la souffrance quotidienne pour tous. J’aimerais donc connaître les intentions du Gouvernement à ce sujet.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous l’aurez perçu, la commission des affaires sociales a porté un regard plutôt critique sur ce projet de budget, qui comporte des avancées en trompe-l’œil. Certaines politiques ont connu des résultats intéressants, s’agissant notamment de l’entretien et de la transmission du souvenir des soldats tombés pour la France et de la valorisation du patrimoine mémoriel.

Cependant, trop de problèmes ne sont pas encore réglés. C’est pourquoi nous avons donné un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », mais un avis favorable aux articles rattachés, qui répondent aux attentes du monde combattant. Je signalerai, au passage, que le rapport demandé à l’article 49 ter ne nous apprendra rien que nous ne sachions déjà : le bénéfice de la campagne double doit être accordé aux anciens combattants d’Algérie qui ont liquidé leur pension avant 1999 ; c’est une question de justice !

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