Intervention de Robert Tropeano

Réunion du 24 novembre 2011 à 16h15
Loi de finances pour 2012 — Anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo de Robert TropeanoRobert Tropeano :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je me réjouis que le poste de secrétaire d’État aux anciens combattants ait enfin été pourvu, au mois de juin dernier ! Sa longue vacance a donné à penser que la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques avait également frappé ce secrétariat d’État. On pouvait craindre que les anciens combattants ne soient les grands oubliés du dernier remaniement ministériel.

Cette année – comme les années précédentes, serais-je tenté d’ajouter –, le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » est en baisse. Il s’établit à 3, 176 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une diminution de 4, 34 %.

Nous savons que les temps sont difficiles, mais le fait que ces crédits baissent par rapport à 2011 ne permettra pas de répondre aux revendications légitimes des anciens combattants, que nous considérons comme prioritaires et urgentes.

Il n’est pas acceptable que la crise financière traversée par notre pays serve à justifier l’impossibilité de prendre des décisions nouvelles en faveur du monde combattant, d’autant que l’érosion normale des effectifs des ayants droit peut permettre de dégager les moyens de répondre aux demandes des anciens combattants.

Le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » n’est pas un budget comme les autres : il exprime la reconnaissance de la Nation à celles et à ceux qui ont engagé leur vie pour défendre le pays.

Or le programme 167, « Liens entre la nation et son armée », subit une baisse de 16, 4 millions d’euros de ses crédits de paiement, dont 14, 8 millions d’euros pour la seule action n° 2, ce qui traduit une réduction du nombre des emplois.

Ainsi, l’ensemble des emplois dévolus à la Journée défense et citoyenneté et à la politique de mémoire représentaient 2 113 équivalents temps plein travaillé en 2011. En 2012, ce chiffre descendra à 1 587, soit 526 emplois supprimés, dont 148 suppressions sèches. Je m’interroge sur la volonté du Gouvernement d’atteindre l’objectif de créer et de maintenir le lien entre la Nation et son armée !

Le programme 169, « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant », est consacré au paiement des prestations dues à divers titres aux anciens combattants. Ses crédits atteignent 2, 9 milliards d’euros pour 2012, contre 3, 07 milliards d’euros en 2011. Les crédits de paiement, qui correspondent presque entièrement à des dépenses contraintes, baissent de 128 millions d’euros.

L’action n° 1 de ce programme, Administration de la dette viagère, laquelle comprend la retraite du combattant et les pensions militaires d’invalidité, voit ses moyens diminuer de 91 millions d’euros.

Bien évidemment, la hausse de 4 points de la retraite du combattant, enfin portée à 48 points, est une satisfaction pour le monde combattant. Il était temps ! L’approche de l’élection présidentielle n’est probablement pas tout à fait étrangère à cette évolution bienvenue… Mais, là encore, vous vous arrêtez au milieu du gué, monsieur le secrétaire d’État ! Cette augmentation n’interviendra en effet qu’en cours d’année, plus précisément au 1er juillet 2012 : encore une occasion manquée !

Il aura fallu attendre la fin du quinquennat pour parvenir à un tel résultat. Cela ternit quelque peu l’expression de la reconnaissance de la Nation aux femmes et aux hommes qui se sont engagés pour défendre notre pays. Se servir de la démographie du monde des combattants comme variable d’ajustement de votre politique n’honore pas le Gouvernement !

L’action n° 2, Gestion des droits liés aux pensions militaires d’invalidité, voit également ses crédits baisser de 11, 8 %. Ceux de l’action n° 3, Solidarité, diminuent aussi.

Les crédits de la rente mutualiste régressent, quant à eux, de 62 820 euros. Je tiens tout de même à rappeler que le Président de la République s’était engagé à la porter à 130 points. En 2007, elle était à 125 points ; elle est toujours à 125 points aujourd'hui ! Et qu’en est-il de l’allocation différentielle de solidarité, dont le montant devait être rehaussé au niveau du seuil de pauvreté ?

Les crédits des subventions aux associations sont quasiment divisés par deux.

Enfin, si la dotation sociale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONAC, augmente très légèrement, passant de 19, 6 millions d’euros à 20, 1 millions d’euros, sa subvention de fonctionnement reste, en revanche, stable. Cela étant, au-delà des chiffres, la réorganisation des services et des moyens qui lui sont affectés a considérablement dégradé la qualité du service. Ainsi, pour le programme 169, l’indicateur de performance lié au délai moyen de traitement des dossiers de pension militaire d’invalidité se détériore, ce délai moyen étant passé de 370 jours en 2009 à 431 jours en 2010 !

J’en viens au programme 158, « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale ».

Dernièrement, vous avez rencontré le président et les membres de l’Association nationale des pupilles de la Nation, orphelins de guerre ou du devoir. Vous leur auriez laissé entendre qu’un décret unique concernant les pupilles de la Nation de tous les conflits était en préparation, pour être publié avant la fin de l’exercice. Il s’agissait d’une promesse du Président de la République ; une de plus !

Je souhaite maintenant vous interpeller sur plusieurs points.

Premièrement, je voudrais évoquer le bénéfice de la campagne double pour les anciens combattants de la guerre d’Algérie, thème sur lequel j’ai déposé une proposition de loi. Une décision récente du Conseil d’État, en date du 17 mars 2010, a enjoint au secrétariat d'État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants et au ministère du budget d’attribuer le bénéfice de la campagne double aux titulaires des pensions civiles et militaires de l’État ayant participé à la guerre d’Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc.

Or le décret du 29 juillet 2010 portant attribution du bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d’Afrique du Nord ne répond pas aux attentes, puisque seules les pensions liquidées à compter du 19 octobre 1999 pourront être révisées. Ainsi, le texte se trouve vidé de sa portée. La mesure devrait s’appliquer non seulement aux fonctionnaires et assimilés, mais également aux salariés du secteur privé. Combien d’entre eux pourront-ils réellement en bénéficier ? Je souhaite que ce dossier soit revu et traité comme il se doit.

Deuxièmement, pour avoir effectué un service militaire de vingt-huit mois dans les Aurès, je suis attaché, on le comprendra, à la commémoration de la fin de la guerre d’Algérie. À cet égard, les anciens combattants d’Afrique du Nord réaffirment leur volonté d’obtenir la reconnaissance officielle de la date du 19 mars 1962 comme celle de la commémoration du cessez-le-feu, donc de la fin de la guerre en Algérie. Monsieur le secrétaire d’État, faites droit à cette légitime revendication des anciens combattants d’Afrique du Nord ! Vous leur devez, nous leur devons, le pays leur doit cet hommage et cette reconnaissance. Il ne s’agit pas là d’une question budgétaire.

Troisièmement, je souhaite attirer votre attention sur la reconnaissance et l’indemnisation des victimes des essais nucléaires. Des rencontres ont-elles été organisées avec les représentants des associations concernées ?

Enfin, nous nous opposerons au projet, annoncé par le Président de la République, de faire du 11 novembre la date unique de commémoration du souvenir des soldats français tués en opérations. Nous sommes particulièrement attachés au maintien de chacune des journées du souvenir, pour que les générations futures conservent la mémoire de notre histoire.

Monsieur le secrétaire d’État, votre projet de budget comporte un certain nombre d’avancées, mais de nombreux problèmes restent malheureusement en suspens. Il ne répond pas complètement aux attentes du monde combattant, qui sont, vous en conviendrez, parfaitement légitimes. Aussi ne pourrai-je pas le voter en l’état.

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