Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la vie chère, la vie toujours plus chère outre-mer qu’en métropole, de surcroît dans un contexte de plus grande pauvreté puisque les ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté y représentent le quart de la population contre 13 % dans l’hexagone, alimente une tension sociale préoccupante.
Rappelez-vous, madame la ministre : les graves crises de la fin de 2008 et de 2009 ont trouvé leur source dans l’augmentation des prix de l’énergie, en particulier du carburant et des produits alimentaires.
Malgré cela, les économies des outre-mer n’ont pas connu d’embellie notable : l’augmentation des prix y est en moyenne supérieure à 3, 5 %, alors qu’elle n’est que de 1, 5 % en métropole.
Depuis le 20 septembre, Mayotte est en proie à une grave crise sociale du fait du coût de la vie et d’une réalité socio-économique qui, visiblement, n’a encore une fois pas été suffisamment prise en considération.
En effet, madame la ministre, les seules réponses apportées à la crise économique et sociale durable des outre-mer sont les mesures très limitées de la LODEOM, la loi du 12 mars 2009 pour le développement économique des outre-mer, et du CIOM, le conseil interministériel de l’outre-mer du 6 novembre 2009, mesures qui n’ont d’ailleurs pas toutes été mises en œuvre.
S’agissant de la LODEOM, je constate ainsi que, presque deux ans et demi après son adoption, plusieurs décrets nécessaires à son application ne sont toujours pas parus.
Premièrement, est concernée la création des groupements d’intérêt public chargés de régler les situations d’indivision, trop fréquentes dans les départements d'outre-mer et qui rendent souvent le foncier indisponible. J’insiste, madame la ministre, sur la nécessité de mener à bien la création de ces GIP dans les meilleurs délais.
Deuxièmement, est concernée la création des groupements d’intérêt public chargés de gérer le dispositif de continuité territoriale.
Troisièmement, le décret permettant de déterminer la structure des prix et des coûts des compagnies aériennes qui effectuent des liaisons avec l’outre-mer n’est toujours pas paru. Or ce décret est absolument nécessaire, notamment parce que nous craignons que l’aide à la continuité territoriale ne se traduise par une augmentation des prix des billets et ne bénéficie donc pas aux ultramarins.
Quatrièmement enfin, nous attendons toujours le décret d’approbation du schéma minier en Guyane. J’en profite, madame la ministre, pour réitérer une demande locale unanime : le schéma d’aménagement régional doit être le document directeur et l’emporter sur le schéma minier, ce qui n’est actuellement pas le cas.
S’agissant ensuite des mesures du CIOM, une ambigüité existe quant à leur efficacité.
D’après les réponses qui nous ont été fournies par le Gouvernement, 85 % de ces mesures seraient « réalisées ou en cours de mise en œuvre ». Tout est dans la nuance, mais il n’empêche que ce pourcentage est sujet à controverses. En effet, lors d’un débat qui s’est tenu en séance publique à l’Assemblée nationale le 18 mai dernier, des taux plus proches de 20 % que de 85 % ont été évoqués. Je m’interroge, madame la ministre : serait-ce que les 65 % de décisions faisant la différence auraient pu être mises en œuvre depuis le mois de mai ?
En tout état de cause, je pense qu’il serait très utile qu’un bilan objectif, associant les élus et la délégation générale à l’outre-mer, puisse être mis en œuvre jusqu’à la réalisation complète de l’ensemble des décisions du CIOM.
La traduction budgétaire des décisions du CIOM dans les crédits de la mission « Outre-mer » est en tout cas limitée puisqu’elle se borne à 13 millions d’euros.
Venons-en aux crédits de cette mission pour l’année 2012.
Dans la version initiale du projet de loi de finances, ces crédits connaissaient une quasi-stagnation par rapport à 2011 : ils s’élevaient à 2, 18 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2, 03 milliards d’euros en crédits de paiement, soit des hausses respectives de 1, 1 % et de 2, 9 %.
En réalité, ces crédits ne faisaient que retrouver leur niveau de l’année 2010, les hausses ne faisant que compenser la diminution votée entre les années 2010 et 2011. Je reviendrai à la fin de mon intervention sur les modifications importantes qui leur ont été apportées par l’Assemblée nationale.
Cette stagnation des crédits depuis 2010 marque un arrêt par rapport à 2009 et 2010. Elle résulte d’une diminution très forte des dépenses fiscales en faveur des outre-mer. En effet, le montant global des niches fiscales qui sont rattachées à la mission et qui bénéficient aux territoires ultramarins diminue de 382 millions d’euros, soit une baisse de 11, 5 %.
Aussi, je m’inquiète vivement des conséquences pour les outre-mer de la politique gouvernementale de réduction des niches fiscales. En effet, si cette politique peut se justifier au regard de l’impératif de réduction du déficit budgétaire de l’État, elle ne pèse pas de manière identique sur l’ensemble des territoires français.
En 2011, les dépenses fiscales rattachées à la mission « Outre-mer » s’élevaient à 3, 31 milliards d’euros, soit un montant largement supérieur aux 2, 18 milliards d’euros en autorisations d’engagement et aux 2, 03 milliards d’euros en crédits de paiement de la mission. Ce déséquilibre traduit la priorité accordée par l’État aux dispositifs fiscaux pour favoriser le développement des outre-mer français par rapport aux dotations budgétaires. C’est la raison pour laquelle les départements et collectivités d’outre-mer subissent plus que les autres territoires les effets de la politique de réduction des dépenses fiscales. La diminution de 382 millions d’euros du montant des dépenses fiscales entre les années 2011 et 2012 est loin d’être compensée par l’augmentation des crédits de la mission, qui n’est que de 23, 2 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 57, 6 millions d’euros en crédits de paiement.
En plus de subir, au même titre que la métropole, la politique de rigueur et de réduction des niches fiscales, les outre-mer sont touchés par des mesures de rabot spécifiques. En conséquence, ils subissent une forme de « double peine » : une fois, au même titre que la France entière, une autre fois, au titre des mesures de soutien spécifiques, alors même que les outre-mer sont dans une situation économique et sociale plus difficile que le reste de la France.
Il faut donc veiller à ne pas pénaliser excessivement les territoires ultramarins, pour lesquels la dépense fiscale a historiquement constitué un axe d’action privilégié. Au total, c’est donc bien à une diminution nette de l’effort consenti par l’État au profit des territoires ultramarins que nous assistons.
D’ailleurs, le document de politique transversale fait apparaître, à l’image de l’évolution de la mission « Outre-mer », une quasi-stagnation des crédits globalement consacrés par l’État à la politique en direction des territoires ultramarins. En effet, ceux-ci augmentent de 0, 5 % en autorisations d’engagement et de 0, 4 % en crédits de paiement.
Pour conclure cette intervention, je veux indiquer que l’Assemblée nationale a fortement réduit, une première fois en première délibération et une seconde fois en seconde délibération, les crédits de la mission : de 58 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 66 millions d’euros en crédits de paiement. Cette baisse s’inscrit dans le plan de réduction de 1, 5 milliard d’euros des dépenses de l’État et touche presque l’ensemble des dispositifs de la mission « Outre-mer » : la compensation à la sécurité sociale des exonérations de charges sociales, l’aide à la rénovation hôtelière et l’aide au fret, le service militaire adapté, les contrats de projets entre l’État et l’outre-mer, l’insertion et la coopération régionale, l’appui à l’accès au financement bancaire.