Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la suite de l’intervention de notre collègue Georges Patient, qui a présenté un cadrage global du budget de l’outre-mer pour l’année 2012, je détaillerai les principales évolutions marquantes entre les années 2011 et 2012.
La mission « Outre-mer » est composée de deux programmes : le premier est consacré à la politique en faveur de l’emploi, le second rassemble un ensemble de mesures disparates en faveur des conditions de vie en outre-mer.
Dans la version initiale du projet de loi de finances, les crédits du programme « Emploi outre-mer » augmentaient en 2012 de 1, 3 % en autorisations d’engagement et de 4, 7 % en crédits de paiement. À la suite des modifications apportées par l’Assemblée nationale, ces crédits baissent de 2, 8 % en autorisations d’engagement et connaissent une moindre augmentation en crédits de paiement, de l’ordre de 0, 6 %.
Ces crédits sont principalement utilisés pour rembourser à la sécurité sociale le coût des exonérations de charges sociales spécifiques à l’outre-mer. D’après les dernières évaluations fournies à la commission des finances, les montants consacrés à ce dispositif devraient suffire à résorber la dette de l’État aux organismes de sécurité sociale au début de l’exercice 2012. C’est une très nette amélioration de la situation par rapport aux sous-budgétisations très marquées que nous avions connues en 2008 et 2009.
Ce que nous regrettons en revanche, c’est de n’avoir reçu du ministère aucune évaluation du montant qui sera nécessaire en 2012 et, par conséquent, de ne pas pouvoir estimer si l’enveloppe de 1, 17 milliard d’euros initialement prévue au présent budget sera ou non suffisante. Cette question est d’autant plus importante que les crédits consacrés à ces remboursements ont été rabotés de 40 millions d’euros à l’Assemblée nationale.
Ce programme en faveur de l’emploi comportait par ailleurs 27 millions d’euros au profit de l’aide au fret et de la rénovation hôtelière. Ces deux mesures ont été votées dans le cadre de la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM. Toutefois, leurs décrets d’application n’étant parus que tardivement, 2011 a été la première année de leur mise en œuvre. Il nous faut donc attendre encore pour pouvoir évaluer leurs effets. L'Assemblée nationale a supprimé 10 millions d’euros prévus pour cette action. Dans ce contexte, madame la ministre, les dispositifs visés seront-ils pleinement opérationnels en 2012 ?
Enfin, la dotation dédiée au service militaire adapté, le SMA, progressait de 16, 7 % en crédits de paiement dans la version initiale du projet de loi de finances. Cette hausse reste de 13, 9 % après la diminution votée à l’Assemblée nationale. Elle atteint 68 % depuis 2009, ce qui traduit bien l’engagement pris par le Président de la République de doubler la capacité d’accueil du dispositif. En 2014, ce seront 6 000 jeunes qui bénéficieront des actions d’insertion mises en œuvre par le SMA, dont l’efficacité a été prouvée.
Le second programme de la mission, « Conditions de vie outre-mer », est très hétérogène et présente des performances moins satisfaisantes.
Les crédits de la ligne budgétaire unique, la LBU, consacrée au financement du logement social sont stables en autorisations d’engagement, mais augmentent de 10 % en crédits de paiement. Ils n’ont pas été modifiés par l’Assemblée nationale, conformément au souhait du Gouvernement de faire de la politique en faveur du logement social une priorité.
Toutefois, nous constatons que l’effort de l’État – près de 275 millions d’euros – ne permet pas la réalisation du nombre de logements sociaux qui seraient nécessaires. Seulement 7 500 logements neufs environ ont été construits en 2010. Or les besoins pour l’ensemble des territoires concernés s’élèvent à plus de 20 000 logements par an. Par conséquent, la réalisation ne représente qu’environ un tiers du niveau qu’il faudrait atteindre pour faire face aux besoins réels.
Nous ne pouvons donc que constater que, malgré la montée en puissance du dispositif de défiscalisation du logement social, la performance de l’action menée par l’État n’est pas suffisante. Cela résulte, certes, du montant de la LBU, mais aussi des problèmes de disponibilité du foncier rencontrés en outre-mer. À cet égard, nous attendons avec impatience la mise en œuvre du dispositif de cession à titre gratuit des terrains de l’État en outre-mer, sur laquelle, madame la ministre, vous pourrez nous apporter les précisions nécessaires.
Le second programme de la mission comporte également les crédits consacrés à la politique de continuité territoriale, réformée par la LODEOM et gérée par l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, la LADOM. Je ne reviendrai pas ici sur l’ensemble des conclusions formulées par la Cour des comptes sur la LADOM, après une demande de contrôle de la commission des finances de la Haute Assemblée. Toutefois, je rappelle que nous nous inquiétons du risque de sous-budgétisation des crédits par rapport aux besoins exprimés par les ultramarins. Il faudra tirer les leçons des réalisations de l’année 2011, première année de mise en œuvre du nouveau dispositif résultant de la LODEOM.
Enfin, et ce sera ma dernière remarque sur ce programme, les crédits consacrés au fonds exceptionnel d’investissement ne s’élèveront qu’à 17 millions d’euros en autorisations d’engagement. Lors de sa création, en 2009, ce fonds avait été doté de 40 millions d’euros. Madame la ministre, faut-il conclure de cette diminution que le fonds n’est plus un outil privilégié d’action de l’État en faveur des investissements portés par les collectivités territoriales d’outre-mer ?
Nous y reviendrons lors de la présentation des deux amendements adoptés par la commission des finances, mais je tiens à souligner les grandes difficultés financières rencontrées par les collectivités territoriales d’outre-mer. Nous avions largement insisté sur ce sujet lors de notre mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer.
Ces difficultés résultent en partie des majorations de traitement dont bénéficient les fonctionnaires affectés en outre-mer. Sur ce sujet, le Gouvernement entend-il prendre des initiatives ?
Comme l’a indiqué Georges Patient, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Outre-mer ». À titre personnel, je préférerais qu’ils soient adoptés. Il me semble que les diminutions votées par l’Assemblée nationale sont proportionnelles à l’effort demandé à l’ensemble des ministères. J’ai la conviction que ces réductions budgétaires sont particulièrement nécessaires dans le contexte actuel de nos finances publiques, même si, évidemment, j’aurais souhaité que l’État puisse faire plus en faveur de nos territoires ultramarins.