Intervention de Michel Vergoz

Réunion du 24 novembre 2011 à 16h15
Loi de finances pour 2012 — Outre-mer

Photo de Michel VergozMichel Vergoz, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits pour 2012 de la mission « Outre-mer » s’inscrivent dans un contexte particulier : celui d’une crise économique, certes, mais surtout d’une gestion des finances publiques qui, depuis 2007, a conduit le Gouvernement, d’improvisations en improvisations, à décider de mesures d’austérité qui frappent encore plus durement nos territoires.

Le budget de cette mission s’inscrit également dans le contexte d’une situation locale très dégradée, économiquement et socialement. La gestion chaotique des revendications sociales à Mayotte en est l’exemple récent le plus manifeste.

Plus de deux ans après le vote de la loi pour le développement économique des outre-mer, la « vie chère » subie dans nos territoires témoigne de l’échec de la politique menée ces dernières années, alors que le chômage est reparti à la hausse en 2010. Il atteint 29, 5 % à la Réunion, 24 % en Guadeloupe, 21 % en Martinique et en Guyane.

Dans mon département, la Réunion, le taux de chômage des jeunes est aujourd’hui de 55 %, contre 22 % dans l’Hexagone, tandis que 10 % des foyers touchent le RSA, contre à peine 3 % en métropole.

Comment, avec de tels indicateurs, se gargariser d’une quelconque réussite ?

En réalité, le montant des crédits de paiement de la mission « Outre-mer », soit 1, 98 milliard d’euros, traduit une baisse de l’effort financier de l’État envers les outre-mer, compte tenu de l’inflation.

D’ailleurs, les crédits de la mission, qui correspondaient à 0, 58 % du budget de l’État en 2006, n’en représentent plus aujourd’hui que 0, 50 %. C’est une claire traduction du fait que le Gouvernement se détourne ti pas ti pas des outre-mer, comme l’on dit chez nous.

Les dépenses fiscales diminuent de 382 millions d’euros en 2012, soit un recul de 11, 4 %. Cette somme manquera au développement de l’outre-mer en 2012. Madame la ministre, mes chers collègues, vous admettrez que c’est considérable !

La dépense fiscale a, durant ces dernières années, et pour des raisons idéologiques, souvent été préférée à la dépense budgétaire.

Cette économie pour l’État, qui représente à peine 0, 1 % de la dépense nationale globale, a donc un impact dérisoire sur le budget, mais entraîne des conséquences désastreuses pour les économies ultramarines.

Ces conséquences ont-elles été bien pesées ? À quand un audit sérieux, indépendant et transparent des mesures décidées ?

S’agissant des crédits dédiés au service militaire adapté, le SMA, ils progressent, en lien avec l’augmentation du nombre de volontaires pris en charge.

Néanmoins, nous nous interrogeons sur la pertinence de la réduction de la durée de formation dispensée à une partie d’entre eux, et, surtout, madame la ministre, nous resterons vigilants sur le respect de l’engagement que vous avez pris, devant nos collègues députés, de ne pas faire peser sur le SMA l’impact de votre plan d’austérité.

La ligne budgétaire unique, la LBU, a, hélas, été désacralisée au profit de la défiscalisation, au cours des dernières années.

Elle reste à un niveau largement insuffisant, vous le savez bien, pour faire face à nos besoins immenses. La conjonction d’une défiscalisation, appliquée de façon incontrôlée au logement intermédiaire, a entraîné une crise grave du logement social, consécutive à une explosion du coût du foncier.

Madame la ministre, certains ont même fait de la spéculation foncière une rente boursière depuis 2005. C’est pour le moins inédit, et c’est en France que cela se passe !

Pour ce qui est de la continuité territoriale, non seulement l’expression nous apparaît inappropriée, mais en outre elle traduit un détournement de sens du point de vue de l’outre-mer.

En effet, la seule région Corse, qui comprend 300 000 habitants à 200 kilomètres du continent, a bénéficié d’une dotation de continuité territoriale de l’État de 187 millions d’euros en 2010, dédiée uniquement au transport des résidents, alors que, pour tout l’outre-mer – 2, 5 millions d’habitants, le territoire le plus proche étant à 8 000 kilomètres de l’Hexagone –, le budget dédié n’est que de 45 millions d’euros.

L’iniquité crève les yeux !

En tout état de cause, il me semble nécessaire de préciser qu’une continuité territoriale existe réellement lorsque trois critères sont réunis.

D’abord, les citoyens doivent être certains de disposer, toute l’année, d’un nombre de titres de transport qui leur assurent la libre circulation entre leur territoire et l’Hexagone, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Ensuite, pour conforter leur libre circulation, ces mêmes citoyens sont en droit de se voir garantir un prix acceptable du titre de transport toute l’année, ce qui n’est pas le cas là encore.

Enfin, un coût de fret maîtrisé est censé leur assurer l’égalité économique avec la métropole, ce qui n’est pas le cas non plus.

Tel est le réel chemin à parcourir si nous voulons défendre l’idée même de la continuité territoriale.

Bref, ce projet de loi de finances pour 2012 est totalement décalé et injuste par rapport aux défis majeurs en outre-mer.

Les coups de rabot, les décisions improvisées, sans évaluation ni concertation, se succèdent sans qu’aucune ambition se dégage.

En conséquence, monsieur le président, mes chers collègues, la commission des affaires sociales vous propose de rejeter les crédits de la mission « Outre-mer ».

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