Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, disons-le d’emblée, les crédits de la mission « Outre-mer » prévus pour 2012 ne sont pas à la hauteur des défis auxquels nous sommes confrontés.
Quelques chiffres me semblent particulièrement révélateurs.
Tout d’abord, dans le projet de loi de finances initial, la mission affichait une augmentation de ses crédits de 1, 1 % en autorisations d’engagement, et de 2, 9 % en crédits de paiement.
Sur l’initiative du Gouvernement, ces crédits ont été « rabotés » par nos collègues députés : le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale prévoit désormais une réduction des crédits de la mission de 1, 6 % en autorisations d'engagement et de 0, 4 % en crédits de paiement.
Ensuite, nous constatons une nouvelle réduction des dépenses fiscales en faveur – en défaveur, serais-je tenté de dire – des outre-mer.
Je rappelle que ces aides ont été déjà sensiblement réduites au cours des dernières années, dans le cadre non seulement de la LODEOM, mais aussi de la dernière loi de finances.
Entre 2011 et 2012, la dépense fiscale rattachée à la mission « Outre-mer » a ainsi diminué de près de 400 millions d’euros.
En conséquence, la commission de l’économie estime que le projet de budget, dont nous discutons aujourd’hui, ne porte aucune ambition pour nos outre-mer.
Madame la ministre, nous connaissons votre réponse : l’outre-mer doit participer à l’effort de réduction des déficits publics. Certes ! Mais, pour les outre-mer, c’est le régime de la double peine !
Quand le Gouvernement décide, par exemple, d’indexer l’évolution des aides personnelles au logement et des prestations familiales sur la croissance, autant dire de les geler, ou encore d’augmenter la taxe sur les mutuelles, ces décisions s’appliquent également dans tous les outre-mer. Il en est ainsi de la quasi-totalité des mesures d’économie annoncées au cours de ces dernières semaines.
Nos outre-mer sont donc victimes de la politique de rigueur à deux titres : en tant que parties intégrantes du territoire national et en tant que territoires disposant de dispositifs spécifiques destinés à favoriser leur rattrapage économique et social.
Or comment peut-on accepter que les territoires connaissant la situation économique et sociale la plus difficile participent davantage à l’effort national ?
Je vous rappelle, pour mémoire, que le PIB par habitant des départements d’outre-mer est inférieur de moitié au PIB par habitant dans l’Hexagone, et que le chômage y est trois fois plus important !
En réalité, vous demandez plus à ceux qui ont le moins !
Au-delà du budget, quel est le bilan des États généraux de l’outre-mer et des décisions annoncées lors du conseil interministériel de l’outre-mer, le CIOM, de 2009 ? La réponse à cette question est tout d’abord d’ordre empirique.
Le mouvement social à Mayotte et la réapparition du thème de la « vie chère » montrent que bien peu de chose ont changé.
Au cri des populations antillaises en 2009 a répondu, en écho, le cri de la population mahoraise.
En termes budgétaires, l’impact des décisions du CIOM est infime : il s’agit, pour 2012, de quelques millions d’euros inscrits dans la mission « Outre-mer » !
S’agissant de résultats, je prendrai l’exemple du logement, problématique centrale dans nos outre-mer. La production de logements sociaux a légèrement repris. En 2010, 6 500 logements de ce type ont été financés. Mais ces chiffres sont très en deçà des besoins.
Je vous rappelle que plus de 160 000 personnes sont en attente d’un logement social aux Antilles, à la Réunion et en Guyane, soit près de 10 % de la population, contre moins de 3 % dans l’Hexagone.
La ligne budgétaire unique, socle du financement du logement social, est stable. Il ne s’agit en rien d’une victoire pour les outre-mer aux yeux de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Cette stabilité est, au contraire, révélatrice du renoncement de l’État à toute augmentation des crédits budgétaires.
Enfin, beaucoup d’annonces ont été faites en matière de logement, lors de l’examen de la LODEOM et à l’occasion du CIOM, mais les résultats ne sont pas au rendez-vous.
Où en est le groupement d’intérêt public censé répondre au problème de l’indivision, institué il y a plus de deux ans par la LODEOM ? Le décret d’application n’est toujours pas publié.
Où en sont le décret sur la surcharge foncière et le dispositif visant à permettre la cession de terrains de l’État pour construire du logement social, deux mesures du CIOM que le ministère annonce avoir mises en œuvre ? Le décret sur la surcharge foncière ne devrait pas être reconduit en 2012.
Combien de terrains ont été cédés par l’État afin de construire des logements sociaux ? Aucun, le décret d’application n’ayant toujours pas été publié !
Ce constat est désolant et inquiétant, au vu des attentes de nos populations, suscitées par les états généraux de l’outre-mer.
En matière de logement comme dans bien d’autres domaines, la politique ambitieuse à l’égard de nos outre-mer fait encore et toujours défaut.
En conséquence, madame la ministre, mes chers collègues, la commission de l’économie, dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur pour avis, s’est déclarée défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».