Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Outre-mer » présente un certain nombre de points positifs, mais aussi quelques aspects moins favorables. Les uns et les autres ont des conséquences sur les collectivités d’outre-mer et la Nouvelle Calédonie, dont je me préoccupe plus particulièrement, en tant que rapporteur pour avis de la commission des lois.
Parmi les points positifs, il convient de constater qu’en dépit de la crise financière à laquelle le monde est confronté l’effort de l’État en faveur de l’outre-mer est maintenu. Tant l’action globale de l’État que la part du budget relevant du ministère chargé de l’outre-mer, autrement dit la mission « Outre-mer », sont de niveaux comparables à ceux de l’exercice 2011.
Or chacun sait que, dans une période particulièrement difficile, le maintien des crédits, voire une légère progression, est un geste significatif méritant d’être apprécié.
Un deuxième élément positif se trouve dans l’intensité de l’effort de l’État, loin d’être négligeable, puisque l’ensemble des crédits dédiés à l’outre-mer ont connu une progression de plus de 22% entre 2008 et 2012 en crédits de paiement. Ce chiffre, à lui seul, démontre tout l’intérêt accordé par l’État à nos compatriotes ultramarins.
Je relève un troisième point positif dans la stabilisation, depuis plusieurs années, du périmètre d’intervention de la mission « Outre-mer », qui offre ainsi une meilleure lisibilité, avec plus de transparence financière.
On peut également se féliciter de voir que les priorités de développement du service militaire adapté sont préservées et qu’il en est de même pour l’incitation à la construction de logements sociaux si nécessaires, aux équipements, à l’accompagnement des collectivités locales, sans oublier, bien entendu, l’importance qui continue d’être accordée au principe de la continuité territoriale, même si, c’est vrai, dans ce domaine, comme dans d’autres d’ailleurs, des extensions et des aménagements méritent d’être envisagés.
En revanche, il faut bien le dire, d’autres aspects de ce budget sont plus contestables. Tel est le cas de la défiscalisation, qui ne donne pas l’impression d’être parfaitement maitrisée quant à ses effets.
Comme chacun sait, un budget doit viser trois objectifs : récolter de l’argent pour le fonctionnement de l’État, procéder à une répartition des crédits et inciter les citoyens à dépenser dans un sens utile à la Nation.
Force est de constater que, sur ce dernier point, la défiscalisation joue un rôle essentiel dans la politique suivie pour le développement de l’outre-mer, compte tenu de son niveau qui dépasse les 3 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien.
Certes, on peut discuter de la pertinence de ce montant, qui prend notamment en compte l’octroi de mer, en l’absence de TVA. Il n’en reste pas moins élevé et donc significatif. Or il n’est toujours pas possible de disposer d’évaluations précises quant au rendement financier de cet instrument budgétaire, ce qui est regrettable, au vu des sommes en jeu. Madame la ministre, vous n’êtes pas la seule responsable, puisqu’il en va de même quand on se tourne du côté de Bercy.
Le tableau de bord est donc malheureusement incomplet pour un bon pilotage du rapport coût-efficacité du développement de l’outre-mer.
Un autre élément ayant soulevé les interrogations de la commission des lois se situe au niveau de l’élaboration même du budget. De fortes présomptions pèsent en effet sur l’insuffisance des moyens laissés au ministère chargé de l’outre-mer pour la définition et l’élaboration de sa politique.
Nous souhaitons, madame la ministre, que vous ayez plus de pouvoirs. Bien entendu, il ne s’agit pas de déposséder les ministères techniques de leurs compétences en matière ultramarine, car il faut, au contraire, les inciter à prendre en compte cette dimension.
Mais il convient de garantir une impulsion, une coordination et une vision à long terme, que seul le ministère chargé de l’outre-mer peut assurer. Un orchestre a besoin d’un chef pour être de qualité.
Mes chers collègues, je vais maintenant vous convier à faire rapidement le tour du monde, en faisant une brève escale dans chacune des collectivités concernées.
En Nouvelle-Calédonie, l’application de l’accord de Nouméa et des transferts de compétences y afférents se poursuit, parallèlement à la reprise économique constatée sur le marché du nickel. Il y règne un climat apaisé, et nous ne pouvons que nous en féliciter.
La Polynésie française n’a toujours pas retrouvé la croissance espérée, mais l’objectif de stabilité affiché dans le cadre de la loi organique que nous avons récemment votée a, semble-t-il, été atteint. Le développement des communes reste, plus que jamais, à l’ordre du jour.
Wallis-et-Futuna a du mal à consommer, pour des raisons difficiles à cerner – il est question de problèmes administratifs et techniques –, la totalité des crédits prévus dans son plan de développement en matière de santé. Cela étant, l’archipel ne dispose pas de moyens financiers suffisants pour couvrir les dégâts provoqués, à Futuna, par le passage, voilà plus d’un an, du cyclone Tomas. Il y aurait tout de même des progrès à faire dans ce domaine.
Pour Saint-Pierre-et-Miquelon, c’est toujours le statu quo qui domine. La coopération avec le Canada, qui permettrait d’ouvrir des perspectives intéressantes, n’est malheureusement pas encore finalisée.
Saint-Martin rencontre encore des difficultés financières et doit gérer une frontière extérieure de l’Union européenne, qui la sépare de la partie néerlandaise de l’île. Or, du fait même des accords historiques de Concordia, cette frontière ne peut être contrôlée : voilà un véritable paradoxe géopolitique !
L’île de Saint-Barthélemy est confrontée à un autre paradoxe. Le transfert des compétences qui lui a été accordé lorsqu’elle a changé de statut, passant de commune à collectivité d'outre-mer, devait s’accompagner d’une compensation financière de l’État.
Puisque la compétence fiscale a été considérée par le ministère des finances comme de nature à apporter un « potentiel fiscal » – j’emploie les guillemets à dessein – à la collectivité, celle-ci doit, en définitive, verser à l’État, chaque année, 5, 6 millions d’euros indexés. C’est donc Saint-Barthélemy, mes chers collègues, qui subventionne la métropole !
Les TAAF, Terres australes et antarctiques françaises, sont le seul territoire subissant une chute libre des crédits, alors même qu’il s’agit d’un centre de recherche remarquable pour une meilleure connaissance de notre planète, qui a fait d’énormes efforts de rationalisation de sa gestion financière. Un tel recul est donc vivement regrettable.
Enfin, il serait temps que la France réaffirme sa souveraineté sur l’îlot de Clipperton. Cette zone exceptionnelle pour l’étude de la biodiversité est laissée à la merci des pollueurs et trafiquants de toutes natures.
Madame la ministre, mes chers collègues, au vu des éléments positifs évoqués précédemment, à mon sens supérieurs aux insuffisances constatées, j’ai invité la commission des lois à donner un avis favorable à la mission « Outre-mer ».
Toutefois, la commission a estimé, quant à elle, que les éléments négatifs précités étaient les plus importants et a donc finalement donné un avis négatif sur ce budget présenté en faveur de l’outre-mer pour 2012.