Intervention de Félix Desplan

Réunion du 24 novembre 2011 à 16h15
Loi de finances pour 2012 — Outre-mer

Photo de Félix DesplanFélix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les départements d'outre-mer :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de la loi de finances pour 2012 le montre, dans un contexte de crise économique et financière, les outre-mer contribuent bien aux plans successifs de rigueur budgétaire conduits par le Gouvernement.

Dès 2011, la mission « Outre-mer » connaissait une baisse sensible de ses crédits. Elle en subit une nouvelle en 2012. Je ne m’attarderai pas plus avant sur l’évolution de son budget, qui vient d’être détaillée par mes collègues rapporteurs spéciaux et pour avis, me contentant de souligner une réalité : compte tenu de la priorité donnée ces dernières années à la dépense fiscale outre-mer, le coup de rabot sur les niches fiscales, sans aucune forme de compensation, a un impact beaucoup plus fort sur les territoires ultramarins que sur ceux de l’Hexagone.

Madame la ministre, un tel phénomène freine le développement des outre-mer, alors qu’ils vivent une situation très préoccupante.

En effet, malgré les mesures, de pur affichage, promises par le Président de la République à la suite des troubles sociaux qui s’y sont produits en février 2009, c’est toujours outre-mer que l’on enregistre les revenus moyens les plus bas, les plus fortes pénuries de logement et les taux de chômage les plus élevés, celui des jeunes actifs de moins de trente ans atteignant plus de 44 % en Guadeloupe.

Manifestement, les efforts annoncés n’ont pas été à la hauteur des enjeux. Leur diminution, actée aujourd’hui, en est d’autant plus inquiétante.

Je relèverai trois des points qui ont, entre autres, retenu l’attention de la commission des lois.

Le premier porte sur la rentabilité des choix effectués par l’État en faveur des outre-mer et sur la réalité des capacités d’évaluation de l’impact économique et social des mesures de soutien et d’accompagnement.

En d’autres termes, les priorités données aux politiques d’exonération et de défiscalisation, qui vont du soutien aux entreprises jusqu’au financement des logements sociaux, doivent s’accompagner d’une étude d’impact de ces dispositifs pour en mesurer toutes les conséquences économiques et sociales, ne serait-ce que pour privilégier les investissements les plus porteurs. L’évaluation, pourtant prônée par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, n’a pas encore suffisamment pénétré les politiques en faveur des outre-mer.

Force est de constater également que les trois indicateurs de performance prévus au titre du programme 138 « Emploi outre-mer » ne permettent pas d’évaluer de façon complète et efficace l’impact des mesures considérées. Le même constat peut être avancé pour les cinq indicateurs de performance destinés à mesurer les crédits du programme 123 « Conditions de vie outre-mer ».

Cette problématique me paraît faire écho à celle de la réorganisation de l’administration centrale chargée de l’outre-mer.

N’y a-t-il pas désormais, en effet, urgence à revaloriser le ministère chargé de l’outre-mer par un rattachement direct au Premier ministre de l’actuelle délégation générale à l’outre-mer ? Il s’agit de lui conférer l’autorité suffisante pour coordonner l’action des différents ministères en faveur de l’outre-mer.

Je rappelle ici que, au regard des crédits affectés, la mission ne représente que 15 % de l’effort global de l’État en faveur de l’outre-mer, les 85 % restants étant répartis entre les différents ministères.

Le deuxième point concerne l’évolution institutionnelle de plusieurs territoires ultramarins, qui a marqué l’année 2010.

En Guyane et Martinique seront créées, dans trois ans, des collectivités uniques à statut particulier. Elles exerceront les compétences du département et de la région d’outre-mer, dans le cadre de l’article 73 de la Constitution.

À Mayotte, la départementalisation est effective depuis le 31 mars 2011. Cependant, elle ne s’est pas accompagnée d’une participation budgétaire suffisante de l’État. Les crédits alloués ont d’ailleurs été affectés principalement à la modernisation et au renforcement économique du territoire, alors que les besoins en matière de formation, par exemple celle des fonctionnaires de justice ou de l’administration territoriale, sont considérables. Savez-vous qu’il n’existe qu’un seul huissier de justice dans tout le département ?

Se pose, en outre, à Mayotte, la question du cadastre. De sa réforme dépend le niveau des recettes fiscales des collectivités territoriales. Or celle-ci, pourtant nécessaire, tarde à s’y mettre en place.

Dans les autres départements d'outre-mer, le cadastre est souvent incomplet et mal actualisé, pour une grande part en raison d’une pénurie de personnels ou de la fréquence des mutations.

Le troisième et dernier point a trait à l’insuffisance des moyens accordés à la justice dans les DOM. Elle conduit à s’interroger sur « la réalité de l’accès des citoyens à la justice comme sur le respect par l’État des droits des justiciables ». Je reprends là les termes employés par notre collègue rapporteur pour avis, Christian Cointat, et notre ancien collègue Bernard Frimat, qui, missionnés par notre commission des lois, se sont rendus, en février dernier, aux Antilles et en Guyane.

Ainsi, en Guadeloupe, les délais moyens de jugement du tribunal administratif de Basse-Terre sont de deux ans et demi, contre onze mois en métropole. Mais ils s’élèvent à cinq ans pour les dossiers non urgents.

En Martinique, le personnel de la cour d’appel de Fort-de-France est installé, depuis trente ans, dans des locaux préfabriqués, dégradés et insalubres.

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