Intervention de Jacques Gillot

Réunion du 24 novembre 2011 à 21h45
Loi de finances pour 2012 — Outre-mer

Photo de Jacques GillotJacques Gillot :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission outre-mer intervient dans un contexte où le Gouvernement a décidé l’application d’un plan d’austérité dont nous comprenons le principe mais dont nous réfutons les modalités.

Nous devons en effet en prendre conscience, la France d’outre-mer n’est pas épargnée par la crise.

À cette crise systémique s’est ajoutée une crise plus spécifique, identitaire, sociale et finalement politique, qui a révélé au grand jour d’importants dysfonctionnements que les parlementaires d’outre-mer dénoncent régulièrement, et ce depuis plusieurs années.

Certes, madame la ministre, votre Gouvernement n’a de cesse d’affirmer sa volonté de traiter avec la plus grande attention l’ensemble des préoccupations de nos compatriotes. Nous aurions néanmoins souhaité que ces engagements se traduisent dans les faits par un traitement équitable de nos réalités.

Comment en effet expliquer que, deux ans après sa tenue, la grande majorité des dispositions prévues dans le cadre du CIOM, n’aient pas encore fait l’objet de décrets d’application ? Pire, lorsque certaines mesures en font l’objet, elles se voient privées d’effet par un coup de rabot, à l’instar du dispositif de défiscalisation.

Que sont devenus les engagements d’aider nos territoires à combattre la vie chère et à favoriser un développement économique endogène ? Vous avez nommé trois fonctionnaires, mais aujourd'hui nous ne voyons pas les résultats de la stratégie que vous avez voulu mettre en place.

Où en est l’engagement de procéder au doublement des effectifs des jeunes accueillis par le service militaire adapté dès l’année 2012 ? Il faudrait nous préciser si le fait de réduire la durée de formation de ces jeunes correspond, selon vous, à l’augmentation de leurs effectifs.

Comment accepter la disparition programmée de l’Institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales de Dieppe, l’IFCASS, qui prépare des générations entières d’ultramarins aux emplois du paramédical et du social ?

Vous l’aurez compris, madame la ministre, plus que jamais, le regard de la métropole sur l’outre-mer doit évoluer en faveur d’une relation rénovée. Et je ne suis pas convaincu que la seule organisation de l’Année de l’outre-mer, pour louable qu’elle soit, suffise à faire évoluer les mentalités dans le contexte actuel !

C’est la raison pour laquelle il nous paraît urgent de rompre avec l’idée fausse d’une métropole qui donnerait et d’un outre-mer qui recevrait.

Rompre avec cette idée fausse, c’est réformer cette vision stigmatisante de l’outre-mer, limitée à une comptabilité scrupuleuse des avantages fiscaux octroyés et des dépenses fiscales tolérées.

Rompre avec cette idée fausse, c’est pour l’outre-mer accepter de contribuer à payer la facture de la crise, mais refuser d’être doublement mis à contribution en acceptant une diminution des crédits de la mission « Outre-mer » supérieure à celle des autres dépenses inscrites au budget de la Nation.

C’est avoir conscience que, au regard des forts taux de chômage de nos départements, la défiscalisation n’est pas une niche fiscale mais un dispositif voué à limiter les handicaps de nos économies insulaires.

Rompre avec cette idée fausse, c’est comprendre que la suppression de l’abattement de 30 % sur le bénéfice des entreprises imposables met en péril la capacité des PME d’outre-mer de mobiliser le crédit à l’investissement.

C’est admettre que la baisse de 10 % des avantages liés à la défiscalisation dans le domaine du logement porte un coup d’arrêt sévère à la construction de logements locatifs neufs en dépit de l’immensité des besoins des foyers ultramarins et alors même que le BTP connaît de graves difficultés.

Rompre avec cette idée fausse, c’est aussi opter pour une fiscalité qui tienne davantage compte de la réalité de l’organisation institutionnelle des chambres de commerce et d’industrie des DOM.

Rompre avec cette idée fausse, madame la ministre, c’est faire de la géothermie une source de recettes pour les collectivités en l’assimilant à un produit minier sujet à taxation.

C’est refuser que l’objectif partagé de rationalisation des dépenses de santé se traduise par la réduction des moyens de l’hôpital de Marie-Galante. Madame la ministre, je compte sur votre engagement pour intercéder auprès de Xavier Bertrand, pour qu’enfin les Marie-Galantais puissent bénéficier d’une offre de soins de qualité.

Rompre avec cette idée fausse, c’est faire enfin de l’emploi une vraie priorité en concrétisant l’engagement d’un véritable plan d’urgence pour l’emploi des jeunes.

Il faut aussi que l’on puisse combattre ce sentiment douloureux et humiliant d’être considérés comme des citoyens à part, alors que nombre d’ultramarins aspirent à s’investir dans une République plus ouverte à la diversité de ses composantes.

Madame la ministre, je sais qu’il est difficile d’obtenir des moyens au sein de ce Gouvernement. Nous aurions pourtant vraiment souhaité que le ministère de l’outre-mer puisse bénéficier d’un arbitrage favorable aux intérêts de nos territoires.

Je conclus : madame la ministre, ce qui doit nous unir, c’est notre adhésion au pacte républicain, c’est notre espérance que les lignes bougent et que les mentalités changent. Aussi, en attendant les réponses que vous voudrez bien nous apporter, je suis obligé de vous annoncer que je ne voterai pas les crédits inscrits à ce budget, qui en l’état actuel ne sont pas, à mes yeux, de nature à raffermir cette espérance.

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