La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ».
Tous les rapporteurs s’étant exprimés, nous en sommes parvenus aux interventions des représentants des groupes.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui d’explication de vote.
Je vous rappelle aussi qu’en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Paul Vergès, doyen de notre assemblée, que je salue.
Applaudissements
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’Assemblée nationale ou au Sénat, le débat sur le budget de l’outre-mer ne rassemble généralement que les parlementaires ultramarins. Je salue donc les collègues de métropole présents ce soir, qui témoignent de leur intérêt pour nos territoires.
La situation outre-mer ne peut en aucun cas être réduite à celle de la métropole, alors que, trop souvent, la tendance est d’assimiler dans l’analyse et les mesures à prendre les outre- mer à la situation nationale.
L’exemple de la Réunion montre que, dans tous les domaines, les problèmes se posent de façon spécifique.
Nous avons aujourd’hui la conviction que nous nous situons à la fin d’une période et que nous devons en tirer toutes les leçons.
Ce qui pèse sur toute la situation à la Réunion, c’est le phénomène de la transition démographique, commune, d’ailleurs, aux continents d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud. Notre île comptait 245 000 habitants lors du vote de la loi du 19 mars 1946. Ils sont 850 000 aujourd’hui, et demain, dans environ quinze ans, ils seront un million. Comment faire face à ce défi, alors que les déséquilibres de la société réunionnaise et les incertitudes ne cessent de croître ?
Le secteur agricole, dominé longtemps par la filière canne-sucre, dont l’avenir est pour le moins incertain, ne représente plus que près de 8 % du PIB.
Le secteur secondaire, dans lequel le BTP joue un rôle moteur, est confronté à une crise sans précédent. Ce secteur atteint 12 % du PIB, notamment grâce aux performances des industries agroalimentaires.
Le secteur des services, marchands et non marchands, représente 80 % du PIB. Son dynamisme est bâti autour de la solvabilité d’un secteur public et parapublic alimenté par un système décidé par les gouvernements successifs au nom du coût de la vie. Ce système de surrémunération de 53 % d’un congé payé en France tous les trois ans et d’une retraite abondée de 35 % dure depuis 1947.
Autour de ce secteur, dynamique du fait de la croissance démographique, s’est construit, depuis un demi-siècle, un réseau de services avec des rémunérations supérieures de 30 % à 40 % et, parfois, 70 % par rapport à la France. En revanche, Il a fallu un demi-siècle de luttes pour parvenir à l’égalité sociale et à l’alignement du SMIC sur celui de la France dans le secteur privé.
Enfin, les échanges avec l’extérieur illustrent ces déséquilibres : le taux de couverture des importations par les exportations a chuté à 6 %, et 60 % de nos relations commerciales ont lieu avec l’Europe, éloignée de 10 000 kilomètres, et à l’écart du dynamisme de notre environnement géoéconomique.
La traduction sociale de ce mal-développement, c’est qu’un tiers de la population relève de minima sociaux, alors que 52 % vivent au-dessous du seuil de pauvreté national et que 70 000 foyers sont au RMI. Il y a 120 000 illettrés ; 27 000 ménages sont en attente d’un logement. Quant au niveau de chômage, il oscille autour des 30%, tandis que 120 000 chômeurs sont en recherche active d’emploi et que 150 000 personnes sont inscrites à Pôle emploi, sur une population active estimée à 330 000 personnes. Pour la jeunesse, l’avenir est obscurci, car 60 % des jeunes de moins de vingt-cinq ans sont frappés par le chômage.
La situation de la Réunion est manifestement, à la lumière de ces chiffres officiels, la plus grave de tous les outre-mer. Mais elle n’est pas la seule.
Il y a deux ans, les événements de Guadeloupe avaient surpris les autorités à Paris, lorsque les problèmes récurrents de l’outre-mer, le chômage et le coût de la vie, avaient explosé dans les rues. Le mouvement s’était alors étendu à la Martinique, en Guyane et à la Réunion, conduisant l’Etat à décider de mesures exceptionnelles.
Nous devons mesurer la signification de la crise persistante à Mayotte sans négliger la situation dans les îles du Pacifique. Il est raisonnable de penser que des explosions sociales dans l’un ou l’autre des départements ou collectivités d’outre-mer peuvent surgir de nouveau à n’importe quel moment.
Á cette crise structurelle, qui caractérise le mal- développement des sociétés des départements et collectivités d’outre-mer, se combinent aujourd’hui les conséquences de la crise mondiale qui aggravent les problèmes dans tous les domaines. La crise financière qui touche l’Europe et affecte la France a des conséquences budgétaires, sociales et économiques amplifiées et inévitables dans tout l’outre-mer.
Au-delà des seuls crédits du ministère, qui ne représentent que 16 % de l’ensemble des crédits affectés à l’outre-mer, tous ministères confondus, la contribution des ultramarins est importante dans la politique nationale des finances publiques.
Ainsi, la politique de rigueur affecte directement les populations. Par exemple, dans le domaine sanitaire, l’augmentation du prix des mutuelles ou le déremboursement de nombreux médicaments frappent durement les populations les plus défavorisées.
De plus, le gel des crédits ou concours alloués aux collectivités, l’indexation des prestations sociales sur le niveau national de l’inflation ou le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux ont des conséquences aggravées outre- mer, car ces mesures ne tiennent pas compte d’un niveau d’inflation supérieur à la moyenne nationale et des retards accumulés dans tous les domaines, retards sans cesse aggravés par la progression démographique.
Enfin, la politique de remise en cause de dispositifs fiscaux et des coups de rabots dans la défiscalisation conduite depuis deux ans, sans mesures de compensation ou de substitution, permet à l’État d’économiser des centaines de millions d’euros, mais déstabilise le fonctionnement des économies ultramarines.
Prenons l’exemple de la filière photovoltaïque, qui était en plein essor à la Réunion et qui contribuait à l’objectif stratégique de l’autonomie énergétique. Elle a été totalement déstructurée par la suppression des dispositifs fiscaux et financiers qui la concernaient. Cela a déjà provoqué la perte de 1 500 emplois et montre, à l’évidence, que le Gouvernement n’hésite pas à sacrifier toute une politique de développement durable sur l’autel des économies budgétaires.
C’est également le cas dans le secteur du BTP, déjà éprouvé ces dernières années par les coups de rabot de la défiscalisation et la suppression de grands chantiers – 8 000 emplois directs perdus dans le BTP entre 2008 et 2011 – et qui est maintenant confronté à la suppression du dispositif Scellier applicable aux départements d’outre-mer.
De même, la suppression brutale de l’abattement de 30 % de l’impôt sur les sociétés est un coup porté contre les PME, dans un contexte de crise et de chômage aggravé.
Toutes ces mesures, à l’évidence dictées non par le souci de justice fiscale mais par le souci d’économies budgétaires, ne peuvent être, à nos yeux, décidées sans étude d’impact et sans compensation. Or, ce sont des décisions brutales qui sont prises !
Dans ces conditions, faut-il s’étonner du faible impact du catalogue des mesures du Conseil interministériel de l’outre-mer, le CIOM, laborieusement mises en œuvre et qui s’avèrent totalement inopérantes face à toutes les mesures de régression sociale et économique ?
Au-delà des dispositions budgétaires qui font l’objet de notre débat, et qui sont d’ailleurs déjà dépassées par le nouveau plan de rigueur annoncé par le Premier ministre et les hypothèses pessimistes de croissance en 2012, c’est bien toute la politique engagée par les gouvernements successifs durant plusieurs décennies qui est aujourd’hui en cause et qui ne peut être fondamentalement modifiée par telle ou telle disposition prise nationalement, corrigée ou adaptée par tel ou tel amendement.
C’est pourquoi, à l’occasion de ce projet de budget totalement impuissant pour faire face à la gravité de notre situation et contre lequel je voterai, je voudrais lancer un cri d’alarme aux autorités de la République.
Il est urgent que la représentation nationale s’informe sur le niveau de la crise dans l’ensemble des outre-mer. Dans cet objectif, et à la lumière des travaux déjà réalisés dans le cadre des états généraux de l’outre-mer et surtout du rapport de la mission d’information sénatoriale présidée par notre collègue Serge Larcher, je proposerai que la représentation nationale soit saisie afin d’appréhender la situation nouvelle créée par l’accélération de la crise et de faire les préconisations qui s’imposent avant qu’il ne soit trop tard. Le moment des décisions courageuses est venu !
La décision du Président Bel de créer, au sein du Sénat, une délégation à l’outre-mer, décision que je salue, offre la possibilité d’impulser cette initiative.
Cette prise de conscience et de responsabilité s’impose d’autant plus que les rendez-vous qui nous sont posés dans l’immédiat sont décisifs pour notre avenir proche et ne peuvent être réglés qu’à la lumière d’une vision claire de notre développement.
C’est, en premier lieu, la convergence en 2014 de plusieurs échéances cruciales que nous devons préparer dès maintenant : le renouvellement du règlement sucrier, du nouveau régime de l’octroi de mer, des nouveaux programmes opérationnels européens 2014-2020 et du futur contrat de projet avec l’État, dans un contexte de contraintes budgétaires aggravées.
Mais 2014, c’est aussi l’horizon de la réforme des collectivités territoriales. Ce nouvel acte de décentralisation est attendu par tous les acteurs. La loi portant réforme territoriale est contestée en métropole et elle est totalement inadaptée aux régions d’outre-mer. Le Sénat a eu la sagesse d’abroger le dispositif créant le conseiller territorial.
La réouverture de ce dossier offre l’opportunité à la Réunion de préciser ses attentes, comme l’ont fait les autres régions d’outre-mer. C’est un rendez-vous crucial qui pose le problème de la gouvernance du développement durable et qui peut ouvrir, enfin, une nouvelle page des relations entre l’État et les régions et départements d’outre-mer.
Un autre enjeu décisif est l’impact des accords de partenariat économique, les APE, négociés entre l’Union européenne et les pays ACP, sur l’environnement géo-économique des régions d’outre-mer.
Nous devons également mesurer l’ampleur du défi majeur du logement, proclamé grande priorité nationale, et, en tout cas, urgence sociale outre-mer. À la Réunion, par exemple, 180 000 logements sont à construire d’ici à 2030, c’est-à-dire en dix-huit ans, ce qui représente 10 000 logements par an. Or nous parvenons péniblement à la construction de 2 000 logements sociaux par an. Sur ce plan, nous ne pouvons admettre que la défiscalisation du logement social soit un prétexte pour se satisfaire de la stagnation de la ligne budgétaire unique.
Les crédits de la LBU, inscrits au budget de l’outre-mer, sont largement insuffisants au regard des besoins et ne peuvent donc être sanctuarisés à leur niveau actuel.
Nous devons enfin, d’ici au 31 décembre de cette année, créer les conditions favorables au maintien, dans les départements d’outre-mer, de la prime salariale négociée entre les organisations syndicales et patronales lors des événements de 2009. Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités et prolonger les exonérations de charges sur le bonus salarial au-delà de l’échéance fixée à l’article 3 de la LODEOM.
L’actualité récente de la Réunion a montré que la sous-estimation d’une situation et des décisions prises tardivement pouvaient provoquer des conséquences irréversibles. J’ai notamment à l’esprit les incendies du Maïdo, les 3 000 hectares brulés et la perte irrémédiable d’une part de notre biodiversité. Si les enseignements des incendies des hauts de l’ouest, survenus un an plus tôt, avaient été tirés, si les mesures de prévention avaient été prises et si, dès les premières heures des incendies du Maïdo, le Gouvernement avait mobilisé les moyens à la hauteur de la situation, les dégâts auraient pu être limités.
Faut-il aussi évoquer la sécheresse persistante et l’assèchement de la rivière Langevin, qui s’accompagne d’une perte de diversité de la faune et de la flore ?
Le feu couve aujourd’hui dans l’ensemble de l’outre-mer, engendré par la situation économique et sociale, avec ses inégalités massives et croissantes. Le Gouvernement a-t-il conscience de la gravité de la situation et saura-t-il agir avant qu’il ne soit trop tard ?
Prendre en compte l’urgence économique, sociale et culturelle, et ouvrir de nouvelles perspectives de développement en ayant le courage d’opérer les changements fondamentaux nécessaires : c’est le défi que nous avons à relever.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me revient de m’exprimer au nom du groupe UMP sur les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2012.
À ce titre, madame la ministre, le groupe UMP a souhaité s’adresser à vous en tant que représentante de la permanence gouvernementale, et souligner la politique qui a été conduite en faveur de l’outre-mer tout au long de la législature qui s’achève.
Au regard des engagements pris en 2007, je crois avant tout que ce quinquennat doit être placé sous le signe de la parole tenue. Le Président de la République, et avec lui le Gouvernement, se sont engagés sur des priorités dont on peut dire qu’elles ont été respectées, en dépit de la conjoncture difficile.
Le Président de la République avait dicté une feuille de route sur la base des principes suivants : « un rapport d’égal à égal, un rapport de maturité, un rapport de confiance mutuelle ; le respect des différences mais aussi la conscience profonde de ce qui nous rassemble ».
Chacun des territoires a été entendu.
Avec le CIOM, le Gouvernement a en effet mis en place un cadre permettant de prendre en compte les attentes propres à chaque territoire. L’outre-mer, comme chacun le sait, se caractérise d’abord par son hétérogénéité, tant dans sa composition que par ses besoins. Le conseil des ministres du 26 octobre dernier a dressé un premier bilan de l’action mise en œuvre. Le groupe UMP, pour sa part, se félicite de cet inventaire qui fait état de la réalisation de 90 % des 137 mesures, achevées ou en voie de l’être à brève échéance.
Le CIOM, comme vous le savez, a constitué une des réponses à la crise sociale qui a agité la Guadeloupe en 2009. C’est pourquoi nous tenons également à saluer la mission Doligé-Larcher, instituée sur l’initiative du président Gérard Larcher, qui s’est placée, et avec elle le Sénat dans son ensemble, au plus près de chacun des territoires.
La consécration de 2011 comme « Année des outre-mer » participait de la volonté, voire de l’exigence de mettre en avant nos territoires, leurs atouts et leurs potentialités, notamment économiques.
Toujours au titre du bilan, les chantiers institutionnels, quant à eux, sont à placer au crédit de l’engagement pris par le Gouvernement de respecter la volonté des territoires. Sur ce point, le groupe UMP se félicite non seulement que l’on ait offert aux populations la possibilité de s’exprimer, mais surtout que cette expression ait trouvé rapidement une traduction législative.
Ainsi, en Martinique et en Guyane, la population a été consultée sur deux projets alternatifs, et les lois organiques instituant les assemblées uniques ont été adoptées rapidement. De même, à Mayotte, la départementalisation a été achevée, faisant de cette île le 101e’ département français. En Nouvelle-Calédonie, on ne peut que se réjouir du dialogue retrouvé, tout comme, en Polynésie, de l’instauration des conditions de la stabilisation institutionnelle. J’ajouterai, pour clore ce chapitre institutionnel, le respect, en Guadeloupe, de la position des élus qui n’ont pas souhaité de consultation.
Unanimement, l’outre-mer a exprimé de manière forte, récurrente, une demande légitime de continuité territoriale. Initié par la loi Girardin, le dispositif n’a cessé d’évoluer pour mieux répondre aux attentes et en corriger les imperfections. C’est une mesure que le groupe UMP inscrit au crédit du bilan gouvernemental vers plus de justice et de lien avec la République.
Faire du logement et de l’emploi une priorité, cela s’impose dans le contexte de l’outre-mer, aujourd’hui comme au début du quinquennat.
En matière de logement, nous sommes en effet tous ici conscients de l’immensité des besoins. Mais, dans le contexte budgétaire actuel, le financement du logement social par le maintien de la LBU, complété par la défiscalisation, reste un moyen pragmatique pour maintenir un niveau et des délais de construction raisonnables. Avec le doublement des opérations financées sur trois ans, la défiscalisation du logement outre-mer donne des résultats encourageants.
Je sais aussi que nombreux sont ceux de mes collègues qui jugent ces dispositifs encore largement insuffisants face à l’ampleur des retards. Je suis persuadé que le Gouvernement a recherché une solution de compromis entre contrainte budgétaire et satisfaction des besoins.
Le groupe UMP se satisfait des avancées de la politique conduite dans le domaine du logement. Pour autant, nous vous demandons, madame la ministre, de tenir compte du rapport de l’Inspection générale des finances et de faire mener, à la lumière de ses conclusions, une analyse coût-bénéfice, afin d’envisager un rééquilibrage entre LBU et dépense fiscale dans ce même esprit de compromis, mais dans le seul but de répondre à l’urgence du logement en outre-mer.
L’étude de l’Inspection générale des finances conclut en effet : « Le mécanisme de défiscalisation renchérit environ d’un tiers le coût d’une opération pour l’État par rapport à un financement sur crédits budgétaires. » Le logement en outre-mer est une priorité pour le Gouvernement ; il l’est aussi pour le groupe UMP. Dans ces conditions, tout doit être mis en œuvre pour passer de l’encourageant au satisfaisant.
En matière d’emplois et de formation, si la politique menée ne peut être évaluée à l’aune de votre seul ministère, madame la ministre, puisque l’ensemble des financements ne se retrouvent pas au sein de la mission « Outre-mer », votre ministère a néanmoins en charge la gestion des crédits du service militaire adapté, le SMA, dont l’efficacité n’a cessé d’être démontrée. Ce dispositif a été renforcé en cours de mandature et devrait atteindre plus de 5 000 places en 2012.
Comme vous l’avez souligné, madame la ministre, la politique en faveur de l’emploi outre-mer ne peut se résumer au seul SMA, ni aux seuls dispositifs de formation et d’insertion. Elle doit s’inscrire dans un cadre global favorisant l’activité et la compétitivité des entreprises. Le groupe UMP approuve donc, sans réserve, que le Gouvernement ait fait du développement endogène un des piliers de la politique outre-mer.
En ce sens, la création des zones franches et le maintien des exonérations de charges sociales constituent des outils de nature à créer les conditions d’une compétitivité durable, de l’activité économique et, partant, de l’emploi. Nous vous encourageons à poursuivre dans cette voie.
Nous souhaitons néanmoins attirer votre attention sur la nécessité de définir un cadre fiscal pérenne permettant, par sa stabilité, de renforcer la visibilité des entreprises.
Avant de clore ce bilan général et non exhaustif de la mandature, permettez-moi, madame la ministre, mes chers collègues, d’évoquer un point qui me tient particulièrement à cœur.
Au titre de la mission sur le tourisme et l’environnement en Guadeloupe et en Martinique, qui m’a été confiée par la commission de l’économie, j’ai mené une réflexion sur la défiscalisation, en matière hôtelière en particulier, qui a abouti à une proposition qui me semble pouvoir s’appliquer à de nombreux secteurs.
Je proposais, en effet, de passer d’une défiscalisation « d’opportunité » à une défiscalisation « de projet », par le biais d’un mécanisme qui conditionnerait le bénéfice de l’exonération pour l’investisseur à des objectifs prédéterminés. Avec ce système, l’exonération serait accordée en plusieurs étapes, à la condition que chaque phase du projet ait été menée à son terme.
Ce dispositif devrait avoir un double bénéfice. D’une part, en liant davantage l’investisseur et l’exploitant par une obligation de résultat, on atténuerait l’effet d’aubaine qui a tendance, me semble-t-il, à réduire la portée de la défiscalisation. D’autre part, on situerait le rapport à la défiscalisation dans le long terme ; cela supposerait, certes, d’allonger la durée de l’avantage fiscal, mais inscrirait aussi celui-ci dans une optique de développement durable, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui
La défiscalisation peut être un outil utile s’il est mieux défini et mieux utilisé. Je crois qu’il est impératif et urgent, madame la ministre, de le corriger. J’espère que cette réflexion sera conduite à son terme.
J’en arrive aux crédits de la mission « Outre-mer » pour 2012.
Dans un monde idéal, nous aurions aimé que la mission « Outre-mer » n’ait pas à contribuer, elle aussi, à l’effort de réduction du déficit national, et même que ses crédits soient augmentés à hauteur des besoins. Mais, dans le monde réel, chacun doit apporter sa part à la situation des finances publiques.
Le groupe UMP considère que vous nous présentez, madame la ministre, un budget « de circonstance ».
Malgré tout, le niveau de crédits de paiement reste identique à celui de 2011 pour votre seul ministère qui, je le rappelle, ne gère que 12 % de l’ensemble des crédits de paiement que le budget de l’État consacre à l’outre-mer. La mission « Outre-mer » que vous nous présentez aujourd’hui nous semble, sans aucun doute, l’aboutissement d’arbitrages mûrement pesés, autrement dit de choix opérés parmi les priorités.
Mes chers collègues, dans ce contexte économique difficile, je n’ignore ni la déception de certains d’entre vous, ni le raisonnement selon lequel il faudrait, au contraire, renforcer les interventions budgétaires pour ne pas fragiliser davantage la situation de l’outre-mer. Madame la ministre, vous avez choisi pour votre part de tenir un langage de vérité.
Sans entrer dans le détail des chiffres, le groupe UMP tient à relever quelques grands axes du budget 2012.
Nous soulignons, tout d’abord, que les objectifs de la LODEOM ont été sauvegardés, et les zones franches maintenues, en dépit de la suppression de l’abattement d’un tiers au titre de l’impôt sur les sociétés. Cet arbitrage devra préserver l’essentiel du tissu économique ultramarin ; même lorsqu’il se traduira par une augmentation de l’impôt, l’effet attendu de la réduction sera sauvegardé pour une très large part.
S’agissant de la défiscalisation des investissements productifs, l’effort de 10 % pèsera sur l’investisseur, et non sur l’exploitant ultramarin, dont le taux de rétrocession a été maintenu.
De même, les exonérations de charges patronales et la défiscalisation du logement social ont été exclues du « coup de rabot » supplémentaire de 10 %.
Pour conclure sur la défiscalisation, je ne peux toutefois, à titre personnel, m’empêcher de regretter l’amputation de 10 millions d’euros des crédits de l’aide à la rénovation hôtelière, alors que j’avais plaidé pour que, au sein du secteur touristique, les crédits soient prioritairement orientés vers ce domaine.
La continuité territoriale, autre engagement de la LODEOM, conserve un niveau de crédits satisfaisant. Je crois que nous nous accordons tous à reconnaître les avancées de ce dispositif et les quelques ajustements qu’il mérite, afin, par exemple, de mieux prendre en compte le coût réel du transport au départ de la Polynésie et de la Nouvelle-Calédonie, par le biais du relèvement des plafonds de ressource dans cette région.
Je ne reviendrai sur le financement du logement social que pour souligner la sanctuarisation de la LBU.
En conclusion, le groupe UMP tient à saluer la création du conseil du SMA, et espère qu’il constituera une instance de renforcement et d’optimisation d’un dispositif qui fait incontestablement ses preuves en outre-mer.
Les membres du groupe UMP, particulièrement conscients que vous avez dû, madame la ministre, conduire votre politique en des temps de difficultés exceptionnelles, voteront les crédits de la mission « Outre-mer ».
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission outre-mer intervient dans un contexte où le Gouvernement a décidé l’application d’un plan d’austérité dont nous comprenons le principe mais dont nous réfutons les modalités.
Nous devons en effet en prendre conscience, la France d’outre-mer n’est pas épargnée par la crise.
À cette crise systémique s’est ajoutée une crise plus spécifique, identitaire, sociale et finalement politique, qui a révélé au grand jour d’importants dysfonctionnements que les parlementaires d’outre-mer dénoncent régulièrement, et ce depuis plusieurs années.
Certes, madame la ministre, votre Gouvernement n’a de cesse d’affirmer sa volonté de traiter avec la plus grande attention l’ensemble des préoccupations de nos compatriotes. Nous aurions néanmoins souhaité que ces engagements se traduisent dans les faits par un traitement équitable de nos réalités.
Comment en effet expliquer que, deux ans après sa tenue, la grande majorité des dispositions prévues dans le cadre du CIOM, n’aient pas encore fait l’objet de décrets d’application ? Pire, lorsque certaines mesures en font l’objet, elles se voient privées d’effet par un coup de rabot, à l’instar du dispositif de défiscalisation.
Que sont devenus les engagements d’aider nos territoires à combattre la vie chère et à favoriser un développement économique endogène ? Vous avez nommé trois fonctionnaires, mais aujourd'hui nous ne voyons pas les résultats de la stratégie que vous avez voulu mettre en place.
Où en est l’engagement de procéder au doublement des effectifs des jeunes accueillis par le service militaire adapté dès l’année 2012 ? Il faudrait nous préciser si le fait de réduire la durée de formation de ces jeunes correspond, selon vous, à l’augmentation de leurs effectifs.
Comment accepter la disparition programmée de l’Institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales de Dieppe, l’IFCASS, qui prépare des générations entières d’ultramarins aux emplois du paramédical et du social ?
Vous l’aurez compris, madame la ministre, plus que jamais, le regard de la métropole sur l’outre-mer doit évoluer en faveur d’une relation rénovée. Et je ne suis pas convaincu que la seule organisation de l’Année de l’outre-mer, pour louable qu’elle soit, suffise à faire évoluer les mentalités dans le contexte actuel !
C’est la raison pour laquelle il nous paraît urgent de rompre avec l’idée fausse d’une métropole qui donnerait et d’un outre-mer qui recevrait.
Rompre avec cette idée fausse, c’est réformer cette vision stigmatisante de l’outre-mer, limitée à une comptabilité scrupuleuse des avantages fiscaux octroyés et des dépenses fiscales tolérées.
Rompre avec cette idée fausse, c’est pour l’outre-mer accepter de contribuer à payer la facture de la crise, mais refuser d’être doublement mis à contribution en acceptant une diminution des crédits de la mission « Outre-mer » supérieure à celle des autres dépenses inscrites au budget de la Nation.
C’est avoir conscience que, au regard des forts taux de chômage de nos départements, la défiscalisation n’est pas une niche fiscale mais un dispositif voué à limiter les handicaps de nos économies insulaires.
Rompre avec cette idée fausse, c’est comprendre que la suppression de l’abattement de 30 % sur le bénéfice des entreprises imposables met en péril la capacité des PME d’outre-mer de mobiliser le crédit à l’investissement.
C’est admettre que la baisse de 10 % des avantages liés à la défiscalisation dans le domaine du logement porte un coup d’arrêt sévère à la construction de logements locatifs neufs en dépit de l’immensité des besoins des foyers ultramarins et alors même que le BTP connaît de graves difficultés.
Rompre avec cette idée fausse, c’est aussi opter pour une fiscalité qui tienne davantage compte de la réalité de l’organisation institutionnelle des chambres de commerce et d’industrie des DOM.
Rompre avec cette idée fausse, madame la ministre, c’est faire de la géothermie une source de recettes pour les collectivités en l’assimilant à un produit minier sujet à taxation.
C’est refuser que l’objectif partagé de rationalisation des dépenses de santé se traduise par la réduction des moyens de l’hôpital de Marie-Galante. Madame la ministre, je compte sur votre engagement pour intercéder auprès de Xavier Bertrand, pour qu’enfin les Marie-Galantais puissent bénéficier d’une offre de soins de qualité.
Rompre avec cette idée fausse, c’est faire enfin de l’emploi une vraie priorité en concrétisant l’engagement d’un véritable plan d’urgence pour l’emploi des jeunes.
Il faut aussi que l’on puisse combattre ce sentiment douloureux et humiliant d’être considérés comme des citoyens à part, alors que nombre d’ultramarins aspirent à s’investir dans une République plus ouverte à la diversité de ses composantes.
Madame la ministre, je sais qu’il est difficile d’obtenir des moyens au sein de ce Gouvernement. Nous aurions pourtant vraiment souhaité que le ministère de l’outre-mer puisse bénéficier d’un arbitrage favorable aux intérêts de nos territoires.
Je conclus : madame la ministre, ce qui doit nous unir, c’est notre adhésion au pacte républicain, c’est notre espérance que les lignes bougent et que les mentalités changent. Aussi, en attendant les réponses que vous voudrez bien nous apporter, je suis obligé de vous annoncer que je ne voterai pas les crédits inscrits à ce budget, qui en l’état actuel ne sont pas, à mes yeux, de nature à raffermir cette espérance.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est la première fois que j’ai l’honneur de prendre la parole dans cet hémicycle prestigieux. Après avoir passé un certain nombre d’années sur les bancs de l’Assemblée nationale, je suis conscient de la responsabilité qui est la mienne : représenter dorénavant la Nouvelle-Calédonie au sein de la Haute Assemblée. Je partage cette responsabilité avec mon collègue Hilarion Vendegou.
Entre 2014 et 2018, les Calédoniens seront consultés pour dire comment ils voient leur avenir. Dans cette perspective, nous avons la volonté d’imaginer avec l’État une solution institutionnelle originale, novatrice et consensuelle qui puisse être acceptée par le plus grand nombre d’entre nous et qui sera soumise à la consultation de nos populations.
C’est ce projet d’avenir que nous voulons porter pour la Nouvelle-Calédonie. J’ai la conviction que le Sénat, assemblée des collectivités territoriales, aura un rôle essentiel à jouer dans la préparation et l’adoption de cette solution institutionnelle de long terme, qui pourrait être très novatrice sur le plan juridique.
Je compte sur vous, mes chers collègues, pour nous accompagner dans la voie difficile que nous avons choisie et pour nous aider à construire une Nouvelle-Calédonie apaisée et réconciliée avec elle-même.
Mais déjà, nous y travaillons ! Ceux d’entre vous qui suivent l’actualité de notre lointain territoire savent que désormais, sur ma proposition, le drapeau identitaire kanak flotte à côté du drapeau tricolore sur tous les bâtiments publics de Nouvelle-Calédonie.
Cet acte politique, qui était inimaginable il y a seulement quelques années, est en réalité un signe de reconnaissance mutuelle. Il a été reçu comme tel par les élus indépendantistes. Il a été approuvé par la grande majorité du congrès et validé par les plus hautes autorités de l’État, au rang desquels le Président de la République. Chacun constate aujourd’hui que ce geste a profondément changé l’approche des choses.
Il s’accompagne, en outre, d’un équilibre institutionnel inédit, qui instaure un véritable partage des responsabilités au gouvernement et au congrès de la Nouvelle-Calédonie.
Aujourd’hui, un nouveau climat s’est installé, et c’est en confiance que nous avons décidé d’engager un dialogue pour mener, sereinement, les discussions sur l’avenir.
Mais, encore une fois, nous aurons besoin de vous !
C’est la raison pour laquelle je me suis permis de tracer ce bref tableau de la situation, alors que je m’adresse à vous pour la première fois, dans le cadre de ce débat budgétaire.
Monsieur le président, rassurez-vous, je sais que nous sommes ici pour examiner le projet de budget 2012 pour l’outre-mer ! Mais, madame la ministre, je ne ferai que peu de commentaires sur le projet que vous nous présentez.
J’ai d’abord conscience que, face à une crise financière d’une ampleur historique, la situation économique de la Nouvelle-Calédonie est particulièrement enviable par rapport à celle de la métropole et de bien d’autres collectivités d’outre-mer. À l’évidence, nous ne sommes pas les plus à plaindre !
Je tiens aussi à souligner que, malgré le contexte budgétaire que connaît notre pays, l’État a tenu tous les engagements qu’il avait pris à notre égard. Je veux parler des contrats de développement 2011-2015, dont les montants ont été maintenus. Je veux citer aussi les compensations financières qui accompagnent les transferts de compétences. Ils répondent à nos demandes et à nos attentes pour nous permettre de réaliser ces transferts au bénéfice de nos populations.
En conséquence, madame, je voterai le budget de votre ministère.
Monsieur le président, en sollicitant votre bienveillance, je souhaite profiter de cette prise de parole pour appeler une nouvelle fois l’attention de Mme la ministre sur la situation budgétaire préoccupante de la Province Sud de la Nouvelle-Calédonie, collectivité que j’ai l’honneur de présider.
J’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de vous y sensibiliser.
Ainsi, en raison de la clé de répartition inégalitaire que nous avons acceptée en 1988, la Province Sud, qui accueille aujourd'hui 75 % de la population de notre territoire, ne reçoit toujours que 50 % des recettes fiscales.
Je rappelle que plus de 60 % de ces dépenses sont consacrées à la santé, à l’enseignement et aux interventions sociales. Ce sont donc des dépenses directement liées à l’explosion démographique de notre province.
Notre budget, en conséquence, est structurellement déficitaire. Nous ne pouvons plus supporter l’augmentation mécanique de ces charges sans contrepartie ou sans recettes nouvelles. Il y va à la fois de la qualité de vie de nos populations et de l’avenir harmonieux que nous nous attachons à construire.
Madame la ministre, je souhaite vous redire solennellement que les dotations de l’État à la Nouvelle-Calédonie sont devenues inopérantes au regard des charges toujours plus lourdes qui pèsent sur notre budget.
Entendons-nous bien : je ne parle pas des dépenses de fonctionnement de la province ; les charges que je vise, ce sont celles qui sont liées à l’évolution démographique de nos populations.
Elles sont, certes, en partie dues aux flux migratoires internes à la Nouvelle-Calédonie, les populations du nord et des îles venant s’installer à Nouméa ou dans son agglomération. Mais leur évolution exponentielle est aussi due au fait que des populations des archipels voisins de la Nouvelle-Calédonie – je pense à Wallis-et-Futuna, au Vanuatu et, aujourd'hui, à la Polynésie française – viennent s’installer en Nouvelle-Calédonie.
C’est ainsi que la Province Sud subit aujourd'hui une inflation des dépenses de santé, d’habitat ou d’aide sociale.
Sans doute, dans quelques semaines, le comité du bilan des accords nous confirmera ces flux de population et la chambre territoriale des comptes en mesurera les conséquences sur l’équilibre budgétaire de la province dans un prochain rapport. Tout cela nous permettra probablement d’élaborer des solutions de long terme dans les années à venir.
Toutefois, d’ici là, avant la fin de l’année 2011, je serai contraint de présenter le projet de budget pour l’exercice 2012 au vote de l’assemblée de province sans recettes nouvelles. Je ne peux tout de même pas me résoudre à présenter un budget qui ne soit pas en équilibre !
Par conséquent, je vous sollicite une nouvelle fois, madame la ministre : nous devons éviter que des solutions plus radicales ne soient retenues dans les années à venir, qui pénaliseraient les administrés de la Province Sud !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, aux yeux d’une large majorité, le projet de budget pour la mission « Outre-mer » n’est pas à la hauteur des attentes des ultramarins.
En pleine crise sociale, un projet de budget pour l’outre-mer ne représentant que 0, 5 % du budget de l’État ne peut être regardé que comme un signe de désengagement. Je sais que vous n’aimez pas qu’on vous le dise, madame la ministre, mais comment faire autrement à la lecture des chiffres ?
D’un côté, on vante les outre-mer, en mettant en exergue leurs richesses et l’intérêt qu’ils présentent pour la France. De l’autre, on ne prend pas en compte, ou peu, les difficultés structurelles, l’éloignement, les contraintes géographiques et régionales qui sont les leurs, avec ce que cela implique en termes de coûts supplémentaires, de difficultés sociales et de besoins en infrastructures de base.
Les collectivités territoriales en outre-mer, comme en France métropolitaine, font des efforts au quotidien pour contenir au mieux leurs dépenses et se donner de nouveaux moyens. Cependant, quand la conjoncture vient accentuer leurs problèmes structurels, c’est de solidarité qu’elles ont besoin, pas de coupes sévères et de renoncements !
Certes, des actions sont préservées dans le programme « Conditions de vie outre-mer ». C’est le cas du logement, dont les crédits sont même en augmentation. Mais que dire de l’action Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport, dont les crédits diminuent, de l’action Collectivités territoriales ou de l’action Insertion économique et coopération régionale, même si ce n’est pas la plus importante du programme ?
L’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon ne subit pas de baisse de crédits, mais on ne voit pas non plus de volonté d’abonder les lignes relatives aux secteurs qui sont le plus en difficulté et qui expriment les plus fortes attentes.
Madame la ministre, vous savez, pour y être venue au mois d’octobre, à quel point nos îles, qui sont pourtant, parmi les territoires ultramarins, les plus proches de l’Hexagone, souffrent de l’isolement et de l’éloignement. La continuité territoriale, ô combien importante pour notre archipel, n’est pas pleinement satisfaite.
Le désenclavement des îles au sens large du terme, indispensable pour tout développement économique, est également insuffisant ; en tout cas, il ne correspond pas du tout aux besoins réels. Le manque d’ambition pour les ports en est une illustration flagrante.
La filière pêche n’est pas non plus au mieux de sa forme – c’est un euphémisme ! –, alors qu’elle reste un pan important de notre économie. Certes, une mission sur ce sujet est actuellement diligentée. Mais il faudra prendre en compte à court terme les investissements importants qui devront être réalisés pour remettre les infrastructures aux normes sur les deux îles et, surtout, pour les adapter aux réalités de la demande et des marchés.
Conséquence directe : à Saint-Pierre, des hommes et des femmes qui sont pour l’instant toujours sous le coup d’une convention de reclassement personnalisé viendront très vite augmenter les chiffres du chômage, alors même que le marché local du travail ne peut pas absorber soixante demandeurs d’emploi supplémentaires et que les services de Pôle emploi, compte tenu de leur nouvelle organisation, à Saint-Pierre comme ailleurs, et des compressions de personnels, ne pourront pas traiter efficacement leurs dossiers.
La coopération régionale, Christian Cointat l’a souligné tout à l’heure, a aussi besoin de prendre un nouvel essor, car elle ne donne pas les résultats dont l’archipel a besoin pour une intégration régionale réussie. Elle est trop institutionnelle et, surtout, ne traite d’aucun sujet qui pourrait contrarier nos voisins.
Autre sujet d’inquiétude, le coût de la vie ne cesse d’augmenter et des classes de la population ont de plus en plus de mal à assumer leurs charges ! L’hiver à Saint-Pierre-et-Miquelon est rigoureux. Les retraités, les chômeurs et les bas revenus doivent pouvoir se chauffer, se nourrir et se soigner correctement. Or, avec le prix des mutuelles, les remboursements aléatoires des médicaments, le prix du fioul et des denrées alimentaires de base, certains doivent aujourd'hui faire des choix. Ce n’est pas admissible !
Pourtant, croyez-moi, les communes, à travers les centres communaux d’action sociale, les aident du mieux qu’elles peuvent, avec les moyens dont elles disposent. L’Observatoire des prix et des revenus nous apportera peut-être quelques réponses, mais il va falloir, me semble-t-il, faire un travail de fond sur tous ces thèmes, qui sont vraiment très importants.
L’emploi des jeunes et leur insertion dans le tissu économique local constituent également un dossier essentiel pour l’archipel.
Je voudrais aussi évoquer certains investissements indispensables bénéficiant peu, voire pas du tout des aides du Fonds européen de développement et des contrats de projet. Je veux parler de la rénovation des chaussées et des travaux d’adduction d’eau et d’assainissement. Les chaussées souffrent surtout des aléas climatiques et ne peuvent recevoir que des « soins d’urgence », faute de crédits suffisants. En matière d’adduction d’eau et d’assainissement, le contentieux avec l’Agence de l’eau Seine-Normandie n’est toujours pas réglé, et la contre-analyse demandée aux ministères chargés de l’environnement et de l’outre-mer n’a eu aucune suite.
Comment, alors, financer de tels projets, qui sont certes fort onéreux, mais ô combien importants pour le développement durable, la santé publique, le tourisme et l’économie en général ? Et la liste pourrait ne pas s’arrêter là !
Soyons clairs, madame la ministre : en esquissant ce tableau, je n’ai pas pour objectif d’affirmer que l’État est le coupable et ne fait rien, et je peux témoigner de l’avancée de certains dossiers portés par les élus ces dernières années. Il s’agit simplement de dresser un état des lieux réaliste, mais non exhaustif, et de démontrer que beaucoup reste encore à faire. Les rapports des sénateurs qui se sont succédé à quelques années d’intervalle l’ont d’ailleurs illustré. Le chantier est énorme, et l’État se doit de le soutenir.
C’est de l’espoir qu’il faut donner à mon archipel et à sa population. Ne les enfermons pas, par manque d’ambition, dans une crise qu’ils subissent déjà depuis trop longtemps !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans la période que nous connaissons, il n’est malheureusement pas possible d’envisager que la France puisse se redresser sans un effort national. Et le budget de l’outre-mer traduit cette nécessité.
Plusieurs points me semblent devoir être soulignés.
Tout d’abord, il faut aider l’outil productif à se consolider et à se développer ; le maintien du dispositif des zones franches d’activité le permet sans aucun doute.
Ensuite, et n’en déplaise à certains, les niches fiscales ont été conçues comme un levier pour l’économie de nos territoires. Leur rabotage, légitimé par un gain de recettes fiscales, risque cependant de peser plus sur les économies ultramarines que sur le reste du territoire national. Cependant, je sais que le Gouvernement a dû procéder à des arbitrages difficiles et aussi qu’il a clairement la volonté de réorienter la défiscalisation pour qu’elle puisse profiter davantage à des ménages aux revenus plus modestes.
Par ailleurs, nous ne pouvons que nous féliciter que nos économies fragiles conservent le taux réduit de TVA, ce qui nous permet de mieux résister à la concurrence des pays voisins.
Ensuite, et c’est pour moi une satisfaction, la sanctuarisation de la LBU, d’une part, et le maintien de la défiscalisation sur le logement social, d’autre part, sont des mesures essentielles au regard des défis que nos territoires doivent affronter en la matière.
Enfin, nous ne pouvons également que nous féliciter des mesures prises pour développer le SMA, cette formidable école de la deuxième chance, qui peut combattre l’illettrisme et favoriser le retour à l’emploi.
En effet, l’illettrisme persiste à la Réunion, à un niveau bien supérieur à celui de la métropole. Je souhaite, comme beaucoup de mes collègues, que le Gouvernement mette davantage de moyens pour l’éducation dans nos territoires.
Nous le savons tous, il faut que la solidarité nationale s’applique pleinement pour redresser les comptes de la France, mais il faut tout autant qu’elle s’applique lorsqu’il s’agit de soutenir les territoires ne répondant pas aux critères socio-économiques que nous souhaitons pour notre pays. Je parle du niveau de vie, de la démographie médicale, du niveau de protection, de la sécurité, du logement, des revenus ou encore de l’éducation.
Si les outre-mer permettent à la France d’être présente sur les trois océans et que cela constitue une chance, des équipements universitaires, des équipements sanitaires, des équipements de lutte contre les catastrophes, et j’en passe, pourraient parfaitement être de puissants vecteurs de rayonnement de la France dans l’environnement régional de chacun de ces territoires. En somme, ce serait une chance réelle pour la France tout entière.
Madame la ministre, vous avez eu l’occasion de rappeler tout au long de cette « année des outre-mer » tous les atouts que recèlent nos territoires, toute la richesse de nos cultures métissées, de nos peuples aux histoires si différentes, des histoires toutefois intimement liées depuis plusieurs siècles de l’Histoire de la France – avec un grand H !
Nous avons, je crois, besoin d’une véritable éducation à l’outre-mer. Il faut que, dans l’esprit de chaque Français, de chacun de ceux qui vivent ou séjournent en France, l’outre-mer et la métropole soient les éléments indissociables de la République. Le vrai défi de l’outre-mer, il est là. Nous avons besoin du Gouvernement pour le relever.
Nous ne devons plus voir le territoire national amputé de ses outre-mer sur les sites Internet des ministères, des entreprises, des établissements publics, ou encore dans la presse. Je sais que vous êtes sensible à cette question, madame la ministre, mais il reste beaucoup à faire. Permettez-moi de citer deux exemples très simples.
D’une part, dans les discours ou les communiqués sur l’état de la France, on sépare systématiquement l’outre-mer de la partie européenne du territoire national. Je m’étonne, et le mot est faible, quand j’entends les commentaires sur les statistiques du chômage parler d’un chômage en France « à 9, 3 %, et à 9, 6 % si l’on inclut l’outre-mer » ! C’est nier une vérité ! L’outre-mer n’est pas une option ! L’outre-mer n’est pas secondaire !
D’autre part, pourquoi les bulletins météo ne parlent que de la métropole tout en prétendant annoncer « le temps en France » ?
Ces deux exemples peuvent sembler anecdotiques, et peut-être même faire sourire. Mais une information plus complète et des discours respectueux de la place de nos territoires au sein de la République participeraient à une « conscientisation » de l’outre-mer que j’appelle de mes vœux. Ce sont des mesures qui ne coûtent rien, mais qui auraient, j’en suis convaincue, plusieurs effets très positifs.
En effet, améliorer la place de l’outre-mer dans l’esprit de chacun, c’est permettre de casser les a priori, c’est servir l’égalité des chances des Français d’outre-mer, c’est faciliter l’acceptation par tous des efforts nécessaires par la nation pour tel ou tel territoire, c’est aussi valoriser tous les atouts de ces territoires pour leur donner une meilleure visibilité. Or une meilleure visibilité, c’est une meilleure attractivité touristique, et vous connaissez tous l’importance du tourisme pour notre économie.
En somme, c’est la question de notre ambition pour l’outre-mer, donc de notre ambition pour la France. La vraie puissance de la France, nous la trouverons dans l’union et dans la sérénité du dialogue entre tous les Français, mais aussi dans la fierté et la promotion de nos différences.
Le vrai défi, il est devant nous, et il va au-delà de 2012. Et c’est à nous, responsables publics, qu’il revient de tout mettre en œuvre pour que cette ambition devienne réalité.
D’ici là, l’urgence est bien sûr l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer » et, plus généralement, du présent projet de loi de finances, qui, s’il ne peut pas contenter tout le monde, n’en reste pas moins un projet de budget courageux dans un contexte international particulièrement difficile. C’est pourquoi je le voterai.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, récemment, je vous ai fait part de la situation préoccupante et dramatique dans laquelle se trouve le nouveau département de Mayotte, situation qui est à l’origine d’un mouvement social sans précédent, de quarante-quatre jours.
Un chômage de masse sévit à Mayotte : le taux officiel de 17 %, déjà inquiétant, cache en fait une réalité inacceptable : 30 000 travailleurs doivent nourrir, à eux seuls, plus de 200 000 habitants.
Le RSA, qui sera mis en place à compter de janvier 2012, ne représentera que 25 % du montant alloué en métropole.
La décentralisation n’a pas été accompagnée des moyens suffisants pour que les compétences transférées au département puissent être réellement assumées. Je pense à cette injustice qui fait supporter chaque année au conseil général plus de 30 millions d’euros de charges indues, correspondant aux compétences revenant normalement à l’État.
L’article 85 de la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte posait pourtant le principe d’une prise en charge progressive par l’État de l’ensemble de ces charges, dont l’achèvement devait intervenir au plus tard le 31 décembre 2004. Nous attendons toujours !
Tant que les chantiers du cadastre, de l’état civil, de la dénomination et de la numérotation des rues ne seront pas achevés, il sera impossible de mettre en place une fiscalité locale.
La pression migratoire est également très élevée à Mayotte. Interrogé en commission des lois à l’Assemblée nationale, le ministre de l’intérieur n’a pas su donner un chiffrage, même approximatif, du budget consacré par la France à la lutte contre l’immigration irrégulière dans notre département. Pouvez-vous, madame la ministre, m’éclairer sur ce point ?
Et que dire des milliers d’enfants abandonnés qui vivent sur notre territoire ? Le garde des sceaux a rappelé que la loi de mars 2007 confiait aux départements le soin de s’occuper des enfants abandonnés. Or il me semble que la problématique des mineurs étrangers isolés dépasse largement la spécificité locale et la politique d’aide sociale à l’enfance, qui relève des conseils généraux. Elle procède de la politique d’immigration de l’État, à qui il revient d’assumer la prise en charge de ces enfants.
Par ailleurs, le retard technologique ne permet pas un développement suffisant. Le Président de la République avait promis l’installation d’un câble sous-marin à la fin novembre pour permettre à Mayotte de recevoir l’Internet à haut débit. Quand pouvons-nous espérer disposer des mêmes outils de communication que les autres départements ?
Les crédits de la mission « Outre-mer » dévolus à Mayotte pour l’année 2012 représenteront 92, 3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 75 millions d’euros en crédits de paiement alors que l’ensemble des crédits de l’État pour le territoire s’élève à 714 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 674 millions d’euros en crédits de paiement.
Notre collègue Félix Desplan, auteur du rapport pour avis sur cette mission au nom de la commission des lois, fait état, quant à lui, de 700 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 659, 3 millions d’euros en crédits de paiement. Quels chiffres devons-nous prendre en compte ? Doit-on comprendre que la différence de 14 millions d’euros correspond à la contribution de Mayotte à l’effort de 1 milliard d’euros annoncé par M. Fillon ?
N’allez pas croire qu’aucune mesure ne trouvera grâce aux yeux des Mahorais.
Je me réjouis très sincèrement qu’une demande ait été faite en faveur de l’accession de Mayotte au statut de RUP, région ultrapériphérique, de l’Union européenne. Cependant, l’acceptation de ce statut, qui implique un accord unanime des membres de l’Union européenne, ne se fera pas avant janvier 2014. D’ici là, que fait-on face à l’urgence ?
Je reconnais bien volontiers que l’État a réalisé des efforts en ce qui concerne le Fonds mahorais de développement économique, social et culturel, dont les crédits ont été portés de 600 000 euros à 5, 8 millions d’euros. Mais cette progression est aussi l’aveu de l’évidente insuffisance initiale de ces crédits !
On peut également se féliciter que l’État ait accepté mardi soir, devant les élus mahorais, de débloquer 50 millions d’euros pour aider au redémarrage de l’économie de Mayotte.
Cependant, globalement, l’effort budgétaire et financier consacré à Mayotte est le moins important des DOM, alors que beaucoup reste à faire dans ce territoire.
Face à ce vaste chantier, estimez-vous véritablement, madame la ministre, que les moyens qui sont alloués permettront de répondre aux problèmes que je viens d’évoquer ? Pour ma part, je suis persuadé que ce ne sera pas possible. La situation que connaît Mayotte appelle des solutions, lesquelles passent nécessairement par des moyens budgétaires considérables.
Pour toutes ces raisons et pour celles qui ont déjà été évoquées par mes collègues ultramarins, je me prononcerai contre les crédits de la mission « Outre-mer ».
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2012, je veux tout d’abord souhaiter la bienvenue à nos nouveaux collègues ultramarins qui, je m’en réjouis, viennent renforcer nos effectifs puisqu’il y a désormais un sénateur de plus en Nouvelle-Calédonie et un de plus à la Réunion, tout comme il y en eut un de plus en Polynésie française il y a trois ans.
En cette « année des outre-mer » voulue par le Président de la République, qui a rendu hommage, lors du défilé du 14 juillet, à ceux des nôtres, nombreux, qui sont engagés sous le drapeau tricolore, je suis ému.
Je voudrais aussi dire une fois de plus dans cette enceinte combien les populations de nos îles sont conscientes qu’une loi de finances est aussi le moyen privilégié de l’expression de la solidarité entre les membres de la famille nationale. Une vieille dame me disait il y a peu : « Quand tu iras en métropole, il faudra remercier la France de ce qu’elle fait pour nous. » Elle voulait parler, je le sais, des Français qui contribuent par leur labeur, parfois dur, à alimenter les caisses de l’État et permettent ainsi l’expression de la solidarité nationale. Je transmets ses remerciements ce soir, devant la représentation nationale.
Dans cette période difficile de crise que traverse notre pays, comme d’ailleurs toute l’Europe, il est normal que l’outre-mer prenne sa part de l’effort national et des restrictions budgétaires : nous le comprenons fort bien.
Pour autant, il est des postes, comme ceux qui concernent la santé ou les jeunes, que nous souhaiterions voir maintenus, car, outre l’impératif moral et social qui exige que l’on s’occupe de ces sujets, il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’« investissement pour l’avenir », pour employer des termes qui plaisent aux oreilles des économistes.
Ainsi, madame la ministre, réitérant ce que j’ai déjà dit ces dernières années et ce que bon nombre d’orateurs ont souligné tout au long des précédents examens des lois de finances, je me félicite du développement du service militaire adapté. Ce dispositif est un succès reconnu et de nombreux jeunes, y compris à Wallis-et-Futuna, aspirent à en bénéficier.
Précisément, madame la ministre, je voudrais vous demander ce qu’il en est du projet de SMA à Futuna. Le Président de la République a souhaité que soient doublés les effectifs des jeunes accueillis dans ces structures. Ne peut-on, en attendant la mise en place du SMA à Futuna, intégrer des jeunes de Wallis-et-Futuna dans d’autres SMA déjà existants ?
J’en viens au deuxième impératif que j’ai évoqué, à savoir la santé.
Notre agence de santé, comme toujours, se trouve en déficit, les millions d’euros promis sur le précédent contrat de développement n’ayant pas été délégués pour l’investissement. Le budget de fonctionnement est, lui aussi, insuffisant. Pourtant, la prévention et l’éducation sanitaires permettraient une baisse des pathologies endémiques, comme le diabète ou la goutte.
Je profite également de cette intervention pour attirer votre attention sur la cherté de la vie à Wallis-et-Futuna : un mouvement social a été déclenché la semaine dernière ; il aurait pu durer. Heureusement, les syndicats, conscients de la situation financière du territoire comme de celle du pays, se sont montrés responsables et ont signé un accord suspendant le mouvement, mais demandant une expertise sur la formation des prix, les monopoles et la concurrence.
Je pense, madame la ministre, qu’il est urgent de répondre à cette demande, car elle correspond à un réel besoin du territoire. Certes, elle relève en principe d’une compétence territoriale, mais nous aurions besoin d’une expertise directe de l’Autorité de la concurrence.
Personnellement, je pense que la libre concurrence est un principe qui ne peut pas être toujours appliqué dans de petits territoires comme Wallis-et-Futuna, où la population dépasse à peine 13 000 habitants. La qualité de certains services pourrait souffrir d’une application totale de la concurrence. Il faut donc plutôt, dans ce cas, faire en sorte que le contrôle des « monopoles » soit strict et continu. Seul l’État peut nous aider dans ce sens, et cela sans difficulté au regard du droit européen puisque celui-ci ne s’applique pas à Wallis-et-Futuna.
Tout est trop cher à Wallis-et-Futuna. J’avais été frappé, en allant aux mini-jeux du Pacifique dans les Îles Cook, de voir que la construction d’une salle omnisports de 2 000 places n’avait coûté que 400 millions de francs Pacifique, soit moins de 3, 5 millions d’euros, alors qu’une salle de 300 places à Wallis coûtera 600 millions de francs Pacifique, soit plus de 5 millions d’euros. Pourquoi cet écart inexplicable, du moins en apparence, que j’avais du reste déjà signalé ?
À Mayotte, la crise sociale est venue aussi du coût de la vie. La revendication portait, notamment, sur le prix du poulet. Eh bien, à Wallis-et-Futuna, les prix sont deux fois plus élevés qu’à Mayotte ! Il faut agir vite, sans quoi l’explosion sociale se produira aussi chez nous !
Des pistes doivent être explorées, tel le renforcement de l’autoconsommation alimentaire, qui est un axe à privilégier.
Nos populations, durement frappées par le chômage, sont encore très attachées à la terre et à la mer. Les difficultés économiques liées au manque d’argent sont atténuées par cette relation encore très viscérale aux traditions d’agriculture et de pêche. Il faut consolider et accentuer le développement endogène déjà existant pour déboucher sur une production commerciale qui commencerait par l’autosuffisance alimentaire quasi-totale et irait, pourquoi pas, jusqu’à des surplus exportables.
J’en viens maintenant aux dégâts du cyclone Tomas, qui, deux ans et demi après, ne sont pas encore tous réparés, loin s’en faut ! Je suis passé à Futuna la semaine dernière et j’ai pu constater que le rétablissement des réseaux – téléphone, eau, électricité – n’était pas encore terminé. Il en est de même de la route qui fait le tour de l’île. Elle a été emportée sur environ 500 mètres et n’est toujours pas réparée.
Je dirai à présent quelques mots de l’aide au fret.
Beaucoup de matériaux sont importés d’Australie ou de Nouvelle-Zélande. Si l’on veut que ce dispositif soit efficace pour aider les entreprises locales, il faudrait le rendre exigible aux importations. C’est le souhait des quelques entreprises qui sont établies à Wallis-et-Futuna et créent des emplois. Est-ce possible, madame la ministre ?
Je souhaite également aborder les budgets des trois circonscriptions de Wallis-et-Futuna, qui sont toujours à flux tendu et ne bénéficient d’aucune autre ressource que la DGF. Ne pourrait-on repenser la péréquation plus favorablement pour ces circonscriptions qui, je le rappelle, sont les seules à avoir la personnalité juridique puisque nos villages ne sont pas des communes ?
Enfin, permettez-moi d’évoquer le contrat de développement. Celui de 2007-2011 s’achève sur un bilan mitigé. Quelques départements ministériels, hélas ! semblent moins enclins que d’autres à déléguer les crédits que l’État s’est engagé à allouer.
Ainsi, par exemple, les crédits prévus pour la protection du littoral, bien qu’ayant fait l’objet de demandes répétées, ne sont toujours pas arrivés. Pourriez-vous, madame la ministre, appuyer les démarches du territoire auprès de votre collègue ministre de l’écologie et du développement durable afin que les engagements de l’État soient tenus ? Autant nous pouvons comprendre les restrictions budgétaires, autant il n’est pas normal que les engagements antérieurs ne soient pas respectés.
Et puisque nous parlons du contrat de développement qui s’achève, je souhaite conclure en évoquant l’avenir, à savoir le contrat qui va démarrer. Je me réjouis des priorités qui sont établies. Je ne doute pas, madame la ministre, que votre visite à Wallis-et-Futuna, en juillet dernier, pour les cinquante ans du Territoire, vous a éclairée sur nos priorités.
Vous avez reconnu que les billets d’avion des collectivités du Pacifique demeuraient trop chers, et vous avez souhaité que l’on puisse agir pour réduire l’écart avec les autres collectivités. L’inscription dans le nouveau contrat de développement, de la nécessité d’agrandir la piste de Futuna, de façon à pouvoir accueillir des avions en provenance de Fidji, me satisfait pleinement.
Voilà, madame la ministre, les quelques points que je souhaitais évoquer à la faveur de ce débat parlementaire sur la mission « Outre-mer », que je voterai bien entendu, en vous remerciant de votre action visant à défendre l’intérêt des ultra-marins dans cette période budgétaire difficile.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les orateurs précédents l’ont souligné, l’effort budgétaire de l’État consacré à l’outre-mer stagne. Les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2012 sont en diminution de 24, 8 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une baisse de 1, 2 %, et en stagnation pour ce qui est des crédits de paiement.
En plus de pâtir de la diminution des dépenses fiscales, l’outre-mer français est financièrement affecté par le plan d’économies supplémentaires demandé au titre de l’effort collectif afin de tenir compte de la révision à la baisse des perspectives de croissance pour 2012.
Presque tous les dispositifs figurant dans la mission « Outre-mer » que vous défendez ce soir devant le Sénat, madame la ministre, subissent une diminution de leurs dotations.
La collectivité d’outre-mer de la Polynésie française, elle non plus, n’a pas été épargnée par la crise. La situation budgétaire et comptable de notre collectivité est plus qu’alarmante, vous le savez, mais le gouvernement polynésien a marqué par deux fois son engagement à la relever : d’abord par un plan de redressement adopté par la majorité des représentants de l’assemblée de la Polynésie française le 18 août dernier, puis par un projet de budget de rigueur pour 2012, déposé sur le bureau de ladite assemblée pour être débattu à partir du 8 décembre prochain.
Si la Polynésie française n’est pas encore sortie de la crise qui l’a touchée, j’ai noté que le redressement et l’assainissement des finances constituaient un objectif prioritaire du gouvernement polynésien.
La collectivité de Polynésie française engage un chantier de réformes sans précédent : une fiscalité ajustée sur les revenus, une domanialité privée, un plan énergétique, un toilettage progressif de l’administration locale, etc. De nombreuses restructurations et réorganisations entre services et établissements publics seront effectives dès le 31 décembre 2011.
Des mesures de redressement sont également annoncées dans le régime de la protection sociale généralisée. Cependant, madame la ministre, si la mécanique économique est bien belle et permet les prévisions les plus inspirantes, elle ne traite pas de l’humain et des réactions sociales, ce que vos collègues du gouvernement central savent très bien !
La Polynésie française prend un virage institutionnel et économique qui ne porte toujours pas de nom.
Il y a une volonté réelle de s’en sortir. Il faut toutefois en finir avec un discours culpabilisateur à l’égard de nos départements et collectivités d’outre-mer. Ce sentiment est partagé par mes collègues ultramarins, qui représentent la France des trois océans.
Nous avons depuis peu, au Sénat, des moyens supplémentaires pour contrôler l’efficacité de la politique gouvernementale vis-à-vis de l’outre-mer et pour déployer nos synergies parlementaires, grâce à la création récente d’une délégation pour l’outre-mer qui portera la voix des territoires ultramarins au sein de notre Haute Assemblée chaque fois que ce sera nécessaire.
Je ne peux toutefois m’adresser à vous ce soir sans vous faire part des sérieuses préoccupations que m’inspire l’avenir des communes polynésiennes, qui, comme tant d’autres, rencontrent des difficultés financières, certaines d’entre elles étant même en situation d’asphyxie. Elles sont au bord du gouffre !
La loi de finances pour 2011, votée ici même il y a un an, a réformé la dotation globale de développement économique, la DGDE, fruit de la fameuse « dette nucléaire » envers les Polynésiens, en la remplaçant brutalement par trois nouveaux instruments financiers.
Dans le projet de loi de finances pour 2012, le niveau des dotations a été maintenu.
En revanche, la dotation territoriale pour l’investissement des communes de Polynésie s’avère très insuffisante pour leur permettre d’assumer les missions et les compétences qui leur ont été imposées par le gouvernement central en 2004 en matière de collecte des déchets, de distribution d’eau potable et d’assainissement des eaux usées.
Ainsi que je m’en suis ouvert à mon éminent collègue Christian Cointat, rapporteur pour avis, lors de mon audition par la commission des lois, il devient impératif d’envisager législativement la rétrocession de ces trois compétences communales onéreuses à la collectivité d’outre-mer de la Polynésie française et de réparer ainsi l’erreur commise en 2004.
De même, devant les difficultés émergentes de l’actuel fonds intercommunal de péréquation, créé en 1972 pour le financement des communes polynésiennes et encadré depuis 2004 par l’article 52 de la loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française, un bon nombre d’élus polynésiens souhaitent aujourd’hui que son mode de fonctionnement soit repensé et revu.
Ce fonds est l’un des nombreux stigmates du modèle économique et social qui a prévalu dans la période 1970-2000, qu’on appelle l’« ère nucléaire », et qui a été suivie par une reconversion économique dont on peut dire, vous en avez convenu, qu’elle fut un échec.
Ce fonds est alimenté chaque année, pour 10 % environ, par le gouvernement central – de manière facultative –, et pour les 90 % restants par les recettes fiscales prévisionnelles à encaisser par le gouvernement de la Polynésie française.
Ce qui n’est pas clairement dit, c’est d’abord que cette quote-part de l’État est complémentaire du versement d’une dotation générale de fonctionnement aux communes polynésiennes, ce qui signifie que l’État contribue sur deux plans en faveur de celles-ci. Dont acte !
Mais je pose publiquement la question d’une revalorisation de la participation de l’État au financement de ce fonds intercommunal de péréquation. En effet, ce que l’on ne dit pas suffisamment, c’est que les 90 % restants, qui alimentent donc le fonds intercommunal de péréquation, destiné aux communes locales, sont directement dépendants de la santé financière du « pays », plus précisément de sa croissance économique.
Or il n’est plus possible de maintenir plus longtemps ce lien de dépendance historique entre la croissance économique de la collectivité de Polynésie Française, régie par l’article 74 de la Constitution, qui sera d'ailleurs sujette d’ici peu à une refonte globale de son modèle de développement, et la santé financière des communes, régies, elles, par l’article 72 de la Constitution.
Ignorer cet état de fait conduirait à battre en brèche encore et encore le principe de libre administration des collectivités locales, qui s’applique aussi aux communes polynésiennes, en vue de leur autonomie et de l’exercice de leurs missions publiques, pour reprendre les termes employés par le rapporteur pour avis de la commission des lois.
Dès lors, se présente à notre horizon commun une souhaitable modification des dispositions de l’article 52 de la loi organique du 27 février 2004 relatives au fonds intercommunal de péréquation ; de même, il est souhaitable de modifier les dispositions relatives à la répartition des compétences entre les communes et le gouvernement polynésien en matière de collecte des déchets, de distribution d’eau potable et d’assainissement.
Madame la ministre, je vous avais posée, le 17 juin 2010, une question d’actualité afin de savoir quelle stratégie nationale d’accompagnement économique et institutionnel votre ministère s’engageait à garantir aux collectivités territoriales d’outre-mer pour permettre à ces dernières de mettre enfin en place un modèle de développement ultramarin rénové ; vous aviez alors esquivé cette question qui revient aujourd’hui, alors qu’il est question du redressement des comptes et du poids de l’instabilité politique.
La réalité, c’est que vous ne disposez que de peu de marge de manœuvre pour appliquer pleinement une stratégie ultramarine satisfaisante, car Bercy ne vous en donne pas les moyens.
La réalité, c’est aussi que certains de vos prédécesseurs ont laissé des marques profondes et indélébiles de leur action ministérielle : d’où ce contexte ultramarin d’effervescence dont vous vous avez hérité voilà seulement deux années.
À cet égard, je citerai deux exemples.
Premièrement, une révision constitutionnelle amendée en 2003 à l’Assemblée nationale a déclassé la notion de « peuples d’outre-mer » en y substituant, sans la moindre consultation des peuples ultramarins, celle de « populations d’outre-mer ».
Veuillez conclure, mon cher collègue : vous avez déjà dépassé votre temps de parole !
J’ai presque terminé, monsieur le président.
Le second exemple concerne davantage la Polynésie française : il s’agit de cette infamante combinaison de deux lois votées en juillet 2008 et janvier 2010 qui ont, d’une part, classé « secret-défense à vie » les archives nucléaires françaises, et, d’autre part, instauré un dispositif d’indemnisation des victimes d’irradiations nucléaires sciemment inopérant.
La liste est longue…
La réalité, enfin, est que nos territoires comme nos départements ultramarins sont gérés depuis Paris bien souvent comme les « items » d’un tableau de bord, à l’aide d’objectifs stratégiques régionaux, souvent déconnectés des réalités locales, comme si les lignes ne pouvaient plus bouger naturellement, comme si certaines lignes rouges ne devaient pas être franchies sous peine de représailles d’ordre économique.
Fi de notre passé nucléaire non digéré et de ses conséquences économiques et sociales !
Fi de la responsabilité bilatérale de l’État et des politiques locaux à l’égard d’un modèle en pleine déconfiture, sous certains regards incrédules !
Maintenant il faut vraiment conclure. Je vais être obligé d’amputer le temps de parole de vos collègues !
Fi du déni à peine flagrant qu’oppose un gouvernement central à l’égard de la classe politique souverainiste émergente, qui a su pénétrer démocratiquement les institutions en place, et qui peine à dévoiler sa feuille de route politique, tant semblent incessants les réajustements qui s’imposent au fur et à mesure que sont découvertes les errances du mode de gouvernance d’avant 2004.
Il faut, madame la ministre, accomplir le souhait du président Sarkozy en août 2009 : « le passé réparé, l’avenir préparé ».
Il faut mettre un terme à cet autisme gouvernemental et cesser de nous inviter, comme le fait d’ailleurs aussi votre collègue M. le ministre des affaires étrangères et européennes, à croire que, pour être mieux entendue dans votre politique en faveur de l’outre-mer, la collectivité polynésienne n’a d’autres leviers que les outils internationaux de la politique étrangère quand elle est gouvernée par un élu souverainiste.
Pour ces raisons de principe et pour celles que portent en filigrane les questions que je viens de poser, je voterai contre les crédits de la mission « Outre-mer » pour l’année 2012.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Monsieur Tuheiava, je vous rends attentif au fait que vous avez plus que doublé votre temps de parole, qui était limité à cinq minutes.
Mes chers collègues, même si une certaine indulgence est parfois de mise, notamment à l’égard de ceux d’entre vous qui viennent d’outre-mer, il faut être raisonnable : j’attire donc une nouvelle fois votre attention sur la nécessité de respecter strictement les temps de parole impartis.
La parole est à M. Jacques Cornano.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget pour l’année 2012 intervient dans la situation économique que nous connaissons. Lors de vos différentes auditions, madame la ministre, vous avez affirmé que l’outre-mer devait participer à l’effort de réduction du déficit public. J’en prends acte.
Toutefois, je déplore qu’à des situations différentes soit appliquée une solution similaire.
L’outre-mer est dans une situation socio-économique bien différente de celle dans laquelle se trouve l’Hexagone. Et les îles du sud de la Guadeloupe sont dans une situation encore plus atypique, et critique.
Comme l’a très justement souligné, il y a quelques jours, mon collègue Georges Patient, l’outre-mer souffre simultanément d’un taux de chômage vertigineux, d’une croissance économique très faible et d’une forte inflation.
En effet, les prix ont atteint cette année un taux d’augmentation record de 3, 3 % en Guadeloupe, alors qu’il a été de 1, 5 % dans l’Hexagone. Le taux de chômage était de 24, 1 % au second semestre 2011, contre 9, 9 % dans l’Hexagone, selon l’INSEE.
La situation est donc bien différente. Pourtant, le remède proposé est le même.
Pour ce qui me concerne plus particulièrement, à Marie-Galante, le taux de chômage atteint plus de 30 % pour une population de 11 872 habitants.
Et cette situation n’a guère de chance de s’arranger ! Comme vous le savez certainement, plusieurs services de l’hôpital de Marie-Galante sont menacés de fermeture. Or l’hôpital emploie plus de 150 personnes, qui sont chargées de famille. La perte de leur travail les obligerait à partir, et la dépopulation dont nous souffrons déjà aujourd’hui ne pourrait que s’aggraver.
De surcroît, la fermeture de ces services aura de graves conséquences sur le développement touristique. Qui aurait envie de passer ses vacances sur une île où, en cas d’accident, il faut attendre qu’un hélicoptère vienne vous chercher pour vous ramener au CHU de Pointe-à-Pitre ?
Par ailleurs, Marie-Galante vit depuis plusieurs siècles au rythme de la monoculture cannière. Aujourd’hui, l’usine de Grand-Anse est en danger. Or elle fait vivre plus de 2 100 planteurs ; il est crucial de moderniser l’outil industriel, afin de permettre à l’usine de poursuivre son activité.
Malheureusement, ce n’est pas le budget que vous nous soumettez aujourd’hui, madame la ministre, qui est susceptible de répondre à ces besoins. Il manque singulièrement d’ambition, y compris au regard des engagements pris à la suite des événements de 2009 et des promesses faites par le chef de l’État à l’issue du comité interministériel de l’outre-mer.
La Guadeloupe a un besoin vital d’une reconversion économique. Dans ces conditions, il faut bien l’avouer, la suppression de l’abattement de 30 % sur le bénéfice des entreprises imposables en outre-mer tombe mal.
J’entends dire que cet abattement bénéficie principalement aux grandes structures ; certes, mais pas totalement ! Recentrez le dispositif pour éviter ces dérives, mais ne l’éliminez pas complètement, sinon vous risquez de mettre en péril des petites à très petites entreprises, déjà fortement fragilisées.
Et ne venez pas me dire qu’il nous faut exceptionnellement nous serrer la ceinture. En tant que maire de la commune de Saint-Louis de Marie-Galante, je peux vous dire que nous nous la serrons depuis suffisamment longtemps !
Les îles du Sud de la Guadeloupe – la Désirade, Marie-Galante, Terre-de-Haut et Terre-de-Bas – ont besoin de mesures d’accompagnement pour une véritable relance.
L’instauration d’une continuité territoriale effective avec l’Hexagone et un rééquilibrage territorial de l’archipel exige que nous bénéficiions d’une dotation globale de fonctionnement spécifique de double insularité.
La mission « Outre-mer » est en décalage avec les besoins du territoire, avec la réalité et surtout avec les attentes des Guadeloupéens.
Pour toutes ces raisons, je suis au regret de vous dire, madame la ministre, que je ne peux pas cautionner votre politique. Je voterai donc contre le budget de l’outre-mer.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Merci, mon cher collègue, d’avoir scrupuleusement respecté votre temps de parole.
La parole est à M. Maurice Antiste.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, c’est malheureusement dans un contexte critique et alarmant, sur fond de crise économique et de tensions sociales, que nous sommes amenés à examiner le budget de l’État, et notamment, aujourd'hui, les crédits de la mission « Outre-mer ».
Nous sommes tous d’accord pour dire que l’heure est grave, que tous les territoires ultramarins, dont la Martinique, que je représente, ne cherchent nullement à se soustraire au devoir de contribution à la solidarité nationale.
Toutefois, madame la ministre, ce devoir ne devrait-il pas être subordonné au principe de l’égalité de traitement de tous, en reconnaissant que des situations différentes appellent des traitements différents ? Il s’agit bien pour nous d’équité, et non d’égalité.
Dois-je vous rappeler que, année après année, l’insuffisance du budget de l’outre-mer pose un véritable problème aux ultramarins ?
Nos territoires sont au bord de l’explosion sociale, car le chômage provoque des ravages. Or il est en constante progression, avec un taux atteignant plus de 25 % en outre-mer, à savoir trois fois plus que la moyenne nationale, et 23, 8 % en Martinique. Et ce sont principalement les jeunes qui sont touchés : ils ne voient ni solution ni avenir !
Il est vrai que le dispositif du SMA a eu un effet positif sur l’emploi des jeunes. Cependant, il est à regretter que votre budget l’ampute de 5 millions d’euros, sans compter une nouvelle baisse prévue dans le cadre de la prochaine loi de finance rectificative.
Savez-vous, madame la ministre, que, dans nos territoires, le revenu de solidarité active concerne 18, 8 % de la population active, contre 5, 5 % en métropole ? Que 20 % des Martiniquais vivent en dessous du seuil de pauvreté – 616 euros par mois, je le rappelle – et que, outre les jeunes, sont également concernés des travailleurs pauvres et des retraités ? Que, dans le même temps, les prix restent élevés et même continuent de grimper, la cherté de la vie étant telle que les produits de première nécessité sont hors de prix ?
Force est de constater tristement que nous sommes très loin du but fixé par le document de politique transversale de l’outre-mer, à savoir un « rapprochement des conditions de vie des habitants d’outre-mer avec celles des habitants de métropole ».
Sans remettre en question le devoir de contribution des ultramarins, comment accomplir cet effort national quand, dans le même temps, l’outre-mer se voit priver de son potentiel d’investissement et sombre dans la paupérisation ?
Vous avez supprimé la TVA NPR, c'est-à-dire « non perçue récupérable », l’abattement de 30 % pour l’impôt sur les sociétés, sans parler de l’aide au fret, qui est restée fictive jusqu’au début de 2011. Sur ce point, d’ailleurs, il faut noter que votre budget prévoit une redistribution partielle de ces crédits en direction de l’aide à la rénovation hôtelière, qui devrait également subir une baisse significative dans le prochain plan de rigueur.
Or ce sont ces mêmes aides qui avaient permis de réaliser près de 3 milliards d’euros d’investissement en 2010, conduisant à la création de quelques centaines d’emplois, comme vous l’a si justement fait remarquer mon collègue Georges Patient au début de la discussion générale.
Comment ne pas mentionner également le secteur des énergies renouvelables – je pense notamment à la filière photovoltaïque –, qui devait constituer une des priorités de la LODEOM ! Qu’en est-il aujourd’hui ? Vous avez fait d’une opportunité pour l’outre-mer un véritable gâchis en démontant les avantages fiscaux des investissements dans cette filière.
Tout cela pour vous dire, madame la ministre : oui à la solidarité nationale ; oui au « retroussement des manches » ; mais non au traitement injuste et inéquitable à l’encontre d’une population ultramarine en souffrance sociale, économique et politique.
J’insiste sur la souffrance sociale, notamment au regard de l’accès au logement social. Cette situation préoccupante a d’ailleurs été à l’origine du vote de la loi du 23 juin 2011 sur l’initiative de Serge Letchimy, loi qui se voulait ambitieuse dans le combat contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer.
Malgré le fait que les crédits en autorisations d’engagement soient stables et qu’ils augmentent de 10 % en crédits de paiement, on constate que le budget consacré à la création de logements sociaux outre-mer reste terriblement insuffisant.
En effet, ce que propose votre gouvernement ne permet pas d’aboutir à une solution satisfaisante, la construction de 6 000 logements sociaux devant être mise en regard des 160 000 demandes pour tout l’outre-mer. N’est-ce pas injuste et dramatique ?
Permettez-moi de m’interroger sur la justice de la politique budgétaire de votre gouvernement qui ne fait qu’appauvrir et dénaturer l’essence même de nos services publics censés aider les plus démunis, alors que, dans le même temps, elle alimente le secteur bancaire et financier.
Où est la justice dans votre traitement du sujet sensible de la continuité territoriale lorsque votre gouvernement accorde un budget bien moindre à l’outre-mer qu’à la Corse, alors même que les coûts sont sans commune mesure ?
N’oublions pas que la liberté de circulation sur l’ensemble du territoire est un droit fondamental !
Enfin, madame la ministre, je ne résiste pas à l’envie de vous interroger, même si cela ne concerne pas directement les crédits de la mission, sur le problème du chlordécone en matière de pêche et sur les moyens débloqués par le Gouvernement dans le cadre du deuxième plan chlordécone. Je rappelle que l’utilisation de ce produit a non seulement contaminé les terres, mais aussi les rivières et, par ricochet, la mer, avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer pour les professionnels. Je vous saurai gré de m’informer en temps utile de l’état d’avancement de ce dossier.
Notre collègue Robert Laufoaulu nous disait tout à l'heure qu’il avait rencontré récemment une vieille dame qui l’avait chargé d’un message de remerciement à la France. Moi, c’est un vieil homme que j’ai rencontré, de surcroît ancien combattant, et il m’a demandé de dire à la France, sachant que je venais ici, de ne pas cesser de remercier l’outre-mer pour tout ce qu’il lui apporte.
Madame la ministre, avec une diminution de 58, 1 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 66, 1 millions d’euros en crédits de paiement, les chiffres parlent d’eux-mêmes ! Et c’est sans compter le deuxième plan de rigueur, qui touchera de nouveau les crédits alloués à l’outre-mer.
L’effort qui est demandé aux DOM pourrait être vu comme une exhortation du Gouvernement pour qu’ils s’amputent eux-mêmes d’une jambe alors qu’ils sont déjà unijambistes ! N’étant pas adepte du masochisme, je ne voterai pas vos propositions.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il faut se rendre à l’évidence : au nom de la rigueur et de la participation à l’effort national de réduction des déficits publics, le projet de loi de finances pour 2012 laisse pour seule perspective à l’outre-mer une diminution des participations budgétaires de l’État.
Ce processus est en réalité continu depuis plusieurs exercices, avec pour 2012 – cela a déjà été dit – une amputation de pas moins de 48 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 56 millions d’euros en crédits de paiement.
Dans ce contexte, il n’est pas excessif d’évoquer l’iniquité pour parler des efforts demandés, à parité, aux outre-mer et à la nation entière. Ces territoires sont en effet plongés dans une crise économique et sociale qui les rapproche dangereusement de la rupture. De nombreux orateurs avant moi l’ont souligné et nous avons entendu le cri d’alarme de Paul Vergès.
Leurs produits intérieurs bruts sont inférieurs de près de 50 % à ceux des régions hexagonales. Près du quart de la population y vit en dessous du seuil de pauvreté. Les indicateurs de santé publique y sont alarmants. Le marché de l’emploi et celui du logement sont dans un état très préoccupant. Les domaines socio-éducatif, sanitaire et culturel accusent de retards importants en matière d’infrastructures.
Je tiens également à dénoncer les errements des mesures de défiscalisation, dont les règles varient à loisir et qui, surtout, s’achèvent avant terme, mettant en péril l’autonomie financière des bénéficiaires.
Plusieurs de mes collègues ont déjà dénoncé ces orientations d’un libéralisme outrancier, qui confondent les fonds publics et les opportunités offertes aux investissements privés.
À cet égard, les ratios restent extrêmement parlants, avec des dépenses fiscales compensatoires de l’État une fois et demie supérieures à ses contributions budgétaires directes, alors même que l’efficacité de ces dispositifs n’est nullement démontrée. Cela remet radicalement en cause le bien-fondé de telles politiques.
Mon collègue Jean-Étienne Antoinette a clairement indiqué que, en Guyane, les conséquences immédiates du renoncement du Gouvernement étaient déjà palpables. L’engagement budgétaire de l’État stagne, de même que les moyens d’action de ses services déconcentrés.
Dans l’immédiat, nous réclamons pour l’outre-mer des mesures urgentes.
La priorité doit être donnée au soutien au développement endogène de ces territoires, en s’appuyant sur les ressources et sur les acteurs locaux, sur tous les potentiels. Plusieurs orateurs avant moi ont souligné l’opportunité énorme que devrait constituer, par exemple, le développement des énergies renouvelables, qui doit absolument être encouragé, alors que c’est le contraire qui est fait.
Les filières locales doivent être valorisées sur les plans agricole et aquacole aussi bien qu’artisanal et industriel.
Un terme doit être mis à la surexploitation des sous-sols, réalisée sans considération des contraintes environnementales ou de la biodiversité – je pense notamment au respect des mangroves, des forêts et des sous-sols marins.
Plus globalement, le patrimoine naturel de ces territoires doit être protégé non seulement des catastrophes naturelles, mais également des dégâts et des pollutions causées par l’exploitation outrancière des ressources terrestres et marines.
Enfin, en tant qu’écologiste et membre de la commission des affaires sociales, je profite de cette intervention pour attirer votre attention sur l’épidémie de cancers qui ravage actuellement la Guadeloupe et la Martinique, notamment à la suite de l’utilisation irraisonnée d’insecticides tels que le chlordécone, afin de lutter contre le charançon noir du bananier.
Je veux aussi dénoncer le scandale sanitaire des essais nucléaires de Mururoa, dont il sera sans doute de nouveau question ici. Nous sommes d’ores et déjà en lien avec les victimes. Comptez sur notre vigilance pour que toute la lumière soit faite, et pour que les victimes soient dûment indemnisées.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Madame la ministre, je suis la dernière oratrice, et le temps nous est compté. Je serai donc un peu brutale dans mes affirmations sur l’analyse que l’on peut faire de votre budget.
Le diagnostic a été posé par tout le monde, et il mériterait d’ailleurs d’être mieux connu par l’ensemble de nos concitoyens : les problèmes de logement sont considérablement plus importants dans les outre-mer qu’en France métropolitaine, où la situation est pourtant déjà très alarmante.
Le diagnostic, ce sont des besoins plus importants, à la fois en termes de nombre de logements, de salubrité, mais aussi de rapport entre le coût du logement et les ressources de nos concitoyens ultramarins. Le diagnostic, ce sont aussi des problèmes liés à des exigences et à des contraintes supérieures en outre-mer, engendrant des coûts particuliers : contraintes de normes ; contraintes liées au coût du foncier, rarement disponible quand il est aménagé, et toujours cher ; contraintes de prix de revient élevé.
Ce double étau rend la situation plus difficile. Il exigerait des moyens renforcés. Or ceux qui sont prévus sont loin de l’être.
Pour ma part, j’ai deux critiques à formuler à l’encontre de ce budget, notamment pour ce qui est de sa partie consacrée au logement : d’une part, les moyens sont notoirement insuffisants ; d’autre part, l’argent public n’est pas toujours utilisé là où il serait prioritairement utile pour le pays, pour nos concitoyens et pour les territoires des outre-mer.
Premièrement, s’agissant des moyens, tout le monde se réjouit que la LBU n’ait pas été amputée ; il y aurait même une augmentation des crédits de paiement. J’observe d'abord que, si les crédits de paiement augmentent, c’est par rapport à 2011, mais, comme les crédits avaient baissé dans la dernière loi de finances, nous retrouvons à peine les niveaux de l’année 2010. Nous sommes dans l’apparence !
En réalité, les moyens destinés au logement baissent puisque, avec un même montant de LBU, les outre-mer doivent faire face aux coûts supplémentaires engendrés par les nouvelles normes, ces dernières étant d’ailleurs assez mal adaptées, en tout cas en matière d’acoustique et d’aération.
En outre, l’inflation sévit, ce qui fait que les coûts, ne serait-ce que celui du foncier, vont augmenter alors que la LBU aura stagné.
Se pose également le problème du fonds régional d'aménagement foncier et urbain, le FRAFU. Je vous rappelle qu’il est prévu qu’on élargisse le champ de ce fonds pour tenir compte des problèmes d’insalubrité et du rapport publié sur ce sujet par M. Serge Letchimy. Or, si un tel élargissement doit se faire avec moins d’argent, on ne peut pas dire, globalement, que les moyens sont maintenus.
Enfin, les organismes HLM des outre-mer ont été touchés, comme les autres, par la fameuse « contribution-ponction ». Le montant de cette dernière s’est élevé à 8 millions d’euros dans les Antilles.
Donc, entre la baisse de la LBU, l’élargissement du FRAFU, l’augmentation des coûts et la ponction sur les HLM, les moyens pour construire du logement social dans les outre-mer baisseront globalement en 2012.
Deuxièmement, s’agissant du mauvais emploi de l’argent public, on nous dit que la défiscalisation serait le nouvel eldorado.
Le Gouvernement soutient que la LBU serait le socle et que la défiscalisation serait le complément. En réalité, les circulaires de Bercy disent exactement l’inverse : selon ces dernières, il faudrait monter les opérations avec le maximum de défiscalisation et calculer ensuite le niveau de LBU pertinent. Mais cela revient à inverser la logique : nous pensons en effet que la LBU doit servir essentiellement à baisser le niveau des loyers. S’il existe aujourd'hui une forme de relance, l’essentiel de ce qui est construit est toujours au plafond de loyer et, en termes de taille de logement, plus petit que ce qui était bâti auparavant.
Si la défiscalisation est maintenue, elle doit être conditionnée au fait qu’elle serve à baisser les loyers par rapport au niveau des plafonds de ressources.
Par ailleurs, je ne suis pas une fanatique de la défiscalisation en matière de logement.
Madame le ministre, je tiens à votre disposition le calcul que nous avons établi sur plusieurs opérations. La construction de 100 logements a donné lieu à 3, 3 millions d’euros de défiscalisation. Or, sur cette somme, seuls 2, 1 millions d’euros reviennent aux HLM. Il y a donc 1, 2 million d’euros qui s’évaporent, correspondant à l’avantage fiscal donné aux bénéficiaires du crédit d’impôt, ainsi que, in fine, aux cabinets de défiscalisation et aux notaires. Résultat : sur 3, 3 millions d’euros dépensés par la puissance publique, seuls 2, 1 millions d’euros se trouvent réellement investis dans les HLM.
Plutôt que de proposer une défiscalisation, on ferait mieux de prendre l’argent pour le redistribuer sous forme de subventions, soit au sein de la LBU, soit pour améliorer les produits d’accession à la propriété. §
Le temps me manque, mais je pourrais vous faire la même démonstration au sujet du prêt à taux zéro, le PTZ DOM, dont ont essentiellement bénéficié des catégories aisées, lesquelles n’en avaient pas besoin pour accéder à la propriété, mais qui ne permet pas d’améliorer la solvabilité des catégories moyennes ou basses, alors qu’elles en ont, elles, vraiment besoin pour acquérir un logement.
Votre budget ne répond ni à l’urgence républicaine ni à l’urgence sociale ; je ne peux donc le voter.
Le pays ne se redressera, en cette période de crise, que si les valeurs républicaines sont partagées. Comment faire admettre à notre jeunesse, dans les banlieues de métropole, dans les outre-mer ou ailleurs, que la République a un sens, quand le droit au logement n’est pas garanti à tous et que, dès lors, la force des mots de liberté ou d’égalité est gravement érodée ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il me revient ce soir de vous présenter, pour la troisième année consécutive, le budget de la mission « Outre-mer », au titre du projet de loi de finances pour 2012.
Je voudrais tout d'abord remercier les différents rapporteurs : MM. Doligé et Patient, pour la commission des finances, MM. Cointat et Desplan, pour la commission des lois, M. Larcher, pour la commission de l’économie, M. Vergoz, pour la commission des affaires sociales.
Avant de présenter le budget de la mission outre-mer, je crois bon de rappeler que l’année 2011 a permis la concrétisation à la fois de la loi pour le développement économique des outre-mer et des décisions du Conseil interministériel de l’outre-mer du 6 novembre 2009. Je me suis d'ailleurs récemment rendue dans plusieurs départements pour m’assurer de la réalité de l’application de ces mesures.
Le conseil des ministres du 26 octobre dernier, consacré en grande partie à l’outre-mer, a été l’occasion de rappeler ces avancées.
Revenons au budget pour 2012, car je voudrais répondre aux diverses interrogations qui sont formulées à son égard et le replacer dans son contexte.
Comme vous le savez, face à la crise que traverse notre pays, le Gouvernement a fait le choix d’une politique de vérité qui passe par la réduction des déficits publics.
Le ministère de l’outre-mer prend comme les autres sa part à cet effort collectif. Toutefois, j’ai veillé à préserver – monsieur Magras, je vous remercie de l’avoir rappelé – les priorités en faveur du logement, du développement économique, de l’emploi ainsi que de la continuité territoriale.
De même, le soutien apporté par l’État aux collectivités ultramarines dans leur politique d’aménagement du territoire et dans la prise en compte de leurs spécificités ne sera pas affecté. Je respecterai les engagements pris à leur égard.
Je mettrai en exergue trois observations.
Premièrement, ce budget permet de poursuivre en 2012 les principaux engagements pris pour l’application de la LODEOM et du CIOM car la contribution à l’effort national a été bâtie de manière ciblée et équilibrée.
Deuxièmement, le niveau des crédits de paiement mis à disposition de la mission « Outre-mer » se situe en 2012 à un niveau satisfaisant puisqu’il est quasi identique à celui de 2011.
Troisièmement, l’augmentation du taux réduit de TVA annoncée par le Premier ministre ne concernera pas les territoires ultramarins, où, vous le savez, cette taxe s’applique à un taux compris entre 0 % et 2, 1 %. Cela répond au souci légitime de préserver les PME, qu’a souligné Mme Farreyrol.
À ce sujet, je fais également observer que l’avantage lié à l’abattement de 30 % de l’impôt sur les sociétés – portant, je le rappelle, sur les deux tiers du bénéfice – ne concerne en réalité que 7 % des entreprises. Monsieur Cornano, le problème ne se pose pas à Marie-Galante puisque la LODEOM permet qu’y soit maintenu un abattement de 100 %.
Au-delà de ces précisions, je voudrais mettre à profit cette intervention pour revenir sur la mise en application de la LODEOM et sur plusieurs mesures importantes du CIOM. Je crois, en effet, que rendre compte à la représentation nationale, non seulement des moyens d’une politique publique, mais aussi de ses conséquences concrètes, est un exercice salutaire.
S’agissant de la LODEOM, des interrogations ont été soulevées dans plusieurs rapports remis en 2010. Je voudrais leur apporter les réponses suivantes.
En 2011, les derniers décrets de la LODEOM ont été pris, notamment celui concernant la rénovation hôtelière. L’entrée en vigueur de l’ensemble de ces décrets a produit tout au long de l’année des effets positifs sur nos économies ultramarines.
Je pense, par exemple, à la prime « bagasse », qu’on oublie trop souvent, alors qu’elle a donné un nouveau souffle à la filière de la canne à sucre. La publication du décret a ainsi permis que plus de 50 millions d’euros soient versés aux planteurs de canne de la Réunion et de la Guadeloupe sur les campagnes 2010 et 2011 !
S’agissant de l’usine de Marie-Galante, monsieur Cornano, je rappelle que les élus ne se sont pas encore, pour l’heure, mis d’accord sur le type de restructuration à retenir pour le projet d’une usine bagasse-charbon et que l’État attend depuis des mois qu’ils adoptent une position à ce sujet.
Je pense aussi à la création des zones franches d’activité, destinées à favoriser le développement endogène des départements et régions d’outre-mer. Vous le savez, ces zones franches permettent aux entreprises des secteurs moteurs de l’économie de bénéficier d’un abattement de 80 % de l’impôt sur les sociétés ainsi que sur les taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, voire d’un abattement de 100 % sur la contribution économique territoriale.
Quels sont les résultats ?
Dès 2010, cette mesure a contribué au développement des secteurs prioritaires, comme l’agro-alimentaire. Savez-vous que le montant des dépenses fiscales résultant de ces nouveaux dispositifs est aujourd’hui estimé à 75 millions d’euros et que plus de 4 200 entreprises en sont bénéficiaires ?
À titre d’exemple, plus de 330 entreprises de la Martinique en ont bénéficié, au titre de l’impôt sur les sociétés de l’exercice 2009, et 2 000 emplois ont été directement soutenus. Je citerai le cas de cette entreprise de construction de Fort-de-France qui a pu conserver ses 45 salariés grâce à une économie d’impôt de 150 000 euros.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dans le cadre du plan de réduction des déficits, une nouvelle réduction des avantages fiscaux liés à une vingtaine de niches fiscales – dont fait partie la réduction d’impôt sur le revenu pour les investissements productifs outre-mer – est prévue pour cette année.
Cependant, comme l’année dernière, le Gouvernement a proposé de préserver l’avantage fiscal qui est rétrocédé à l’exploitant ultramarin. Cette décision est, bien sûr, destinée à préserver l’investissement outre-mer, ce qui est indispensable dans le contexte que nous connaissons.
S’agissant des mesures du CIOM, je n’y insisterai pas, car j’ai déjà eu l’occasion de les détailler à l’occasion d’une communication sur ce thème lors du conseil des ministres du 26 octobre dernier.
Nous en sommes à 442 millions d’euros en autorisations d’engagement, ce qui, monsieur le rapporteur Patient, est très loin des 13 millions d’euros que vous avez évoqués !
Vous avez été plusieurs à m’interroger sur l’évaluation de ces mesures. Je voudrais simplement vous rappeler qu’il existe maintenant une commission d’évaluation des politiques outre-mer, composée à parité de députés et de sénateurs, conformément à la décision prise lors de l’adoption de la LODEOM, qui fera l’objet d’un rapport d’étape en 2012. Cette commission doit désormais être saisie pour évaluer à la fois les décisions du CIOM ou les dispositions prises dans le cadre de la LODEOM.
Ce que je tiens à dire aujourd'hui devant la représentation nationale, c’est que le budget de l’outre-mer conservera en 2012 ses capacités d’intervention, en particulier sur les deux priorités que sont le logement et l’emploi.
L’engagement du Gouvernement pour le logement outre-mer, en particulier pour le logement social, est en constante augmentation depuis 2007.
Mesdames, messieurs les sénateurs, malgré un contexte budgétaire difficile, je le rappelle, les autorisations d’engagement de la LBU restent sanctuarisées à hauteur 274, 5 millions d’euros. La LBU demeure, je le répète, le socle du financement du logement social outre-mer.
Quant à la défiscalisation du logement social, elle est un vrai succès. Ce n’est pas moi qui le dis : ce sont les bailleurs sociaux, qui l’ont souligné lors du congrès de l’Union sociale pour l’habitat du 27 septembre dernier. Modifier aujourd’hui les conditions de cette défiscalisation fragiliserait les bailleurs sociaux d’outre-mer, au moment même où la production s’accroît sensiblement. D’une certaine manière, remettre en cause la défiscalisation, c’est porter atteinte aux économies ultramarines.
Ainsi, deux mois avant la fin de l’exercice de 2011, les indicateurs à notre disposition au 31 octobre 2011 sont très encourageants pour le logement social.
Le point de programmation fait apparaître que 7 500 logements locatifs sociaux sont financés en 2011, contre 6 200 en 2010. L’augmentation sur cinq ans est de 53 %. Sur ces 7 500 logements, 4 200 sont financés par le recours à la défiscalisation, ce qui démontre que les outils de suivi existent. Cela confirme bien l’effet de levier que constitue la défiscalisation pour la LBU.
Ces chiffres montrent que, contrairement à certaines affirmations, c’est bien la LBU qui est le moteur de la production de logements sociaux, et non la défiscalisation.
Vous m’avez également interrogée sur la création du GIP destiné à régler le problème des titres fonciers. Après une mission de préfiguration sur le périmètre d’intervention du GIP, les collectivités régionales ont été consultées au mois d’octobre. Nous restons en attente de leur décision afin de poursuivre sur ce point.
Je rappelle en outre que la cession gratuite des terrains de l’État a été décidée non par la LODEOM en 2009 mais par un amendement adopté l’année dernière en loi de finances. Le décret a été rédigé et examiné par le Conseil d’État le 25 octobre 2011 ; il est en cours de signature au ministère de l’économie, et je serai amenée à le signer très prochainement.
Je voudrais aussi évoquer les nouveaux dispositifs de la loi relative à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer. Cette loi a apporté une réponse globale à la question des occupants sans titre. Elle peut aussi accélérer le déblocage de plusieurs opérations d’aménagement, notamment en Martinique et en Guyane. L’action publique s’est donc adaptée pour mieux répondre à la diversité des situations d’insalubrité et de péril que l’on rencontre dans plusieurs territoires ultramarins.
Je relève, dans le même registre, le renforcement du volet outre-mer du prochain programme de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, pour la période 2014-2020, au sein duquel la lutte contre l’habitat indigne occupera une place importante.
Je me félicite à cet égard de l’adoption, le 2 novembre dernier, d’un amendement autorisant la mobilisation du fonds Barnier dans la limite de 5 millions d’euros par an pour financer les frais de démolition dans les quartiers insalubres et confrontés à des risques naturels. Je vous informe que l’arrêté fixant les barèmes ainsi que la circulaire seront pris d’ici à la fin de l’année.
L’autre priorité de ce budget, cela ne vous surprendra pas, concerne l’emploi et la formation.
Les enveloppes supplémentaires dédiées au SMA sont en cohérence avec l’objectif de doublement du nombre de stagiaires. Les crédits de 2012 permettront de réhabiliter les infrastructures, de construire des bâtiments, de moderniser les moyens de formation et d’améliorer l’encadrement dont bénéficient ces jeunes.
En 2011, le SMA a offert 4 000 places de stage, soit 1 100 de plus qu’en 2010. À la fin de l’année 2012, nous devrions atteindre 5 000 places de stage. Le taux d’insertion, malgré la crise, s’est tout de même maintenu à un niveau remarquable puisqu’il a été de 75 % en 2010 et que l’on devrait atteindre 78 % en 2011. Nous continuerons en 2012 sur la base d’objectifs aussi élevés.
Monsieur Laufoaulu, nous n’oublions pas le SMA de Futuna : la réalisation du projet est décalée dans le temps, mais celui-ci n’est pas supprimé.
Par ailleurs, pour renforcer cette cohérence d’action, j’ai souhaité la création d’un conseil du SMA, constitué de vingt membres de haut niveau qui renforceront les liens avec tous les partenaires concernés par l’insertion des jeunes.
Mais la formation professionnelle de nos jeunes ne se résume pas au SMA, même si ses résultats sont excellents. L’emploi et la formation professionnelle sont également soutenus au travers de la contribution des entreprises bénéficiaires des zones franches, conformément à la disposition qui avait été votée au sein de la LODEOM.
Le fonds exceptionnel pour la jeunesse a ainsi collecté près de 2, 5 millions d’euros au profit de l’outre-mer en 2010. Il favorise l’émergence de multiples projets permettant l’implication des jeunes dans des domaines aussi sensibles que l’accès aux soins ou encore l’insertion professionnelle par la valorisation des ressources locales, tant culturelles que naturelles.
En matière de formation, je voudrais rassurer M. Gillot : comme je m’y étais engagée l’année dernière, l’Institut de formation continue dans l’action sociale, l’IFCAS, n’est pas voué à disparaître puisqu’il bénéficie des crédits de fonctionnement dont il a besoin au titre de la scolarité pour 2012.
Quant aux projets de prévention de l’illettrisme, ils se multiplient sur le terrain, comme j’ai pu le constater récemment en Guyane et en Martinique.
J’ajoute que les contrats aidés font partie intégrante de notre politique de l’emploi outre-mer, même si les financements correspondants ne figurent pas au sein de la mission. Ils constituent, en effet, une réponse conjoncturelle à la crise que nous traversons.
À travers cette politique, le Gouvernement a bien pris en compte les besoins de nos concitoyens, de même que le taux de chômage élevé des départements d’outre-mer. Le nombre de contrats aidés a ainsi été porté à 52 270 pour 2011 contre 46 900 en 2010, soit une augmentation de près de 12 % par rapport à l’année passée. Ces contrats représentent aussi plus de 9 % du total national.
Je me souviens des interrogations, des questions d’actualité ou même des critiques formulées sur les enveloppes consacrées à cette politique. Nous constatons, huit mois plus tard, que cette politique de solidarité a profité en priorité à l’outre-mer.
S’agissant de la continuité territoriale et de la formation en mobilité, qui favorisent directement l’emploi, le dispositif d’aide prévu par la LODEOM est entré en vigueur dans l’ensemble des territoires.
Comme je m’y étais engagée, un premier bilan d’exécution a été réalisé et je peux d’ores et déjà vous affirmer que cette politique fonctionne. Sur les neuf premiers mois de l’année 2011, près de 100 000 unités de voyage ont été délivrées au titre de la continuité territoriale.
Souvenez-vous : l’objectif était de mieux contrôler ce dispositif et d’introduire des critères de ressources pour l’allocation des aides. Les résultats sont là et notre dispositif est beaucoup plus juste. Ce sont bien nos compatriotes dont les ressources sont les plus faibles qui sont ciblés en priorité. Ainsi, plus de 50 % des aides distribuées le sont au taux majoré, donc au bénéfice des titulaires des revenus les plus faibles, et 70 % des aides délivrées au titre de la mobilité étudiante le sont à des étudiants boursiers.
Dès lors, je persiste à dire que la mise en œuvre de la continuité dans l’ensemble des départements et territoires est plus large et plus équitable aux termes de ce nouveau dispositif.
La LODEOM avait prévu que les collectivités pourraient s’associer à cette démarche. Je tiens à souligner que, là où les régions ont joué le jeu de la complémentarité avec le dispositif de l’État, ce dispositif est particulièrement efficace puisque nous avons délivré plus de bons. Je pense en particulier à la Réunion, sous l’impulsion de Didier Robert, le président du conseil régional, qui a accepté ce partenariat avec nous.
Il est vrai que le bilan fait également apparaître des domaines où le dispositif est plus long à se mettre en place. Conformément à l’engagement que j’avais pris, je proposerai dans les prochains mois des mesures de correction, en particulier pour les collectivités du Pacifique.
Concernant les crédits du programme 138 consacrés à la compensation des exonérations de charges sociales, je voudrais rappeler que la réduction du coût du travail outre-mer est inscrite dans une politique désormais ancienne de compensation des handicaps structurels.
Elle vise à favoriser l’emploi durable et à réduire le travail dissimulé. Le rapport de l’Inspection générale des finances mentionne que plus de 36 000 emplois ont été créés en application de cette mesure, ce qui n’est pas négligeable.
Pour 2011, le montant versé aux organismes de sécurité sociale s’élève à 1 087 millions d’euros, correspondant à l’intégralité de leurs besoins de cette année et permettant la quasi-extinction de la dette antérieure. Donc, contrairement à ce qui a été indiqué, la dette n’augmentera pas : elle diminue. En outre, pour 2012, le montant inscrit dans le projet de loi de finances correspond aux besoins estimés par les organismes de sécurité sociale.
Je sais aussi que le développement économique et social des outre-mer passe par une politique d’investissement propre à chaque collectivité territoriale.
Ces investissements découlent en grande partie des programmations contractuelles entre l’État et les collectivités. Je pense notamment aux contrats de projet et aux contrats de développement, qui permettent d’accompagner des territoires. En particulier, un territoire comme Saint-Pierre-et-Miquelon, madame Claireaux, ne peut surmonter ses handicaps sans l’aide de l’État, qui apporte plus de 20 millions d’euros dans le seul contrat de développement.
À cet égard, l’année 2011 a été l’occasion de réviser à mi-parcours ces programmations, de les ajuster, de retirer les projets en panne et d’ajouter de nouvelles initiatives, le tout à enveloppe constante. Ce travail a été fait, et je crois qu’il a été bien fait, dans chacune des régions.
Le volume des crédits prévus pour le financement des contrats de projet et de développement des territoires permettra d’atteindre un taux d’exécution comparable à celui des contrats de projet en métropole, et supérieur à celui de la génération précédente.
En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, la promesse du Premier ministre de maintenir l’engagement financier de l’État à hauteur de 370 millions d’euros pour le futur contrat de développement 2011-2015 a été tenue. Avec les montants complémentaires apportés par les opérateurs de l’État - l’ADEME, l’Association française des ingénieurs et techniciens de l’environnement, l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’Agence nationale de la recherche –, une enveloppe de 400 millions d’euros a au total été mobilisée par l’État.
Je rappelle l’engagement récent du Gouvernement en Nouvelle-Calédonie d’apporter 7 millions d’euros supplémentaires pour accélérer la mise en place d’un programme expérimental de relogement sur site et de requalification de l’habitat spontané dans la Province Sud. J’ai eu l’occasion de visiter le site concerné.
J’avais en effet été très sensible, l’an dernier, aux propos de Pierre Frogier, qui souhaitait que l’on réponde aux attentes d’une jeunesse nombreuse et en mal d’avenir. Je le remercie d’avoir rappelé l’engagement fort et constant de l’État au côté de la Nouvelle-Calédonie durant ces cinq dernières années.
S’agissant de la Province Sud, monsieur le sénateur, je mesure les charges que supporte aujourd’hui votre collectivité en raison de l’attractivité du Grand Nouméa et des problématiques sociales.
Je voudrais dire quelques mots sur le Fonds exceptionnel d’investissement, le FEI.
La volumétrie du FEI sera en augmentation en 2012. Cette volumétrie permettra de faire face à ces échéances et de programmer de nouvelles opérations, comme les investissements nécessaires à la filière de la pêche à Saint-Pierre-et-Miquelon que j’ai annoncés lors de mon dernier déplacement. Le FEI sera doté de 17 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 19 millions d’euros de crédits de paiement.
De façon plus spécifique, je voudrais mentionner des mesures relatives à certains territoires en particulier parce qu’elles répondent à un véritable besoin d’accompagnement.
En Polynésie française, la réforme de la dotation globale de développement économique, la DGDE, a connu sa première année d’application. Je crois, monsieur Tuheiava, que ce dispositif respecte l’autonomie de la Polynésie et met l’accent sur le développement du territoire, en assurant la transparence et le contrôle des fonds publics.
Toutefois, le contexte économique de l’archipel reste préoccupant, vous le savez bien, monsieur le sénateur. En effet, le retour de la confiance parmi les chefs d’entreprise et les investisseurs potentiels s’accommode mal de l’agitation idéologique qui tend à présenter la relation entre la France et la Polynésie française comme un rapport de colonisation auquel il conviendrait de mettre un terme.
Je souhaite également revenir sur la transformation de Mayotte en département, laquelle est devenue effective le 31 mars dernier, respectant ainsi la volonté exprimée par 95 % de la population de Mayotte et l’engagement pris par le chef de l’État.
Ce territoire connaît des tensions sociales sur le thème du pouvoir d’achat. Après une première phase de négociation, conduite par le préfet à ma demande, et à l’issue du déplacement que j’ai effectué le 14 octobre dernier, un protocole d’accord a été signé entre les distributeurs, une organisation syndicale et une association de consommateurs, permettant la baisse immédiate des prix de dix produits.
Le reste de l’intersyndicale n’a pas souhaité participer à cet accord, ce qui m’a conduite à prendre de nouvelles initiatives : j’ai envoyé sur place un expert des questions de concurrence, M. Stanislas Martin, chef de service de la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Son travail a permis d’objectiver le mode de formation des prix de quelques produits très importants pour les Mahorais, en particulier la viande de bœuf.
Sur ce fondement, j’ai demandé à mon ancien directeur de cabinet, ancien préfet de Mayotte, M. Denis Robin, de poursuivre la médiation. Les distributeurs ont alors proposé de faire de nouveaux efforts, en particulier sur la durée de validité des baisses de prix. C’est ce travail qui a conduit l’intersyndicale à suspendre son mouvement.
Il appartient maintenant à toutes les forces vives de Mayotte de faire redémarrer l’économie locale, qui est en souffrance. À cet effet, j’ai réuni à Paris, il y a quarante-huit heures, les principaux élus mahorais, toutes tendances confondues. J’ai clairement indiqué que l’État était prêt à débloquer immédiatement 50 millions d’euros sur les crédits de la mission « Outre-mer » ouverts en 2012 afin de stimuler la commande publique.
Pour contourner les problèmes de cofinancements publics qui bloquent souvent les projets, certaines opérations prioritaires et prêtes à démarrer au premier trimestre de 2012 seront financées, mesdames, messieurs les sénateurs, à 100 % par l’État.
Ce qui est important, c’est de donner très vite une impulsion significative afin, d’une part, de sauver les emplois menacés – il y en a plus de 2 000 – et, d’autre part, de réaliser des investissements publics utiles à la population. Je pense bien sûr à la réhabilitation des routes – il y a beaucoup à faire dans ce domaine –, à la construction de logements, à l’adduction d’eau potable, au traitement des déchets et, bien évidemment, à la construction de nouvelles écoles.
Nous redoublerons aussi d’effort pour développer la production locale et nous aiderons au cas par cas les entreprises en difficulté.
Enfin, nous poursuivrons bien entendu le processus de départementalisation, car il est le meilleur gage de la progression du pouvoir d’achat des Mahorais. Nous avons d’ailleurs acté avant-hier la mise en place d’une instance de suivi, qui se réunira au moins une fois par an pour faire le point des avancées, mais aussi sur les blocages.
Ainsi, dans la suite des deux lois que vous avez votées en fin d’année dernière, le Gouvernement prépare actuellement quatre ordonnances permettant le rapprochement du droit commun. L’une d’elles, particulièrement attendue parce qu’elle concerne la mise en place du RSA à Mayotte, a été présentée en conseil des ministres hier. Son financement est prévu dans le projet de loi de finances que vous examinez actuellement. En année pleine, ce sont près de 16 millions d’euros de revenus nets supplémentaires qui devraient être apportés à Mayotte au titre de la solidarité nationale.
Au total, l’ensemble des crédits d’État pour le territoire, monsieur Soilihi, s’élève à 714 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 674 millions d’euros en crédits de paiement, soit une progression de 3, 2 % des autorisations d’engagement et de 1, 5 % des crédits de paiement.
Sachez, monsieur le sénateur, que, depuis 2007, la dépense de l’État par habitant a progressé sur ce territoire de 68 %, passant de 2 157 euros à 3 614 euros !
J’espère, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avoir convaincus que Mayotte n’est pas le parent pauvre de la République, comme certains l’ont laissé entendre au plus fort de la contestation sociale !
Mesdames, messieurs les sénateurs, la critique est légitime. Elle est même la raison d’être de l’opposition, voire de la majorité, et participe du débat démocratique auquel je suis profondément attachée. Toutefois, quel crédit accorder à ce déversement continu de critiques inégales et contradictoires ?
Nul ne conteste, surtout pas moi, les difficultés conjoncturelles et structurelles auxquelles font face nos outre-mer.
Nul ne conteste que, en outre-mer, les retards de développement, le chômage, le coût de la vie, notamment, frappent durement nos concitoyens les plus fragiles.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Comment nous faire croire, pourtant, que l’État serait le seul à pouvoir relever ces défis ? Quelle part prennent les collectivités ultramarines alors même qu’elles sont les plus décentralisées de la République ?
Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Je ne remets pas en cause l’engagement des élus, mais je crois avant tout à la solidarité et à la collaboration de tous les niveaux d’administration.
Plus fondamentalement, ce qui nous sépare, c’est une certaine idée de l’outre-mer.
En effet, la crise va conduire, nous le savons tous, à une réduction des dépenses publiques.
Il ne faut pas refuser de prendre en compte les conséquences de la crise. Il faut au contraire s’en saisir, car elles constituent une chance d’évoluer, enfin, vers un autre modèle économique, qui ne reposerait plus uniquement sur les transferts publics, mais qui permettrait de tirer la croissance à partir des potentiels de nos territoires.
Vous n’êtes tout de même pas, vous aussi, en train de nous dire que nous sommes des assistés ?
Le Président de la République, le Premier ministre et moi portons ce modèle du développement endogène depuis 2007, …
… et la crise nous a aujourd'hui donné raison.
Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.
La crise rend plus pertinente l’idée qui a toujours été la nôtre dans ce domaine.
Je vous remercie, monsieur Magras, d’avoir rappelé l’engagement du Président de la République et du Gouvernement en faveur de l’outre-mer.
Exclamations sur les mêmes travées.
La crise nous commande, mesdames, messieurs les sénateurs, d’aller plus loin et plus vite dans cette nouvelle vision de l’outre-mer. Elle vous commande, mesdames, messieurs les élus de l’outre-mer, de prendre en main les clés de votre destin au sein de la République.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Les élus, ça fait longtemps qu’ils ne comptent plus sur vous ! Attention à l’overdose de certitudes !
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.
(en euros)
Mission
Autorisations
d’engagement
Crédits de paiement
Outre-mer
Emploi outre-mer
Dont titre 2
133 587 347
133 587 347
Conditions de vie outre-mer
L'amendement n° II-152, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-merDont Titre 2
Conditions de vie outre-mer
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement vise à procéder à un ajustement en raison des transferts de compétences dont vont bénéficier la Nouvelle-Calédonie et Saint-Martin. Il tend à transférer des crédits de la mission « Outre-mer » à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » puisque ces crédits seront versés sous forme de dotation.
La commission des finances n’a pu examiner cet amendement, pas plus du reste que tous ceux qui seront appelés au cours de cette soirée, car elle n’a pas eu l’occasion de se réunir.
Après concertation avec mon collègue Georges Patient, j’émets un avis favorable sur cet amendement §puisque, comme l’a indiqué Mme la ministre, il ne s’agit que d’un jeu d’écriture : nous retrouverons ces 2, 8 millions d’euros ailleurs dans le budget.
L'amendement est adopté.
Nous allons maintenant procéder au vote des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés
Ces crédits sont ne sont pas adoptés.
J’appelle en discussion les amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 52 ter, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Outre-mer ».
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° II-2 rectifié, présenté par MM. S. Larcher, Antiste, J. Gillot, Patient, Antoinette, Desplan, Cornano, Vergoz et Mohamed Soilihi, Mme Claireaux, M. Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 52 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
A - L’article 568 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa :
a. Les mots : «, à compter du 1er août 2011, » sont supprimés ;
b. La seconde phrase est supprimée ;
2° Les deuxième et cinquième alinéas sont supprimés ;
3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les conditions d’application du présent article, notamment le nombre de licences susceptibles d’être créées dans chaque département, ainsi que les modalités de cession d’activité des points de vente dépourvus de licence sont définies par décret. »
B - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l'Etat, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
II. – En conséquence, faire précéder cet article de l’intitulé :
Outre-mer
La parole est à M. Jacques Gillot.
L’article 100 de la loi de finances rectificative pour 2011 a modifié le système de licences existant dans les départements d’outre-mer permettant de réserver la vente de tabac aux seuls titulaires d’une autorisation. Ce système, mis en place dans la loi de finances de 2009, n’avait pu entrer en vigueur du fait de l’absence de publication du décret d’application.
L’article 100 précité a donc permis l’entrée en vigueur du système de licences le 1er août 2011 et a fixé un nombre de licences par département.
La mise en œuvre de cette disposition suscite des difficultés dans l’ensemble des départements d’outre-mer. Elle a donc été rejetée à la suite à l’adoption de motions par l’ensemble des conseils généraux.
Par conséquent, il paraît préférable de revenir au dispositif qui existait auparavant et de laisser le soin au Gouvernement de publier, après concertation avec les professionnels et les collectivités territoriales concernées, le texte réglementaire adéquat.
L'amendement n° II-81, présenté par M. Fontaine, est ainsi libellé :
Après l’article 52 ter
I. – Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 568 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Aux premier, cinquième et sixième alinéas, les mots : « du 1er août 2011 » sont remplacés par les mots : « du 1er janvier 2013 » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le nombre de licences accordées par département est déterminé en application de règles générales d’implantation fixées par décret. Ces règles tiennent notamment compte du nombre d’habitants par commune. » ;
3° Au sixième alinéa, les mots : « au titre de l’année 2011 » sont remplacés par les mots : « au titre de l’année 2013 » et les mots : « au 31 décembre 2011 » sont remplacés par les mots : « au 30 juin 2013 » ;
4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Ne sont pas concernés par l’interdiction prévue au troisième alinéa du présent article, les magasins de commerce de détail du tabac installés, à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … de finances pour 2012, dans les galeries marchandes attenantes à des supermarchés ou des hypermarchés. »
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
II. – En conséquence, faire précéder cet article de l’intitulé :
Outre-mer
La parole est à M. Michel Fontaine.
L’article 568 bis du code général des impôts relatif aux conditions de vente de tabacs manufacturés dans les départements d’outre-mer a été modifié par amendement à la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.
Il apparaît aujourd'hui nécessaire de proroger les délais prévus par la loi du 29 juillet 2011 et de repousser au 1er janvier 2013 l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions.
Le présent amendement tend, en outre, à apporter plusieurs précisions.
Il prévoit que l’instauration de l’obligation de détenir une licence de vente fixée par la loi doit être assortie de critères objectifs d’attribution, qu’il incombe au pouvoir réglementaire de préciser. Il vise donc à supprimer le nombre de licences qui était fixé dans la loi et à renvoyer à un décret la fixation de règles générales d’implantation, par exemple un nombre de débitants de tabac par tranche de population, sur le modèle métropolitain.
Par ailleurs, les zones d’exclusion d’attribution de licence ne doivent pas créer de rupture d’égalité au détriment des débitants de tabacs qui sont actuellement installés et dont l’exercice n’est soumis à aucune restriction ou obligation particulière. Je rappelle qu’aucune disposition législative les concernant n’existait avant l’actuelle loi.
Ainsi, l’exclusion des marchands de tabac installés dans les galeries marchandes, sans aucune contrepartie – alors que les distributeurs de carburants installés à la sortie des mêmes galeries marchandes peuvent, eux, obtenir une licence – crée une rupture d’égalité que l’objectif de santé publique ne justifie pas. En outre, en métropole, les interdictions d’implantation ne concernent que les nouvelles implantations, ce qui ne porte pas préjudice aux commerçants installés.
Je propose donc d’interdire l’octroi de licences dans ces périmètres aux seules implantations futures de détaillants de tabac. Ceux qui sont d’ores et déjà installés dans les galeries marchandes pourraient, en conséquence, obtenir une licence.
Toutefois, les distributeurs de carburant qui souhaiteront s’installer à proximité de galeries marchandes ou de supermarchés pourraient obtenir une licence sans restriction.
La vente de tabac dans les DOM n’était pas réglementée jusqu’à l’adoption, dans le cadre de la loi HPST du 21 juillet 2009, d’un dispositif de délivrance de licences encadrant la vente de tabac dans les DOM, sur le modèle du régime existant en métropole.
Le décret d’application du dispositif n’ayant jamais été publié malgré vos engagements, madame la ministre, le Sénat avait adopté, dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 2011, et avec un avis favorable de sa commission des finances, un amendement de Mme Anne-Marie Payet imposant l’entrée en vigueur du dispositif au 1er août 2011, et précisant dans la loi les modalités de son application que ledit décret devait fixer.
Face aux difficultés rencontrées pour mettre en œuvre ce dispositif, l’amendement n° II-2 tend à réintroduire la référence à un décret d’application. L’entrée en vigueur du nouveau régime serait conditionnée à la publication de ce texte réglementaire.
C’est pourquoi nous émettons un avis favorable sur cet amendement.
L’amendement n° II-81, quant à lui, soulève le même problème, mais apporte une réponse différente. En effet, il a pour objet de repousser l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions du 1er août 2011 au 1er janvier 2013. La commission demande donc à M. Fontaine de retirer son amendement, le texte présenté par M. Gillot paraissant plus satisfaisant.
Ces amendements ont tous deux pour objet la délivrance des licences pour la vente de tabac.
Le Gouvernement devait certes adopter un décret d’application : sa rédaction a d’ailleurs été engagée. Toutefois, il convient de préciser devant la représentation nationale que ce texte suscite un certain nombre d’interrogations, voire une opposition forte des conseils généraux des territoires concernés.
À ce titre, je comprends la logique de l’amendement n° II-2, qui, pour nous permettre d’examiner les règles d’application de cette réforme, tend à supprimer toute mention de la date de mise en œuvre de la réforme.
La démarche de M. Fontaine, qui consiste à nous donner du temps pour travailler en lien avec les collectivités, de manière à examiner les conditions d’application de cette réforme, me paraît plus appropriée.
Je rappelle en effet que cette réforme poursuit un objectif de santé publique et qu’il ne faut à aucun prix renoncer à fixer une échéance : une telle décision signifierait que nous renonçons à cette réforme fondamentale, qui est déjà appliquée en métropole.
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur l’amendement présenté par M. Gillot et un avis favorable sur celui qu’a présenté M. Fontaine.
Madame la ministre, je tiens à vous préciser que, depuis le vote de cet amendement de notre ancienne collègue Mme Payet, une économie parallèle du tabac s’est développée dans les départements d’outre-mer, notamment en Guadeloupe et en Martinique, où la majeure partie du tabac se vend désormais de manière illégale.
Nous partageons votre objectif de santé publique. Comment, d’ailleurs, le médecin que je suis pourrait-il ne pas l’approuver ? Toutefois, il convient d’observer que, du simple fait de cette économie souterraine, il sera extrêmement difficile d’atteindre cet objectif, aussi louable soit-il.
Faut-il supprimer toute mention d’échéance ou indiquer celle de 2013 ? Il y a peut-être là le signe d’un clivage.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 52 ter, et l’amendement n° II-81 n’a plus d’objet.
L'amendement n° II-3, présenté par MM. S. Larcher, Antiste, J. Gillot, Patient, Antoinette, Desplan, Cornano, Vergoz et Mohamed Soilihi, Mme Claireaux, M. Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 52 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 268 du code des douanes est complété par un 5 ainsi rédigé :
« 5. La livraison à destination des départements de Martinique et de Guadeloupe de tabacs manufacturés, qui ont fait l’objet d’une importation dans l’un de ces départements, donne lieu à un versement du droit de consommation au profit de la collectivité départementale du département de destination.
« Le versement est prélevé sur le produit du droit de consommation sur les tabacs perçus dans le département d’importation.
« Il est procédé au versement six mois au plus tard après la date à laquelle a été réalisée la livraison des tabacs dans le département de destination. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article de l’intitulé :
Outre-mer
La parole est à M. Serge Larcher.
Nous restons sur le sujet du tabac, et donc sur celui de la santé publique.
Je rappelle que c’est la loi d’orientation pour l’outre-mer de décembre 2000 – j’insiste sur la date ! – qui a attribué aux conseils généraux des départements d’outre-mer le pouvoir de fixer par délibération non seulement les taux, mais aussi l’assiette du droit de consommations sur les tabacs.
Les conseils généraux bénéficient donc désormais du produit de ce droit de consommation, jusqu’alors destiné à l’État. Ainsi la taxe sur les tabacs constitue-t-elle, au même titre que l’octroi de mer, un élément d’autonomie fiscale des collectivités d’outre-mer.
Dès l’origine, la mise en œuvre de ce dispositif aux Antilles s’est heurtée à un certain nombre de difficultés du fait de l’existence du marché unique entre la Martinique et la Guadeloupe, notamment. En effet, le droit de consommation est exigible soit à l’importation soit à l’issue de la fabrication dans les usines locales : les importateurs peuvent donc choisir de dédouaner en Guadeloupe les produits destinés à être consommés en Martinique et réciproquement.
En réalité, ces importateurs privilégiaient évidemment la collectivité dont le niveau de taxation était le plus bas : les deux départements ont donc été conduits à harmoniser leurs taux pour éviter que l’un ou l’autre d’entre eux ne soit pénalisé.
Aujourd’hui, les difficultés persistent cependant : les importateurs continuent à privilégier le département de la Guadeloupe. Du fait du différentiel du coût de taxes existant entre les ports de Jarry, en Guadeloupe, et de Fort-de-France, en Martinique, cette dernière collectivité est privée des ressources financières attendues.
Mes chers collègues, je vous propose donc de modifier le dispositif existant afin de garantir que le département destinataire est bien celui qui reçoit le produit du droit de consommation sur les tabacs. Le versement prélevé par le département d’importation sera ainsi reversé au département de destination.
Il s’agit à la fois d’un problème de santé publique et de fiscalité, qui concerne deux départements, la Guadeloupe et la Martinique : il convient en effet que la taxation soit appliquée de manière effective sur le territoire où les tabacs sont consommés.
Après avoir évoqué la question avec le président de la commission des finances et la rapporteure générale, Georges Patient et moi-même avons décidé de nous en remettre, sur cet amendement, à la sagesse du Sénat, en espérant qu’elle s’exprimera de manière bienveillante.
Chaque collectivité est libre de fixer le niveau de ses taxes et doit conserver sa compétence fiscale. Monsieur Serge Larcher, le dispositif que vous venez de décrire s’inscrit dans cette perspective. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement s’en remet, comme la commission, à la sagesse du Sénat.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 52 ter.
L'amendement n° II-39, présenté par MM. Patient et Doligé, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I.- Après l’article 52 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1519 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Les deuxième et troisième alinéas du I sont supprimés ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) Le 1°bis est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Pour les gisements en mer situés au-delà de 1 mille marin des lignes de bases définies à l’article 1er de la loi n° 71-1060 du 24 décembre 1971 relative à la délimitation des eaux territoriales françaises, les tarifs de la redevance communale des mines sont fixés à :
« - 186 euros par 100 000 mètres cubes extraits pour les gisements de gaz naturel ;
« - 556 euros par centaine de tonnes nettes extraites pour les gisements de pétrole brut. » ;
b) Au 1° ter, après les mots : « mis en exploitation à compter du 1er janvier 1992 », sont insérés les mots : «, à l’exception des gisements situés au-delà de 1 mille marin des lignes de bases définies à l’article 1er de la loi n° 71-1060 du 24 décembre 1971 précitée ».
II.- En conséquence, faire précéder cet article de l'intitulé :
Outre-mer
La parole est à M. Éric Doligé, rapporteur spécial.
Cet amendement est très proche de l’amendement n° II-41, et, si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai les deux en même temps.
J’appelle donc également en discussion l’amendement n° II-41, présenté par MM. Patient et Doligé, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. - Après l’article 52 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1587 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Les deuxième et troisième alinéas du I sont supprimés ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) Le 1° bis est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Pour les gisements en mer situés au-delà de 1 mille marin des lignes de bases définies à l’article 1er de la loi n° 71-1060 du 24 décembre 1971 relative à la délimitation des eaux territoriales françaises, les tarifs de la redevance départementale des mines sont fixés à :
« - 272 euros par 100 000 mètres cubes extraits pour les gisements de gaz naturel ;
« - 715 euros par centaine de tonnes nettes extraites pour les gisements de pétrole brut. » ;
b) Au 1° ter, après les mots : « mis en exploitation à compter du 1er janvier 1992 », sont insérés les mots : «, à l’exception des gisements situés au-delà de 1 mille marin des lignes de bases définies à l’article 1er de la loi n° 71-1060 du 24 décembre 1971 précitée. » ;
3° Il est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« IV. - Les modalités d’attribution de la redevance départementale des mines sont fixées par décret en Conseil d’État. »
II. - En conséquence, faire précéder cet article de l’intitulé :
Outre-mer
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur spécial.
L’amendement n° II-39 a pour objet d’étendre la redevance communale des mines aux gisements de pétrole et de gaz naturel offshore situés au-delà d’un mille marin. Cette extension devrait notamment permettre aux communes guyanaises, dont les finances sont dégradées, de bénéficier de recettes fiscales résultant de l’exploitation éventuelle du gisement d’hydrocarbures découvert par les groupes Total et Shell à environ 150 kilomètres au large de Cayenne.
Dans ce cadre, les tarifs de la redevance seraient fixés au même niveau que pour l’ensemble des gisements de pétrole et de gaz naturel mis en exploitation en métropole avant le 1er janvier 1992.
L’amendement n° II-41 a le même objet mais concerne, lui, la redevance départementale.
La découverte de ressources pétrolières constitue un enjeu majeur pour la Guyane et, sitôt ces gisements découverts, le Gouvernement a très clairement indiqué qu’ils ne pourraient être exploités sans que ce territoire bénéficie de retombées économiques et financières.
Toutefois, j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements. Sur le principe, la perception de ces deux redevances n’appelle pas d’objection, mais les amendements ne tiennent pas compte de la fusion, prévue pour 2014, en une collectivité territoriale unique. Or celle-ci devra également bénéficier de cette redevance pour pouvoir assumer son rôle en matière de développement économique. C’est d’ailleurs ce qui a conduit le Gouvernement à déposer un amendement qui sera examiné dans le prolongement de ces deux-ci.
Ces deux amendements ont pour objet d’étendre une redevance existant déjà pour les mines aux gisements de pétrole offshore, dont l’exploitation n’aurait, en l’état actuel du droit, aucune retombée en Guyane.
Chacun l’a compris, ces deux redevances sont respectivement destinées aux communes et au conseil général.
Très souvent, lorsque j’interviens pour mettre en lumière la situation financière très dégradée des collectivités de Guyane, communes et département, on me rétorque qu’en cette période de gel des dotations aux collectivités locales, il n’est pas question de faire une exception pour celles de Guyane. Hier, Mme Pécresse parlait même d’« enveloppe fermée » à propos de l’octroi de mer, laissant ainsi entendre qu’il n’y avait, pour l’heure, aucune perspective d’amélioration des finances locales guyanaises.
Or, vous le savez, les comptes des collectivités de Guyane sont dans un état critique, compte tenu de l’expansion démographique, de l’étendue du territoire et du fait que les communes d’outre-mer en général, mais de Guyane en particulier, souffrent de nombreuses mesures discriminatoires. Je citerai simplement les 27 millions d’euros d’octroi de mer qui sont prélevés au détriment de nos communes ainsi que la dotation superficiaire qui est plafonnée uniquement pour ce département !
Pour une fois, il est possible de dégager une recette qui provient non pas d’une dotation d’État, mais de nos ressources naturelles !
Madame la ministre, je suis donc désagréablement surpris de l’avis défavorable que vous émettez sur ces amendements, d’autant que celui que vous allez présenter dans quelques instants tend à partager en deux les retombées financières des éventuels gisements de pétrole : une moitié pour la région, une moitié pour l’État.
Je maintiens donc les deux amendements présentés par la commission des finances et j’espère très vivement qu’ils seront adoptés par la Haute Assemblée.
M. Félix Desplan applaudit.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 52 ter.
Je mets aux voix l'amendement n° II-41.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 52 ter.
L’amendement n° II-166, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 52 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Après l’article L. 132-16 du code minier, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 132-16-1.- Pour les gisements en mer situés dans les limites du plateau continental, à l’exception des gisements en mer exploités à partir d’installations situées à terre, les titulaires de concessions de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux sont tenus de payer annuellement à l’État, au profit de ce dernier et des régions, une redevance à taux progressif et calculée sur la production. Cette redevance est due au jour de la première vente des hydrocarbures extraits à l’intérieur du périmètre qui délimite la concession.
« La redevance est calculée en appliquant un taux à la fraction de chaque tranche de production annuelle. Ce taux est progressif et fixé par décret en fonction de la nature des produits, du continent au large duquel est situé le gisement, de la profondeur d’eau, de la distance du gisement par rapport à la côte du territoire concerné et du montant des dépenses consenties pendant la période d’exploration et de développement, dans la limite de 12 %. Il s’applique à la valeur de la production au départ du champ.
« Le produit de la taxe est affecté pour 50 % à l’État et pour 50 % à la région dont le point du territoire est le plus proche du gisement.
« Le recouvrement de la redevance instituée au présent article, dont la perception incombe aux comptables publics chargés des recettes domaniales de l’État, s’opère dans les conditions prévues en matière domaniale à l’article L. 2321-1 du code général de la propriété des personnes publiques.
« Un décret précise les modalités d’application du présent article, notamment les garanties assurées au titulaire du titre d’exploitation en ce qui concerne la détermination de la base de calcul de la redevance. »
II. - Les dispositions du I s’appliquent aux ventes d’hydrocarbures réalisées à compter du 1er janvier 2014.
La parole est à Mme la ministre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la perspective d’une exploitation pétrolière constitue un enjeu économique majeur tant pour la Guyane que pour la France dans son ensemble. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de l’affirmer, avec mes collègues Nathalie Kosciusko-Morizet et Éric Besson, dès l’annonce de la découverte de gisements d’hydrocarbures au large de la Guyane.
Je le répète au nom du Gouvernement, si l’exploitation de ces gisements s’avère possible, elle doit impérativement profiter à la Guyane et contribuer à son développement économique. L’amendement que je vous présente a pour objet d’inscrire ce principe dans la loi, pour tenir l’engagement pris à l’égard du président du conseil régional, Rodolphe Alexandre, dès que les gisements ont été découverts.
Mais, soyons-en conscients, aux dires des entreprises pétrolières, une exploitation ne sera pas possible avant cinq ans. Or, vous le savez, dès 2014, la Guyane constituera une collectivité unique, conformément au vote du Parlement. C’est donc à celle-ci que les titulaires de concessions devront acquitter une redevance, laquelle doit permettre à cette collectivité d’assumer ses compétences en matière de développement économique du territoire. Cependant les communes doivent aussi bénéficier des retombées économiques d’une exploitation pétrolière au large de la Guyane, car elles doivent pouvoir faire face, en fonction de leurs compétences, à la pression environnementale sans cesse croissante et aux besoins d’équipements du territoire.
Pendant ces cinq ans, nous devrons étudier dans quelles conditions la Guyane pourra bénéficier des perspectives de développement économique qui lui sont ainsi offertes. Il faut identifier tous les besoins en termes d’infrastructures, de supports logistiques des entreprises pétrolières, de formation des personnels, et calibrer au mieux le montant de la redevance associée à cette exploitation. Aujourd’hui, trop d’incertitudes demeurent. Il est donc encore trop tôt pour fixer le taux de la redevance.
C’est pourquoi je vous annonce, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement va confier à un ingénieur général des mines une mission d’appui chargée d’étudier toutes les dimensions de ce dossier. Avec le concours du président du conseil régional et de l’ensemble des élus, cette mission sera mise en place très prochainement, de manière à mieux associer les collectivités locales à la définition du taux et de l’assiette de la redevance, afin que la Guyane puisse disposer d’une fiscalité équilibrée.
La situation est délicate, les deux rapporteurs spéciaux n’ayant pas forcément le même avis sur cet amendement…
Cela étant, les deux amendements qui viennent d’être adoptés faisaient référence aux communes et au département, le présent amendement vise la région de Guyane, mais, comme l’a indiqué Mme la ministre, la région et le département fusionneront en une collectivité unique en 2014. Quelle que soit la collectivité visée, il s’agit de répartir une manne potentielle.
Les deux amendements précédents ont été présentés par commission des finances qui les a adoptés à l’unanimité. En revanche, l’amendement n° II-166 ne lui a pas été soumis, même si les rapporteurs spéciaux ont pu recueillir l’avis de son président et de la rapporteure générale.
À titre personnel, cet amendement me semble bon techniquement. Mais, comme l’a dit Mme la ministre, un travail important de réflexion et d’analyse devra être réalisé pour essayer de trouver des dispositifs applicables d’ici à quatre ou cinq ans.
Je comprends fort bien la position de Georges Patient. Lors du déplacement que j’ai effectué en Guyane avec plusieurs collègues afin d’élaborer un rapport d’information, nous avons constaté l’existence de ressources dont la collectivité n’arrive cependant pas à bénéficier. Il est toujours difficile d’admettre ce fait.
Politiquement – je ne pense pas qu’un tel raisonnement soit interdit –, si le Sénat adoptait l’amendement du Gouvernement, il enverrait un bon signal, dans la mesure où, au cours de la navette parlementaire, cet amendement aurait des chances de connaître une certaine pérennité. À terme, il serait intéressant que s’exprime enfin une volonté commune de permettre à la Guyane de bénéficier le plus possible de la future exploitation pétrolière.
Il serait dommage de repousser cet amendement, car il complète les deux précédents que vient d’adopter la majorité sénatoriale.
Mme la ministre comme M. Doligé ont laissé entendre qu’un travail important devait encore être fait. Or je constate que le produit de la redevance en cause est déjà réparti ; il est en effet affecté pour 50 % à la région et pour 50 % à l’État. Mme la ministre a par ailleurs évoqué la date de mise en place de la collectivité unique, à savoir 2014.
Je saisis cette occasion pour revenir sur un sujet qui me tient à cœur, l’octroi de mer. Comme vous le savez, contrairement aux autres DOM, le département de Guyane bénéficie d’une part du produit de l’octroi de mer prélevée sur la part communale, à hauteur de 27 millions d’euros. Madame la ministre, nous serions favorables à l’amendement que vous venez de présenter si, et seulement si, vous nous promettiez que cette somme serait déduite des 50 % dévolus à l’État pour être reversée aux communes.
Je sais bien que le Gouvernement peut déposer des amendements à tout moment. Mais, s’agissant d’un amendement d’une telle importance, il eût été préférable que nous soyons informés au préalable, afin que nous en débattions en toute connaissance de cause avec les spécialistes de la question.
Je constate la gêne de Georges Patient. Pour ma part, naïvement, n’étant pas au fait de la question, car la Martinique n’est pas dotée de sous-sols riches…
Mais cela peut venir effectivement !
J’avais pensé que l’adoption des deux amendements présentés par la commission des finances ferait « tomber » l’amendement déposé par le Gouvernement. Celui-ci venant d’être distribué à l’instant même, je n’ai pas eu le temps de l’étudier. De surcroît, je considère que les informations qui nous sont fournies aujourd’hui sont insuffisantes. Or, en bonne démocratie, une information complète, exhaustive, doit être délivrée préalablement à toute décision. Par conséquent, madame la ministre, je ne pourrai pas vous suivre.
On nous propose un tour de passe-passe que nous ne pouvons que refuser. Il interdirait aujourd’hui aux collectivités territoriales de pouvoir bénéficier de ces ressources futures. Alors que la représentation nationale constate les largesses accordées par le Gouvernement aux groupes pétroliers, à Total en particulier, j’estime que nos collègues ultramarins auraient intérêt à faire preuve d’une vigilance extrême à l’égard de cette proposition.
Par ailleurs, une collectivité unique va être mise en place en Guyane d’ici à 2014. Mais, si l’on s’engouffre dans la brèche ouverte par Mme la ministre, il conviendrait d’attendre, avant d’entreprendre quoi que ce soit, la constitution de cette collectivité hybride regroupant les conseils général et régional. Or ce n’est pas possible.
Il s’agit donc d’une manœuvre de diversion pour essayer de récupérer de l’argent au profit de l’État et de combler les déficits creusés chaque jour par le gouvernement de M. Fillon. C’est pourquoi je ne voterai pas cet amendement.
Je serais gêné de devoir voter contre cet amendement, car il tend à apporter des fonds aux collectivités locales. Cependant, je pense qu’il n’est pas techniquement mûr. Ce soir, nous risquons de nous prononcer sans vraiment maîtriser toutes les données du problème.
Madame la ministre, lors de l’examen du collectif budgétaire de fin d’année, nous disposerons de beaucoup plus d’éléments qu’à ce jour. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer momentanément votre amendement et de le représenter lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative. Il pourra alors être adopté.
Dans la négative, je me verrais contraint de voter contre cet amendement, à mon grand regret.
Il me semble qu’une petite confusion a eu lieu tout à l’heure entre le conseiller territorial et la collectivité unique…
Le conseiller territorial ne concerne pas la Guyane, et la nouvelle structure mise en place ne sera pas « hybride ».
Mon cher collègue, je vous rappelle que le principe de la collectivité unique a été adopté localement !
Cela étant, il serait dommage de refuser une recette potentielle à cette future collectivité.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° II-17 rectifié, présenté par MM. J. Gillot, Cornano, Desplan, S. Larcher, Antiste, Patient, Antoinette, Tuheiava, Vergoz et Mohamed Soilihi, Mme Claireaux et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 52 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 1519 du code général des impôts est complété par un paragraphe VII ainsi rédigé :
«VII. – 1° Nonobstant les autres dispositions du présent article, dans le cas de l’exploitation de gîtes géothermiques à des fins de production d’électricité dans les départements d’outre-mer, la redevance des mines, versée aux collectivités sur lesquelles sont situés ces gîtes, est assise sur la quantité d’électricité nette produite et livrée au réseau public de transport ou de distribution d’électricité.
« 2° À compter du 1er janvier 2012, le tarif de la redevance des mines, portant sur l’exploitation des gîtes géothermiques à des fins de production d’électricité dans les départements d’outre-mer, est fixé par décret. Ce taux évolue chaque année comme l’indice de valeur du produit intérieur brut total, tel qu’il est estimé dans la projection économique présentée en annexe au projet de loi de finances de l’année. Les tarifs sont arrondis au dixième d’euro le plus proche.
« 3° À compter du 1er janvier 2012, le montant de la redevance des mines portant sur l’exploitation des gîtes géothermiques à des fins de production d’électricité dans les départements d’outre-mer est répercuté intégralement et de plein droit dans les contrats de vente d’électricité et payé par l’acheteur dans les mêmes conditions que l’électricité injectée sur le réseau public de transport ou de distribution d’électricité.
« Les tarifs d’achat de l’électricité produite dans les départements d’outre-mer par les installations utilisant l’énergie des nappes aquifères ou des roches souterraines, fixés en application du code de l’énergie, sont augmentés de plein droit du montant correspondant à la redevance des mines.
« 4° Les modalités d’application des 1° et 2°, ainsi que les modalités de répartition de la redevance des mines portant sur l’exploitation des gîtes géothermiques à des fins de production d’électricité dans les départements d’outre-mer, sont fixées par décret en Conseil d’État. »
II. – Au second alinéa de l’article 1463 du même code, après les mots : « minerai de fer », sont insérés les mots « et les entreprises qui exploitent des gîtes géothermiques ».
III. – En conséquence, faire précéder cet article de l’intitulé
Outre-mer
La parole est à M. Félix Desplan.
De nombreux sites d’exploitation géothermique sont implantés outre-mer. Or les collectivités sur le territoire desquelles sont situées ces exploitations ne retirent aucun bénéfice de celles-ci, alors même qu’elles sont sollicitées pour octroyer des subventions pour la recherche et l’exploitation et que les communes subissent des nuisances évidentes.
En Guadeloupe, un important site géothermique est exploité depuis plusieurs années ; cette expérience va d’ailleurs prochainement être mise à profit dans d’autres parties de la Caraïbe. Or un décret a récemment étendu le champ d’exploration et de forage de ce site. À cette fin, le Bureau de recherches géologiques et minières et EDF sollicitent exclusivement des aides publiques.
Ainsi, les collectivités et leur population ne supportent que les charges et les nuisances de cette production électrique, alors que l’exploitation de leurs richesses naturelles devrait leur créer des ressources.
Le présent amendement a donc pour objet de créer une redevance au profit de ces collectivités dont le taux et l’assiette seront fixés par décret, en fonction des coûts de production.
Cette fois-ci, il me sera plus facile d’exprimer la position de la commission, puisque Georges Patient et moi-même sommes du même avis.
Cet amendement prévoit la création d’une nouvelle ressource fiscale pour les communes des départements d’outre-mer. Il s’agit d’une redevance des mines assise sur la quantité d’électricité produite par l’exploitation de gîtes géothermiques.
Cet amendement pose un certain nombre de problèmes.
Tout d’abord, la redevance des mines porterait sur les minerais extraits et non sur l’électricité produite.
Ensuite, l’amendement mentionne un taux de taxation, alors que ses auteurs semblent souhaiter l’application d’un tarif indexé sur l’évolution du PIB.
En outre, il est prévu que le tarif sera fixé non par la loi mais par décret, ce qui pourrait être contraire aux exigences de l’article 34 de la Constitution.
Enfin, la redevance serait répercutée sur le prix d’achat de l’électricité, ce qui risquerait d’augmenter le coût de cette dernière pour les consommateurs.
Pour toutes ces raisons, et dans la mesure où nous estimons qu’il n’est pas urgent de légiférer, nous demandons le retrait de cet amendement.
Je souscris aux propos de M. le rapporteur spécial. En effet, si je peux comprendre le principe de cette redevance, j’appelle votre attention sur deux points.
D’une part, il faut tenir compte des observations formulées par la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, au sujet de la tarification : les modalités choisies ne doivent pas affecter le pouvoir d’achat. L’électricité produite par géothermie ne doit pas devenir trop onéreuse, sans quoi elle sera désavantagée par rapport aux énergies fossiles.
D’autre part, il semblerait que l’électricité produite par géothermie soit déjà taxée dans le cadre de la cotisation foncière des entreprises.
Ces divers aspects techniques mériteraient donc d’être étudiés de manière plus approfondie. Dans l’immédiat, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Notre position est cohérente : tout à l’heure, nous avons demandé à Mme la ministre de retirer son amendement, car un certain nombre de précisions techniques nous faisaient défaut ; puisqu’il apparaît, d’après l’intervention de M. le rapporteur spécial, qu’il en va de même s’agissant de notre amendement, nous acceptons de le retirer.
Nous le présenterons à nouveau, enrichi des éléments qui manquent aujourd’hui, lors de l’examen du collectif budgétaire de fin d’année. Nous montrerons ainsi l’intérêt que l’instauration de la redevance des mines présente pour les collectivités d’outre-mer. Enfin, notre collègue l’a rappelé, de nombreuses subventions sont demandées à ces collectivités pour financer l’exploitation de gîtes géothermiques à des fins de production d’électricité.
Je suis d’accord avec mon collègue, et je retire donc cet amendement, monsieur le président.
L’amendement n° II-17 rectifié est retiré.
L’amendement n° II-80, présenté par MM. Patient, S. Larcher, Antiste, J. Gillot, Antoinette, Desplan, Cornano, Vergoz et Mohamed Soilihi, Mme Claireaux, M. Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
I. - Après l’article 52 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 5141-4 et au 2° du II de l’article L. 5141-5 du code général de la propriété des personnes publiques, l’année : « 1998 » est remplacée par l’année : « 2008 ».
II. - En conséquence, faire procéder cet article de l’intitulé :
Outre-mer
La parole est à M. Georges Patient.
Je tiens à préciser que je n’interviens pas en qualité de rapporteur spécial. Cet amendement concerne les agriculteurs guyanais exerçant leur activité sans titre.
En matière agricole, comme dans bien d’autres domaines, la situation de la Guyane est très spécifique : selon le recensement de l’an 2000, 70 % des agriculteurs y exercent leur activité sans titre. Cette situation s’explique notamment par le fait que le territoire guyanais relève à 90 % du domaine privé de l’État.
Les articles L. 5141-1 à L. 5141-6 du code général de la propriété des personnes publiques permettent à l’État de céder, sous certaines conditions, des terres de son domaine privé en vue de leur mise en valeur agricole.
L’article L. 5141-4 dispose ainsi que ces terres peuvent être cédées à des « personnes se livrant à une activité essentiellement agricole qui […] ont réalisé l’aménagement et la mise en valeur des terres mises à leur disposition par l’État, les ont exploitées directement à des fins exclusivement agricoles et qui s’engagent à les maintenir à cet usage pendant trente ans à compter de la date de transfert de propriété ».
Avant l’adoption par le Parlement de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, ces cessions devaient en outre remplir les trois conditions suivantes : l’installation devait avoir eu lieu avant le 4 septembre 1998 ; l’activité agricole devait avoir été exercée sur ces terres pendant au moins cinq ans ; la demande de cession devait avoir été présentée avant le 31 décembre 2006.
L’article 96 de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche a prolongé le délai de présentation des demandes de cession jusqu’au 31 décembre 2016. Il paraît donc aujourd’hui nécessaire de reporter de dix ans la date limite d’installation, pour la fixer au 4 septembre 2008.
L’adoption de cet amendement permettrait ainsi de débloquer certaines situations et de soutenir le développement de l’agriculture guyanaise. En effet, la maîtrise du foncier constitue un préalable : sans titre, les exploitants agricoles ne peuvent avoir accès à aucun financement, qu’il s’agisse d’aides publiques ou de crédits bancaires.
Il s’agit d’un amendement intéressant, car il tend à régler un problème de superposition de dates. La commission n’ayant pu examiner ce texte, je ne peux m’exprimer en son nom. À titre personnel, tout en étant plutôt favorable à cet amendement, je m’en remettrais à la sagesse de notre assemblée. Je souhaiterais cependant connaître l’avis du Gouvernement.
Cet amendement vise à encourager le développement des productions agricoles en Guyane. En effet, nombre d’agriculteurs ne possèdent pas les terres qu’ils exploitent, et se trouvent ainsi souvent dans une situation d’illégalité.
Il importe de régulariser ces situations. Toutefois, dans la mesure où des dispositions réglementaires permettent déjà de le faire, j’estime que cet amendement n’a pas de raison d’être. Par conséquent, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
La commission s’en remet également à la sagesse du Sénat, monsieur le président.
L’amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 52 ter.
L’amendement n° II-91 rectifié, présenté par Mme Farreyrol et M. Fontaine, est ainsi libellé :
I. - Après l’article 52 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après les mots : « dès 2009 », la fin du premier alinéa du II de l’article 3 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer est ainsi rédigée : « ; initialement instituée pour une durée de trois ans, cette mesure d’exonération est prolongée pour une durée d’un an à compter du 1er janvier 2012 ; elle est ensuite dégressive à compter du 1er janvier 2013 ; elle prend fin au 31 décembre 2014. »
II. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
II. - En conséquence, faire précéder cet article de l’intitulé
Outre-mer
La parole est à Mme Jacqueline Farreyrol.
À l’issue de la crise de 2009, des accords interprofessionnels ont été signés dans tous les départements d’outre-mer : ils prévoyaient notamment l’attribution d’une prime exceptionnelle aux salariés des entreprises concernées.
La loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, ou LODEOM, disposait, quant à elle, que ces primes exceptionnelles seraient exonérées de charges patronales et salariales pendant trois ans. Cette mesure d’exonération prendra donc fin au début de l’année 2012.
Si quelques entreprises ont fait le choix d’intégrer ces primes aux salaires de leurs employés, la plupart d’entre elles n’ont pas retrouvé une situation financière leur permettant de fournir un tel effort. À la Réunion, c’est notamment le cas dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.
Afin de soutenir ces entreprises, le présent amendement tend à prolonger d’un an l’exonération de charges, puis de la diminuer graduellement jusqu’au 31 décembre 2014.
Je tiens à préciser que cet amendement a déjà été déposé à l’Assemblée nationale par notre collègue René-Paul Victoria, mais n’a pas été examiné.
Par ailleurs, je sais qu’un amendement traitant du même sujet a été présenté lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2012. Toutefois, en accord avec notre collègue Michel Fontaine, j’ai souhaité maintenir mon amendement, afin de connaître la position du Gouvernement sur le sort réservé à cette exonération.
Je remercie Mme Farreyrol et M. Fontaine d’avoir déposé cet amendement.
Toutefois, comme vous l’avez indiqué, ma chère collègue, un amendement visant également à prolonger l’exonération des primes exceptionnelles, déposé par M. Vergès et les membres du groupe CRC, a été adopté lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2012. Vous avez ainsi obtenu satisfaction, triplement même, si j’ose dire, puisque l’amendement adopté prévoit une prolongation de trois ans de la mesure d’exonération. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.
Les organisations professionnelles m’ont dit à plusieurs reprises qu’il sera difficile aux entreprises de continuer à verser les primes exceptionnelles si elles ne bénéficient plus de l’exonération de charges. Comme vous l’avez souligné, madame la sénatrice, c’est notamment le cas dans le secteur du bâtiment et des travaux publics à la Réunion.
Toutefois, je souhaite que nous prenions une mesure d’ordre général qui s’applique à l’ensemble de l’outre-mer. Le Gouvernement déposera un amendement en ce sens lors de la deuxième lecture du projet de loi de finances pour 2012. Je vous demande donc de retirer votre amendement.
L’amendement n° II-91 rectifié est retiré.
Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ».
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 25 novembre 2011, à neuf heures trente, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (n° 106, 2011-2012).
Examen des missions :
Écologie, développement et aménagement durables (+ articles 50, 51, 51 bis, 51 ter, 51 quater, 51 quinquies et 51 sexies)
Budget annexe : contrôle et exploitation aériens
Compte spécial : contrôle de la circulation et du stationnement routiers
Compte spécial : services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
Compte spécial : avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres (+ article 64 ter)
MM. Gérard Miquel, François Fortassin, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Vincent Delahaye, rapporteurs spéciaux (rapport n° 107, annexe n° 10)
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (avis n° 110, tome III)
MM. Roland Courteau, Mme Élisabeth Lamure, MM. Charles Revet, Bruno Sido et Roland Ries, rapporteurs pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (avis n° 111, tome II)
Travail et emploi (+ articles 62, 62 bis et 63 à 63 quater)
Compte spécial : financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage
MM. François Patriat et Serge Dassault, rapporteurs spéciaux (rapport n° 107, annexes n° 30 a et 30 b)
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 109, tome VII)
Culture (+ article 49 quinquies et 46 sexies)
MM. Yann Gaillard et Aymeri de Montesquiou, rapporteurs spéciaux (rapport n° 107, annexe n° 7)
MM. Vincent Eblé et Philippe Nachbar, rapporteurs pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (avis n° 110, tome II, fascicule 1)
M. Jean-Pierre Leleux, Mmes Maryvonne Blondin et Cécile Cukierman, rapporteurs pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (avis n° 110, tome II, fascicule 2)
Médias, livre et industries culturelles (+ article 52 ter)
Compte spécial : avances à l’audiovisuel public
M. Claude Belot, rapporteur spécial (rapport n° 107, annexe n° 17)
M. Yves Rome et Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères et de la défense (avis n° 108, tome X)
M. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (avis n° 110, tome V, fascicule 1)
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (avis n° 110, tome V, fascicule 2)
Mme Claudine Lepage, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (avis n° 110, tome V, fascicule 3)
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le vendredi 25 novembre 2011, à une heure.