Intervention de Pierre Frogier

Réunion du 24 novembre 2011 à 21h45
Loi de finances pour 2012 — Outre-mer

Photo de Pierre FrogierPierre Frogier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est la première fois que j’ai l’honneur de prendre la parole dans cet hémicycle prestigieux. Après avoir passé un certain nombre d’années sur les bancs de l’Assemblée nationale, je suis conscient de la responsabilité qui est la mienne : représenter dorénavant la Nouvelle-Calédonie au sein de la Haute Assemblée. Je partage cette responsabilité avec mon collègue Hilarion Vendegou.

Entre 2014 et 2018, les Calédoniens seront consultés pour dire comment ils voient leur avenir. Dans cette perspective, nous avons la volonté d’imaginer avec l’État une solution institutionnelle originale, novatrice et consensuelle qui puisse être acceptée par le plus grand nombre d’entre nous et qui sera soumise à la consultation de nos populations.

C’est ce projet d’avenir que nous voulons porter pour la Nouvelle-Calédonie. J’ai la conviction que le Sénat, assemblée des collectivités territoriales, aura un rôle essentiel à jouer dans la préparation et l’adoption de cette solution institutionnelle de long terme, qui pourrait être très novatrice sur le plan juridique.

Je compte sur vous, mes chers collègues, pour nous accompagner dans la voie difficile que nous avons choisie et pour nous aider à construire une Nouvelle-Calédonie apaisée et réconciliée avec elle-même.

Mais déjà, nous y travaillons ! Ceux d’entre vous qui suivent l’actualité de notre lointain territoire savent que désormais, sur ma proposition, le drapeau identitaire kanak flotte à côté du drapeau tricolore sur tous les bâtiments publics de Nouvelle-Calédonie.

Cet acte politique, qui était inimaginable il y a seulement quelques années, est en réalité un signe de reconnaissance mutuelle. Il a été reçu comme tel par les élus indépendantistes. Il a été approuvé par la grande majorité du congrès et validé par les plus hautes autorités de l’État, au rang desquels le Président de la République. Chacun constate aujourd’hui que ce geste a profondément changé l’approche des choses.

Il s’accompagne, en outre, d’un équilibre institutionnel inédit, qui instaure un véritable partage des responsabilités au gouvernement et au congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Aujourd’hui, un nouveau climat s’est installé, et c’est en confiance que nous avons décidé d’engager un dialogue pour mener, sereinement, les discussions sur l’avenir.

Mais, encore une fois, nous aurons besoin de vous !

C’est la raison pour laquelle je me suis permis de tracer ce bref tableau de la situation, alors que je m’adresse à vous pour la première fois, dans le cadre de ce débat budgétaire.

Monsieur le président, rassurez-vous, je sais que nous sommes ici pour examiner le projet de budget 2012 pour l’outre-mer ! Mais, madame la ministre, je ne ferai que peu de commentaires sur le projet que vous nous présentez.

J’ai d’abord conscience que, face à une crise financière d’une ampleur historique, la situation économique de la Nouvelle-Calédonie est particulièrement enviable par rapport à celle de la métropole et de bien d’autres collectivités d’outre-mer. À l’évidence, nous ne sommes pas les plus à plaindre !

Je tiens aussi à souligner que, malgré le contexte budgétaire que connaît notre pays, l’État a tenu tous les engagements qu’il avait pris à notre égard. Je veux parler des contrats de développement 2011-2015, dont les montants ont été maintenus. Je veux citer aussi les compensations financières qui accompagnent les transferts de compétences. Ils répondent à nos demandes et à nos attentes pour nous permettre de réaliser ces transferts au bénéfice de nos populations.

En conséquence, madame, je voterai le budget de votre ministère.

Monsieur le président, en sollicitant votre bienveillance, je souhaite profiter de cette prise de parole pour appeler une nouvelle fois l’attention de Mme la ministre sur la situation budgétaire préoccupante de la Province Sud de la Nouvelle-Calédonie, collectivité que j’ai l’honneur de présider.

J’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de vous y sensibiliser.

Ainsi, en raison de la clé de répartition inégalitaire que nous avons acceptée en 1988, la Province Sud, qui accueille aujourd'hui 75 % de la population de notre territoire, ne reçoit toujours que 50 % des recettes fiscales.

Je rappelle que plus de 60 % de ces dépenses sont consacrées à la santé, à l’enseignement et aux interventions sociales. Ce sont donc des dépenses directement liées à l’explosion démographique de notre province.

Notre budget, en conséquence, est structurellement déficitaire. Nous ne pouvons plus supporter l’augmentation mécanique de ces charges sans contrepartie ou sans recettes nouvelles. Il y va à la fois de la qualité de vie de nos populations et de l’avenir harmonieux que nous nous attachons à construire.

Madame la ministre, je souhaite vous redire solennellement que les dotations de l’État à la Nouvelle-Calédonie sont devenues inopérantes au regard des charges toujours plus lourdes qui pèsent sur notre budget.

Entendons-nous bien : je ne parle pas des dépenses de fonctionnement de la province ; les charges que je vise, ce sont celles qui sont liées à l’évolution démographique de nos populations.

Elles sont, certes, en partie dues aux flux migratoires internes à la Nouvelle-Calédonie, les populations du nord et des îles venant s’installer à Nouméa ou dans son agglomération. Mais leur évolution exponentielle est aussi due au fait que des populations des archipels voisins de la Nouvelle-Calédonie – je pense à Wallis-et-Futuna, au Vanuatu et, aujourd'hui, à la Polynésie française – viennent s’installer en Nouvelle-Calédonie.

C’est ainsi que la Province Sud subit aujourd'hui une inflation des dépenses de santé, d’habitat ou d’aide sociale.

Sans doute, dans quelques semaines, le comité du bilan des accords nous confirmera ces flux de population et la chambre territoriale des comptes en mesurera les conséquences sur l’équilibre budgétaire de la province dans un prochain rapport. Tout cela nous permettra probablement d’élaborer des solutions de long terme dans les années à venir.

Toutefois, d’ici là, avant la fin de l’année 2011, je serai contraint de présenter le projet de budget pour l’exercice 2012 au vote de l’assemblée de province sans recettes nouvelles. Je ne peux tout de même pas me résoudre à présenter un budget qui ne soit pas en équilibre !

Par conséquent, je vous sollicite une nouvelle fois, madame la ministre : nous devons éviter que des solutions plus radicales ne soient retenues dans les années à venir, qui pénaliseraient les administrés de la Province Sud !

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