Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, aux yeux d’une large majorité, le projet de budget pour la mission « Outre-mer » n’est pas à la hauteur des attentes des ultramarins.
En pleine crise sociale, un projet de budget pour l’outre-mer ne représentant que 0, 5 % du budget de l’État ne peut être regardé que comme un signe de désengagement. Je sais que vous n’aimez pas qu’on vous le dise, madame la ministre, mais comment faire autrement à la lecture des chiffres ?
D’un côté, on vante les outre-mer, en mettant en exergue leurs richesses et l’intérêt qu’ils présentent pour la France. De l’autre, on ne prend pas en compte, ou peu, les difficultés structurelles, l’éloignement, les contraintes géographiques et régionales qui sont les leurs, avec ce que cela implique en termes de coûts supplémentaires, de difficultés sociales et de besoins en infrastructures de base.
Les collectivités territoriales en outre-mer, comme en France métropolitaine, font des efforts au quotidien pour contenir au mieux leurs dépenses et se donner de nouveaux moyens. Cependant, quand la conjoncture vient accentuer leurs problèmes structurels, c’est de solidarité qu’elles ont besoin, pas de coupes sévères et de renoncements !
Certes, des actions sont préservées dans le programme « Conditions de vie outre-mer ». C’est le cas du logement, dont les crédits sont même en augmentation. Mais que dire de l’action Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport, dont les crédits diminuent, de l’action Collectivités territoriales ou de l’action Insertion économique et coopération régionale, même si ce n’est pas la plus importante du programme ?
L’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon ne subit pas de baisse de crédits, mais on ne voit pas non plus de volonté d’abonder les lignes relatives aux secteurs qui sont le plus en difficulté et qui expriment les plus fortes attentes.
Madame la ministre, vous savez, pour y être venue au mois d’octobre, à quel point nos îles, qui sont pourtant, parmi les territoires ultramarins, les plus proches de l’Hexagone, souffrent de l’isolement et de l’éloignement. La continuité territoriale, ô combien importante pour notre archipel, n’est pas pleinement satisfaite.
Le désenclavement des îles au sens large du terme, indispensable pour tout développement économique, est également insuffisant ; en tout cas, il ne correspond pas du tout aux besoins réels. Le manque d’ambition pour les ports en est une illustration flagrante.
La filière pêche n’est pas non plus au mieux de sa forme – c’est un euphémisme ! –, alors qu’elle reste un pan important de notre économie. Certes, une mission sur ce sujet est actuellement diligentée. Mais il faudra prendre en compte à court terme les investissements importants qui devront être réalisés pour remettre les infrastructures aux normes sur les deux îles et, surtout, pour les adapter aux réalités de la demande et des marchés.
Conséquence directe : à Saint-Pierre, des hommes et des femmes qui sont pour l’instant toujours sous le coup d’une convention de reclassement personnalisé viendront très vite augmenter les chiffres du chômage, alors même que le marché local du travail ne peut pas absorber soixante demandeurs d’emploi supplémentaires et que les services de Pôle emploi, compte tenu de leur nouvelle organisation, à Saint-Pierre comme ailleurs, et des compressions de personnels, ne pourront pas traiter efficacement leurs dossiers.
La coopération régionale, Christian Cointat l’a souligné tout à l’heure, a aussi besoin de prendre un nouvel essor, car elle ne donne pas les résultats dont l’archipel a besoin pour une intégration régionale réussie. Elle est trop institutionnelle et, surtout, ne traite d’aucun sujet qui pourrait contrarier nos voisins.
Autre sujet d’inquiétude, le coût de la vie ne cesse d’augmenter et des classes de la population ont de plus en plus de mal à assumer leurs charges ! L’hiver à Saint-Pierre-et-Miquelon est rigoureux. Les retraités, les chômeurs et les bas revenus doivent pouvoir se chauffer, se nourrir et se soigner correctement. Or, avec le prix des mutuelles, les remboursements aléatoires des médicaments, le prix du fioul et des denrées alimentaires de base, certains doivent aujourd'hui faire des choix. Ce n’est pas admissible !
Pourtant, croyez-moi, les communes, à travers les centres communaux d’action sociale, les aident du mieux qu’elles peuvent, avec les moyens dont elles disposent. L’Observatoire des prix et des revenus nous apportera peut-être quelques réponses, mais il va falloir, me semble-t-il, faire un travail de fond sur tous ces thèmes, qui sont vraiment très importants.
L’emploi des jeunes et leur insertion dans le tissu économique local constituent également un dossier essentiel pour l’archipel.
Je voudrais aussi évoquer certains investissements indispensables bénéficiant peu, voire pas du tout des aides du Fonds européen de développement et des contrats de projet. Je veux parler de la rénovation des chaussées et des travaux d’adduction d’eau et d’assainissement. Les chaussées souffrent surtout des aléas climatiques et ne peuvent recevoir que des « soins d’urgence », faute de crédits suffisants. En matière d’adduction d’eau et d’assainissement, le contentieux avec l’Agence de l’eau Seine-Normandie n’est toujours pas réglé, et la contre-analyse demandée aux ministères chargés de l’environnement et de l’outre-mer n’a eu aucune suite.
Comment, alors, financer de tels projets, qui sont certes fort onéreux, mais ô combien importants pour le développement durable, la santé publique, le tourisme et l’économie en général ? Et la liste pourrait ne pas s’arrêter là !
Soyons clairs, madame la ministre : en esquissant ce tableau, je n’ai pas pour objectif d’affirmer que l’État est le coupable et ne fait rien, et je peux témoigner de l’avancée de certains dossiers portés par les élus ces dernières années. Il s’agit simplement de dresser un état des lieux réaliste, mais non exhaustif, et de démontrer que beaucoup reste encore à faire. Les rapports des sénateurs qui se sont succédé à quelques années d’intervalle l’ont d’ailleurs illustré. Le chantier est énorme, et l’État se doit de le soutenir.
C’est de l’espoir qu’il faut donner à mon archipel et à sa population. Ne les enfermons pas, par manque d’ambition, dans une crise qu’ils subissent déjà depuis trop longtemps !