Intervention de Robert Laufoaulu

Réunion du 24 novembre 2011 à 21h45
Loi de finances pour 2012 — Outre-mer

Photo de Robert LaufoauluRobert Laufoaulu :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2012, je veux tout d’abord souhaiter la bienvenue à nos nouveaux collègues ultramarins qui, je m’en réjouis, viennent renforcer nos effectifs puisqu’il y a désormais un sénateur de plus en Nouvelle-Calédonie et un de plus à la Réunion, tout comme il y en eut un de plus en Polynésie française il y a trois ans.

En cette « année des outre-mer » voulue par le Président de la République, qui a rendu hommage, lors du défilé du 14 juillet, à ceux des nôtres, nombreux, qui sont engagés sous le drapeau tricolore, je suis ému.

Je voudrais aussi dire une fois de plus dans cette enceinte combien les populations de nos îles sont conscientes qu’une loi de finances est aussi le moyen privilégié de l’expression de la solidarité entre les membres de la famille nationale. Une vieille dame me disait il y a peu : « Quand tu iras en métropole, il faudra remercier la France de ce qu’elle fait pour nous. » Elle voulait parler, je le sais, des Français qui contribuent par leur labeur, parfois dur, à alimenter les caisses de l’État et permettent ainsi l’expression de la solidarité nationale. Je transmets ses remerciements ce soir, devant la représentation nationale.

Dans cette période difficile de crise que traverse notre pays, comme d’ailleurs toute l’Europe, il est normal que l’outre-mer prenne sa part de l’effort national et des restrictions budgétaires : nous le comprenons fort bien.

Pour autant, il est des postes, comme ceux qui concernent la santé ou les jeunes, que nous souhaiterions voir maintenus, car, outre l’impératif moral et social qui exige que l’on s’occupe de ces sujets, il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’« investissement pour l’avenir », pour employer des termes qui plaisent aux oreilles des économistes.

Ainsi, madame la ministre, réitérant ce que j’ai déjà dit ces dernières années et ce que bon nombre d’orateurs ont souligné tout au long des précédents examens des lois de finances, je me félicite du développement du service militaire adapté. Ce dispositif est un succès reconnu et de nombreux jeunes, y compris à Wallis-et-Futuna, aspirent à en bénéficier.

Précisément, madame la ministre, je voudrais vous demander ce qu’il en est du projet de SMA à Futuna. Le Président de la République a souhaité que soient doublés les effectifs des jeunes accueillis dans ces structures. Ne peut-on, en attendant la mise en place du SMA à Futuna, intégrer des jeunes de Wallis-et-Futuna dans d’autres SMA déjà existants ?

J’en viens au deuxième impératif que j’ai évoqué, à savoir la santé.

Notre agence de santé, comme toujours, se trouve en déficit, les millions d’euros promis sur le précédent contrat de développement n’ayant pas été délégués pour l’investissement. Le budget de fonctionnement est, lui aussi, insuffisant. Pourtant, la prévention et l’éducation sanitaires permettraient une baisse des pathologies endémiques, comme le diabète ou la goutte.

Je profite également de cette intervention pour attirer votre attention sur la cherté de la vie à Wallis-et-Futuna : un mouvement social a été déclenché la semaine dernière ; il aurait pu durer. Heureusement, les syndicats, conscients de la situation financière du territoire comme de celle du pays, se sont montrés responsables et ont signé un accord suspendant le mouvement, mais demandant une expertise sur la formation des prix, les monopoles et la concurrence.

Je pense, madame la ministre, qu’il est urgent de répondre à cette demande, car elle correspond à un réel besoin du territoire. Certes, elle relève en principe d’une compétence territoriale, mais nous aurions besoin d’une expertise directe de l’Autorité de la concurrence.

Personnellement, je pense que la libre concurrence est un principe qui ne peut pas être toujours appliqué dans de petits territoires comme Wallis-et-Futuna, où la population dépasse à peine 13 000 habitants. La qualité de certains services pourrait souffrir d’une application totale de la concurrence. Il faut donc plutôt, dans ce cas, faire en sorte que le contrôle des « monopoles » soit strict et continu. Seul l’État peut nous aider dans ce sens, et cela sans difficulté au regard du droit européen puisque celui-ci ne s’applique pas à Wallis-et-Futuna.

Tout est trop cher à Wallis-et-Futuna. J’avais été frappé, en allant aux mini-jeux du Pacifique dans les Îles Cook, de voir que la construction d’une salle omnisports de 2 000 places n’avait coûté que 400 millions de francs Pacifique, soit moins de 3, 5 millions d’euros, alors qu’une salle de 300 places à Wallis coûtera 600 millions de francs Pacifique, soit plus de 5 millions d’euros. Pourquoi cet écart inexplicable, du moins en apparence, que j’avais du reste déjà signalé ?

À Mayotte, la crise sociale est venue aussi du coût de la vie. La revendication portait, notamment, sur le prix du poulet. Eh bien, à Wallis-et-Futuna, les prix sont deux fois plus élevés qu’à Mayotte ! Il faut agir vite, sans quoi l’explosion sociale se produira aussi chez nous !

Des pistes doivent être explorées, tel le renforcement de l’autoconsommation alimentaire, qui est un axe à privilégier.

Nos populations, durement frappées par le chômage, sont encore très attachées à la terre et à la mer. Les difficultés économiques liées au manque d’argent sont atténuées par cette relation encore très viscérale aux traditions d’agriculture et de pêche. Il faut consolider et accentuer le développement endogène déjà existant pour déboucher sur une production commerciale qui commencerait par l’autosuffisance alimentaire quasi-totale et irait, pourquoi pas, jusqu’à des surplus exportables.

J’en viens maintenant aux dégâts du cyclone Tomas, qui, deux ans et demi après, ne sont pas encore tous réparés, loin s’en faut ! Je suis passé à Futuna la semaine dernière et j’ai pu constater que le rétablissement des réseaux – téléphone, eau, électricité – n’était pas encore terminé. Il en est de même de la route qui fait le tour de l’île. Elle a été emportée sur environ 500 mètres et n’est toujours pas réparée.

Je dirai à présent quelques mots de l’aide au fret.

Beaucoup de matériaux sont importés d’Australie ou de Nouvelle-Zélande. Si l’on veut que ce dispositif soit efficace pour aider les entreprises locales, il faudrait le rendre exigible aux importations. C’est le souhait des quelques entreprises qui sont établies à Wallis-et-Futuna et créent des emplois. Est-ce possible, madame la ministre ?

Je souhaite également aborder les budgets des trois circonscriptions de Wallis-et-Futuna, qui sont toujours à flux tendu et ne bénéficient d’aucune autre ressource que la DGF. Ne pourrait-on repenser la péréquation plus favorablement pour ces circonscriptions qui, je le rappelle, sont les seules à avoir la personnalité juridique puisque nos villages ne sont pas des communes ?

Enfin, permettez-moi d’évoquer le contrat de développement. Celui de 2007-2011 s’achève sur un bilan mitigé. Quelques départements ministériels, hélas ! semblent moins enclins que d’autres à déléguer les crédits que l’État s’est engagé à allouer.

Ainsi, par exemple, les crédits prévus pour la protection du littoral, bien qu’ayant fait l’objet de demandes répétées, ne sont toujours pas arrivés. Pourriez-vous, madame la ministre, appuyer les démarches du territoire auprès de votre collègue ministre de l’écologie et du développement durable afin que les engagements de l’État soient tenus ? Autant nous pouvons comprendre les restrictions budgétaires, autant il n’est pas normal que les engagements antérieurs ne soient pas respectés.

Et puisque nous parlons du contrat de développement qui s’achève, je souhaite conclure en évoquant l’avenir, à savoir le contrat qui va démarrer. Je me réjouis des priorités qui sont établies. Je ne doute pas, madame la ministre, que votre visite à Wallis-et-Futuna, en juillet dernier, pour les cinquante ans du Territoire, vous a éclairée sur nos priorités.

Vous avez reconnu que les billets d’avion des collectivités du Pacifique demeuraient trop chers, et vous avez souhaité que l’on puisse agir pour réduire l’écart avec les autres collectivités. L’inscription dans le nouveau contrat de développement, de la nécessité d’agrandir la piste de Futuna, de façon à pouvoir accueillir des avions en provenance de Fidji, me satisfait pleinement.

Voilà, madame la ministre, les quelques points que je souhaitais évoquer à la faveur de ce débat parlementaire sur la mission « Outre-mer », que je voterai bien entendu, en vous remerciant de votre action visant à défendre l’intérêt des ultra-marins dans cette période budgétaire difficile.

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