Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, c’est malheureusement dans un contexte critique et alarmant, sur fond de crise économique et de tensions sociales, que nous sommes amenés à examiner le budget de l’État, et notamment, aujourd'hui, les crédits de la mission « Outre-mer ».
Nous sommes tous d’accord pour dire que l’heure est grave, que tous les territoires ultramarins, dont la Martinique, que je représente, ne cherchent nullement à se soustraire au devoir de contribution à la solidarité nationale.
Toutefois, madame la ministre, ce devoir ne devrait-il pas être subordonné au principe de l’égalité de traitement de tous, en reconnaissant que des situations différentes appellent des traitements différents ? Il s’agit bien pour nous d’équité, et non d’égalité.
Dois-je vous rappeler que, année après année, l’insuffisance du budget de l’outre-mer pose un véritable problème aux ultramarins ?
Nos territoires sont au bord de l’explosion sociale, car le chômage provoque des ravages. Or il est en constante progression, avec un taux atteignant plus de 25 % en outre-mer, à savoir trois fois plus que la moyenne nationale, et 23, 8 % en Martinique. Et ce sont principalement les jeunes qui sont touchés : ils ne voient ni solution ni avenir !
Il est vrai que le dispositif du SMA a eu un effet positif sur l’emploi des jeunes. Cependant, il est à regretter que votre budget l’ampute de 5 millions d’euros, sans compter une nouvelle baisse prévue dans le cadre de la prochaine loi de finance rectificative.
Savez-vous, madame la ministre, que, dans nos territoires, le revenu de solidarité active concerne 18, 8 % de la population active, contre 5, 5 % en métropole ? Que 20 % des Martiniquais vivent en dessous du seuil de pauvreté – 616 euros par mois, je le rappelle – et que, outre les jeunes, sont également concernés des travailleurs pauvres et des retraités ? Que, dans le même temps, les prix restent élevés et même continuent de grimper, la cherté de la vie étant telle que les produits de première nécessité sont hors de prix ?
Force est de constater tristement que nous sommes très loin du but fixé par le document de politique transversale de l’outre-mer, à savoir un « rapprochement des conditions de vie des habitants d’outre-mer avec celles des habitants de métropole ».
Sans remettre en question le devoir de contribution des ultramarins, comment accomplir cet effort national quand, dans le même temps, l’outre-mer se voit priver de son potentiel d’investissement et sombre dans la paupérisation ?
Vous avez supprimé la TVA NPR, c'est-à-dire « non perçue récupérable », l’abattement de 30 % pour l’impôt sur les sociétés, sans parler de l’aide au fret, qui est restée fictive jusqu’au début de 2011. Sur ce point, d’ailleurs, il faut noter que votre budget prévoit une redistribution partielle de ces crédits en direction de l’aide à la rénovation hôtelière, qui devrait également subir une baisse significative dans le prochain plan de rigueur.
Or ce sont ces mêmes aides qui avaient permis de réaliser près de 3 milliards d’euros d’investissement en 2010, conduisant à la création de quelques centaines d’emplois, comme vous l’a si justement fait remarquer mon collègue Georges Patient au début de la discussion générale.
Comment ne pas mentionner également le secteur des énergies renouvelables – je pense notamment à la filière photovoltaïque –, qui devait constituer une des priorités de la LODEOM ! Qu’en est-il aujourd’hui ? Vous avez fait d’une opportunité pour l’outre-mer un véritable gâchis en démontant les avantages fiscaux des investissements dans cette filière.
Tout cela pour vous dire, madame la ministre : oui à la solidarité nationale ; oui au « retroussement des manches » ; mais non au traitement injuste et inéquitable à l’encontre d’une population ultramarine en souffrance sociale, économique et politique.
J’insiste sur la souffrance sociale, notamment au regard de l’accès au logement social. Cette situation préoccupante a d’ailleurs été à l’origine du vote de la loi du 23 juin 2011 sur l’initiative de Serge Letchimy, loi qui se voulait ambitieuse dans le combat contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer.
Malgré le fait que les crédits en autorisations d’engagement soient stables et qu’ils augmentent de 10 % en crédits de paiement, on constate que le budget consacré à la création de logements sociaux outre-mer reste terriblement insuffisant.
En effet, ce que propose votre gouvernement ne permet pas d’aboutir à une solution satisfaisante, la construction de 6 000 logements sociaux devant être mise en regard des 160 000 demandes pour tout l’outre-mer. N’est-ce pas injuste et dramatique ?
Permettez-moi de m’interroger sur la justice de la politique budgétaire de votre gouvernement qui ne fait qu’appauvrir et dénaturer l’essence même de nos services publics censés aider les plus démunis, alors que, dans le même temps, elle alimente le secteur bancaire et financier.
Où est la justice dans votre traitement du sujet sensible de la continuité territoriale lorsque votre gouvernement accorde un budget bien moindre à l’outre-mer qu’à la Corse, alors même que les coûts sont sans commune mesure ?
N’oublions pas que la liberté de circulation sur l’ensemble du territoire est un droit fondamental !
Enfin, madame la ministre, je ne résiste pas à l’envie de vous interroger, même si cela ne concerne pas directement les crédits de la mission, sur le problème du chlordécone en matière de pêche et sur les moyens débloqués par le Gouvernement dans le cadre du deuxième plan chlordécone. Je rappelle que l’utilisation de ce produit a non seulement contaminé les terres, mais aussi les rivières et, par ricochet, la mer, avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer pour les professionnels. Je vous saurai gré de m’informer en temps utile de l’état d’avancement de ce dossier.
Notre collègue Robert Laufoaulu nous disait tout à l'heure qu’il avait rencontré récemment une vieille dame qui l’avait chargé d’un message de remerciement à la France. Moi, c’est un vieil homme que j’ai rencontré, de surcroît ancien combattant, et il m’a demandé de dire à la France, sachant que je venais ici, de ne pas cesser de remercier l’outre-mer pour tout ce qu’il lui apporte.
Madame la ministre, avec une diminution de 58, 1 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 66, 1 millions d’euros en crédits de paiement, les chiffres parlent d’eux-mêmes ! Et c’est sans compter le deuxième plan de rigueur, qui touchera de nouveau les crédits alloués à l’outre-mer.
L’effort qui est demandé aux DOM pourrait être vu comme une exhortation du Gouvernement pour qu’ils s’amputent eux-mêmes d’une jambe alors qu’ils sont déjà unijambistes ! N’étant pas adepte du masochisme, je ne voterai pas vos propositions.