Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Réunion du 24 novembre 2011 à 21h45
Loi de finances pour 2012 — Outre-mer

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Madame la ministre, je suis la dernière oratrice, et le temps nous est compté. Je serai donc un peu brutale dans mes affirmations sur l’analyse que l’on peut faire de votre budget.

Le diagnostic a été posé par tout le monde, et il mériterait d’ailleurs d’être mieux connu par l’ensemble de nos concitoyens : les problèmes de logement sont considérablement plus importants dans les outre-mer qu’en France métropolitaine, où la situation est pourtant déjà très alarmante.

Le diagnostic, ce sont des besoins plus importants, à la fois en termes de nombre de logements, de salubrité, mais aussi de rapport entre le coût du logement et les ressources de nos concitoyens ultramarins. Le diagnostic, ce sont aussi des problèmes liés à des exigences et à des contraintes supérieures en outre-mer, engendrant des coûts particuliers : contraintes de normes ; contraintes liées au coût du foncier, rarement disponible quand il est aménagé, et toujours cher ; contraintes de prix de revient élevé.

Ce double étau rend la situation plus difficile. Il exigerait des moyens renforcés. Or ceux qui sont prévus sont loin de l’être.

Pour ma part, j’ai deux critiques à formuler à l’encontre de ce budget, notamment pour ce qui est de sa partie consacrée au logement : d’une part, les moyens sont notoirement insuffisants ; d’autre part, l’argent public n’est pas toujours utilisé là où il serait prioritairement utile pour le pays, pour nos concitoyens et pour les territoires des outre-mer.

Premièrement, s’agissant des moyens, tout le monde se réjouit que la LBU n’ait pas été amputée ; il y aurait même une augmentation des crédits de paiement. J’observe d'abord que, si les crédits de paiement augmentent, c’est par rapport à 2011, mais, comme les crédits avaient baissé dans la dernière loi de finances, nous retrouvons à peine les niveaux de l’année 2010. Nous sommes dans l’apparence !

En réalité, les moyens destinés au logement baissent puisque, avec un même montant de LBU, les outre-mer doivent faire face aux coûts supplémentaires engendrés par les nouvelles normes, ces dernières étant d’ailleurs assez mal adaptées, en tout cas en matière d’acoustique et d’aération.

En outre, l’inflation sévit, ce qui fait que les coûts, ne serait-ce que celui du foncier, vont augmenter alors que la LBU aura stagné.

Se pose également le problème du fonds régional d'aménagement foncier et urbain, le FRAFU. Je vous rappelle qu’il est prévu qu’on élargisse le champ de ce fonds pour tenir compte des problèmes d’insalubrité et du rapport publié sur ce sujet par M. Serge Letchimy. Or, si un tel élargissement doit se faire avec moins d’argent, on ne peut pas dire, globalement, que les moyens sont maintenus.

Enfin, les organismes HLM des outre-mer ont été touchés, comme les autres, par la fameuse « contribution-ponction ». Le montant de cette dernière s’est élevé à 8 millions d’euros dans les Antilles.

Donc, entre la baisse de la LBU, l’élargissement du FRAFU, l’augmentation des coûts et la ponction sur les HLM, les moyens pour construire du logement social dans les outre-mer baisseront globalement en 2012.

Deuxièmement, s’agissant du mauvais emploi de l’argent public, on nous dit que la défiscalisation serait le nouvel eldorado.

Le Gouvernement soutient que la LBU serait le socle et que la défiscalisation serait le complément. En réalité, les circulaires de Bercy disent exactement l’inverse : selon ces dernières, il faudrait monter les opérations avec le maximum de défiscalisation et calculer ensuite le niveau de LBU pertinent. Mais cela revient à inverser la logique : nous pensons en effet que la LBU doit servir essentiellement à baisser le niveau des loyers. S’il existe aujourd'hui une forme de relance, l’essentiel de ce qui est construit est toujours au plafond de loyer et, en termes de taille de logement, plus petit que ce qui était bâti auparavant.

Si la défiscalisation est maintenue, elle doit être conditionnée au fait qu’elle serve à baisser les loyers par rapport au niveau des plafonds de ressources.

Par ailleurs, je ne suis pas une fanatique de la défiscalisation en matière de logement.

Madame le ministre, je tiens à votre disposition le calcul que nous avons établi sur plusieurs opérations. La construction de 100 logements a donné lieu à 3, 3 millions d’euros de défiscalisation. Or, sur cette somme, seuls 2, 1 millions d’euros reviennent aux HLM. Il y a donc 1, 2 million d’euros qui s’évaporent, correspondant à l’avantage fiscal donné aux bénéficiaires du crédit d’impôt, ainsi que, in fine, aux cabinets de défiscalisation et aux notaires. Résultat : sur 3, 3 millions d’euros dépensés par la puissance publique, seuls 2, 1 millions d’euros se trouvent réellement investis dans les HLM.

Plutôt que de proposer une défiscalisation, on ferait mieux de prendre l’argent pour le redistribuer sous forme de subventions, soit au sein de la LBU, soit pour améliorer les produits d’accession à la propriété. §

Le temps me manque, mais je pourrais vous faire la même démonstration au sujet du prêt à taux zéro, le PTZ DOM, dont ont essentiellement bénéficié des catégories aisées, lesquelles n’en avaient pas besoin pour accéder à la propriété, mais qui ne permet pas d’améliorer la solvabilité des catégories moyennes ou basses, alors qu’elles en ont, elles, vraiment besoin pour acquérir un logement.

Votre budget ne répond ni à l’urgence républicaine ni à l’urgence sociale ; je ne peux donc le voter.

Le pays ne se redressera, en cette période de crise, que si les valeurs républicaines sont partagées. Comment faire admettre à notre jeunesse, dans les banlieues de métropole, dans les outre-mer ou ailleurs, que la République a un sens, quand le droit au logement n’est pas garanti à tous et que, dès lors, la force des mots de liberté ou d’égalité est gravement érodée ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion