Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il me revient ce soir de vous présenter, pour la troisième année consécutive, le budget de la mission « Outre-mer », au titre du projet de loi de finances pour 2012.
Je voudrais tout d'abord remercier les différents rapporteurs : MM. Doligé et Patient, pour la commission des finances, MM. Cointat et Desplan, pour la commission des lois, M. Larcher, pour la commission de l’économie, M. Vergoz, pour la commission des affaires sociales.
Avant de présenter le budget de la mission outre-mer, je crois bon de rappeler que l’année 2011 a permis la concrétisation à la fois de la loi pour le développement économique des outre-mer et des décisions du Conseil interministériel de l’outre-mer du 6 novembre 2009. Je me suis d'ailleurs récemment rendue dans plusieurs départements pour m’assurer de la réalité de l’application de ces mesures.
Le conseil des ministres du 26 octobre dernier, consacré en grande partie à l’outre-mer, a été l’occasion de rappeler ces avancées.
Revenons au budget pour 2012, car je voudrais répondre aux diverses interrogations qui sont formulées à son égard et le replacer dans son contexte.
Comme vous le savez, face à la crise que traverse notre pays, le Gouvernement a fait le choix d’une politique de vérité qui passe par la réduction des déficits publics.
Le ministère de l’outre-mer prend comme les autres sa part à cet effort collectif. Toutefois, j’ai veillé à préserver – monsieur Magras, je vous remercie de l’avoir rappelé – les priorités en faveur du logement, du développement économique, de l’emploi ainsi que de la continuité territoriale.
De même, le soutien apporté par l’État aux collectivités ultramarines dans leur politique d’aménagement du territoire et dans la prise en compte de leurs spécificités ne sera pas affecté. Je respecterai les engagements pris à leur égard.
Je mettrai en exergue trois observations.
Premièrement, ce budget permet de poursuivre en 2012 les principaux engagements pris pour l’application de la LODEOM et du CIOM car la contribution à l’effort national a été bâtie de manière ciblée et équilibrée.
Deuxièmement, le niveau des crédits de paiement mis à disposition de la mission « Outre-mer » se situe en 2012 à un niveau satisfaisant puisqu’il est quasi identique à celui de 2011.
Troisièmement, l’augmentation du taux réduit de TVA annoncée par le Premier ministre ne concernera pas les territoires ultramarins, où, vous le savez, cette taxe s’applique à un taux compris entre 0 % et 2, 1 %. Cela répond au souci légitime de préserver les PME, qu’a souligné Mme Farreyrol.
À ce sujet, je fais également observer que l’avantage lié à l’abattement de 30 % de l’impôt sur les sociétés – portant, je le rappelle, sur les deux tiers du bénéfice – ne concerne en réalité que 7 % des entreprises. Monsieur Cornano, le problème ne se pose pas à Marie-Galante puisque la LODEOM permet qu’y soit maintenu un abattement de 100 %.
Au-delà de ces précisions, je voudrais mettre à profit cette intervention pour revenir sur la mise en application de la LODEOM et sur plusieurs mesures importantes du CIOM. Je crois, en effet, que rendre compte à la représentation nationale, non seulement des moyens d’une politique publique, mais aussi de ses conséquences concrètes, est un exercice salutaire.
S’agissant de la LODEOM, des interrogations ont été soulevées dans plusieurs rapports remis en 2010. Je voudrais leur apporter les réponses suivantes.
En 2011, les derniers décrets de la LODEOM ont été pris, notamment celui concernant la rénovation hôtelière. L’entrée en vigueur de l’ensemble de ces décrets a produit tout au long de l’année des effets positifs sur nos économies ultramarines.
Je pense, par exemple, à la prime « bagasse », qu’on oublie trop souvent, alors qu’elle a donné un nouveau souffle à la filière de la canne à sucre. La publication du décret a ainsi permis que plus de 50 millions d’euros soient versés aux planteurs de canne de la Réunion et de la Guadeloupe sur les campagnes 2010 et 2011 !
S’agissant de l’usine de Marie-Galante, monsieur Cornano, je rappelle que les élus ne se sont pas encore, pour l’heure, mis d’accord sur le type de restructuration à retenir pour le projet d’une usine bagasse-charbon et que l’État attend depuis des mois qu’ils adoptent une position à ce sujet.
Je pense aussi à la création des zones franches d’activité, destinées à favoriser le développement endogène des départements et régions d’outre-mer. Vous le savez, ces zones franches permettent aux entreprises des secteurs moteurs de l’économie de bénéficier d’un abattement de 80 % de l’impôt sur les sociétés ainsi que sur les taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, voire d’un abattement de 100 % sur la contribution économique territoriale.
Quels sont les résultats ?
Dès 2010, cette mesure a contribué au développement des secteurs prioritaires, comme l’agro-alimentaire. Savez-vous que le montant des dépenses fiscales résultant de ces nouveaux dispositifs est aujourd’hui estimé à 75 millions d’euros et que plus de 4 200 entreprises en sont bénéficiaires ?
À titre d’exemple, plus de 330 entreprises de la Martinique en ont bénéficié, au titre de l’impôt sur les sociétés de l’exercice 2009, et 2 000 emplois ont été directement soutenus. Je citerai le cas de cette entreprise de construction de Fort-de-France qui a pu conserver ses 45 salariés grâce à une économie d’impôt de 150 000 euros.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dans le cadre du plan de réduction des déficits, une nouvelle réduction des avantages fiscaux liés à une vingtaine de niches fiscales – dont fait partie la réduction d’impôt sur le revenu pour les investissements productifs outre-mer – est prévue pour cette année.
Cependant, comme l’année dernière, le Gouvernement a proposé de préserver l’avantage fiscal qui est rétrocédé à l’exploitant ultramarin. Cette décision est, bien sûr, destinée à préserver l’investissement outre-mer, ce qui est indispensable dans le contexte que nous connaissons.
S’agissant des mesures du CIOM, je n’y insisterai pas, car j’ai déjà eu l’occasion de les détailler à l’occasion d’une communication sur ce thème lors du conseil des ministres du 26 octobre dernier.
Nous en sommes à 442 millions d’euros en autorisations d’engagement, ce qui, monsieur le rapporteur Patient, est très loin des 13 millions d’euros que vous avez évoqués !
Vous avez été plusieurs à m’interroger sur l’évaluation de ces mesures. Je voudrais simplement vous rappeler qu’il existe maintenant une commission d’évaluation des politiques outre-mer, composée à parité de députés et de sénateurs, conformément à la décision prise lors de l’adoption de la LODEOM, qui fera l’objet d’un rapport d’étape en 2012. Cette commission doit désormais être saisie pour évaluer à la fois les décisions du CIOM ou les dispositions prises dans le cadre de la LODEOM.
Ce que je tiens à dire aujourd'hui devant la représentation nationale, c’est que le budget de l’outre-mer conservera en 2012 ses capacités d’intervention, en particulier sur les deux priorités que sont le logement et l’emploi.
L’engagement du Gouvernement pour le logement outre-mer, en particulier pour le logement social, est en constante augmentation depuis 2007.
Mesdames, messieurs les sénateurs, malgré un contexte budgétaire difficile, je le rappelle, les autorisations d’engagement de la LBU restent sanctuarisées à hauteur 274, 5 millions d’euros. La LBU demeure, je le répète, le socle du financement du logement social outre-mer.
Quant à la défiscalisation du logement social, elle est un vrai succès. Ce n’est pas moi qui le dis : ce sont les bailleurs sociaux, qui l’ont souligné lors du congrès de l’Union sociale pour l’habitat du 27 septembre dernier. Modifier aujourd’hui les conditions de cette défiscalisation fragiliserait les bailleurs sociaux d’outre-mer, au moment même où la production s’accroît sensiblement. D’une certaine manière, remettre en cause la défiscalisation, c’est porter atteinte aux économies ultramarines.
Ainsi, deux mois avant la fin de l’exercice de 2011, les indicateurs à notre disposition au 31 octobre 2011 sont très encourageants pour le logement social.
Le point de programmation fait apparaître que 7 500 logements locatifs sociaux sont financés en 2011, contre 6 200 en 2010. L’augmentation sur cinq ans est de 53 %. Sur ces 7 500 logements, 4 200 sont financés par le recours à la défiscalisation, ce qui démontre que les outils de suivi existent. Cela confirme bien l’effet de levier que constitue la défiscalisation pour la LBU.
Ces chiffres montrent que, contrairement à certaines affirmations, c’est bien la LBU qui est le moteur de la production de logements sociaux, et non la défiscalisation.
Vous m’avez également interrogée sur la création du GIP destiné à régler le problème des titres fonciers. Après une mission de préfiguration sur le périmètre d’intervention du GIP, les collectivités régionales ont été consultées au mois d’octobre. Nous restons en attente de leur décision afin de poursuivre sur ce point.
Je rappelle en outre que la cession gratuite des terrains de l’État a été décidée non par la LODEOM en 2009 mais par un amendement adopté l’année dernière en loi de finances. Le décret a été rédigé et examiné par le Conseil d’État le 25 octobre 2011 ; il est en cours de signature au ministère de l’économie, et je serai amenée à le signer très prochainement.
Je voudrais aussi évoquer les nouveaux dispositifs de la loi relative à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer. Cette loi a apporté une réponse globale à la question des occupants sans titre. Elle peut aussi accélérer le déblocage de plusieurs opérations d’aménagement, notamment en Martinique et en Guyane. L’action publique s’est donc adaptée pour mieux répondre à la diversité des situations d’insalubrité et de péril que l’on rencontre dans plusieurs territoires ultramarins.
Je relève, dans le même registre, le renforcement du volet outre-mer du prochain programme de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, pour la période 2014-2020, au sein duquel la lutte contre l’habitat indigne occupera une place importante.
Je me félicite à cet égard de l’adoption, le 2 novembre dernier, d’un amendement autorisant la mobilisation du fonds Barnier dans la limite de 5 millions d’euros par an pour financer les frais de démolition dans les quartiers insalubres et confrontés à des risques naturels. Je vous informe que l’arrêté fixant les barèmes ainsi que la circulaire seront pris d’ici à la fin de l’année.
L’autre priorité de ce budget, cela ne vous surprendra pas, concerne l’emploi et la formation.
Les enveloppes supplémentaires dédiées au SMA sont en cohérence avec l’objectif de doublement du nombre de stagiaires. Les crédits de 2012 permettront de réhabiliter les infrastructures, de construire des bâtiments, de moderniser les moyens de formation et d’améliorer l’encadrement dont bénéficient ces jeunes.
En 2011, le SMA a offert 4 000 places de stage, soit 1 100 de plus qu’en 2010. À la fin de l’année 2012, nous devrions atteindre 5 000 places de stage. Le taux d’insertion, malgré la crise, s’est tout de même maintenu à un niveau remarquable puisqu’il a été de 75 % en 2010 et que l’on devrait atteindre 78 % en 2011. Nous continuerons en 2012 sur la base d’objectifs aussi élevés.
Monsieur Laufoaulu, nous n’oublions pas le SMA de Futuna : la réalisation du projet est décalée dans le temps, mais celui-ci n’est pas supprimé.
Par ailleurs, pour renforcer cette cohérence d’action, j’ai souhaité la création d’un conseil du SMA, constitué de vingt membres de haut niveau qui renforceront les liens avec tous les partenaires concernés par l’insertion des jeunes.
Mais la formation professionnelle de nos jeunes ne se résume pas au SMA, même si ses résultats sont excellents. L’emploi et la formation professionnelle sont également soutenus au travers de la contribution des entreprises bénéficiaires des zones franches, conformément à la disposition qui avait été votée au sein de la LODEOM.
Le fonds exceptionnel pour la jeunesse a ainsi collecté près de 2, 5 millions d’euros au profit de l’outre-mer en 2010. Il favorise l’émergence de multiples projets permettant l’implication des jeunes dans des domaines aussi sensibles que l’accès aux soins ou encore l’insertion professionnelle par la valorisation des ressources locales, tant culturelles que naturelles.
En matière de formation, je voudrais rassurer M. Gillot : comme je m’y étais engagée l’année dernière, l’Institut de formation continue dans l’action sociale, l’IFCAS, n’est pas voué à disparaître puisqu’il bénéficie des crédits de fonctionnement dont il a besoin au titre de la scolarité pour 2012.
Quant aux projets de prévention de l’illettrisme, ils se multiplient sur le terrain, comme j’ai pu le constater récemment en Guyane et en Martinique.
J’ajoute que les contrats aidés font partie intégrante de notre politique de l’emploi outre-mer, même si les financements correspondants ne figurent pas au sein de la mission. Ils constituent, en effet, une réponse conjoncturelle à la crise que nous traversons.
À travers cette politique, le Gouvernement a bien pris en compte les besoins de nos concitoyens, de même que le taux de chômage élevé des départements d’outre-mer. Le nombre de contrats aidés a ainsi été porté à 52 270 pour 2011 contre 46 900 en 2010, soit une augmentation de près de 12 % par rapport à l’année passée. Ces contrats représentent aussi plus de 9 % du total national.
Je me souviens des interrogations, des questions d’actualité ou même des critiques formulées sur les enveloppes consacrées à cette politique. Nous constatons, huit mois plus tard, que cette politique de solidarité a profité en priorité à l’outre-mer.
S’agissant de la continuité territoriale et de la formation en mobilité, qui favorisent directement l’emploi, le dispositif d’aide prévu par la LODEOM est entré en vigueur dans l’ensemble des territoires.
Comme je m’y étais engagée, un premier bilan d’exécution a été réalisé et je peux d’ores et déjà vous affirmer que cette politique fonctionne. Sur les neuf premiers mois de l’année 2011, près de 100 000 unités de voyage ont été délivrées au titre de la continuité territoriale.
Souvenez-vous : l’objectif était de mieux contrôler ce dispositif et d’introduire des critères de ressources pour l’allocation des aides. Les résultats sont là et notre dispositif est beaucoup plus juste. Ce sont bien nos compatriotes dont les ressources sont les plus faibles qui sont ciblés en priorité. Ainsi, plus de 50 % des aides distribuées le sont au taux majoré, donc au bénéfice des titulaires des revenus les plus faibles, et 70 % des aides délivrées au titre de la mobilité étudiante le sont à des étudiants boursiers.
Dès lors, je persiste à dire que la mise en œuvre de la continuité dans l’ensemble des départements et territoires est plus large et plus équitable aux termes de ce nouveau dispositif.