Intervention de Gérard Miquel

Réunion du 25 novembre 2011 à 10h00
Loi de finances pour 2012 — Compte d'affectation spéciale : aides à l'acquisition de véhicules propres

Photo de Gérard MiquelGérard Miquel, rapporteur spécial de la commission des finances :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2012, les crédits demandés pour la mission « Écologie, développement et aménagement durables » s’élèvent à 9, 8 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 9, 7 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui représente, par rapport à 2011, une baisse de 2 % des premières et une hausse de 2, 4 % des seconds. Je rappelle qu’il faut ajouter aux crédits budgétaires concourant à la mise en œuvre des politiques de l’environnement et des transports un montant important de ressources extrabudgétaires – plus de 3, 4 milliards d’euros – et de dépenses fiscales – plus de 2, 8 milliards d’euros.

L’année 2012 sera centrée sur le renforcement de la sécurité, aussi bien dans le domaine nucléaire qu’en matière de prévention des risques. Néanmoins, dans la plupart des domaines concernés, le montant des crédits n’apparaît pas à la hauteur des enjeux. Les ressources dédiées au Grenelle de l’environnement diminueront par exemple de 26, 5 millions d’euros par rapport à 2011, s’établissant ainsi à 131 millions d’euros.

Le programme 113 « Paysages, urbanisme, eau et biodiversité » sera doté de 346, 7 millions d’euros de crédits de paiement, soit une légère hausse de 0, 4 % par rapport à 2011. Parmi ces crédits, 54, 2 millions d’euros financeront spécifiquement des mesures issues du Grenelle de l’environnement, relatives au développement d’un urbanisme durable, à la défense de la biodiversité et à l’amélioration de la qualité de l’eau. En revanche, malgré son rôle central dans la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, le programme 113 subira une réduction de ses effectifs par rapport à 2011 et sera encore marqué par la RGPP, à travers plusieurs réformes.

Dans le domaine de la biodiversité, les ressources consacrées à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement augmenteront significativement afin de soutenir les actions relatives aux espaces protégés, notamment la création du nouveau parc national des Calanques ou des parcs naturels marins.

En matière de performances, je relève que les résultats associés aux indicateurs relatifs à la qualité de l’eau sont satisfaisants. Ils traduisent la mobilisation du ministère pour la mise en œuvre de la directive sur les eaux résiduaires urbaines et de la directive-cadre sur l’eau. Cet effort financier et humain doit se poursuivre. Il s’agit d’un enjeu important en termes tant de biodiversité que de budget, le non-respect des obligations européennes nous exposant à un risque de condamnation avec, à la clé, des sanctions financières significatives.

Le programme 181 « Prévention des risques » sera doté de 312, 3 millions d’euros de crédits de paiement, ce qui représente une hausse de 3 % par rapport à 2011. Les ressources extrabudgétaires affectées aux opérateurs du programme demeurent significatives. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, recevra par exemple 498 millions d’euros l’an prochain.

Ce programme se caractérise, en 2012, par une dotation stable en faveur de la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, à hauteur de 64 millions d’euros, qui financera des mesures dans le domaine de la santé et de l’environnement.

L’on assiste également à une réduction problématique des effectifs de l’inspection des installations classées. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous indiquer les raisons de cette évolution ?

De même, l’inquiétant retard accumulé pour l’élaboration des plans de prévention des risques technologiques, les PPRT, se poursuit, du fait de deux facteurs principaux : d’une part, les difficultés rencontrées au niveau des mesures foncières dans les zones les plus exposées au risque et, d’autre part, les problèmes des particuliers pour effectuer les travaux prescrits par ces PPRT, du fait de la réduction du crédit d’impôt associé. Je relève que le Gouvernement a proposé, dans le cadre de l’article 51 ter du présent projet de loi de finances, un dispositif destiné à remédier au premier problème.

Ce programme se caractérise également par une hausse de 12 %, à hauteur de 58 millions d’euros, des moyens en faveur de la sûreté nucléaire, évolution logique à la suite de la catastrophe de Fukushima. L’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN, disposeront ainsi de 44 emplois supplémentaires et d’une augmentation de leurs crédits proche de 20 millions d’euros, afin de financer une partie des expertises et audits lancés en mars, à la suite de la catastrophe japonaise.

Enfin, la prévention des inondations constituera une priorité en 2012, notamment à travers le plan Submersions rapides, qui sera doté de 500 millions d’euros sur 2011-2016.

Le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » sera doté en 2012 de 701, 2 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 6, 7 % par rapport à l’an dernier. Il appelle de ma part plusieurs observations.

La régulation budgétaire effectuée en 2011, à travers des annulations de crédits à hauteur de 12 millions d’euros, est particulièrement dommageable pour ce programme dont la quasi-totalité des engagements correspond à des dépenses de l’État dites obligatoires, pour lesquelles la budgétisation est effectuée au plus juste et qui sont, par définition, difficilement compressibles. Cette situation est problématique puisqu’elle rend le programme insoutenable aux yeux du contrôleur financier. Monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures sont-elles envisagées pour surmonter cette difficulté ?

L’action relative à la politique de l’énergie est clairement sous-dotée au regard des nombreux objectifs qui lui sont assignés. Elle regroupe moins de 1 % des crédits du programme, avec une dotation de 6, 5 millions d’euros en crédits de paiement. À cet égard, je voudrais insister plus particulièrement sur l’enjeu associé au développement des énergies renouvelables. Le Grenelle de l’environnement a fixé un objectif de 23 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique à l’horizon 2020. Or, vu la trajectoire actuelle, nous ne pourrons pas l’atteindre. Je citerai à cet égard l’exemple assez représentatif du fonds chaleur de l’ADEME, qui disposera de 250 millions d’euros en 2012. Ce montant est certes important, mais les besoins réels se situeraient en réalité autour de 500 millions d’euros par an, d’après le syndicat des énergies renouvelables.

La gestion économique et sociale de l’après-mines concentre 95 % des autorisations d’engagement demandées en 2012, pour un montant de 654, 8 millions d’euros, en baisse de 6, 2 % par rapport à 2011, après une diminution similaire l’an dernier. Cette évolution s’explique par la réduction tendancielle du nombre de bénéficiaires des prestations servies par l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs. En revanche, les difficultés de la Caisse autonome de sécurité sociale dans les mines appellent une vigilance particulière. En effet, les besoins financiers de cette caisse seraient supérieurs de l’ordre de 10 millions d’euros aux crédits prévus. Monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures sont-elles prévues pour remédier à ce problème ?

Les crédits destinés à la lutte contre le changement climatique et à l’amélioration de la qualité de l’air s’élèvent à 30, 4 millions d’euros, montant en forte baisse par rapport à l’an dernier. Cette situation n’est pas satisfaisante, alors que les obligations communautaires se font de plus en plus pressantes dans ce domaine.

Enfin, le programme 217, « soutien » de la mission, recevra 3, 6 milliards d’euros de crédits de paiement l’an prochain, en baisse de 0, 4 % par rapport à 2011. Il sera encore sévèrement touché par la RGPP, à travers une réduction de 1 309 emplois. Cette situation interroge sur la capacité du ministère de l’écologie à pouvoir s’acquitter de l’ensemble de ses missions, dans un contexte budgétaire particulièrement contraint.

De surcroît, le programme 217 a connu une gestion 2011 particulièrement tendue, qui pourrait devenir préoccupante. Or, la situation ne semble pas devoir s’améliorer en 2012, du fait des contraintes croissantes imposées au ministère pour la réduction des dépenses de fonctionnement et l’émergence parallèle de nouveaux besoins. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous donner des éléments actualisés à cet égard et nous préciser les actions envisagées pour résoudre les difficultés qui se font jour ?

Pour finir, je dirai quelques mots sur le compte de concours financiers « Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres », support budgétaire du « bonus-malus » automobile.

Ce dispositif coûte cher : près de 1, 5 milliard d’euros de déficit cumulé depuis 2008, alors qu’il avait initialement été présenté comme devant être équilibré. Les prévisions de découvert sont systématiquement dépassées : le déficit de 2011 sera ainsi de 227 millions d’euros alors que les prévisions portaient sur 150 millions d’euros. En outre, le circuit de paiement via l’Agence de services et de paiement est complexe et non conforme à l’article 24 de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.

Enfin, les vertus écologiques et économiques de ce mécanisme peuvent être nuancées. Certes, le niveau moyen des émissions de CO2 a fortement baissé et, de ce point de vue, le parc automobile français est l’un des moins polluants d’Europe. Mais il n’est pas certain que le volume global des émissions ait diminué dans les mêmes proportions. En outre, le bonus-malus crée un effet d’aubaine pour les constructeurs et encourage les ventes de véhicules urbains qui sont de plus en plus produits hors de France. Il n’intègre pas d’autres aspects de la pollution : celle des deux-roues et des poids lourds, les rejets de particules et des oxydes d’azote, ou le bruit.

Après de multiples révisions du barème, il était nécessaire de réformer de nouveau ce dispositif. De fait, ce compte d’avances vit ses derniers mois, puisque nous avons confirmé en début de semaine deux dispositions introduites à l’Assemblée nationale, qui vont dans le bon sens.

Il s’agit, d’abord, du relèvement des trois dernières tranches du malus. Un resserrement du bonus devrait bientôt suivre par décret. Il en est attendu un rééquilibrage du bonus-malus, au lieu d’un déficit prévisionnel initial de 112 millions d’euros.

Il s’agit, ensuite, du remplacement de ce compte par un compte d’affectation spéciale, un CAS. Ce n’est pas la budgétisation intégrale qu’on aurait pu souhaiter, mais cette mesure est conforme à l’orthodoxie budgétaire et renforce l’incitation au rééquilibrage. En effet, un CAS doit être nécessairement équilibré. En cas de nouveau déficit prévisionnel, le Gouvernement disposera donc de trois leviers : un abondement de crédits en loi de finances rectificative, une révision législative du malus ou une révision réglementaire du bonus.

Je crois cependant qu’il faut à présent concevoir le bonus automobile comme un instrument de transition et songer à sa suppression à moyen terme, tout en maintenant le malus. Puisque nous considérons la diminution des émissions de CO2 comme une tendance normale, au demeurant imposée par les normes européennes, il n’apparaît plus vraiment justifié de la subventionner. L’incitation publique doit désormais se concentrer sur les véhicules électriques et hybrides.

Pour conclure, la commission a décidé de proposer le rejet des crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » et l’adoption, sans modification, des crédits du compte de concours financiers « Avances au Fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres ».

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