Intervention de Marie-Hélène Des Esgaulx

Réunion du 25 novembre 2011 à 10h00
Loi de finances pour 2012 — Compte d'affectation spéciale : aides à l'acquisition de véhicules propres

Photo de Marie-Hélène Des EsgaulxMarie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial de la commission des finances :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les transports nous intéressent tous, en tant qu’élus et citoyens. Or la politique des transports est aujourd’hui en pleine évolution, comme en témoignent les Assises du ferroviaire, qui se tiennent en ce moment même.

Les défis sont multiples et peuvent se résumer en trois mots : mobilité, intermodalité et compétitivité. Les réflexions actuelles doivent aboutir à la définition d’une stratégie, en particulier pour le ferroviaire, laquelle doit conforter la crédibilité de nos entreprises de transport. Sinon, ce sera le déclin de cet atout majeur de l’économie française.

Les infrastructures de transports relèvent du programme 203, qui mobilisent 44 % des crédits de paiement de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », soit un peu plus de 4, 3 milliards d’euros. À ces crédits s’ajoutent d’importantes dotations extra-budgétaires : 1, 53 milliard d’euros au titre des fonds de concours et 453 millions d’euros de dépenses fiscales, qui demeurent toutefois mal évaluées.

Les principaux facteurs de variation des crédits en 2012 sont les suivants : une augmentation sensible de la subvention versée à l’AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport, et des moyens consacrés à l’entretien des routes nationales, ainsi qu’une hausse des concours à Réseau ferré

La seconde vague de la révision générale des politiques

En termes de performance, les indicateurs du programme révèlent des progrès lents, mais nous devons garder à l’esprit que la politique de report modal ne peut se construire que sur le très long terme.

J’en viens à présent aux opérateurs du programme et aux entreprises publiques de transport.

La subvention d’équilibre versée à l’AFITF, qui devait être temporaire, tend à devenir permanente. Elle demeure nécessaire faute de recettes pérennes suffisantes, que ce soit au titre de la fraction des amendes forfaitaires des radars, de la redevance domaniale ou de l’écotaxe poids lourds, qui ne sera mise en place qu’au cours de l’année 2013.

Il est donc prévu une augmentation importante de la subvention, qui atteindrait 1 070 millions d’euros en 2012, après la réduction adoptée par l’Assemblée nationale. Le droit d’entrée de 400 millions d’euros attendu du concessionnaire de l’autoroute A63 a finalement été encaissé le 31 octobre dernier, dès le rejet du recours. Il reste que le mode de financement de l’AFITF n’est pas réglé pour l’avenir.

Cette agence cherche aussi à se crédibiliser davantage en tant qu’instance de dialogue, d’évaluation et de conseil, notamment pour ce qui concerne les partenariats public-privé.

VNF connaît une meilleure situation financière, avec une capacité d’autofinancement qui pourrait augmenter de 14 % cette année. La subvention de l’État sera reconduite. VNF contribue à l’ambitieux plan d’investissements pour la modernisation du réseau fluvial, d’un montant de 2, 5 milliards d’euros sur la période 2010-2018. Sa productivité sera accrue, avec une réduction de ses effectifs à hauteur de 69 équivalents temps plein travaillé.

En revanche, le nouveau contrat de performance n’est toujours pas conclu, mais ses trois axes sont connus.

Le secteur ferroviaire traverse actuellement une période déterminante pour son avenir. Il mobilise des montants élevés de concours publics de toute nature, puisque ceux-ci ont atteint 12, 5 milliards d’euros en 2010. Ils incluent les compensations des tarifs sociaux et conventionnés par l’État et les autorités régionales, qui se sont élevées à près de 690 millions d’euros en 2010.

Les grands acteurs du ferroviaire présentent une caractéristique commune qui relève du pari suivant : rattraper le retard sur les investissements et consolider la rentabilité par la dette.

La situation financière et l’activité de la SNCF se sont améliorées en 2010 et au premier semestre de l’année 2011. Cependant, des points d’inquiétude demeurent : la rentabilité de chaque branche ne suffit pas à couvrir les investissements, la dette nette a fortement augmenté et a été dégradée par l’agence de notation Moody’s, la marge opérationnelle des TGV diminue, le fret est sinistré et perd des parts de marché, et les coûts, notamment ceux de la branche « Infrastructures », sont rigides à la baisse. Ce sont autant d’écueils qui ont justifié une réactualisation, en février dernier, par le Président de la République, de la lettre de mission de Guillaume Pepy.

De manière générale, il sera nécessaire, ainsi que le recommande le Centre d’analyse stratégique, de sortir de l’ambiguïté actuelle et de clarifier rapidement les perspectives d’ouverture à la concurrence du trafic national, en termes tant de calendrier que de périmètre et de modalités.

Des expérimentations me semblent envisageables, en particulier pour les TER, les transports express régionaux. Cette ouverture peut réellement constituer un levier de modernisation et de compétitivité, mais encore faut-il que le principal opérateur ait une vision claire de son avenir. J’espère que les Assises du ferroviaire permettront justement de clarifier les choses.

La performance de RFF met en évidence le déséquilibre de son modèle économique. Si la grande majorité des engagements commerciaux du contrat de performance sont tenus, les problèmes structurels demeurent. Le résultat opérationnel est ainsi très inférieur aux prévisions, de même que la couverture du coût complet de l’infrastructure. La trajectoire financière tend à se dégrader, et la simple maîtrise de la dette nette, qui a atteint 28, 5 milliards d’euros au 30 juin dernier, n’est pas acquise. Les investissements de renouvellement des voies se poursuivent cependant à un rythme élevé, conformément au plan de rénovation du réseau.

L’année 2012 sera importante puisqu’elle devrait être marquée par la révision de la convention de gestion de l’infrastructure qui lie RFF à la SNCF.

En revanche, tous les indicateurs de la RATP sont actuellement « au vert », sauf l’endettement qui augmente. La RATP demeure confrontée à de nombreux défis que je ne détaillerai pas, mais nous demeurons vigilants sur la séparation comptable entre les activités d’exploitant et de gestionnaire d’infrastructures. Il ne faudrait pas que cela se traduise à terme, comme pour RFF, par une scission de la dette en deux composantes qui prospéreraient séparément et sans contrôle.

Je conclus sur ce programme en décernant un relatif satisfecit s’agissant de l’augmentation soutenue des crédits d’entretien du réseau routier national. Néanmoins, ce poste constitue souvent une variable d’ajustement et ne s’inscrit pas dans une programmation de long terme, au risque de devoir procéder à des réparations plus coûteuses.

Je dirai maintenant quelques mots sur le programme 205 « Sécurité et affaires maritimes ».

Sa dotation en crédits de paiement diminue de 1, 7 % à périmètre constant, c’est-à-dire sans prise en compte de trois mesures de transfert. Le plafond d’emplois sera fortement réduit – de 209 équivalents temps plein travaillé – et les dépenses liées au fonctionnement courant poursuivent leur baisse, conformément à l’objectif triennal.

La réorganisation de l’administration maritime, induite par la RGPP, est quasiment achevée. Les services métropolitains ont été réformés et la fonction garde-côtes a été consacrée parun décret du 22 juillet 2010.

À partir de cette année, la réforme a concerné les services déconcentrés outre-mer avec la création d’une direction de la mer dans chaque DOM.

L’École nationale supérieure maritime, l’ENSM, qui a remplacé les quatre écoles nationales de la marine marchande, est le nouvel opérateur du programme depuis cette année et bénéficiera d’une subvention de 17, 6 millions d’euros. Ses quatre implantations n’ont pas été remises en cause, mais ont été spécialisées par fonction. La négociation du contrat d’objectifs doit débuter à la fin de cette année, et je regrette que le conventionnement, comme c’est trop souvent le cas, n’ait été envisagé que longtemps après la création de l’ENSM.

En termes de crédits, le budget pour 2012 repose sur les principaux arbitrages suivants : la revalorisation des subventions versées aux lycées professionnels maritimes, une diminution sensible des crédits consacrés à la plaisance, une stabilisation du stock des équipements de lutte contre les pollutions marines, ainsi que le maintien d’investissements pour poursuivre le plan de modernisation des sept CROSS, les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage.

Bien que cette question ne soit pas directement liée au programme 205, je souhaite vous faire part, monsieur le secrétaire d'État, de nos inquiétudes sur le sort de la société SeaFrance, qui a été placée en liquidation judiciaire le 16 novembre dernier. Son plan de restructuration a été invalidé par la Commission européenne et le Gouvernement a annoncé un possible recours. Qu’en est-il ? Doit-on considérer que cette filiale de la SNCF est définitivement condamnée ?

J’en termine avec le compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de

Je rappelle que ce compte matérialise la compensation que l’État, en tant qu’autorité organisatrice de transports, verse à la SNCF pour l’exploitation déficitaire de 40 lignes d’équilibre du territoire. Cette compensation est assortie d’une convention, qui a été signée le 13 décembre 2010 et prévoit un système de bonus/malus en fonction de divers indicateurs.

Cette évolution est imposée par le règlement européen du 23 octobre 2007, dit « règlement OSP », qui conduit à assimiler ces lignes à une obligation de service public. Le cahier des charges de la SNCF a été modifié par un décret du 29 juillet 2011, qui a également assoupli l’encadrement des tarifs du TGV. Le compte est financé par trois taxes, la contribution de solidarité territoriale, ou CST, la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires, ou TREF, et une fraction de la taxe d’aménagement du territoire, ou TAT, due par les sociétés d’autoroutes.

En l’absence de concurrence sur le transport national de voyageurs, seule la SNCF acquitte aujourd’hui les deux taxes sur les entreprises ferroviaires.

Ces deux taxes sont conçues pour faire contribuer les activités bénéficiaires de la SNCF, notamment l’exploitation des TGV. L’article 19 du projet de loi de finances, que nous avons adopté mardi dernier, aménage cependant ces recettes en augmentant le taux de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires, ou TREF, pour couvrir le financement des études et l’augmentation de 70 millions d’euros du péage facturé par RFF.

En revanche, le taux de la contribution de solidarité territoriale, ou CST, est abaissé, ce qui allège la pression sur les TGV.

Au total, l’équilibre du compte reposera en 2012 sur 280 millions d’euros en recettes et dépenses, dont près de 190 millions d’euros pour le financement du déficit d’exploitation des lignes et 92, 3 millions d’euros pour les investissements nécessaires à la maintenance et à la régénération des matériels roulants.

Ce mécanisme permet d’assurer la conformité au droit communautaire et d’inciter la SNCF à renforcer la performance des TET, les trains dits « d’équilibre du territoire ». Mais des difficultés pourraient surgir à moyen terme. Le renouvellement des matériels roulants n’interviendra qu’à partir de 2015 et posera sans doute un problème de financement, l’âge moyen actuel des voitures étant de trente-quatre ans.

Par ailleurs, certaines lignes sont considérées comme « sensibles », parmi lesquelles cinq lignes d’équilibre du territoire. La SNCF a cependant engagé un plan d’action en janvier dernier.

Enfin, l’avenir des TET devra être envisagé dans le cadre d’une possible ouverture à la concurrence des lignes nationales.

En conclusion, la commission des finances a émis un avis défavorable sur les crédits des programmes 203 et 205 et du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ». Mais, à titre personnel, je recommande à nos collègues de les voter.

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