Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission de l’économie, mes chers collègues, bien qu’élu du territoire le plus rural de France, me semble-t-il, je suis cependant tout à fait conscient de l’enjeu que représente pour le territoire national l’adaptation nécessaire au changement climatique, qui entre malheureusement, nous le savons désormais, dans une phase irréversible, dont les conséquences seront dramatiques pour certaines zones de notre planète.
Pour autant, comme un grand nombre de mes collègues élus de la ruralité, je ne peux me résigner à voir ces territoires ruraux sacrifiés du fait de l’absence de prise en compte de leur problème d’enclavement, qui les asphyxie lentement mais sûrement, ainsi que Michel Teston et Louis Nègre viennent de le montrer. La disparition progressive des activités économiques, la désertification provoquée par la suppression des services publics, le départ des acteurs de santé, la fermeture des hôpitaux et enfin les réductions des effectifs d’enseignants consécutives aux migrations des jeunes ruraux vers les villes nous condamnent.
La défense de la survie de ces territoires ruraux me conduit à recentrer essentiellement mon propos sur le programme 203 « Infrastructures et services de transports », qui est la principale victime des « coups de rabots » du Gouvernement. L’Assemblée nationale y a d’ailleurs contribué, comme l’ont indiqué les précédents orateurs, notamment le rapporteur pour avis de la commission de l’économie, Roland Ries.
Dès la parution du schéma national d’infrastructures de transport, le SNIT, en septembre 2010, j’ai demandé et obtenu la création, au sein de la commission de l’économie, d’un groupe de travail présidé par notre collègue Louis Nègre. Après douze mois d’études et de déplacements en milieu rural, le groupe a obtenu qu’une fiche ROU 6, « Renforcer l’accessibilité des territoires dont les populations souffrent d’enclavement », soit prise en compte dans le schéma, dont la dernière version a été publiée en octobre 2011.
Au cours des discussions sur le SNIT qui se sont déroulées dans cet hémicycle, Mme la ministre de l’écologie Nathalie Kosciusko-Morizet et M. le ministre des transports Thierry Mariani ont pris l’engagement d’inscrire dans le projet de loi de finances pour 2012 les crédits d’études nécessaires pour répondre à la demande unanime des sénateurs, formulée lors de la discussion du 15 février dernier en séance publique, concernant les onze routes nationales inscrites dans la fiche ROU 6.
Ma question, monsieur le secrétaire d’État, vise à savoir si cet engagement sera respecté dans le cadre de ce programme, puisque Mme la ministre a confirmé, lors de son audition du mercredi 9 novembre, qu’elle ne souhaitait pas, pour l’instant, ouvrir un débat sur le SNIT au Parlement.
J’ai d’autant plus de doutes sur le respect de cet engagement que, dans la dernière version du SNIT, il est indiqué que la politique de l’État en matière d’infrastructures de transport est tournée prioritairement vers le développement des modes alternatifs à la route, avec l’argument qu’il n’est plus nécessaire d’augmenter significativement la capacité du réseau routier en France. Mme la ministre a en outre insisté, lors de sa dernière audition, sur sa volonté de s’inscrire dans une perspective de mutation économique et écologique et a affirmé que les infrastructures de transport seraient rénovées avec un rééquilibrage au détriment des transports routiers.
C’est une escroquerie intellectuelle que de diaboliser les infrastructures routières essentielles, au nom d’une prétendue défense de l’environnement, alors qu’il n’y a aucune autre alternative dans certains territoires. La modernisation d’un itinéraire vital peut être réalisée dans le respect des équilibres naturels, des continuités écologiques, des paysages, de la faune, de la flore et de l’eau. Il est véritablement utopique de penser qu’un territoire rural puisse survivre sans infrastructures de transport !
Je peux vous en parler en connaissance de cause : le département du Gers, que je représente au Sénat, ne dispose, sur son axe nord-sud, que d’une route nationale, la RN 21, qui supporte le transport routier, les cars TER, et verra demain arriver les camions de 44 tonnes, alors que sur plus de la moitié de son parcours, soit 80 kilomètres, aucune possibilité de doubler n’existe ! De ce fait, la RN 21 détient le triste record du nombre de tués sur les routes. On compte en effet plus de trente morts en sept ans, et plus de soixante-quinze sur l’ensemble du parcours de la RN 21.
De ce fait, nous commençons à voir se délocaliser – ce qui paraissait inconcevable il y a encore quelques années – les stockages de produits agricoles vers les villes portuaires situées à plus de 200 kilomètres hors du département. Or vous savez que pour répondre aux fluctuations des prix, ces capacités de stockage devront être augmentées de 10 % pour constituer des stocks tampons. Comment accepter une telle distorsion entre cette situation et les discours prononcés par le Président de la République à Morée le 9 février 2010 et à Aubusson le 11 octobre 2011, qui non seulement confirmaient ce constat, mais prônaient aussi la sauvegarde de l’avenir de ces territoires ruraux par leur désenclavement ?
Monsieur le secrétaire d’État, nous savons quelles contraintes financières nous impose cette crise. C’est pourquoi nous avons proposé une modification législative indispensable pour rendre possible la mise en concession des axes routiers à deux fois deux voies mentionnés dans la fiche ROU 6. Mon collègue Louis Nègre, qui préside l’association Transport, développement, intermodalité, environnement, ou TDIE, a ainsi déposé une proposition de loi pour que ces routes puissent être ouvertes au régime des concessions. Cela permettrait d’accélérer la modernisation de ces onze routes nationales dans des délais raisonnables et en faisant appel à des fonds privés. Je souhaite que vous puissiez nous répondre sur ces deux points, car le groupe du RDSE se déterminera en fonction des réponses que vous apporterez au problème essentiel du désenclavement des territoires ruraux.