Selon les calculs du Conseil des prélèvements obligatoires, les niches destinées aux entreprises, entendues au sens large, ont représenté un manque à gagner pour les finances publiques de 172 milliards d’euros en 2010. Pour quel bénéfice, je le demande, en matière de développement industriel, de redynamisation économique, de niveau de l’emploi et de formation ?
Il convenait, à notre sens, de dresser à titre liminaire ce constat iconoclaste. En conséquence de la politique que vous continuez de mener, envers et contre tout, c’est la population active de ce pays qui paiera les frais du plan d’austérité, et il n’épargne pas, loin s’en faut, la mission « Travail et emploi ».
Au moment où l’importance de la demande sociale justifierait plus que jamais que l’État investisse dans les structures d’accompagnement vers l’emploi, vous continuez en toute incohérence d’acter son désengagement.
Pôle emploi fête bien tristement son troisième anniversaire. En plus de fragiliser les rapports entre salariés et usagers via le recours à un contrôle social quelquefois décalé par rapport à la situation réelle des demandeurs d’emploi, vous continuez d’alimenter la situation de pénurie d’effectifs dont souffrent ces structures, déjà exposées aux risques psychosociaux rencontrés par ses agents.
La subvention de l’État va permettre le financement de 45 422 équivalents temps plein, alors qu’ils étaient 47 015 en 2010. Le nombre d’agents diminue alors que, parallèlement, le nombre d’inscrits à Pôle emploi a enregistré une hausse de 4, 3 % en un an.
De plus, à l’image de la tendance suivie par l’ensemble des employeurs – on serait toutefois en droit d’attendre que l’État ne s’aligne pas –, le recours aux emplois précaires se normalise dans les agences de Pôle emploi. En 2010, le service public de l’emploi comptait dans ses rangs près de 4 000 contrats à durée déterminée, ou CDD, et plus de 2 000 contrats aidés.
L’éventail des contrats précaires aujourd’hui à la disposition des employeurs est également mis à profit par le service public de l’emploi. C’est un comble !
Rappelons que Pôle emploi a encore été condamné le 30 septembre dernier par le conseil des prud’hommes de Compiègne pour ne pas avoir renouvelé le CDD d’une employée qui y travaillait depuis 2003. Cette femme était alors âgée de soixante ans. Ce cas me donne l’occasion de rappeler que le nombre de sans-emplois âgés de plus de cinquante ans a crû de 14, 6 % en un an. Il est à craindre que la réforme des retraites, qui joue sur les bornes d’âges et les durées de cotisations, n’empire cette situation. Il est donc nécessaire de rétablir complètement l’allocation équivalent retraite, l’AER.
La question se pose, monsieur le ministre, bien que ce budget ne le permette pas. Son indigence n’épargnera pas non plus les maisons de l’emploi, dont la dotation, cela a été dit, est significativement réduite dans le présent projet de loi de finances.
Dans le Nord-Pas-de-Calais, les dix-huit maisons de l’emploi font travailler deux cent vingt salariés, dont soixante-sept seraient menacés par la coupe budgétaire. L’une de ces maisons de l’emploi, qui couvre un territoire de quarante-quatre communes, s’est vu infliger une baisse de 40 % de son budget sur un territoire où son action était pourtant efficace. Nous en sommes effectivement à la deuxième année consécutive de ponction sur le budget des maisons de l’emploi.
Si la crise nous impose de nous tourner vers l’avenir, cela passe notamment par un investissement dans l’accompagnement de la jeunesse vers l’emploi mais aussi dans la formation à tout âge.
Mais, de ces deux leviers, la disette n’épargnera ni l’un ni l’autre.
Je ne reviendrai pas sur la circulaire du 19 janvier 2011, qui modifie les conditions du conventionnement des missions locales et qui remet non seulement en cause leur rôle pivot dans l’accompagnement des jeunes en difficulté mais aussi la gouvernance partagée des missions locales.
De même, la réduction du montant de l’allocation servie dans le cadre des contrats d’insertion dans la vie sociale, les CIVIS, et la diminution simultanée de 10 % du nombre de ses bénéficiaires traduisent encore votre désintérêt réel pour la jeunesse.
Nicolas Sarkozy déclarait en 2010, lors de sa visite au centre de formation Veolia, dans le Val-d’Oise : « Si on ne fait rien, ce sont entre 170 000 et 220 000 jeunes de plus qui pourraient se retrouver au chômage d’ici fin 2010. […] Je ne veux pas d’une génération sacrifiée ». C’est à se demander pourquoi ils sont les premiers à être promis à l’abandon !
La demande de formation d’accompagnement ou de montée en qualification n’a jamais été aussi prégnante et pourtant les crédits de l’AFPA diminuent encore. Après le transfert de l’activité d’orientation à Pôle emploi, il est désormais question de calibrer l’offre de formation et de revoir l’implantation territoriale des sites. Autant parler d’un démantèlement planifié !
C’est votre politique dispendieuse au profit des uns et restrictive pour tous les autres que les agences de notation sanctionnent, non les Français !
Les sénateurs du groupe CRC ne peuvent admettre que les crédits de cette mission ignorent tout de l’urgence sociale. Ils ne peuvent pas non plus admettre l’absence de toute politique d’avenir.
Vous l’aurez compris : le groupe CRC ne votera pas les crédits de cette mission.