Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, une chose est frappante à la lecture du projet de loi de finances pour 2012 : alors que la France compte plus de 4, 4 millions de demandeurs d’emploi en catégorie A, B et C, soit 4, 7 % de plus qu’il y a un an, la majorité présidentielle a fait le choix de réduire de 12 % l’effort national pour l’emploi, soit 2, 5 milliards d’euros de moins.
Monsieur le ministre, la crise est-elle terminée ? Les problèmes d’emploi sont-ils loin de nous ?
Madame Cayeux, je ne fais pas la même analyse que vous de la situation des jeunes : ils n’ont d’autres choix que les petits boulots, les stages ou le chômage ! Les entreprises, à la recherche du profit, ont remplacé progressivement les CDI par des CDD et les CDD par des stages. Aujourd’hui, plus de 1, 2 million de jeunes stagiaires vivent avec 417 euros par mois, sans bénéficier du droit du travail et de l’assurance chômage, sans cotiser pour leurs retraites.
Faute d’une véritable politique de l’emploi, et alors que 77 % des salariés ont un CDI, la moitié des moins de vingt-cinq ans occupent un emploi précaire. Ce sont eux qui, en premier lieu, subissent les aléas d’une économie qui va mal, d’une société dans laquelle les inégalités explosent.
Mais ce ne sont pas seulement les jeunes, c’est toute la société qui est touchée par la montée de la précarité. Le chômage de longue durée, en hausse de 7, 7 % sur un an, touche maintenant 1, 7 million de personnes.
Face à la détresse et à la précarité dans laquelle se trouvent les Français, les crédits de cette mission manquent de sincérité tout autant que de justice et traduisent votre manque de volonté.
Ils manquent de sincérité, car ils ne sont cohérents que pour le premier semestre de l’année 2012.
En effet, le Gouvernement prévoit, par exemple, de réduire les crédits alloués aux contrats aidés, mais, malgré cette coupe de 135 millions d’euros par rapport à 2011, il affiche les mêmes objectifs. Comment est-il possible de faire autant avec moins de moyens ? C’est sur ce point, monsieur Godefroy, que je n’ai pas tout à fait la même analyse que vous. Selon moi, il s’agit tout simplement d’un tour de passe-passe. La seule façon de créer autant d’emplois aidés avec moins de moyens est de réduire la durée de ces contrats.
Je m’explique : alors que les contrats aidés étaient répartis avant sur deux semestres, en 2012 ils seront tous ventilés dès le début de l’année ; comme par hasard, monsieur le ministre, vous distribuez les contrats aidés juste avant un grand rendez-vous électoral…
Plutôt que de créer des emplois pérennes, plutôt que de permettre aux Français de sortir de la précarité, votre seul objectif est de faire baisser temporairement le chômage, pour des raisons de pure communication.
Monsieur le ministre, la politique de l’emploi ne doit pas cesser en avril 2012. Elle ne doit pas non plus s’arrêter aux frontières métropolitaines.
Quand on sait le sort que vous réservez aux dispositifs pour l’emploi en outre-mer, on en viendrait presque à regretter la situation de la métropole !
Les crédits destinés aux contrats aidés pour les départements d’outre-mer avaient déjà été réduits de 30 % en 2011 ; vous voulez les réduire encore de 9, 5 % pour 2012. Les départements d’outre-mer, déjà durement touchés par la crise, n’avaient pas besoin d’un tel désengagement, qui laisse à penser que les DOM sont des territoires de seconde zone !
L’injustice dont vous faites preuve envers les DOM marque cette mission. On retrouve la même injustice dans la suppression de l’allocation de fin de formation, l’AFF, et de l’allocation en faveur des demandeurs d’emploi en formation, l’AFDEF, dont bénéficiaient les chômeurs en fin de formation. Les suppressions de crédits touchent principalement les allocations qui étaient destinées aux demandeurs d’emploi en fin de droits.
Avec la non-reconduction de l’allocation équivalent retraite, l’AER, vous privez de ressources des demandeurs d’emploi seniors ayant validé leurs trimestres de retraite, retraite qu’ils ne peuvent pas prendre faute d’avoir atteint l’âge requis. L’allocation transitoire de solidarité que vous avez instituée pour remplacer l’AER n’est même pas budgétisée !
L’emploi et la solidarité devraient être votre priorité. Finalement, vous flattez les marchés financiers et vous récoltez la précarité !
Que peuvent faire les salariés de Pôle emploi, puisque vous diminuez leurs ressources ?
Face au manque de volonté que vous manifestez pour soutenir le retour à l’emploi, je crains que le chômage, qui a déjà augmenté de 30 % depuis 2008, ne continue son ascension.
Pôle emploi fait face à l’arrivée d’un grand nombre de chômeurs avec de trop faibles moyens : 1 800 postes ont été supprimés l’an dernier, alors que l’effectif de demandeurs d’emploi suivis par chaque conseiller, qui était de 100 l’an dernier, est désormais proche de 115. On est loin des objectifs fixés par l’ancienne ministre de l’économie et de l’emploi, Christine Lagarde, à savoir un conseiller pour 60 demandeurs d’emploi.
Comme je l’ai constaté en participant à la mission d’information sénatoriale relative à Pôle emploi, les chômeurs sont malmenés en raison de cette insuffisance de moyens, humiliés, voire radiés trop souvent illégalement. Les usagers toujours plus nombreux de Pôle emploi se retrouvent face à des conseillers débordés, qui n’ont pas les moyens de les accompagner correctement. D’où ce malaise, et cette souffrance, que l’on constate aussi bien chez les salariés de l’opérateur que chez les usagers.
Le mois dernier, un cas extrême nous a rappelé cette situation dramatique. Un informaticien de quarante-cinq ans, au chômage et en fin de droits, a pris deux conseillers de Pôle emploi en otages.
Les gens craquent parce que c’est trop dur ! Le désespoir grandit pour tous les chômeurs et aucune réponse n’arrive, car si les files d’attente s’allongent, elles débouchent rarement sur un emploi. Et, plus grave, seulement un chômeur sur deux est indemnisé.
Plutôt que de tailler dans les dépenses des emplois aidés et dans les allocations destinées aux demandeurs d’emploi en fin de droits, il serait urgent de lancer un grand plan national pour l’emploi dans les services solidaires et les activités écologiques de proximité.
Pour nous donner les moyens de notre volonté, supprimons les niches fiscales. Comment expliquer à un jeune, à la recherche d’un premier emploi et d’argent pour payer son loyer, que vous préférez alléger l’ISF plutôt que de soutenir l’emploi ?
Nous ne pouvons accepter une politique qui creuse les inégalités, laisse filer les licenciements dans le secteur industriel et tolère que les seniors restent sans ressources. Nous devons conduire une action ambitieuse pour tous les précaires de la métropole et des départements d’outre-mer.
Si l’emploi est la priorité des priorités, comment accepter la diminution des crédits de cette mission ? Non, monsieur le ministre, les sénatrices et sénateurs écologistes ne soutiendront pas ce budget et voteront contre !