Intervention de Jacqueline Alquier

Réunion du 25 novembre 2011 à 14h00
Loi de finances pour 2012 — Compte d'affectation spéciale : financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage

Photo de Jacqueline AlquierJacqueline Alquier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Travail et emploi » enregistrent une diminution de 12 % par rapport à l’an dernier. Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté une baisse supplémentaire de 85 millions d’euros.

Pourtant, le chômage est reparti à la hausse depuis avril et ne manquera pas de continuer à augmenter.

Dans un contexte où la croissance est insuffisante pour pouvoir espérer que le chiffre des demandeurs d’emploi diminue, nous attendions du Gouvernement un acte volontariste pour protéger les Français les plus fragiles. Ce geste n’a manifestement pas eu lieu !

Ce budget, nous avons déjà eu l’occasion de le souligner, finalise le désengagement du Gouvernement par rapport à la politique de l’emploi.

Mes collègues ont fait état de toutes les mesures auxquelles nous nous opposons. J’interviendrai, pour ma part, plus particulièrement sur la suppression, depuis le 1er janvier 2011, de l’allocation équivalent retraite, décision que vous voudriez taire mais que nous avions déjà anticipée pour la dénoncer lors de la réforme des retraites.

Cette allocation, et vous ne l’avez jamais accepté, permettait, année après année, aux travailleurs involontairement privés d’emploi et justifiant, avant l’âge légal, du nombre suffisant de trimestres pour une retraite à taux plein de faire la jonction entre la fin de l’allocation chômage et le début du versement de leur pension.

Il s’agit de personnes ayant commencé à travailler tôt, souvent fatiguées, usées par le travail ainsi que par des conditions de vie difficiles et fréquemment précaires. Il s’agit de la population ouvrière des grands bassins du textile, du cuir, de la métallurgie, d’anciens bassins industriels où le taux de chômage atteint 15 % et où l’accès à l’emploi est des plus difficiles.

L’AER assurait, je l’ai dit, à des personnes modestes un revenu mensuel de moins de 1 000 euros, somme maximale pour un individu seul puisqu’elle est servie sous conditions de ressources. Elle avait déjà été supprimée au 1er janvier 2009 par la loi de finances pour 2008, ce qui avait privé plus de 65 000 personnes d’une ressource indispensable à la survie de leur foyer.

La mobilisation de notre groupe et des associations avait permis le rétablissement de l’AER pour 2009 puis pour 2010, mais la mesure n’a pas été prorogée ensuite.

Il a seulement été prévu, dans la loi portant réforme des retraites, que les chômeurs qui en bénéficiaient au 31 décembre 2010 continueraient à le faire jusqu’à l’âge de leur retraite.

Dans le budget que vous nous présentez, aucun crédit n’a été programmé pour financer de nouvelles entrées en 2011. Se trouve donc entérinée la fin de l’AER, prétendument remplacée par l’allocation transitoire de solidarité, l’ATS.

Cependant, ce dispositif ne touchera pas le même public et concernera un nombre beaucoup plus limité de bénéficiaires : le chiffre annoncé de 11 000, largement surévalué, semble-t-il, est à comparer avec celui des 50 000 bénéficiaires de l’AER en 2010.

Les conditions fixées par le décret qui crée l’allocation transitoire de solidarité sont en effet pour le moins restrictives.

Il faut avoir soixante ans : en seront donc exclus tous les demandeurs d’emploi en fin de droits n’ayant pas atteint cet âge mais ayant cotisé suffisamment pour bénéficier de leur pension de retraite.

Il faut avoir été indemnisé par l’assurance chômage à la date du 10 novembre 2010 : en seront donc exclus tous les demandeurs d’emploi indemnisés à compter du 11 novembre, même s’ils remplissent toutes les autres conditions.

Il faut être né entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1953 : en seront donc exclus tous les demandeurs d’emploi en fin de droits à partir du 1er janvier 2011, qui remplissaient les conditions d’accès à l’AER, ainsi que ceux qui sont nés après le 31 décembre 1953.

Ainsi, nombre de salariés qui perdent leur emploi et qui n’en retrouveront pas, étant donné l’état du marché du travail, n’auront bientôt plus accès à un dispositif de préretraite et se retrouveront donc bénéficiaires des minima sociaux : l’allocation spécifique de solidarité, l’ASS, soit 15, 37 euros par jour sous condition de ressources, ou le revenu de solidarité active, le RSA, soit 467 euros par mois pour une personne seule.

Non seulement ils perdront environ un tiers de leur allocation, ce qui est énorme sur des budgets familiaux aussi modestes, mais ils devront de surcroît attendre plus longtemps, jusqu’à 62 ans à l’horizon 2017, pour bénéficier d’une retraite, alors qu’ils ont suffisamment cotisé pour cela...

Cette injustice criante permettra au Gouvernement d’économiser plusieurs centaines de millions d’euros en précarisant les seniors les plus fragiles, sans doute pour les punir d’avoir commencé à travailler trop tôt…

Pour finir, je soulignerai un détail fâcheux : aucun crédit n’est prévu pour financer l’allocation transitoire de solidarité, l’ATS ; le Gouvernement nous explique qu’elle sera financée par redéploiement de l’allocation spécifique de solidarité, alors que celle-ci est déjà sous-évaluée dans le projet de budget dans un contexte de hausse du chômage de longue durée.

Le Gouvernement jette dans la pauvreté plus de 40 000 personnes. C’est inadmissible !

Je vous demande, en mon nom et au nom de l’ensemble de mes collègues socialistes, de faire preuve d’équité et de rétablir les crédits en conséquence. À défaut de quoi, une fois de plus, il incombera aux collectivités territoriales – conseils généraux, communes – de répondre aux demandes de solidarité, et vous accuserez avec arrogance les élus locaux de trop dépenser. C’est scandaleux !

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