Intervention de Vincent Eblé

Réunion du 25 novembre 2011 à 21h45
Loi de finances pour 2012 — Culture

Photo de Vincent EbléVincent Eblé, rapporteur pour avis :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme 175 connaît une stabilisation des crédits de paiement à 870 millions d’euros, tandis que les autorisations d’engagement diminuent pour leur part de 4, 1 % avec un montant de 813 millions d’euros demandé pour 2012. Si l’enveloppe budgétaire paraît relativement stabilisée, je souhaiterais néanmoins souligner les préoccupations majeures qui doivent sous-tendre l’analyse de ces crédits.

Le premier point inquiétant relève des arbitrages réalisés par le Gouvernement en faveur des « grands projets » tels que le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, le MUCEM, ou la Maison de l’Histoire de France. Ceux-ci semblent en quelque sorte « aspirer » les crédits, peut-être au détriment d’un accompagnement plus efficace des autres axes de la politique patrimoniale. C’est vrai pour le patrimoine monumental, dont les autorisations d’engagement chutent de 30 millions d’euros tout de même. Quelle sera alors la stratégie du Gouvernement au-delà de 2012 ? Cette diminution ne constitue-t-elle pas un mauvais signal pour le patrimoine ?

Ensuite, la charge croissante pesant sur les collectivités territoriales constitue évidemment un obstacle à la mise en œuvre de la politique patrimoniale. C’est particulièrement vrai avec la nouvelle responsabilité de la maîtrise d’ouvrage, qui les laisse démunies, avec une assistance insuffisante, tout au moins les plus petites d’entre elles.

Or plus de 50 % de nos monuments historiques sont des propriétés communales. Les arbitrages financiers douloureux auxquels les collectivités sont contraintes, par les effets combinés de la réforme de leurs recettes et de transferts de charges en provenance de l’État, incomplètement compensées par celui-ci, se font au détriment des politiques facultatives, au premier rang desquelles figurent les politiques patrimoniales.

Concernant la question des efforts de l’État en direction des musées territoriaux, je m’inquiète : l’effort de l’État ne doit pas se résumer à une intervention budgétaire ponctuelle comme le plan « musées en régions », qui prévoit 70 millions d’euros sur trois ans pour 79 établissements : elle doit aussi prendre en compte les difficultés soulignées, notamment, par l’Association générale des conservateurs de collections publiques de France dans son Livre blanc des musées de France : démographie problématique du corps des conservateurs, moyens insuffisants pour assurer des missions de base, risque d’un système à deux vitesses. Ces inquiétudes sont d’ailleurs relayées par la Cour des comptes qui, dans un rapport de mars 2011, décrit une « politique nationale de plus en plus parisienne » et une « double marginalisation des Français de province ».

De ces deux tendances découle une accentuation des inégalités entre territoires et un risque de « balkanisation » de la politique en faveur des patrimoines.

En ce qui concerne l’archéologie préventive, l’État poursuit, au moins pour cette année, son soutien sur le mode des « sauvetages financiers » – plus de 150 millions d’euros au total –, opérés ces dernières années pour compenser le déficit de financement de l’archéologie préventive dû au rendement insuffisant de la redevance d’archéologie préventive, la RAP.

Comme le rappelaient nos collègues Yves Dauge et Pierre Bordier en juillet dernier, cette situation critique est préjudiciable à la mise en œuvre de la politique publique. En effet, elle entraîne des retards dans la conduite des diagnostics et des chantiers de fouilles menés par l’INRAP et pèse ensuite fortement sur la conduite des autres missions de l’établissement, au premier rang desquelles figurent la recherche et la valorisation scientifique. Une réforme de la RAP est proposée à l’article 22 du prochain collectif budgétaire, et nous y serons particulièrement attentifs.

Je souhaiterais également aborder la question du malaise social qui caractérise plusieurs opérateurs culturels, tels que le musée d’Orsay, le Centre des monuments nationaux ou la Maison de l’Histoire de France. Si les origines des tensions diffèrent d’un établissement à un autre, ce malaise nous oblige à nous interroger à la fois sur la transparence des décisions de l’État mais aussi sur la stratégie qui consiste à réduire les effectifs tout en incitant à développer la fréquentation.

En outre, devrait-on prendre en compte l’autonomie grandissante des établissements culturels dont la Cour des comptes a rappelé qu’elle n’était pas un gage d’efficacité et qu’elle affaiblissait le pilotage de la politique muséale par le ministère de la culture ?

Je dirai un mot, enfin – ce sera ma conclusion –, sur le patrimoine mondial, qui demeure le grand oublié du programme « Patrimoines ». Même si la notion n’est pas encore inscrite en droit positif, les trente-sept sites français constituent néanmoins une réalité, et l’État doit dégager des moyens pour montrer qu’il assume sa responsabilité, engagée en application de la convention de l’Unesco de 1972. La création d’une ligne budgétaire dédiée me paraît s’imposer.

En conclusion, la commission de la culture a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Culture ».

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