La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Culture » (et articles 49 quinquies et 49 sexies).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout ne va pas si mal pour le budget de la culture pour 2012 : avec 2, 7 milliards d’euros, les crédits de la mission augmentent de 1, 4 % en volume et dépassent légèrement le plafond du budget triennal.
La mission apparaît donc relativement préservée, si l’on se réfère aux normes transversales appliquées aux dépenses de l’État. L’amputation qu’elle a subie à l’Assemblée nationale, au titre des mesures d’économies annoncées par le Gouvernement, représente seulement 0, 5 % des crédits initiaux.
Discuter de la mission « Culture », ce n’est aborder qu’un cinquième de l’effort financier total de l’État en matière de culture et de communication. Celui-ci avoisine 13, 5 milliards d’euros en 2012, à raison de 11, 3 milliards d’euros de crédits budgétaires, de 879 millions d’euros de taxes affectées et de 1, 3 milliard d’euros de dépenses fiscales.
Un effort de rationalisation des taxes affectées aux opérateurs de l’État est aujourd’hui entrepris par le Gouvernement, notamment pour contenir leur dynamisme.
Cette rationalisation concerne tout particulièrement les opérateurs culturels que sont le Centre des monuments nationaux, le Centre national du cinéma et de l’image animée, le Centre national du livre et le Centre national de la variété, de la chanson et du jazz.
Le Sénat a mené des débats riches et parfois passionnés à ce sujet au cours de l’examen de la première partie. Toutefois, je ne doute pas que nous trouvions le moyen d’améliorer le contrôle parlementaire de la fiscalité affectée sans compromettre l’accomplissement des missions confiées aux établissements culturels. Telle est, en tout cas, la volonté de la commission des finances du Sénat et de nos collègues de la mission d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale, qui ont consacré un excellent rapport à ces questions.
S’agissant de la dépense fiscale culturelle, dix-neuf mesures, représentant des enjeux financiers cumulés de 251 millions d’euros, ont été évaluées par le fameux rapport Guillaume. Une seule a été jugée pleinement efficiente, la réduction d’impôt SOFICA, que nous venons de reconduire pour trois ans. Le bilan global est donc, au mieux, mitigé ; il doit nous inciter à revoir les dispositifs dont l’efficacité n’a pas été pleinement démontrée.
J’en viens brièvement aux crédits des différents programmes. Ceux du patrimoine monumental sont stabilisés. Les grands projets absorbent 33 millions d’euros, dont 3, 8 millions d’euros pour la Maison de l’histoire de France, ce qui constitue la principale innovation de la budgétisation 2012 – nous aurons peut-être l’occasion d’y revenir.
Le Centre des monuments nationaux est crédité de 13, 5 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 8 millions d’euros de taxe sur les paris en ligne.
J’ai fait le point, avec la présidente du Centre des monuments nationaux, le CMN, sur la mise en œuvre des onze recommandations que la commission des finances avait formulées en 2010, à la suite des travaux de la Cour des comptes.
Les résultats sont inégaux. Le contrat de performances de l’établissement devrait néanmoins être signé à la fin du mois. Il formalisera un certain nombre d’objectifs que nous avions nous-mêmes assignés à l’opérateur, en matière de ressources propres ou de programmation des investissements. Il était peut-être temps de redresser le Centre des monuments nationaux, qui a pourtant, à mon sens, une directrice remarquable.
Il était temps également de sortir l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, des difficultés financières chroniques qu’il connaît depuis plusieurs années, car cette question n’est pas nouvelle. La recapitalisation de l’Institut et l’adossement de la redevance d’archéologie préventive à la taxe d’aménagement sont « au menu » du collectif budgétaire de fin d’année, ce dont je me réjouis, car c’est une réforme que nous attendions depuis longtemps. Ces dernières années, il n’y a pas eu une loi de finances sans un problème lié à l’INRAP !
S’il est, en revanche, un secteur qui ne manque pas de moyens, c’est celui des musées. En 2012, notre politique muséale bénéficie de 15, 5 millions d’euros supplémentaires, principalement en faveur de la rénovation du musée Picasso, de la Maison de l’Histoire de France et du musée des civilisations d’Europe et de la Méditerranée de Marseille. Si l’on y ajoute le Quai Branly, le Louvre-Lens ou encore le Centre Pompidou-Metz, il semble que nous n’ayons jamais été mieux pourvus en institutions muséales !
Cette stratégie de développement a pourtant été sévèrement jugée par la Cour des comptes, qui considère que, en dix ans, le pilotage national de cette politique s’est affaibli. Les moyens qui y ont été consacrés ont pourtant sensiblement augmenté, sans que les musées développent significativement leurs ressources propres, et les objectifs de démocratisation de l’accès aux collections ont été très imparfaitement remplis.
Les mesures de gratuité dans les musées pour les enseignants et les jeunes sont un exemple d’initiative coûteuse, largement surcompensée, et dont l’efficacité reste à démontrer. Toutefois, elles seront toujours maintenues, parce que l’opinion publique et les parlementaires ne peuvent concevoir que les musées n’appliquent pas ce genre de dispositifs, même si leur application n’est guère convaincante !
Qu’en est-il des crédits de la création ? Quelque 45 millions d’euros de crédits sont ouverts pour la poursuite du chantier de la Philharmonie de Paris. Nous connaissons votre attachement à ce projet, monsieur le ministre. La commission des finances ne demande qu’à partager cet enthousiasme, mais l’augmentation substantielle du coût de cet équipement, de même que sa budgétisation chaotique, nous laissent perplexes. J’envisage de faire, dans le cadre des contrôles annuels menés par la commission des finances, une visite approfondie de ce chantier.
Par ailleurs, 5, 5 millions d’euros sont dévolus à la rénovation du Palais de Tokyo. Il était temps ! Ces dernières années, ce bâtiment n’a connu que des affectations éphémères. Il semble ne jamais s’être remis du déménagement du Musée d’art moderne vers le Centre Pompidou. Je dirai – ce n’est pas très juridique, mais passons – que le contraste est infiniment triste entre son néant et la vitalité de son voisin, le Musée d’art moderne de la ville de Paris, qui organise chaque année des expositions entraînant de longues files d’attente. Il faut souhaiter que la nouvelle affectation du palais sera pérenne et rencontrera le succès escompté.
Vous annoncez, monsieur le ministre, quinze mesures en faveur des arts plastiques. J’ai consacré, au premier semestre, une série d’entretiens à la politique de soutien à la création contemporaine via la commande publique, les acquisitions ou les aides aux artistes et aux structures. Il est difficile, pour ne pas dire impossible, de tirer un constat objectif à partir des appréciations béates ou, au contraire, d’une extrême sévérité que portent les uns et les autres sur cette politique ; le rapport n’est jamais sorti parce que nous n’arrivions pas à des conclusions totalement sûres !
Dans ce domaine, les postures conceptuelles sont plus fréquentes que les indicateurs chiffrés. Depuis le début des années quatre-vingt, le soutien aux arts plastiques a connu un essor sans précédent. Je crois qu’il est temps de procéder à une évaluation approfondie de ces trois décennies de politique en faveur de la création, évaluation qui repose sur autre chose que des jugements de goût ou des querelles entre fonctionnaires de la culture et sociologues de l’art.
J’en termine en relevant que la diminution des effectifs imputés sur la mission se poursuit et se traduit par une légère diminution de la masse salariale en valeur. Néanmoins, le ministère ayant fait mieux que le « un sur deux » en 2008, il bénéficie d’un assouplissement de la règle en fin de législature, ce qui lui permet d’y soustraire les emplois d’enseignants des établissements culturels. Ayant eu à connaître, les années précédentes, des situations des conservatoires de Paris et Lyon, qui mobilisent des équipes enseignantes d’un niveau tout à fait remarquable, je me félicite de cet assouplissement.
Tous les régimes politiques, tous les gouvernements ont mené une politique culturelle, ne serait-ce que pour des raisons de propagande. Néanmoins, il a fallu, chacun le sait, attendre le général de Gaulle et André Malraux pour qu’existe un ministère de la culture. Les grands moments historiques, la Révolution française, l’Empire ont peu créé. Il a fallu attendre la Restauration pour que se déploie le romantisme, sous un régime assez fade.
Il semble que nous nous soyons aujourd’hui mis à créer moins et à conserver davantage. Monsieur le ministre de la culture, vous n’y pouvez rien si le marché de l’art s’étiole à Paris, mais vous pouvez au moins, et vous vous y employez, nous faire de beaux musées. Est-ce à dire que nous vivons dans ce passé ? C’est l’avenir qui nous le dira.
Telles sont les principales observations que mon collègue Aymeri de Montesquiou, qui vous prie d’excuser son absence aujourd'hui, et moi-même souhaitions formuler sur ce budget.
Bien sûr, je voterai ces crédits à titre personnel, mais la commission des finances invite le Sénat à rejeter les crédits de la mission « Culture », comme elle l’a fait d’ailleurs pour toutes les missions.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme 175 connaît une stabilisation des crédits de paiement à 870 millions d’euros, tandis que les autorisations d’engagement diminuent pour leur part de 4, 1 % avec un montant de 813 millions d’euros demandé pour 2012. Si l’enveloppe budgétaire paraît relativement stabilisée, je souhaiterais néanmoins souligner les préoccupations majeures qui doivent sous-tendre l’analyse de ces crédits.
Le premier point inquiétant relève des arbitrages réalisés par le Gouvernement en faveur des « grands projets » tels que le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, le MUCEM, ou la Maison de l’Histoire de France. Ceux-ci semblent en quelque sorte « aspirer » les crédits, peut-être au détriment d’un accompagnement plus efficace des autres axes de la politique patrimoniale. C’est vrai pour le patrimoine monumental, dont les autorisations d’engagement chutent de 30 millions d’euros tout de même. Quelle sera alors la stratégie du Gouvernement au-delà de 2012 ? Cette diminution ne constitue-t-elle pas un mauvais signal pour le patrimoine ?
Ensuite, la charge croissante pesant sur les collectivités territoriales constitue évidemment un obstacle à la mise en œuvre de la politique patrimoniale. C’est particulièrement vrai avec la nouvelle responsabilité de la maîtrise d’ouvrage, qui les laisse démunies, avec une assistance insuffisante, tout au moins les plus petites d’entre elles.
Or plus de 50 % de nos monuments historiques sont des propriétés communales. Les arbitrages financiers douloureux auxquels les collectivités sont contraintes, par les effets combinés de la réforme de leurs recettes et de transferts de charges en provenance de l’État, incomplètement compensées par celui-ci, se font au détriment des politiques facultatives, au premier rang desquelles figurent les politiques patrimoniales.
Concernant la question des efforts de l’État en direction des musées territoriaux, je m’inquiète : l’effort de l’État ne doit pas se résumer à une intervention budgétaire ponctuelle comme le plan « musées en régions », qui prévoit 70 millions d’euros sur trois ans pour 79 établissements : elle doit aussi prendre en compte les difficultés soulignées, notamment, par l’Association générale des conservateurs de collections publiques de France dans son Livre blanc des musées de France : démographie problématique du corps des conservateurs, moyens insuffisants pour assurer des missions de base, risque d’un système à deux vitesses. Ces inquiétudes sont d’ailleurs relayées par la Cour des comptes qui, dans un rapport de mars 2011, décrit une « politique nationale de plus en plus parisienne » et une « double marginalisation des Français de province ».
De ces deux tendances découle une accentuation des inégalités entre territoires et un risque de « balkanisation » de la politique en faveur des patrimoines.
En ce qui concerne l’archéologie préventive, l’État poursuit, au moins pour cette année, son soutien sur le mode des « sauvetages financiers » – plus de 150 millions d’euros au total –, opérés ces dernières années pour compenser le déficit de financement de l’archéologie préventive dû au rendement insuffisant de la redevance d’archéologie préventive, la RAP.
Comme le rappelaient nos collègues Yves Dauge et Pierre Bordier en juillet dernier, cette situation critique est préjudiciable à la mise en œuvre de la politique publique. En effet, elle entraîne des retards dans la conduite des diagnostics et des chantiers de fouilles menés par l’INRAP et pèse ensuite fortement sur la conduite des autres missions de l’établissement, au premier rang desquelles figurent la recherche et la valorisation scientifique. Une réforme de la RAP est proposée à l’article 22 du prochain collectif budgétaire, et nous y serons particulièrement attentifs.
Je souhaiterais également aborder la question du malaise social qui caractérise plusieurs opérateurs culturels, tels que le musée d’Orsay, le Centre des monuments nationaux ou la Maison de l’Histoire de France. Si les origines des tensions diffèrent d’un établissement à un autre, ce malaise nous oblige à nous interroger à la fois sur la transparence des décisions de l’État mais aussi sur la stratégie qui consiste à réduire les effectifs tout en incitant à développer la fréquentation.
En outre, devrait-on prendre en compte l’autonomie grandissante des établissements culturels dont la Cour des comptes a rappelé qu’elle n’était pas un gage d’efficacité et qu’elle affaiblissait le pilotage de la politique muséale par le ministère de la culture ?
Je dirai un mot, enfin – ce sera ma conclusion –, sur le patrimoine mondial, qui demeure le grand oublié du programme « Patrimoines ». Même si la notion n’est pas encore inscrite en droit positif, les trente-sept sites français constituent néanmoins une réalité, et l’État doit dégager des moyens pour montrer qu’il assume sa responsabilité, engagée en application de la convention de l’Unesco de 1972. La création d’une ligne budgétaire dédiée me paraît s’imposer.
En conclusion, la commission de la culture a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Culture ».
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il m’appartient d’être le rapporteur du programme 224 de la mission « Culture », intitulé « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », qui représente 430 millions d'euros hors masse salariale, soit 40 % des crédits de la mission « Culture ».
On constate, là aussi, une stabilisation d’une année sur l’autre, avec un transfert, que la commission a examiné, des crédits vers le Centre national du cinéma et de l’image animée, en provenance de l’ancienne FEMIS, ou Fondation européenne pour les métiers de l’image et du son, pour 8 millions d'euros, ce qui, en soi, ne pose pas de problème particulier puisque nous restons dans la sphère du ministère de la culture et, par conséquent, dans la sphère publique.
J’ajoute que les crédits déconcentrés – c’est important ici au Sénat, maison des collectivités locales – représentent 38 % du programme, soit 163 millions d'euros.
Deux priorités sous-tendaient cette mission : la poursuite de la réforme de l’enseignement supérieur – j’y viendrai dans un instant – et la mise en œuvre d’une politique en faveur de la culture partagée, c'est-à-dire notamment, d’une part, des pratiques artistiques amateurs, qui sont importantes, même si on les a parfois sous-estimées, et, d’autre part, de l’accès à la culture de milieux spécifiques ; nous avons évoqué à cet égard, monsieur le ministre, les prisons ou les hôpitaux.
J’évoquerai maintenant trois points : l’enseignement supérieur, la décentralisation des enseignements artistiques et l’éducation artistique et culturelle.
Pour ce qui concerne l’enseignement supérieur, nous avons 115 établissements pour 34 251 élèves, dans cinq domaines principaux : les arts plastiques, l’architecture, le spectacle vivant, le cinéma et l’audiovisuel et le patrimoine.
J’en examinerai trois et, tout d’abord, je dirai un mot des écoles supérieures d’art plastique.
En effet, nous passons de 58 écoles à 45 établissements, dont 31 EPCC, ou établissements publics de coopération culturelle – chers à notre ancien collègue Yvan Renar, l’auteur de la réforme ayant permis cette institution – qui regroupent 48 écoles territoriales, financées – je le signale au passage, parce que c’est très important dans nos territoires – à 90 % par les collectivités territoriales, essentiellement les communes.
À cet égard, la commission de la culture souhaite voir rapidement publié le décret portant création de la Commission nationale des arts plastiques pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’emploi.
Les écoles d’architecture comptaient 18 427 étudiants en 2010-2011, avec 59 % des effectifs dans les régions, contre 41 % à Paris.
Je note avec satisfaction la décision d’exclure les emplois des enseignants des écoles supérieures d’art et d’architecture de la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, qui n’avait pas sa place ici.
Pour ce qui concerne l’enseignement supérieur, je relève une évolution considérable, à savoir l’intégration du système de formation dans l’espace européen d’enseignement supérieur, avec le système dit « LMD », licence-master-doctorat, et, parallèlement – ce point est fondamental –, le renforcement de la vocation professionnelle de ces formations.
Contrairement à l’image que l’on se fait de ces élèves, on note un taux d’emploi satisfaisant chez ceux qui sortent de ces établissements, avec de réels débouchés dans des carrières à la fois intellectuellement passionnantes et financièrement convenables. Il importe donc de renforcer la vocation professionnelle de ces formations.
À cet égard, je veux évoquer le rapport de notre collègue Catherine Morin-Desailly, que la commission a récemment examiné, et plus particulièrement l’expérimentation du CEPI, le cycle d’enseignement professionnel initial, qui a été conduite dans trois régions. La mise en place de ce cycle d’études n’entraîne quasiment aucun surcoût et permet de proposer la même offre d’enseignements artistiques sur tout un territoire.
Monsieur le ministre, la commission de la culture souhaite que vous puissiez étendre cette réforme, qui me paraît tout à fait essentielle, à l’ensemble du territoire.
Permettez-moi maintenant d’évoquer les crédits de l’éducation artistique et culturelle, qui s’élèvent à 31, 8 millions d’euros et concernent des actions très variées, telles que l’histoire des arts, l’action éducative menée autour des résidences de création, les classes patrimoines, les classes à projet artistique et culturel ou encore la formation des cadres du ministère de l’éducation nationale.
La commission de la culture m’a prié de vous dire avec force, monsieur le ministre, tout l’intérêt qu’elle attache, et que je partage – depuis que je suis rapporteur de tout ou partie de ce budget, je n’ai eu de cesse de le souligner chaque année – à l’histoire de l’art dans l’enseignement secondaire.
Certes, cette question relève du ministère de l’éducation nationale, mais, en la matière, vous avez un rôle d’aiguillon : sans le ministère de la culture, rien ne se fera.
C'est pourquoi vous pouvez compter sur le soutien de la commission de la culture et sur celui du Sénat dans son ensemble pour promouvoir ce domaine essentiel à la démocratisation de la culture qu’est l’enseignement de l’histoire de l’art.
Certes, cet enseignement fait progressivement son apparition depuis quelques années – c’est une évolution, pour ne pas dire une révolution considérable –, mais il convient de le renforcer et de le conforter. En effet, si nous voulons que les générations à venir s’intéressent à l’art sous toutes ses formes, il faut le leur faire découvrir très tôt et très rapidement. C’est à ce seul prix que l’on pourra appliquer cette belle formule que Jean Vilar voulait faire inscrire sur tous les frontons des théâtres : « N’entrez ici que par plaisir. »
L’histoire de l’art, l’histoire des arts, au sens large, joue un rôle essentiel.
Telles sont les remarques que je souhaitais formuler sur ce budget. Comme l’a dit avec humour notre collègue Yann Gaillard, les commissions des finances et de la culture ont rejeté l’ensemble des crédits de toutes les missions, mais, à titre personnel, j’indique que je voterai les crédits de la mission que j’ai l’honneur de rapporter.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le thème du dernier Forum d’Avignon, qui s’est déroulé du 17 au 19 novembre dernier, était le suivant : « Investir la culture. »
Or pour investir la culture, il faut aussi investir dans la culture. À ce titre, le secteur du cinéma nous apparaît emblématique.
Grâce au dispositif vertueux des soutiens du CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée, notre pays peut s’enorgueillir d’avoir su conserver, et développer, un cinéma national puissant et divers. À cet égard, je citerai quelques bonnes nouvelles.
Tout d’abord, la production cinématographique bat un nouveau record historique, avec 261 films agréés en 2010 et une fréquentation des salles en hausse – nous n’avions pas connu cela depuis 1967 !
En 2010, le record de 206 millions d’entrées a été franchi et, en 2011, pour la troisième année consécutive, le seuil des 200 millions d’entrées sera dépassé.
Ensuite, la part du cinéma français est très élevée par rapport à la plupart des autres pays, avec 35, 7 %.
Cependant, si le nombre des salles, donc d’écrans et de fauteuils, s’accroît, celui des établissements cinématographiques, lui, diminue, en raison de la poursuite d’un mouvement de concentration du secteur.
Il faudra donc que nous soyons particulièrement attentifs au soutien à la modernisation des petites exploitations, notamment celles qui sont classées « art et essai ».
À ce titre, en tant que membre du comité de suivi parlementaire chargé d’évaluer l’application de la loi de septembre 2010 relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques, je vous confirme que nous pouvons être globalement satisfaits des avancées réalisées.
Je relève néanmoins que les distributeurs et exploitants de taille moyenne ou de petite taille ont rencontré davantage de difficultés que les autres, même si celles-ci semblent s’être considérablement atténuées depuis juin 2011.
On a attiré mon attention sur l’importance des différentiels de contributions demandés par certains distributeurs, voire des délais de paiement de ces contributions, selon la taille des exploitations.
Il faudra, par ailleurs, être particulièrement vigilant sur les conditions d’accès de ces petites salles aux films, y compris aux films chimiques, qui représentent encore la majorité des films.
À cet égard, l’ADRC, l’Agence pour le développement régional du cinéma, devra continuer à jouer pleinement son rôle.
De plus, l’aide mise en place par le CNC pour les plus petites exploitations – trois écrans maximum – a déjà profité à près de 245 établissements, soit 331 salles.
En revanche, les établissements dits « peu actifs » et les circuits itinérants sont dans l’attente des modalités de leurs aides spécifiques. Peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur ce point.
Cela étant, en septembre 2011, quelque 58 % de l’ensemble des écrans actifs étaient équipés pour la projection numérique. Je me réjouis de la rapidité avec laquelle notre parc de salles s’équipe en écrans numériques, limitant ainsi la durée de la transition technologique et faisant de la France le pays le mieux équipé d’Europe.
Je veux saluer ici l’implication du CNC, qui a pleinement joué son rôle.
Avec le « plan numérisation » 2010-2015, qui concerne non seulement les salles, mais aussi les œuvres patrimoniales, les missions que le CNC assume s’accroissent, le transfert de charges du budget de l’État étant de 21, 15 millions pour 2012.
En outre, l’ensemble des soutiens seront confortés avec la réforme du soutien automatique à la distribution cinématographique, la nécessaire mise en place d’un soutien automatique à la vidéo à la demande, la création d’un nouveau dispositif sélectif dénommé « aide aux Cinémas du monde » et le renforcement des soutiens à la musique originale de films.
Néanmoins, l’ensemble des dépenses du CNC, évaluées à 700, 8 millions d’euros, sont en baisse de 6, 5 %, dans la mesure où la réserve numérique constituée depuis 2009 permettra à l’établissement de mobiliser les moyens nécessaires au déploiement du plan de numérisation. Il conviendra simplement de veiller à ce que les ressources du CNC permettent d’en assumer le financement jusqu’à son terme.
Les ressources du CNC proviennent, pour l’essentiel, du produit de taxes affectées, prélevées sur les diffuseurs de films – exploitants de cinéma, chaînes de télévision, fournisseurs d’accès à internet, diffuseurs de vidéo –, en vue d’alimenter le compte de soutien aux professionnels du secteur.
La réforme de la taxe sur les services de télévision, la TST, dans son volet « distributeurs », s’imposait pour lutter contre l’évasion fiscale, et l’article 5 bis du présent projet de loi y procède.
L’article 16 ter du projet de loi de finances pour 2012 a pour effet de plafonner le produit de chacune des taxes affectées au CNC, afin de limiter ses ressources à 700 millions d’euros, le surplus, évalué à 70 millions d’euros, étant reversé au budget de l’État.
J’espère que la commission mixte paritaire saura trouver une solution équilibrée, qui pourrait être fondée sur le sous-amendement que je vous avais proposé et que le Sénat a d’ailleurs voté mardi soir.
Écrêter cette taxe très dynamique au-delà de 229 millions d’euros permettrait d’associer le CNC aux efforts demandés à l’ensemble de la Nation, tout en lui permettant de financer pleinement ses missions. Grâce à ce compromis, nous éviterions de fragiliser les soutiens automatiques, tout en mettant les recettes du CNC en adéquation avec ses besoins.
En tout état de cause, il serait plus sain que cet objectif soit atteint par le biais d’une adaptation des taxes.
L’article 49 sexies prévoit un aménagement du crédit d’impôt international que nous avions proposé l’an dernier, ce qui est positif.
Le crédit d’impôt national à la production cinématographique ne nous semble plus assez attractif, alors que son caractère efficient, y compris pour le budget de l’État, a été reconnu. Quelles sont les intentions du Gouvernement dans ce domaine ? Peut-on le faire évoluer ?
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon regard en tant que rapporteure pour avis de la commission sur les crédits consacrés au spectacle vivant s’est trouvé enrichi par les nombreuses auditions organisées au premier semestre de 2011 par notre groupe de travail sur le spectacle vivant, co-animé par notre collègue Jean-Pierre Leleux et moi-même.
Ce rapport budgétaire nous donne l’occasion d’examiner le budget du ministère de la culture à la lumière de nos travaux.
Tout d’abord, il faut améliorer l’observation et la connaissance du secteur du spectacle vivant.
À cette fin, pouvoirs publics et professionnels travaillent à la création d’une plate-forme d’observation. Cependant, beaucoup s’inquiètent du retard pris, la plupart des groupes de travail ayant vu leurs travaux suspendus. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous faire part d’un calendrier précis sur ces questions ?
Ensuite, il faut répondre aux inquiétudes relatives au financement du secteur, dans un contexte structurel de raréfaction des ressources publiques, provenant de l’État comme des collectivités territoriales, qui assument plus des deux tiers du financement public. Dans le même temps, les demandes culturelles et la création de nouvelles structures viennent renforcer les besoins. Ce sujet préoccupe évidemment de nombreux professionnels, qui déplorent la dégradation de leurs marges artistiques.
Davantage de cohérence et de clarification entre les interventions des uns et des autres, dans le dialogue et le respect mutuel, est nécessaire.
Vous avez, monsieur le ministre, lancé une mission sur le financement du spectacle vivant, dont nous devrions connaître les premières conclusions à la fin de cette année. N’aurait-il pas été préférable que les travaux de cette mission soient mieux coordonnés avec l’élaboration de ce budget et aussi avec ceux de la mission relative au financement du secteur musical, d’autant que le recoupement est important ?
Quelle est votre analyse quant aux perspectives de création d’un éventuel fonds de soutien bénéficiant à la musique enregistrée, au spectacle musical et au spectacle vivant non musical ?
Le bien-fondé de la création d’un Centre national de la musique, le CNM, en cette période est, semble-t-il, remis en question au sein même de la majorité présidentielle, comme en témoigne l’amendement voté, mercredi dernier, par la commission des finances de l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, notre commission est préoccupée quant à l’appréhension par les institutions européennes de la question des aides d’État, avec la réforme du « paquet Monti-Kroes ». Quelle est votre position sur ce point ?
En outre, il faut trouver les moyens d’assurer un meilleur équilibre entre création et diffusion artistiques. Les professionnels s’inquiètent d’un relatif effacement de l’artistique face aux demandes socioculturelles.
Priorité doit être donnée à la structuration des réseaux, avec les salles et les compagnies. À cet égard, la politique de contractualisation entre l’État et certains types d’établissements est plutôt positive. Néanmoins, les collectivités territoriales devraient y être davantage associées !
Enfin, nous nous sommes intéressés à la question du maillage culturel de la France et à celle des politiques culturelles à l’échelle territoriale.
Là encore, il est nécessaire de développer une approche globale de la politique culturelle du territoire au-delà d’une logique d’équipement. Or le budget pour 2012 viendra aggraver cette situation.
En effet, les crédits alloués au spectacle vivant s’établissent à 665 millions d’euros en autorisations d’engagement et 719 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 2, 7 % des autorisations d’engagement et une hausse de 8, 37 % des crédits de paiement par rapport au projet de loi de finances initial pour 2011, à structure constante, et donc hors inflation.
Je vous l’avoue, monsieur le ministre, cette diminution des autorisations d’engagement me préoccupe.
Par ailleurs, je relève que 81 % des nouveaux moyens d’investissement, soit 45 millions d’euros, seront absorbés par le projet de la Philharmonie de Paris. Le coût global de cette opération est évalué à 336 millions d’euros, contre 203 millions en première estimation. Comment a-t-on pu aboutir à un tel dépassement des devis et à une progression aussi chaotique du projet ?
Dans ce budget, on note d’ailleurs une attention particulière portée au secteur musical : de nouveaux lieux seront créés en faveur des musiques actuelles. Toutefois, il faudra, là aussi, veiller à répondre aux réels besoins des territoires, en s’appuyant, par exemple, sur les schémas d’orientation pour le développement des lieux de musiques actuelles.
En outre, cet effort en faveur des musiques actuelles s’accompagne d’une baisse des crédits alloués aux orchestres et ensembles musicaux, ainsi qu’aux festivals, tous types confondus ! L’enveloppe de crédits qui leur est destinée diminue de 858 000 euros, alors que leur nombre augmente et qu’ils ont un fort pouvoir d’irrigation culturelle des territoires.
Vous avez annoncé un Plan d’actions pour le spectacle vivant, pour un montant de 12 millions d’euros sur trois ans, dont 3, 5 millions d’euros pour 2012. Si nous souscrivons aux objectifs et thématiques de ce plan, nous estimons que ces crédits nouveaux restent bien modestes.
Par ailleurs, nous assistons, encore une fois, à un jeu de passe-passe, des redéploiements de crédits étant opérés au bénéfice des compagnies non conventionnées, mais au détriment des compagnies conventionnées. Un équilibre doit être trouvé entre le soutien à l’émergence et l’aide dans la durée.
Enfin, je vous alerte sur les conséquences de l’article 16 ter du projet de loi de finances, qui fait beaucoup débat. Je regrette, évidemment, que le sous-amendement n° I-165 rectifié déposé au nom de la commission de la culture à l’amendement n° I-28 rectifié n’ait pas été adopté, car son vote aurait permis d’améliorer les budgets des organismes du secteur culturel.
Je rappelle que cette exception culturelle française est particulièrement encadrée et observée par Bruxelles. Si le reversement à l’État du trop-perçu s’opérait, cela pourrait être considéré comme un détournement de taxe et donc remettre en cause le dispositif.
Par conséquent, les raisons n’ont pas manqué pas pour conduire notre commission de la culture à donner un avis défavorable à l’adoption du programme « Création » de la mission « Culture » pour 2012.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l’analyse des crédits du programme 131, la commission de la culture a souhaité rendre un avis sur les arts visuels, qui se rattachent à l’action n° 2, Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts plastiques, dont les précédents rapports ont déjà fait état.
Mon premier constat est celui d’une diminution des crédits de paiement comme des autorisations d’engagement. Cette baisse de l’effort budgétaire n’est pas cohérente avec votre très récente annonce, monsieur le ministre, d’un plan d’action en faveur des arts plastiques.
En outre, je note que les efforts réalisés depuis deux ans ont pour objectif de financer des projets d’envergure qui, en quelque sorte, « aspirent » les crédits de l’action n° 2 au détriment de l’irrigation des structures contribuant au développement des arts plastiques et à la démocratisation de la culture sur l’ensemble du territoire.
Ainsi, en 2011 déjà, le projet du Palais de Tokyo absorbait près de 72 % des crédits d’intervention.
Si ce projet est évidemment un très bon signe pour la dynamique de l’art d’aujourd’hui, on peut s’inquiéter du contraste saisissant entre le soutien accordé à cette dynamique parisienne et les difficultés qui prévalent au sein des structures plus modestes, telles que les centres d’art. Ces derniers sont aujourd’hui déstabilisés par la réforme des collectivités territoriales, ces dernières étant leurs principaux financeurs. De plus, ils craignent une multiplication des fermetures. C’est déjà le cas pour le Centre d’art du Domaine de Kerguéhennec, en Bretagne, ou celui du Domaine départemental de Chamarande, dans l’Essonne.
Par ailleurs, je note que le budget attribué aux centres d’art n’a pas été réévalué depuis dix ans, ce qui ne leur permet pas de faire face à la hausse des coûts observée dans le domaine de l’art d’aujourd’hui.
En outre, comme le soulignait notre collègue Jean-Pierre Plancade dans son récent rapport d’information Agissons pour l’art d’aujourd’hui, expression vivante de notre société, la politique de diffusion est très insuffisante, puisque c’est seulement un peu plus de la moitié des œuvres du Fonds national d’art contemporain qui circulent sur le territoire. La construction de Fonds régionaux d’art contemporain de seconde génération n’est pas une raison pour diminuer les efforts en faveur d’une diffusion plus importante par ailleurs.
On peut donc s’interroger sur l’accès du plus grand nombre à la culture et sur la pertinence d’une stratégie de développement de la collection publique d’art contemporain qui n’est pas accompagnée d’une politique de diffusion plus efficace.
Les arts visuels concernent aussi la photographie. La photo d’art est, elle aussi, contrainte par les mêmes tendances de hausse des coûts, avec une multiplication des supports, plus onéreux, et l’intermédiation nouvelle des collectionneurs pour l’organisation d’expositions qui, de fait, augmente les coûts.
La photographie d’art est au cœur de problématiques importantes, telles que la conservation et la valorisation des fonds photographiques, la recherche de nouveaux espaces d’exposition, mais aussi le phénomène de la numérisation, qui la rend plus accessible, mais aussi plus fragile aussi au regard des enjeux de propriété intellectuelle.
C’est particulièrement vrai et criant pour le photojournalisme, secteur en crise depuis les années quatre-vingt-dix. L’irruption des techniques numériques, qui apparaît comme l’un des principaux bouleversements des modes de production et de diffusion, a fait émerger de nouveaux risques. J’en citerai deux.
Le premier est l’apparition des microstocks, qui permettent de vendre des photos sur Internet pour quelques centimes d’euros seulement. À cet égard, je trouve très inquiétante l’attribution du label PUR – promotion des usages responsables – au microstock Fotolia par la HADOPI, c'est-à-dire la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet.
Le second phénomène dangereux est la pratique abusive des droits réservés, ou DR, dénoncés avec force par la présidente de la commission de la culture, Marie-Christine Blandin, à l’occasion de l’examen de sa proposition de loi relative aux œuvres visuelles orphelines et modifiant le code de la propriété intellectuelle, un texte qui est actuellement en instance à l’Assemblée nationale.
Comme vous le rappeliez la semaine dernière, monsieur le ministre, plusieurs mesures ont été annoncées pour soutenir la photographie. Je citerai, notamment, la création d’un observatoire du photojournalisme, une mission de la photographie au sein du ministère, des actions de sensibilisation en milieu scolaire ou encore l’ouverture d’une concertation sur les sujets relatifs aux œuvres orphelines et aux droits réservés.
Toutefois, il me semble particulièrement regrettable, compte tenu justement de toutes ces annonces, que l’on ne soit pas capable de mesurer précisément les efforts consentis dans ce domaine.
L’éparpillement entre plusieurs programmes budgétaires et le manque d’évaluation précise des crédits concernés ne me semblent pas à la hauteur des enjeux de la photographie. Je crois, je vous l’ai déjà dit, que la lisibilité budgétaire est aussi un exercice démocratique, qui nous permet d’étudier le budget et d’être en mesure de faire des comparaisons d’une année sur l’autre.
En conclusion, pour les raisons que j’ai évoquées, la commission de la culture a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Culture ».
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Mes chers collègues, je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Jacques Pignard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Qu’un autre aux calculs s’abandonne ; moi, mon budget est facile et léger ».
Monsieur le ministre, lors de votre intervention en commission de la culture, vous avez pris soin, en invoquant les mânes d’Eugène Scribe, de préciser que votre budget ne s’inspirait pas de la légèreté du célèbre librettiste.
Je vous donne volontiers acte qu’en cette période de crise la sanctuarisation de votre budget est un exploit et relève aussi du courage politique, que vous assumez en même temps que le Premier ministre qui a arbitré.
Il ne faut pourtant pas s’illusionner : ce répit risque d’être de courte durée, car, les choses étant ce qu’elles sont, que la majorité présidentielle reste la même ou qu’elle change demain, la culture ne pourra s’exempter de l’effort collectif demandé à toute la Nation.
M. Roland Courteau s’exclame.
Le temps du « toujours plus » me semble révolu. Il doit laisser place au temps du « toujours mieux », qui, paradoxalement, peut aussi se faire avec du moins, dès lors que l’on sait mobiliser toutes les ressources, faire preuve d’inventivité, d’efficacité et de discernement, ...
... et surtout sortir des raccourcis faciles que j’ai entendus tout à l’heure : Paris contre la province, la culture dite « savante » contre la culture dite « populaire », l’État contre les collectivités !
La crise nous oblige impérativement à améliorer la gouvernance de nos institutions culturelles ; elle ne nous contraint pas, heureusement, à verser dans le misérabilisme.
C’est pour cette raison, monsieur le ministre, que j’approuve votre volonté de doter Paris et nos grandes métropoles régionales d’équipements sans lesquels elles ne seraient plus des capitales.
Dans le domaine de la musique, que la ville de Paris puisse combler le déficit qu’elle a par rapport à Londres ou Berlin, je m’en réjouis personnellement. Que des musées puissent exister dans nos grandes métropoles régionales, Lyon, Marseille ou Lille, comme ils existent à Milan ou à Barcelone, je m’en réjouis également.
Ce n’est donc pas moi qui vous reprocherai les investissements que vous avez consentis, même si je n’excuse pas certains dérapages budgétaires pour le Palais de Tokyo, la Philharmonie, le Centre national des archives de Pierrefitte-sur-Seine, le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée à Marseille ou, bien sûr, la Maison de l’histoire de France.
Je vous ferai un seul reproche, mais vous le comprendrez aisément, c’est d’avoir oublié dans votre liste le musée des Confluences.
Soyons honnêtes, nous avons besoin de ces institutions. Néanmoins, me direz-vous, le fonctionnement suivra-t-il ? J’ai entendu ici des inquiétudes légitimes : peut-on concilier les impératifs de la révision générale des politiques publiques avec la nécessité d’élargir les publics ? Personnellement, je ne partage pas ces craintes. Même si le mot peut vous paraître trivial, mes chers collègues, je pense qu’il y a des gisements de productivité inexploités ou, en tout cas, paralysés par des inerties administratives, par le poids des habitudes, par le souci de ne rien changer. Oui, je pense que toutes nos institutions ont intérêt à penser l’avenir en termes nouveaux, en termes d’efficacité et de rigueur de gestion.
Je ne partage évidemment pas les reproches qu’adresse la Cour des comptes, si noble soit-elle, aux établissements publics, qui affaibliraient le pilotage de l’État. Si Mme Pécresse avait tenu compte de ces attendus, elle n’aurait sans doute jamais réformé l’université. Il me semble, au contraire, que, en période de crise, l’établissement public, qui permet de fusionner des ressources publiques et des recettes privées, constitue une réponse adaptée.
Le constat que l’on peut faire pour les musées est le même que pour le spectacle vivant, le cinéma ou l’enseignement artistique cher à ma collègue Catherine Morin-Dessailly. En période de crise, l’essentiel, me semble-t-il, est de préserver et d’amplifier les marges artistiques par rapport à des frais de structure souvent surdimensionnés. J’aime beaucoup l’expression habituelle d’un « théâtre en ordre de marche », mais j’ai parfois le sentiment que nos théâtres sont en désordre de marche, tant le poids des corporatismes et des conservatismes empêche toute innovation.
Pourquoi nos théâtres subventionnés seraient-ils les seuls à pouvoir s’affranchir d’une gestion plus efficace, d’une optimisation de leurs ressources humaines et d’une maîtrise de leurs dépenses que les théâtres privés n’ont d’autre choix que de s’imposer ?
Alors, me direz-vous, voilà des questions posées par un centriste réactionnaire !
M. Jean-Jacques Pignard. Mais, dans le groupe de travail qu’évoquait Mme Blondin, il se trouve que M. Bernard Murat a posé à peu près les mêmes questions. Pour autant que je sache, M. Murat n’est pas réactionnaire et certainement pas centriste. Peut-être est-il un « hollandiste » ?
Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Oui, l’organigramme de certaines de nos institutions que je connais bien me fait penser parfois à ces interminables génériques qui terminent nos films et où l’on s’aperçoit que celui qui place la caméra n’est pas celui qui l’enlève. Alors, quitte à vous choquer, chers collègues, vive la RGPP si elle permet de fusionner deux postes de techniciens, celui qui met une chaise sur le plateau et celui qui l’enlève !
Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.
J’évoquerai enfin les rapports entre l’État et les collectivités territoriales. Voilà deux ans, nous avions tous été d’accord, à gauche comme à droite, pour faire en sorte que l’intervention des collectivités locales en faveur de la culture demeure possible après la réforme territoriale. Nous avions été entendus.
Pour autant, est-ce à dire, monsieur le ministre, que le même type de cofinancement, associant l’État, la région, le département et les communes, doit valoir pour tous les projets ? Les entretiens de Valois, au sujet desquels j’ai souvent exprimé mon scepticisme, ont au moins permis une hiérarchisation des financements et des labels. Dont acte !
Respectez le choix des collectivités de vous suivre ou non, monsieur le ministre, quand vous les sollicitez par l’intermédiaire de vos DRAC : oui au cofinancement de grands projets, non à la dispersion des crédits entre de multiples compagnies dont l’intérêt culturel est aléatoire mais qui possèdent l’immense avantage d’être labellisées au titre de la politique de la ville. Il suffit, pour cela, qu’elles invoquent la « citoyenneté », la « diversité » et les « publics empêchés ». Le politiquement correct y trouve son compte, pas la culture !
Protestations sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.
Culture dite populaire, culture dite savante : ce sont les termes d’un faux débat ! Ce n’est pas en nous contraignant à financer des compagnies qui organisent des happenings douteux au pied des immeubles que l’on gagnera le défi de la démocratisation !
Nous y parviendrons en envoyant les publics dits « empêchés » dans de vrais théâtres. Ce n’est pas parce qu’Abou Lagraa ou Mourad Merzouki sont issus de la « diversité » qu’ils ont transcendé la danse urbaine et qu’ils l’ont amenée sur la scène du théâtre national de Chaillot, c’est parce qu’ils ont du talent !
Alors, de grâce, en période de crise, ne nous payons pas de mots, allons à l’essentiel ! C’est parce que votre projet de budget, monsieur le ministre, répond à cette exigence que le groupe de l’Union centriste et républicaine le votera.
Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, prendre la parole après M. Pignard n’est pas chose aisée. Sans chercher à rivaliser avec lui sur le plan de la forme – celle de son intervention était, je dois le dire, un peu forcée ! –, je me bornerai à exposer le fond de la position des membres du RDSE.
Au mois de septembre dernier, lors d’une conférence de presse, vous nous aviez annoncé, monsieur le ministre, une augmentation de 2, 9 % des crédits alloués à la culture. Mais, à la lecture de votre projet de budget, la déception est grande, surtout après les réajustements effectués à l’Assemblée nationale à la suite de l’annonce du plan d’austérité !
La politique culturelle doit-elle être la première victime de la crise ? Nous sommes conscients qu’un effort de chacun est nécessaire pour le redressement des finances publiques, mais « effort » ne signifie pas « abandon » ou « sacrifice de toute ambition ».
Le rayonnement culturel de notre pays est un élément fondamental pour notre essor, et sans doute en vue de la sortie de la crise. Je suis convaincue de l’importance du rôle de la culture en termes tant de maintien du lien social et d’épanouissement personnel que d’attractivité du territoire. N’oublions pas que, avec plus de 75 millions de visiteurs par an, la France se classe au premier rang mondial des pays touristiques. La richesse de notre patrimoine monumental et de notre création artistique n’est plus à prouver. La sauvegarde, la protection et l’ouverture de ces trésors sont des devoirs qui incombent à l’État, quel que soit le contexte : il y va de sa responsabilité face à l’histoire et aux générations futures.
Or l’analyse des chiffres est implacable : la « sanctuarisation » des crédits dont le Gouvernement se targue n’est pas au rendez-vous. Certes, la lisibilité des documents budgétaires ne s’améliore pas avec le temps et leur complexité est telle qu’il est difficile d’avoir une vision précise de l’évolution de chaque ligne de crédits…
Mais si les crédits de paiement de la mission « Culture » peuvent apparaître en très légère augmentation en 2012, ils correspondent surtout, en réalité, à des dépenses engagées depuis plusieurs années.
Quant aux autorisations d’engagement, elles diminuent de 4, 3 % par rapport à 2011, hors inflation. Néanmoins, en intégrant les dépenses de personnel, en prenant en compte les fonds de concours, qui, par nature, sont aléatoires, et, surtout, en mesurant le poids budgétaire de la Philharmonie de Paris, il apparaît clairement que l’on ne peut pas parler d’augmentation réelle et sincère du budget consacré à la culture.
Depuis plusieurs années, c’est un fait, la culture est victime de coupes budgétaires. Les musées sont soumis à la RGPP avec une rigueur dramatique, et je ne parviens pas à dire, comme M. Pignard, « vive la RGPP ! »
La grève survenue au musée d’Orsay après son agrandissement et sa réouverture, le mois dernier, est le plus récent témoignage de leur détresse.
De même, les crédits consacrés aux actions en faveur de l’accès à la culture sont en permanente diminution. À cela s’ajoute le désengagement progressif de l’État du financement de la sauvegarde de son patrimoine monumental. Nous tentons de trouver des solutions pour y remédier. Il y a quelques semaines a été adopté un texte ouvrant plus largement la possibilité de transférer des monuments historiques aux collectivités territoriales. Mais le recours à cette solution reste limité et très encadré : elle ne doit pas inciter l’État à se reposer entièrement sur les collectivités, qui n’auraient d’ailleurs pas les moyens de faire face, de trop nombreuses autres charges leur ayant déjà été transférées sans être compensées.
Monsieur le ministre, non seulement l’augmentation des crédits est insuffisante, mais de plus leur répartition entre actions, ainsi qu’entre Paris et le reste de la France, pose réellement problème. Comme je le disais à l’instant, la Philharmonie de Paris pèse considérablement sur le budget global alloué à la culture : l’État ne consacrera pas moins de 158 millions d’euros à sa construction. De même, le Palais de Tokyo et la future Maison de l’histoire de France concentrent une grande part des dépenses culturelles de notre pays sur sa capitale. Les musées créés en province, quant à eux, sont la plupart du temps des « coquilles vides », ne disposant pas de suffisamment de moyens pour fonctionner.
La question de la concentration des moyens se pose aussi avec insistance dans le domaine de l’exploitation des salles de cinéma, les petites structures fermant les unes après les autres.
Le Centre national du cinéma et de l’image animée, qui joue un rôle essentiel pour l’adaptation aux évolutions économiques et technologiques des marchés de la diffusion, tente de pallier cette situation. Des efforts considérables sont faits pour la numérisation de toutes les salles, mais les plus petites d’entre elles ont souvent aussi à réaliser de gros travaux de mise aux normes en matière de sécurité et d’accessibilité, auxquels elles ne peuvent faire face.
C’est pourquoi le plafonnement du produit des taxes affectées au CNC inquiète. Alors que les besoins des petites salles vont croître et que, depuis 1946, le système redistributif et mutualiste du fonds de soutien géré par le CNC a fait ses preuves, tout notre dispositif d’aides d’État au cinéma va être déstabilisé.
Monsieur le ministre, pourquoi le surplus de recettes fiscales doit-il être affecté au budget de l’État, au risque de fragiliser l’ensemble du système, au moment même où celui-ci devrait être conforté ? Et que pensera Bruxelles de cette évolution ?
Avant de conclure, je souhaite aborder rapidement la question du passage du taux de la TVA de 5, 5 % à 7 %. Cette mesure touchera l’ensemble des entreprises culturelles, en particulier celles du secteur du livre et les salles de spectacle. Après avoir enfin obtenu, l’année dernière, le passage du taux de TVA à 5, 5 % pour le livre numérique, nous pensions être sur la bonne voie. Mais cette baisse, programmée pour le 1er janvier 2012, ne verra jamais vraiment le jour ! Comment accepter que la culture subisse encore aujourd’hui une telle attaque ? L’augmentation du taux de la TVA annonce à coup sûr la mort lente des éditeurs, des libraires indépendants et de nombreuses entreprises du spectacle vivant, déjà fragilisées elles aussi par une situation économique défavorable.
Sans me lancer comme M. Pignard dans une envolée théâtrale
Sourires.
C’est pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, impossibles à évoquer dans le peu de temps qui m’était imparti, que les membres du groupe du RDSE n’adopteront pas les crédits de la mission « Culture ».
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV.
M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, je tiens tout d’abord à vous faire part de l’agréable impression que m’a laissée votre présentation, en commission, du projet de budget de la mission « Culture ». Je suis chaque fois subjugué par vos talents de conteur !
Sourires.
Cependant, cette présentation, parfois empreinte de poésie, ne parvient pas à masquer la réalité de votre projet de budget, qui marque une régression pour les programmes « Patrimoines » et « Création » et une très légère hausse, liée aux seules dépenses de personnel, pour le programme « Transmissions des savoirs et démocratisation de la culture ».
Vous prétendez que le budget de la culture augmente de 2, 9 %. Or les chiffres sont les suivants : en autorisations d’engagement, les crédits, bien loin d’augmenter, baissent de 116 millions d’euros, tandis qu’en crédits de paiement, ils progressent de 50 millions d’euros, soit de 2 %, grâce à un apport de 22 millions d’euros de fonds de concours. Toutefois, l’inflation devant s’élever à 1, 7 %, la hausse sera presque inexistante.
Par ailleurs, les autorisations d’engagement comme les crédits de paiement subissent depuis quelques années des annulations de crédits en cours d’exercice. Cette pratique, qui semble devenir habituelle, vous permet, monsieur le ministre, de présenter un budget surévalué.
Qu’en est-il, en réalité, des crédits de la mission « Culture » ? En comparant les chiffres de 2007 à ceux de 2012, on observe tout de même une hausse de 65 millions d’euros, soit de 3 %, des autorisations d’engagement, et une augmentation de 8 % des crédits de paiement. Cependant, l’inflation cumulée ayant été, dans le même temps, de 10 %, il en résulte que les crédits de la culture ont baissé durant le quinquennat de M. Sarkozy. Nous sommes très loin des promesses de 2007 !
Attardons-nous un instant sur le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Hors crédits destinés aux fonctions de soutien, on constate que ce programme perd 10 millions d’euros d’une année sur l’autre. Il est malheureusement devenu, au fil des ans, une variable d’ajustement pour votre ministère. Pourtant, vous ne cessez de mettre en avant – dans vos discours, mais pas dans vos actes ! – un objectif de démocratisation de la culture.
Les crédits destinés à l’action internationale connaissent une légère baisse, de 0, 3 million d’euros.
Les crédits consacrés à l’éducation artistique et culturelle, ainsi que ceux en faveur de l’accès à la culture, enregistrent une baisse considérable, de 11 millions d’euros. Ce recul de 20 % est d’autant plus préoccupant que cette action finance plus particulièrement les politiques en faveur des publics handicapés, des prisonniers, des enfants scolarisés en ZEP, des jeunes pris en charge dans le cadre d’activités organisées par des associations de lutte contre l’exclusion.
Enfin, je ne peux passer sous silence la poursuite inexorable de la mise en œuvre de la RGPP et de la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraire sur deux. Les crédits de fonctionnement diminuent de 2 millions d’euros, pour s’établir à 52 millions d’euros.
En conclusion, si le budget global de la culture, du moins en crédits de paiement, ne baisse pas en valeur absolue, il stagne depuis trop longtemps. Quant à la diminution des autorisations d’engagement, elle signifie l’incapacité du ministère de mettre en place de nouvelles actions sur le long terme.
(Rires sur les travées du groupe socialiste -EELV.) Mais le contenu de votre projet de budget, du point de vue des moyens, est malheureusement navrant. Si j’ai bu vos paroles, j’ai très mal avalé vos chiffres !
Sourires.
Si je devais, monsieur le ministre, vous attribuer une note pour votre présentation des crédits de la mission « Culture », je vous accorderais volontiers un « triple A »… pour l’éloquence et pour le style ! §
Telles sont les observations dont je souhaitais vous faire part au nom de mes collègues du groupe socialiste-EELV. Bien entendu, nous voterons contre les crédits de la mission « Culture ».
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
La présentation de ce projet de budget est apparemment censée démontrer, malgré la faiblesse des crédits, l’importance que le Gouvernement accorde à la culture. Mais la crise et la rigueur budgétaire servent d’arguments pour justifier toutes les démissions dans ce domaine.
Au nom de la réduction des déficits publics engagée pour contenter les marchés financiers, il nous faudrait admettre que si les crédits attribués à la culture ne diminuent pas, c’est qu’ils sont considérés comme prioritaires ! L’argument a de quoi laisser songeur : l’absence de coupes budgétaires drastiques témoignerait de l’ambition de la politique culturelle…
En réalité, la mission « Culture » n’est pas plus épargnée que les autres ; elle aussi fait l’objet de mesures d’économies destinées à combler le déficit.
Ainsi, le Gouvernement a voulu que le relèvement du taux de TVA de 5, 5 % à 7 % s’applique aux livres et aux billetteries de spectacles. La faiblesse des recettes nouvelles qu’une telle mesure rapportera à l’État et l’ampleur des difficultés économiques rencontrées par les acteurs concernés auraient justifié que ces derniers soient exemptés de ce relèvement du taux de TVA, au nom de l’exception culturelle.
L’introduction d’un plafonnement du produit des taxes affectées au CNC, au CNL, au CMN et au CNV participe aussi de l’effort financier aveugle que l’on veut imposer au secteur de la culture.
Ces opérateurs culturels de l’État, chacun dans son domaine – cinéma, livre, musées et chanson –, ont permis de préserver la diversité de la création en France et de maintenir, sur tout le territoire, des réseaux de diffusion de toutes tailles. Cette situation unique fait la force de la culture française.
Le plafonnement de leur financement – l’État s’attribuant le surplus du produit des taxes affectées – se traduira de facto par un amoindrissement de leur action. Pourtant, l’affectation de ces taxes n’a pas d’incidence sur les finances de l’État ; elle est au contraire le fruit de la débudgétisation de l’action culturelle. D’ailleurs l’État continue de transférer nombre de missions à ces opérateurs : c’est ainsi que, dès 2012, le CNC aura la charge de l’École nationale supérieure des métiers de l’image et du son, l’ancienne Femis.
La culture ne sera donc pas davantage épargnée en 2012 qu’elle ne l’a été depuis 2007.
Peut-on dire d’un ministère qui a subi les deux phases de la RGPP et qui, cette année, perd 110 emplois supplémentaires sur les 11 014 équivalents temps plein dont il dispose encore qu’il n’a pas été mis à contribution ? De plus, les crédits de la mission « Culture » sont passés de 2, 9 milliards à 2, 6 milliards d’euros entre 2008 et 2012, ce qui représente une diminution de 300 millions d’euros.
L’augmentation dont vous vous félicitez pour 2012, monsieur le ministre, doit être relativisée. Elle est assez faible, et la part du budget de l’État consacrée à la culture restera loin du niveau qu’elle avait atteint en 1981, à savoir 1 %. S’il est vrai que le ministère de la culture a été créé sous la présidence du général de Gaulle, il a en effet fallu attendre 1981 pour que de véritables moyens financiers lui soient attribués !
Dès lors que l’on tient compte de l’inflation, les crédits proposés pour 2012 n’augmentent que de 0, 9 %. Surtout, cette hausse est purement mécanique et résulte d’une mauvaise gestion de votre part : elle est essentiellement due à des investissements immobiliers mal maîtrisés, dont les coûts dépassent les prévisions. Vous n’êtes porteur d’aucune ambition pour l’avenir : c’est pourquoi les autorisations d’engagement, à la différence des crédits de paiement, ne sont pas en hausse.
Sans doute cette aberration budgétaire vise-t-elle surtout à signifier, par de grands symboles, le prétendu engagement culturel du Gouvernement. Mais ces symboles sont en fait désincarnés ; parfois, ce ne sont même que des coquilles vides !
De plus, l’essentiel de l’action culturelle reste concentré sur quelques grands projets coûteux ; cela aggrave le hiatus entre grandes et petites structures, qui recoupe souvent celui entre les grandes villes et les petites villes ou les zones rurales. Il ne s’agit pas pour moi d’opposer Paris à la province, mais il convient de permettre l’extension de la culture sur l’ensemble de notre territoire.
Je m’interroge enfin sur l’intérêt qu’il y a à créer de grands établissements si on ne leur donne pas, ensuite, les moyens de fonctionner.
Le programme « Création », le seul de la mission dont les crédits soient en hausse, illustre parfaitement mes propos.
En matière de spectacle vivant, le chantier mal maîtrisé de la Philharmonie de Paris absorbe 45 millions d’euros, soit 80 % des crédits. Le surcoût atteignant au total 133 millions d’euros, le ministère s’est vu contraint d’augmenter le budget… Il faudrait parfois prendre exemple sur les collectivités territoriales en matière de maîtrise des budgets et des coûts de construction !
Les arts plastiques, secteur sur lequel porte mon rapport, sont, pour leur part, complètement sacrifiés : leurs crédits sont en baisse de 5, 32 %, malgré l’annonce de quinze mesures en faveur des arts plastiques et du plan photo. En dépit de leur faiblesse, ces crédits sont de surcroît pour l’essentiel absorbés par un grand projet, celui du Palais de Tokyo, lui aussi très parisien, dans la localisation et dans l’esprit.
Le programme « Patrimoine » bénéficie d’une augmentation de crédits de 0, 8 % : inférieure à l’inflation, elle correspond à une baisse en euros constants.
Là encore, malheureusement, l’essentiel de l’effort budgétaire est concentré sur les « grands projets » que sont le MUCEM à Marseille et la Maison de l’histoire de France, ce dernier étant légitimement contesté.
Enfin, le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » voit ses crédits baisser, ce qui est en totale contradiction avec la prétendue priorité du ministère : la démocratisation culturelle, que vos politiques, monsieur le ministre, ont échoué à réaliser.
Ce désengagement financier nous éloigne fort de l’ambition d’Antoine Vitez, l’« élitisme pour tous », et même du grand projet, annoncé par le ministère en 2010, de « culture pour chacun ». Celui-ci était censé favoriser l’accès à la culture et éviter le hiatus entre culture scientifique et culture populaire.
Dénoncer l’élitisme pour mieux démanteler la culture et la transformer en un secteur marchand ordinaire : tel est le véritable projet du Gouvernement, dont les aides insuffisantes incitent au développement du mécénat, à la recherche de rentabilité, au développement de ressources propres et à la compétition entre des musées devenus des entreprises vendant leurs marques et leurs labels. Je ne pense pas que ce soit là l’avenir de la culture !
Pour toutes ces raisons et d’autres encore que je n’ai malheureusement pas le temps d’exposer, notre groupe votera contre les crédits de la mission « Culture ».
En conclusion, je reprendrai ces propos récents d’Euzhan Palcy, la réalisatrice des films Rue Cases-Nègres et Une saison blanche et sèche : « plus ça va mal, plus il faut investir dans la culture ». Non, la culture ne peut pas être la variable d’ajustement par temps de crise !
Monsieur le ministre, le 20 septembre dernier, l’Inspection générale des affaires culturelles vous a rendu son rapport sur les conditions de travail au sein du Centre des monuments nationaux : je vous demande, en tant que parlementaire et au nom du personnel en souffrance de cet organisme, de bien vouloir nous communiquer les conclusions de ce rapport, qui n’ont pas encore été rendues publiques.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste -EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à souligner que le projet de budget soumis à notre examen est préservé de la rigueur appliquée aux finances publiques. En effet, les crédits de la mission « Culture » s’élèvent à 2, 6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2, 7 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui représente une hausse de 1, 4 % en volume.
Cet effort en faveur de la culture est particulièrement significatif si l’on considère l’ensemble de la législature : toutes missions confondues, le budget du ministère de la culture a crû de plus de 20 % depuis 2007, soit de 1, 23 milliard d’euros.
C’est là un choix du Gouvernement, qui n’a pas souhaité appliquer les restrictions budgétaires aux crédits consacrés au patrimoine, à la création et à la démocratisation culturelle. Cette décision mérite d’être saluée et soutenue par la Haute Assemblée. En ces temps difficiles, en effet, il est précieux de préserver un secteur qui contribue grandement au maintien du lien social, ainsi qu’à l’image, au rayonnement et à l’attractivité de notre pays dans le monde.
La détermination du Gouvernement permet de promouvoir, à Paris et en régions, de grands projets dont la réalisation se poursuit cette année.
L’année 2012 sera surtout marquée par deux grands chantiers.
Le premier est celui du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, le MUCEM, qui devrait ouvrir ses portes à Marseille en 2013, année pour laquelle cette ville a été désignée capitale européenne de la culture : il retracera le dialogue et les échanges qui n’ont jamais cessé d’unir les peuples de Méditerranée.
Le second grand chantier est celui de la Maison de l’histoire de France : installée sur le site parisien des Archives nationales, elle aura pour mission de faire mieux connaître aux Français, spécialement aux jeunes, l’histoire de notre pays.
La Maison de l’histoire de France est un beau projet, qui a été bien vite critiqué par certains alors qu’il n’a pas encore été présenté dans toutes ses dimensions et qu’il fait l’objet d’une très large concertation.
Des spécialistes sont associés à ce grand chantier culturel. Un comité d’orientation scientifique, composé de vingt historiens, a été installé le 13 janvier dernier pour élaborer le projet scientifique et culturel du nouvel établissement.
En juin, un avant-projet a été rendu public et ouvert à concertation : je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous en parler. Sept rencontres régionales vont être organisées dans plusieurs grandes villes afin de présenter cet avant-projet et d’en débattre.
Le projet définitif, qui tiendra compte de ces consultations, sera arrêté à la fin de l’année 2012, ce qui nous permettra de faire le point lors de l’examen du prochain projet de loi de finances.
D’autres projets d’ampleur se poursuivent cette année, comme l’aménagement du site de création contemporaine du Palais de Tokyo, la construction du nouveau centre des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine, celle de la Philharmonie de Paris, la rénovation du théâtre national de Chaillot ou celle du musée Picasso.
Il a été reproché à ces grands projets, lors des débats en commission, d’« aspirer » les crédits.
Pourtant, les chiffres du projet de budget montrent que les efforts du Gouvernement ne se limitent pas à ces projets. En ce qui concerne les musées, le plan lancé en 2011 se poursuit, afin d’assurer un rééquilibrage territorial et de renforcer, là où les collectivités le demandent, la conservation et la mise en valeur des collections. Je crois qu’une première liste de quatre-vingts musées a été établie. Pourriez-vous nous apporter, monsieur le ministre, des précisions sur ce plan musées ?
J’observe plus généralement que les crédits en faveur du patrimoine sont globalement rééquilibrés en direction des régions pour la préservation des monuments : la proportion de nouveaux chantiers lancés en régions augmentera ainsi de 3 % l’année prochaine.
N’oublions pas que la préservation et la restauration des monuments historiques ont bénéficié, ces dernières années, d’un niveau d’investissement important, y compris par le biais des 80 millions d’euros de crédits supplémentaires débloqués en 2009 et en 2010 au titre du plan de relance.
Oui, cette législature a vu de grandes évolutions pour la culture, particulièrement pour sa démocratisation.
Comme l’a souligné notre collègue Philippe Nachbar au cours des travaux en commission, le budget de la mission « Culture » est sous-tendu par une volonté de démocratisation culturelle.
Ainsi, le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » compte deux priorités : la poursuite de la réforme de l’enseignement supérieur sous tutelle du ministère de la culture et le renforcement de notre politique en faveur de l’accès de tous au patrimoine et à la création.
S’agissant de la première de ces priorités, je me réjouis de la modernisation des formations dispensées et de l’intégration de l’enseignement supérieur culturel dans le schéma licence-master-doctorat, ou LMD. Le regroupement des écoles d’art et du spectacle vivant est en voie d’achèvement, ce qui est également très positif.
S’agissant de la seconde priorité, l’effort se poursuit pour diffuser la culture auprès de publics très souvent éloignés des établissements culturels, que ce soit dans le monde du travail, celui de la santé ou celui de la justice. Le ministère de la culture a réfléchi à l’insertion de l’éducation artistique et culturelle dans l’ensemble des temps de vie ; cette approche est mise en œuvre sur tout le territoire.
Les actions se sont multipliées, ces dernières années, pour démocratiser l’accès à la culture. Voyez, par exemple, le succès du Centre Pompidou mobile : ce concept extrêmement novateur a attiré de nombreux visiteurs, scolaires et autres. On peut aussi évoquer la gratuité des musées nationaux pour le jeune public, qui a permis d’accroître de 50 % la fréquentation régulière des musées par les jeunes. Même si la Cour des comptes a émis des réserves sur cette mesure, il me semble que les résultats sont là.
Enfin, je tiens à souligner le soutien constant de la politique culturelle au secteur de la création.
L’attention particulière que le ministère de la culture porte aux difficultés du spectacle vivant est indéniable. Les réformes engagées à la suite des entretiens de Valois, le plan d’action en faveur du spectacle vivant décidé cet été et la hausse des moyens budgétaires vont permettre de soutenir dans la durée des artistes émergents, mais aussi les structures et les emplois culturels.
Parmi les mesures les plus emblématiques, j’ai relevé le renforcement des aides destinées aux ensembles musicaux et aux compagnies chorégraphiques et théâtrales, le déploiement du label « scène de musiques actuelles » et la mise en place d’un fonds national consacré à la recherche et à la création artistique.
Je le répète, le budget, dans son ensemble, apparaît épargné par la politique de rigueur du Gouvernement, et il faut noter par ailleurs les efforts d’économies portant sur les dépenses de fonctionnement du ministère : leur baisse de 6 % en 2011 sera prolongée par une nouvelle diminution de 2 %. C’est le fruit de la réorganisation profonde du ministère, qui permet de mutualiser les moyens et d’optimiser leur gestion.
(M. Claude Domeizel s’exclame.) Bien évidemment, nous nous prononcerons pour son adoption.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Jean-Jacques Pignard applaudit également.
En conclusion, ce projet de budget apparaît particulièrement vertueux à notre groupe. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur le secteur du cinéma, dont les politiques gouvernementales ne semblent pas avoir pris toute la mesure de la situation.
Si les salles obscures sont bien le lieu de la rencontre des publics avec une œuvre, elles sont aussi le vecteur d’un plaisir partagé et d’une culture collective qui reposent sur la création, bien sûr, mais aussi l’éducation populaire et l’ancrage dans la vie de nos territoires.
Soutenir le cinéma, c’est bien entendu soutenir la création, et l’on ne peut, à cet égard, que déplorer l’effondrement de la fiction française, dont le faible niveau de production, avec seulement 752 heures réalisées en 2009, atteste le retard de notre pays dans ce domaine.
Comme le souligne le rapport Chevalier, qui vous a été remis en avril dernier, monsieur le ministre, les diffuseurs français sont frileux et, faute d’investissements suffisants, la fiction française ne peut rivaliser avec celle d’autres pays où l’on ose proposer des formats créatifs et innovants qui séduisent.
On ne crée pas une œuvre de fiction comme on fabrique un produit ; il est donc indispensable de mieux soutenir les artistes, pour leur permettre de grandir en multipliant leurs expériences, et de financer l’écriture et la créativité.
Il faut, en outre, amplifier le soutien aux festivals régionaux, en partenariat avec les collectivités territoriales et les DRAC, dont les conseillers « cinéma » sont pleinement capables de sélectionner les projets dignes d’être soutenus.
Le cinéma porte aussi une dimension éducative, malheureusement négligée. Les films, dans leur grande majorité, permettent de découvrir d’autres horizons, d’autres mœurs ou civilisations, d’autres milieux sociaux, d’autres façons de vivre, des paysages, la musique, les effets spéciaux… Ce sont des outils efficaces d’éducation populaire. Pour beaucoup de nos concitoyens, le cinéma est « la » sortie culturelle leur offrant une ouverture sur le monde.
L’image est la première approche culturelle pour les jeunes captés par les multiplexes, qui ne s’investissent pourtant pas dans l’éducation à l’image. Il est donc de la responsabilité des pouvoirs publics de s’engager, à travers le CNC, en associant les collectivités territoriales, en faveur d’une plus forte promotion de l’éducation à l’image, comme cela se fait déjà avec l’opération « Collège au cinéma », dont les contributions ont malheureusement été relevées sans concertation.
Compte tenu de la place que tient l’image dans notre société et du succès de fréquentation des salles, je déplore le manque de médiation culturelle pour l’image, à l’instar de celle qui se pratique déjà pour l’écrit à travers les bibliothèques. Il s’agit là d’un effort de démocratisation indispensable pour permettre à chacun d’accéder aux œuvres, y compris les plus exigeantes ; actuellement, il repose essentiellement sur l’engagement des petites salles indépendantes, associatives ou communales.
Le cinéma contribue à animer la vie de nos territoires, mais de fortes incertitudes pèsent sur la capacité de notre pays à maintenir une offre cinématographique diversifiée et répartie de façon équilibrée dans l’ensemble du pays.
Les petites salles s’inquiètent pour leur pérennité, non seulement en raison du développement des multiplexes, qui livrent actuellement un deuxième assaut, mais aussi à cause des modalités de déploiement du plan d’aide à la numérisation. En effet, les salles qui offrent moins de cinq séances par semaine sont exclues de celui-ci. Par ailleurs, elles rémunèrent les distributeurs à hauteur de 50 % de la recette, comme les grandes salles. Je soutiens donc la demande des exploitants, qui souhaitent l’abaissement de ce taux à 45 %, afin de pouvoir dégager les marges qui leur permettront de pérenniser leur équipement numérique et de remédier à son obsolescence rapide.
Les retombées du cinéma sur les territoires ne sont pas seulement liées aux salles : les tournages profitent, sur un plan économique, aux territoires qui les accueillent. C’est le film lui-même qui, une fois diffusé, contribue à promouvoir le site du tournage, à en donner une image positive, voire à en encourager la visite : le spectateur des salles obscures est attiré par le tourisme cinématographique.
Ainsi, VisitBritain, équivalent britannique de FranceGuide, propose sur son site internet, dès la page de garde, une entrée « télévision et cinéma » parmi d’autres consacrées aux jardins, à l’histoire et au patrimoine, aux musées et aux galeries ou au rock. Selon un rapport d’Oxford Economics, 10 % des voyages au Royaume-Uni seraient motivés par un film ou ses décors.
Je veux enfin m’insurger contre l’incohérence de la politique de soutien au cinéma. En plafonnant la recette des taxes affectées au CNC, vous déstabilisez le financement autonome du cinéma français, qui est sans équivalent dans le monde et dont l’efficacité n’avait jamais été mise en cause depuis 1946. Pour siphonner au bénéfice de l’État quelque 70 millions d’euros, cédant aux sirènes du court terme, vous vous attaquez à un système vertueux qui permettait d’échapper à la tyrannie de l’immédiateté et du box office.
Monsieur le ministre, le cinéma est un art tout juste âgé de cent dix ans, et il mérite des choix plus porteurs que ceux que vous préconisez, dont les effets seront désastreux à moyen terme pour toute la filière.
Il est nécessaire de conduire une politique en direction du cinéma qui permette de soutenir les créateurs, de stimuler l’activité et de créer des emplois, tout en transmettant savoir et émotion.
Alors que nous sommes frappés de plein fouet par la crise, il est plus que jamais nécessaire de donner sens à l’œuvre, particulièrement dans le monde de l’image, que vous connaissez et dont vous parlez très bien, mais sans parvenir à nous faire avaler vos chiffres, comme l’a dit tout à l’heure notre collègue Claude Domeizel.
En conclusion, nous ne voterons pas les crédits de la mission « Culture ».
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Lors de votre audition par la commission de la culture du Sénat, monsieur le ministre, vous nous avez fait part de votre sentiment d’être le gardien du patrimoine, à la fois en tant que citoyen et en tant que ministre. Vous avez aussitôt précisé, à juste titre, que notre gigantesque patrimoine national relève de nombreux ministères. C’est peut-être là que le bât blesse.
En effet, comme je le rappelle régulièrement, le ministère des affaires étrangères et européennes gère quelque 1 500 biens relevant de notre patrimoine national situés hors de nos frontières, dans 160 pays différents, et dont la valeur globale est évaluée à 4, 47 milliards d’euros.
Parmi ces ambassades, consulats, centres culturels, logements de fonctions ou même églises, près d’une centaine ont une haute valeur patrimoniale. Une trentaine d’entre eux seraient même classés monuments historiques s’ils étaient situés sur le territoire français, et une soixantaine seraient inscrits à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques.
Mais, depuis deux ans, le financement de la programmation immobilière du ministère des affaires étrangères et européennes ne doit plus être assuré que par les produits de cession de ses biens immobiliers. En effet, aucun crédit d’investissement n’est plus inscrit dans le budget général. En conséquence, la grande braderie est ouverte… J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer devant vous, monsieur le ministre, la vente à la découpe à laquelle est promis le Palazzo Lenzi, à Florence.
Déjà, en 2002, dans un rapport d’information de la commission des finances, notre rapporteur spécial des crédits de la mission « Culture », M. Yann Gaillard, avait écrit, paraphrasant Édouard Herriot : « Le patrimoine, c’est ce qui reste quand on a tout dilapidé. » Que restera-t-il si l’on s’attaque au patrimoine ?
Il ne s’agit nullement de sanctuariser, de façon inconsidérée, l’ensemble du patrimoine français à l’étranger. Au titre d’une politique immobilière efficace, certains immeubles, inadaptés ou devenus inutiles, doivent pouvoir être cédés. Mais encore faut-il que ces ventes soient réalisées de façon pertinente, or il semble bien que cette condition soit rarement remplie. Cela est compréhensible, tant cette activité est éloignée des « métiers » classiques du ministère des affaires étrangères et européennes. D’ailleurs, le Gouvernement le reconnaît quand il relève « l’inadaptation des procédures et des instruments budgétaires existants à une gestion dynamique et efficace du patrimoine immobilier de l’État à l’étranger ».
À cela s’ajoutent les problèmes du retour effectif de la totalité du produit des cessions au ministère des affaires étrangères et européennes, celui-ci étant entravé pour diverses raisons techniques ou dilatoires, et de la mise en place des loyers budgétaires.
Au regard de ces difficultés, nous attendons toujours la création d’une agence foncière de l’État à l’étranger. Mais il est vrai que, si j’ai eu connaissance d’une « liste non exhaustive des immeubles appartenant à la France à l’étranger et ayant un intérêt patrimonial et/ou architectural » datant de 2001, complétée voilà quelques mois, il n’existe toujours pas de réel inventaire exhaustif de notre patrimoine à l’étranger.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget de la mission « Culture » pour 2012 que j’ai aujourd’hui le plaisir de vous présenter et dont les crédits s’élèvent à plus de 2, 7 milliards d’euros est sanctuarisé. Je tenais à le rappeler à Mme Laborde et à M. Domeizel.
En ces temps de crise économique et financière, le budget de la culture n’a pas servi de variable d’ajustement. À périmètre constant, il progresse même de plus de 2, 5 %. Bon nombre de nos partenaires européens, parmi lesquels la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Espagne, la Grèce, mais aussi les Pays-Bas, ont procédé à des coupes drastiques dans ce domaine. Le Portugal, quant à lui, a tout simplement supprimé le ministère de la culture !
Le Gouvernement français, pour sa part, a fait un choix courageux, tourné vers un avenir où la culture aura toute sa place, en France, comme facteur de lien social, de dynamisme économique et d’attractivité de nos territoires.
Mon ministère participe bien évidemment aux mesures d’économies supplémentaires de 1, 5 milliard d’euros annoncées par le Premier ministre le 24 août et le 7 novembre derniers. Son effort global s’élève à 32 millions d’euros de crédits budgétaires et à 74 millions d’euros portant sur des taxes affectées. La partie « culture et cinéma » participe à hauteur de 13 millions d’euros en crédits budgétaires et de 72 millions d’euros en taxes affectées.
J’ai veillé à ce que cet effort ne pénalise pas la mise en œuvre des politiques prioritaires de mon ministère, comme celle du spectacle vivant, et à ce qu’il soit ciblé sur un nombre restreint d’opérateurs qui ont les moyens de le supporter, en particulier ceux qui ont bénéficié d’une ressource en croissance ces dernières années, tel le Centre national de la cinématographie et de l’image animée.
La mise en œuvre des politiques conduites par mon ministère, administration et opérateurs, est donc bien préservée. Je me suis certainement beaucoup mieux battu que certains d’entre vous semblent le penser !
S’agissant du dispositif de plafonnement du produit des taxes affectées aux opérateurs, je voudrais dire à Mme Blondin que celui-ci ne remet pas en cause la mise en œuvre des politiques menées par ces différents acteurs, sous réserve des aménagements prévus par le Gouvernement au profit du CNC, du Centre national des variétés, de la chanson et du jazz et de l’Association pour le soutien du théâtre privé, aménagements qui ont été rejetés par le Sénat lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances…
Le domaine culturel est par ailleurs concerné, comme la plupart des secteurs de notre économie, par le relèvement du taux réduit de TVA. Nous serons très attentifs aux effets de cette mesure sur les industries et entreprises intéressées, et d’autant plus présents auprès d’elles. En outre, je vous confirme, car je sais que des inquiétudes sont apparues sur ce point, que le Gouvernement ne remet pas en cause le champ du taux super réduit de TVA de 2, 1 %. En particulier, les 140 premières représentations de spectacle vivant continueront à bénéficier de ce taux super réduit.
Avant de répondre plus précisément aux questions que vous m’avez posées sur les différentes politiques mises en œuvre par mon ministère, je voudrais évoquer trois sujets transversaux.
Le premier sujet transversal, qui a été abordé par Mme Cukierman, est celui de la maquette budgétaire. Celle-ci a évolué entre 2010 et 2011, avant le début du nouveau triennal, afin de mieux refléter l’action du ministère. Outre que cela n’est pas très aimable pour nous, il est donc erroné de parler, comme vous l’avez fait, de mauvaise gestion ! En revanche, la maquette budgétaire restera inchangée en 2012, deuxième année du triennal. Il me semble que cela répond à votre souci de lisibilité et de transparence.
Le deuxième sujet transversal concerne les dépenses fiscales, évoquées par M. le rapporteur spécial et M. Leleux.
Je voudrais tout d’abord souligner l’intérêt de reconduire le dispositif des sociétés pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle, les SOFICA, dans le cadre du présent projet de loi de finances : son coût est maîtrisé et son efficacité n’est plus à démontrer, la mission d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales l’ayant réaffirmée.
S’agissant des autres dépenses fiscales relatives au secteur culturel, elles ont montré leur efficacité en permettant la réalisation d’objectifs essentiels en matière de protection et de conservation de notre patrimoine, de création, de promotion de la diversité culturelle ou encore de défense de la richesse du cinéma français.
Il s’agit également de soutenir notre économie et de favoriser le rayonnement de notre pays. À cet égard, je voudrais dire que l’allongement du délai d’agrément du crédit d’impôt international de douze à vingt-quatre mois, qui est proposé dans le présent projet de loi de finances, va contribuer à attirer davantage encore de tournages étrangers en France.
Le troisième sujet transversal, sur lequel vous m’avez interrogé, monsieur Eblé, madame Blondin, est celui de la présence de l’État en régions.
Je ne peux laisser dire que l’État se désengage en laissant toute la charge aux collectivités territoriales. J’en veux pour preuve le fait que les crédits mobilisés par l’État en régions et gérés par les DRAC progressent pour atteindre près de 815 millions d’euros en 2012. Avec ces moyens, nous confortons une ambition territoriale forte pour mon ministère, parce que le partenariat avec les collectivités territoriales est un élément essentiel de notre politique culturelle.
Ainsi, s’agissant de la restauration des monuments historiques, les nouveaux projets sont majoritairement, et de plus en plus, lancés en régions : à hauteur de 66 % en 2012, contre 63 % en 2011.
Un autre exemple emblématique à cet égard est celui de la musique et du développement des scènes de musique actuelle, les SMAC, que vous avez évoquées, madame Blondin. Le budget consacré aux SMAC a progressé de 16 % depuis 2009, pour atteindre 8, 7 millions d’euros en 2012. Notre objectif est de voir chaque département doté d’une SMAC d’ici à 2015 : étant donné que soixante et onze structures détiennent aujourd’hui ce label, une vingtaine de lieux existants entreront dans le périmètre et dix nouveaux lieux seront construits dans les trois ans à venir.
Venons-en maintenant aux questions que vous m’avez posées, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les différentes politiques menées par mon ministère.
Tout d’abord, l’effort en faveur de la mise en valeur du patrimoine est confirmé, comme vous l’avez d’ailleurs souligné, monsieur Eblé, avec une attention particulière portée aux régions.
Les crédits destinés aux monuments historiques sont confortés, avec un effort accru de rééquilibrage entre Paris et les régions et un soutien maintenu à l’entretien des monuments historiques.
S’agissant plus particulièrement du Centre des monuments nationaux, sujet que vous avez abordé, monsieur Gaillard, je confirme que le contrat de performance est en cours de finalisation ; il devrait être approuvé par le conseil d’administration le 30 novembre prochain et, par conséquent, signé dans les semaines à venir.
En revanche, madame Cukierman, le rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles ne peut être communiqué, mais ses principales conclusions ont déjà été partagées avec les organisations syndicales.
L’effort en faveur des musées ne se démentira pas en 2012. Il est justifié par notre ambition en matière de politique muséale, laquelle a pour objectifs la conservation, la recherche, l’accès du plus grand nombre à la connaissance, mais aussi le développement économique, alors que la France figure parmi les premières destinations touristiques mondiales.
Je voudrais ici répondre aux critiques émises par certains sur le pilotage de la politique muséale, évoquées par MM. Yann Gaillard et Jean-Jacques Pignard.
Le pilotage des musées a été dynamisé, par la tenue régulière de conférences de tutelle et la généralisation des contrats de performance et des lettres d’objectifs, qui déterminent les critères d’attribution des parts variables des dirigeants. Les ressources propres des musées ont fortement augmenté : celles du Louvre ont doublé en dix ans. Nous n’avons pas à rougir de la politique muséale mise en œuvre ces dix dernières années, loin de là ! Elle s’est traduite par une progression importante, de plus de 56 %, de la fréquentation de nos musées. L’accès aux collections de publics toujours plus nombreux, notamment de ceux qui sont les plus éloignés de la culture, est désormais une réalité. Le Centre Pompidou-Metz, le Louvre-Lens, le Centre Pompidou mobile sont autant d’exemples d’une politique ambitieuse. Je reste aussi personnellement très attentif aux questions sociales dans ces établissements, monsieur Eblé.
Cette évolution s’est accompagnée de mesures emblématiques, comme la mise en place, en 2009, de la gratuité pour les 18-25 ans. C’est un succès : entre 2009 et 2010, la part des jeunes dans la fréquentation des collections permanentes est ainsi passée de 7, 3 % à près de 10 %. Le coût de cette mesure est désormais affiné et stabilisé, conformément aux recommandations de la Cour des comptes.
S’agissant plus particulièrement de la Maison de l’histoire de France, monsieur Duvernois, 10 millions d’euros sont prévus en 2012 pour cet ambitieux projet : 5 millions d’euros pour le fonctionnement de l’établissement et 5 millions d’euros pour la rénovation du quadrilatère Rohan-Soubise. Ces crédits seront complétés par 20 millions d’euros destinés à financer les travaux à réaliser dans les neuf musées nationaux associés. Cette nouvelle institution, fortement assise sur les ressources numériques, offrira une galerie permanente consacrée à l’histoire de France, des lieux de débat et de conférences, des espaces d’exposition temporaire. Elle sera la clef de voûte d’un réseau rénové de partenaires français, mais aussi internationaux.
Je dresserai enfin un premier bilan positif de la mise en œuvre du plan musées, doté de 15 millions d’euros en 2012, sur lequel vous m’avez interrogé, monsieur Duvernois. Plusieurs chantiers ont déjà abouti, comme ceux du musée de la Grande Guerre, à Meaux, ou du musée Cocteau, à Menton, que j’ai inaugurés voilà quelques semaines, ou vont aboutir en 2012, tels le musée des hussards, à Tarbes, et le muséoparc d’Alésia. De nouveaux chantiers démarreront par ailleurs en 2012, parmi lesquels ceux du musée Camille-Claudel de Nogent-sur-Seine, du musée des beaux-arts de Nantes, du musée Soulages, à Rodez, du musée Girodet, à Montargis, ou encore du musée de Pont-Aven.
Le dernier sujet abordé dans le champ patrimonial est celui de la réforme du financement de l’archéologie préventive.
La réforme qui est proposée dans le cadre du collectif de fin d’année et que je défends avec la plus grande fermeté, compte tenu de la force de mon attachement à l’archéologie préventive, qui est essentielle à la vie culturelle de notre pays, vise un double objet : assurer la pérennité du financement de l’archéologie préventive et réduire les délais de réalisation des diagnostics. Elle repose sur trois axes.
Le premier axe consiste à réformer la redevance d’archéologie préventive pour qu’elle assure le produit nécessaire aux besoins en cette matière. Il est ainsi proposé, pour la filière « urbanisme » de la redevance, de l’adosser à la taxe d’aménagement.
Le deuxième axe a trait à la modernisation de la gouvernance du produit de la redevance. Je souhaite que l’on passe d’une logique de moyens à une logique de résultats, c’est-à-dire à une logique de paiement sur service rendu, de nature à améliorer les délais de réalisation des diagnostics. Pour cela, le produit de la redevance, actuellement réparti entre les opérateurs de diagnostics et le Fonds national d’archéologie préventive, sera intégralement versé sur un compte d’affectation spéciale géré par le ministère chargé de la culture.
Le troisième axe a pour objet de responsabiliser les principaux acteurs, c’est-à-dire les aménageurs et l’INRAP, afin de mieux maîtriser la dépense. Une mission va être lancée afin d’accompagner l’INRAP dans son travail de réorganisation interne et d’améliorer son fonctionnement. Un nouvel indicateur de suivi, relatif au nombre de prescriptions archéologiques, sera introduit dans les documents budgétaires. Ainsi, l’INRAP trouvera une fois de plus le ministère à ses côtés.
En 2012, le soutien à la création progresse fortement, de 6, 3 %, pour permettre la réalisation de nos chantiers majeurs et l’accompagnement des plans d’action que j’ai lancés dans les secteurs du spectacle vivant, de la photographie et des arts plastiques.
Comme vous l’avez noté, une bonne part de l’augmentation des crédits est destinée au chantier de la Philharmonie de Paris, grand projet sur lequel vous m’avez interrogé, monsieur Gaillard et madame Blondin, et pour lequel 45 millions d’euros sont prévus dans le budget pour 2012.
Je souhaiterais tout d’abord rappeler la nécessité de doter enfin Paris d’une grande salle philharmonique moderne, proposant une acoustique digne des standards internationaux, mais aussi d’offrir des équipements complémentaires à cette salle, de manière à créer un complexe dédié à la musique, avec des lieux d’accueil pour les artistes, des salles pédagogiques pour le public. Ces équipements sont fondamentaux pour développer un rapport novateur avec le public et assurer la transmission musicale sur tout le territoire français.
Le coût total du projet s’élève à 336 millions d’euros, répartis entre l’État et la Ville de Paris pour un montant équivalent, et la région d’Île-de-France pour 20 millions d’euros. L’estimation initiale des coûts ne tenait pas compte d’un certain nombre de postes de dépenses qui ont été intégrés depuis, en particulier la totalité du premier équipement, l’orgue et le provisionnement des aléas. La livraison du bâtiment est prévue pour le printemps 2014, et l’ouverture pour la saison 2014-2015.
Au-delà de ce projet phare, situé dans le parc de la Villette, ce qui représente un gage supplémentaire de démocratisation culturelle, je voudrais évoquer les moyens consacrés au spectacle vivant, qui s’inscrivent bien en hausse, et la question des marges artistiques, abordée par M. Pignard.
Vous le savez, j’ai annoncé en juillet dernier, en Avignon, un plan d’action en faveur du spectacle vivant, doté de 12 millions d’euros sur trois ans, dont 3, 5 millions d’euros en 2012. Il s’agit de renforcer le soutien aux artistes émergents, de poursuivre la structuration de l’emploi artistique, d’améliorer la présence des artistes dans les structures soutenues par l’État et de conforter leur visibilité internationale.
Au-delà de ces nouveaux crédits, le soutien direct aux compagnies et aux artistes est reconduit. La part des crédits déconcentrés est portée à 280 millions d’euros, afin notamment de donner aux nouveaux labels du ministère les moyens de leur développement.
Je voudrais rappeler ici que les dotations aux opérateurs du spectacle vivant ont été maintenues, voire augmentées, depuis 2007, de même que les crédits déconcentrés en faveur du fonctionnement des structures en régions et des équipes indépendantes.
En complément de ces efforts en faveur du spectacle vivant, j’ai confié une mission à MM. Martinelli, Murat, Dorny et Metzger, qui sont chargés d’explorer, d’ici à la fin de l’année, l’ensemble des possibilités nouvelles de financement du spectacle vivant. Cette mission travaille en lien étroit avec la mission de préfiguration du Centre national de la musique. Deux missions ont été diligentées, madame Blondin, afin de tenir compte des spécificités propres aux deux secteurs, dont les modèles économiques sont extrêmement différents.
Par ailleurs, afin de clarifier les relations entre les collectivités territoriales et l’État, nous avons mis en place, à la suite des conférences régionales du spectacle vivant, un système de conventionnement en vue de mettre en cohérence les politiques menées par les collectivités territoriales et celles de l’État. La première convention a été signée en Languedoc-Roussillon en mai dernier ; la prochaine, prévue avec la région Rhône-Alpes, devrait être conclue à la fin de 2011 ou au début de 2012.
Enfin, en réponse à la question de Mme Blondin sur la plate-forme d’observation du spectacle vivant, je précise que le processus de concertation va bientôt toucher à sa fin et que j’attends la remise des conclusions des différents groupes de travail en février prochain au plus tard. Sur la base de ces propositions, un dispositif d’observation nationale sera mis en place.
Les arts plastiques voient leurs moyens s’établir à 69 millions d’euros pour 2012. Hors l’effort d’investissement exceptionnel mobilisé en 2011 en faveur du chantier du site de création contemporaine du Palais de Tokyo, le budget des arts plastiques est donc en nette augmentation, madame Cukierman.
Les nouveaux moyens prévus en 2012 nous permettront notamment d’accompagner l’ouverture du site de création contemporaine du Palais de Tokyo au printemps 2012 et de soutenir l’organisation de la Triennale et de Monumenta, qui recevra Daniel Buren en 2012.
Cette même année, les fonds régionaux d’art contemporain fêteront leur trentième anniversaire. Ils verront leurs moyens progresser, pour s’élever à 17, 5 millions d’euros, afin que nous puissions accompagner au mieux, dans le cadre des contrats de projets État-région, les chantiers en cours et en engager de nouveaux, comme celui d’Aquitaine.
Le soutien de mon ministère à l’art contemporain, c’est aussi la consolidation des crédits destinés au soutien matériel des artistes et à la commande publique.
Le soutien de mon ministère à l’art contemporain, c’est enfin la mise en œuvre des quinze mesures du plan pour les arts plastiques que j’ai présenté en octobre dernier mais qui ne semble pas, malheureusement, avoir retenu votre attention…
Le ministère soutient également les arts plastiques en se mobilisant pour la photographie dans le cadre du plan photo, comme vous l’avez souligné, madame Cukierman. Les moyens supplémentaires dégagés pour 2012, à hauteur de 500 000 euros, visent notamment à mettre en place une programmation complémentaire par le musée du Jeu de paume, à soutenir les événements majeurs que sont les Rencontres photographiques d’Arles ou Visa pour l’image, à Perpignan. Demandez aux organisateurs de ces manifestations s’ils trouvent que je n’ai pas fait beaucoup pour la photographie ! Vous serez surprise par leur réponse !
On leur a demandé ! C’est vous qui seriez surpris si vous les entendiez !
Ces moyens supplémentaires permettront aussi de soutenir les centres d’art spécialisés dans la photographie, comme Le Point du jour, à Cherbourg-Octeville. Ils serviront aussi à accompagner le financement de projets dans le domaine du photojournalisme. Par ailleurs, l’hôtel de Nevers rénové deviendra un nouveau lieu consacré à la photo.
L’opération est déjà en cours. Ce nouvel espace contribuera à une meilleure utilisation des possibilités offertes par le musée du Jeu de paume, qui en aura la gestion. Je n’aime pas que l’on dise que je ne fais rien pour la photographie, car ce n’est pas vrai !
Je voudrais enfin répondre à M. Yann Gaillard sur l’évaluation de la politique de soutien à la création contemporaine.
L’ensemble des dispositifs en faveur des arts plastiques – aides aux artistes, aides aux structures, commande publique et acquisitions – font l’objet d’un suivi qui permet d’évaluer le poids de l’action publique au bénéfice des artistes et de sécuriser juridiquement leurs rémunérations. Ainsi, nous suivons le taux de renouvellement des bénéficiaires des dispositifs de soutien à la création. Une procédure d’évaluation va également être prévue pour les aides attribuées aux artistes, afin d’en mesurer les effets sur leur carrière.
En ce qui concerne le soutien aux lieux de diffusion, les critères de conventionnement des centres d’art contemporain ont été clarifiés par une circulaire du 9 mars 2011, qui vise également à insuffler davantage de cohérence entre les politiques culturelles publiques de l’État et celles des collectivités territoriales. Cette action fait l’objet d’une démarche de co-évaluation, dont le dispositif est en cours de mise en œuvre.
Les moyens destinés à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture seront consolidés en 2012, comme vous l’avez souligné, monsieur Nachbar.
Pour 2012, j’ai souhaité que des moyens supplémentaires soient alloués à l’enseignement supérieur relevant du ministère de la culture, notamment pour conforter son inscription dans le schéma européen LMD. L’enveloppe budgétaire progresse ainsi de plus de 4, 3 %, pour atteindre 226 millions d’euros. Ces moyens nous permettront de poursuivre les opérations d’investissement engagées dans les établissements d’enseignement supérieur, mais aussi de renforcer le positionnement de ceux-ci dans le domaine de la recherche et de développer leur attractivité internationale.
Les vingt écoles nationales supérieures d’architecture constituent le fer de lance de la diffusion de l’architecture et sont une priorité du ministère : n’en doutez pas, madame Cukierman ! Leurs moyens de fonctionnement progresseront de 2 % en 2012, et trois grands chantiers sont menés : l’extension de l’école de Strasbourg, la réhabilitation de l’ancien hôpital Sabourin au bénéfice de l’école de Clermont-Ferrand et la relocalisation de l’école de Toulouse sur le campus de l’université du Mirail.
Au total, depuis 2007, 122 millions d’euros auront été investis dans les écoles d’architecture.
Afin d’améliorer les conditions de la vie étudiante, mon ministère s’engage notamment à financer, à l’instar du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, le dixième mois de bourse pour l’année universitaire qui vient de commencer.
Signe de l’attention portée par le Gouvernement à l’enseignement supérieur relevant du ministère de la culture, les emplois des enseignants sont exonérés de l’application de la règle de la non-compensation d’un départ à la retraite sur deux.
La culture partagée est une préoccupation constante de ce ministère depuis ses origines. J’ai souhaité moderniser nos moyens d’action dans ce domaine, qui fait l’objet d’une mobilisation de l’ensemble des politiques du ministère.
Comme vous le dites si bien, monsieur Nachbar, la culture partagée, c’est tout d’abord l’éducation artistique et culturelle et l’histoire de l’art, qui concernent chaque année plus de 2, 2 millions de jeunes. Dans ce domaine emblématique de l’action du Gouvernement à destination de la jeunesse, le ministère de la culture a augmenté son budget d’environ 15 % depuis 2007, une enveloppe de plus de 75 millions d’euros étant prévue pour 2012.
La culture partagée, c’est aussi l’accès à la culture sur tout le territoire. Sur ce point, j’ai souhaité réactiver cette année le dispositif jusque-là délaissé des conventions de développement culturel avec les collectivités locales. Les directions régionales des affaires culturelles ont ainsi proposé en 2011 soixante nouvelles conventions de ce type, dont quarante concernent le monde rural. Cette dynamique sera poursuivie en 2012, avec des financements spécifiques de la part du ministère, à hauteur de 1, 5 million d’euros.
La culture partagée, c’est encore un projet qui me tient tout particulièrement à cœur et que je viens de lancer avec le soutien du Président de la République : la tour Médicis, à Clichy-Montfermeil. Il s’agit de faire de la tour Utrillo, qui était promise à la démolition, une nouvelle villa Médicis, une résidence d’artistes et un foyer d’action culturelle.
La culture partagée, c’est enfin l’objet de la mobilisation de l’ensemble des services de mon ministère. À titre d’exemple, je citerai le plan « Dynamique Espoir Banlieues », le plan rural, l’accès gratuit aux musées pour les jeunes, l’opération « Les Portes du temps », la carte musique, le plan lecture ou encore la plateforme « ciné-lycée ».
S’agissant du cinéma, sujet que Mme Gillot et M. Leleux ont abordé, la réforme du financement du CNC mise en œuvre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012 représente un point d’équilibre entre trois objectifs : sécuriser le financement du CNC, lui garantir les moyens de mener à bien ses missions et contribuer à l’effort de 1 milliard d’euros d’économies annoncé par le Premier ministre.
Cette réforme repose sur la modification de l’assiette de la taxe sur les services de télévision due par les distributeurs. Il s’agit ainsi de modérer le dynamisme de cette taxe et de lutter contre les comportements d’optimisation fiscale, afin de garantir le financement du CNC et de répondre aux préoccupations de la filière.
Le produit de l’ensemble des taxes alimentant le CNC est calibré à hauteur de 770 millions d’euros, dont 700 millions d’euros iront au CNC et 70 millions d’euros seront versés au budget général.
Avec 700 millions d’euros, le CNC bénéficiera des moyens nécessaires à la réalisation de ses missions, qu’il s’agisse des soutiens automatiques et sélectifs, du plan de numérisation des salles ou des nouvelles missions qui lui ont été progressivement confiées depuis 2008. Ces nouvelles missions, qu’il s’agisse de la gestion de la Cinémathèque française, des cinémathèques en région ou de la Femis, s’inscrivent dans une logique visant à faire du CNC l’opérateur phare du ministère dans le secteur du cinéma.
Nous faisons tout pour défendre le cinéma et préserver le modèle français, qui permet aujourd’hui à notre industrie cinématographique de rayonner et d’obtenir des résultats qu’elle n’avait plus connus depuis les années soixante. Outre les dispositifs de crédits d’impôt que nous améliorons, comme je l’ai indiqué au début de mon intervention, nous prévoyons un aménagement des modalités de calcul de la contribution sur la valeur ajoutée due par les entreprises du secteur de la production cinématographique.
Au-delà de ces questions financières, je voudrais dresser un bilan de la numérisation des salles, en réponse à M. Leleux. La France est exceptionnellement avancée en Europe dans ce domaine, puisque 58 % des écrans et 40 % des établissements sont concernés. Le CNC a financé la numérisation de 366 salles, réparties dans 276 cinémas. Nous prévoyons de soutenir plus d’un millier d’écrans, pour un budget de près de 120 millions d’euros sur trois ans.
Demeure encore la question de la numérisation des salles à l’activité la plus réduite et des circuits itinérants. Je sais l’inquiétude des responsables de ces structures d’être laissés au bord du chemin, faute de pouvoir disposer d’un matériel de projection adapté. Je veux les rassurer : le ministère est à leurs côtés depuis des mois et encourage les industriels à commercialiser un matériel de projection adéquat.
Les troisièmes états-généraux des circuits itinérants, qui auront lieu le 9 décembre prochain à Vendôme, seront un rendez-vous important.
Concernant enfin le soutien aux plus petites salles, sur lequel vous m’avez interrogé, madame Laborde et monsieur Leleux, je souhaite rappeler qu’elles bénéficient plus que proportionnellement des effets redistributifs du compte de soutien, conformément à la politique de promotion de la diversité conduite par le ministère et à toute l’action que j’ai pu mener durant ma vie au service du cinéma.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l’UCR.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Culture », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations
d’engagement
Crédits
de paiement
Patrimoines
Création
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Dont titre 2
643 218 228
643 218 228
L'amendement n° II-148 rectifié, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Patrimoines
Création
Transmission des savoirs et démocratisation de la cultureDont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Vincent Delahaye.
Je tiens à préciser qu’il s’agit d’un amendement personnel, n’engageant pas le groupe UCR.
J’ai souhaité le déposer en considération de la situation financière catastrophique de la France, dont tout le monde n’a peut-être pas encore complètement pris la mesure.
À mon sens, tous les budgets doivent contribuer à l’effort général de redressement de nos finances publiques, notamment en matière de dépenses. En ce qui concerne les recettes, en effet, le Gouvernement et la majorité sénatoriale ont largement fait ce qu’il fallait !
S’agissant de la réduction des dépenses, en revanche, il semble que l’imagination ne soit pas au pouvoir !
Chaque fois que l’on aborde l’examen d’un projet de budget, on entend affirmer, sur diverses travées, qu’il est impératif de tout préserver et de ne toucher à rien : telle n’est pas ma conception d’une bonne gestion de l’argent public…
Il convient de rechercher des économies à réaliser au sein de tous les budgets. En l’occurrence, je me suis interrogé sur la construction de l’auditorium de la Philharmonie de Paris, dont le budget a largement dépassé ce qui était initialement prévu, puisqu’il a été augmenté de 66 % ! Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que cela est dû au fait que le coût du premier équipement n’avait pas été pris en compte, mais est-ce suffisant pour expliquer cette énorme dérive ?
Il me paraît en outre étonnant que le financement du premier équipement n’ait pas été envisagé d’emblée. Ce n’est pas ainsi que nous procédons dans nos collectivités.
Par ailleurs, au sein de la commission des finances, personne n’a pu me préciser le coût de fonctionnement futur de la Philharmonie de Paris. La Ville de Paris le supportera-t-elle ? L’État apportera-t-il sa contribution, et si oui à quelle hauteur ? Quand on décide de réaliser un investissement, il me semble important de savoir qui assumera par la suite les frais de fonctionnement !
Je me suis aussi penché sur le dossier de la Maison de l’histoire de France. Nous ne disposons pas encore du premier euro de son financement… On nous annonce 5 millions d’euros de frais de fonctionnement et 20 millions d’euros de travaux. Je ne suis pas opposé, par principe, à la création d’une telle structure, mais, dans le contexte financier actuel, ce projet devrait être gelé et sa réalisation reportée à des temps meilleurs.
Dans cet esprit, le présent amendement tend à supprimer 30 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 10 millions d’euros de crédits de paiement.
Quoi qu’il en soit, à titre personnel, je suis contre cet amendement, que je trouve un peu maladroit.
M. Yves Rome rit.
Je suis évidemment très hostile à l’adoption d’un tel amendement. Je rappelle que la Maison de l’histoire de France est la clé de voûte d’un travail de rénovation de l’ensemble des musées d’histoire existant en France !
Il ne s’agit pas de créer une « usine à gaz » budgétivore vouée à la glorification de l’identité nationale, comme on l’a entendu affirmer un peu trop souvent !
C’est au contraire une opération de rénovation d’un ensemble de musées dont nous sommes fiers, mais dont certains se trouvent dans un état de très grande fatigue. Ce projet permettra de les confédérer tout en leur conservant leur autonomie. Ils pourront ainsi collaborer pour organiser des expositions, créer un portail internet, mettre en place des outils afin de remédier à la perte des repères historiques qui taraude actuellement la société française et à laquelle la manière dont l’histoire est enseignée aujourd’hui n’est pas complètement étrangère.
Telle est la vocation de la Maison de l’histoire de France. Les crédits qui lui sont destinés permettront de restaurer les neuf musées qui en seront les piliers, mais aussi de créer des synergies entre les 800 autres qui sont consacrés à l’histoire et dont l’action est pour l’heure complètement dispersée.
Il ne s’agit donc nullement d’une dépense inconsidérée, mais au contraire d’un véritable acte politique, destiné à répondre au désir d’histoire qu’éprouvent tous les Français et que manifestent par exemple, d’une manière parfaitement harmonieuse, conviviale et respectueuse de la diversité des écoles, les Journées d’histoire de Blois, qui rencontrent un succès considérable.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Notre groupe partage l’avis de M. le ministre. À mon sens, nous avons besoin aujourd'hui de renforcer les fondamentaux, qu’il s’agisse de la lecture, de l’écriture, du calcul ou de l’histoire. À cet égard, la Maison de l’histoire de France est un projet ambitieux et nécessaire. Comme je l’indiquais tout à l’heure, la crise ne doit pas nous obliger au misérabilisme !
Cela étant, il conviendra de déterminer comment sera conçu le programme de la Maison de l’histoire de France. Sur ce plan, la lecture de certains rapports faisant référence à la notion de « chronologie relative » m’a laissé plutôt perplexe, bien que j’aie fait quelques études d’histoire : il faudra que l’on m’explique ce que cette expression peut bien signifier…
En tout état de cause, je considère qu’il s’agit d’un bon projet, qu’il convient de soutenir !
C’est un peu « Au théâtre ce soir » ! Malheureusement, comme c’est parfois le cas, si l’affiche est alléchante, la pièce est décevante ! M. Delahaye nous a expliqué pourquoi.
Le groupe CRC est opposé depuis le début à la création de la Maison de l’histoire de France, projet qui, ne vous en déplaise, monsieur le ministre, va au-delà d’une simple rénovation et mise en réseau de musées existants. Il répond en fait à la volonté du Président de la République, or on ne peut pas mettre l’histoire de France au service d’une cause politique ! D’ailleurs, nombre de chercheurs refusent eux aussi de s’associer à un projet qui, en réalité, n’est pas de nature culturelle.
Cela étant, dans la mesure où il ne nous est pas possible de sous-amender l’amendement n° II–148 rectifié pour réaffecter par exemple les 40 millions de crédits retirés au projet du Musée de l’histoire de France au programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », nous voterons contre la proposition de notre collègue. Nous ne soutenons pas la création de la Maison de l’histoire de France, mais nous ne voulons pas affaiblir plus encore les crédits de la mission « Culture », qui sont déjà insuffisants.
Il est normal que les parlementaires se montrent vigilants quand il s’agit de créer un musée de l’histoire de la France, car on pourrait peut-être alors craindre l’émergence d’une histoire officielle.
Notre commission de la culture avait ainsi confié la rédaction d’un rapport sur le sujet à notre ancienne collègue Catherine Dumas. Nous entendions veiller à ce que le projet consiste bien à rénover les structures qui, partout en France, permettent aux citoyens, notamment aux plus jeunes, de mieux connaître l’histoire de leur pays, et non à promouvoir une vision officielle de celle-ci. Nous sommes en effet très attentifs à la prise en compte des travaux des diverses écoles historiques dont la France est riche : il n’aurait pas été acceptable qu’une de ces écoles soit privilégiée au détriment des autres.
Je pense que toutes les inquiétudes sont aujourd'hui levées à cet égard. Il serait donc désolant de faire marche arrière et de renoncer à la réalisation d’un tel projet. Nous continuerons évidemment à être vigilants, mais, en ce début du xxie siècle, il est plus que jamais important de donner à tous nos concitoyens, en particulier aux plus jeunes d’entre eux, la possibilité de connaître l’histoire de leur pays, au travers des interprétations et des analyses qu’en donnent nos différentes écoles historiques.
Par conséquent, je pense que nous ne devons pas retenir cet amendement.
MM. Jacques Gautier et Jean-Jacques Pignard applaudissent.
Faut-il vraiment rouvrir ce soir le débat de fond sur la pertinence du projet de la Maison de l’histoire de France, qui a déjà fait couler tellement d’encre : la nuit risquerait de ne pas y suffire…
D’ailleurs, l’amendement de notre collègue Delahaye soulève avant tout une question budgétaire : il nous est proposé de supprimer 30 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 10 millions d’euros de crédits de paiement affectés au programme « Patrimoines ». Cependant, en l’état, cet amendement ne précise pas que cette suppression de crédits vise spécifiquement la création de la Maison de l’histoire de France. Par conséquent, s’il était adopté, rien n’interdirait ensuite au ministère de la faire porter sur d’autres projets…
Nous aurions alors simplement réduit la dépense publique pour la culture dans le champ du programme « Patrimoines ». Or nous ne saurions nous y résoudre, car nous ne considérons pas, pour notre part, que l’on fasse trop pour protéger notre patrimoine. Nous ne voterons donc pas cet amendement, d’autant que son adoption pourrait également remettre en question la réorganisation des Archives nationales, avec la restructuration du quadrilatère Rohan-Soubise et l’ouverture prochaine du site de Pierrefitte-sur-Seine.
En tout état de cause, il nous semble nécessaire de préserver les crédits du programme « Patrimoines ». Nous ne partageons pas la philosophie de réduction de la dépense publique de cet amendement.
M. le rapporteur pour avis de la commission de la culture a bien résumé la situation : le problème posé au travers de cet amendement est strictement budgétaire. Le groupe socialiste-EELV partage l’analyse de M. Eblé et votera contre.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° II-175, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Patrimoines
Création
Transmission des savoirs et démocratisation de la cultureDont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le ministre.
Il s’agit d’un amendement à caractère technique, qui a pour objet de tirer les conséquences de transferts de crédits et d’ajustements liés à la décentralisation.
Par coordination avec cet amendement, le plafond d’autorisation d’emplois du ministère de la culture et de la communication sera minoré de dix-neuf emplois, celui des opérateurs sera majoré de dix-sept emplois et celui du ministère de l’éducation nationale d’un emploi lors de l’examen des articles 36 et 37 du projet de loi de finances.
Dans le détail, cet amendement prévoit le transfert de 907 000 euros de crédits, somme qui correspond au transfert de dix-sept agents non titulaires du ministère de la culture et de la communication vers les musées d’Orsay et de l’Orangerie, dans le cadre des mesures de transfert de la gestion de personnels vers ces musées.
Il tend également à transférer près de 50 000 euros de crédits vers le ministère de l’éducation nationale, ce qui correspond au transfert d’un poste alloué à l’organisation des concours.
Enfin, il est proposé de transférer près de 1, 6 million d’euros à la collectivité de Nouvelle-Calédonie, dans le cadre de l’Agence de développement de la culture kanak, et près de 56 000 euros à la région Picardie, montant correspondant au transfert d’un poste dans le cadre de la prise en charge des services de l’Inventaire général du patrimoine culturel.
La commission des finances ayant rejeté les crédits de la mission « Culture », elle ne peut pas être favorable à l’adoption d’un amendement visant à en redéployer certains. Cependant, à titre personnel, je voterai cet amendement.
L'amendement est adopté.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Culture », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission, modifiés.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 58 :
Le Sénat n'a pas adopté.
J’appelle en discussion les articles 49 quinquies et 49 sexies, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Culture ».
Culture
L’article L. 115-3 du code du cinéma et de l’image animée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant de la taxe ne peut entrer en compte dans la détermination de l’assiette des divers impôts, taxes et droits de toute nature autres que la taxe sur la valeur ajoutée auxquels est soumise la recette des salles de spectacles cinématographiques. »
L'article 49 quinquies est adopté.
Au dernier alinéa de l’article 220 Z bis du code général des impôts, le mot : « douze » est remplacé par les mots : « vingt-quatre ».
L'article 49 sexies est adopté.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » (et article 52 ter) et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les cigales ont chanté tous les étés pendant de nombreuses années, mais nous voici en hiver, et les fourmis se réveillent pour nous rappeler la dure réalité du temps…
Monsieur le ministre, les crédits de la mission « Culture » que vous nous avez présentés tout à l’heure ont été jugés insuffisants, mais y a-t-il jamais eu un jour un budget de la culture suffisant dans un pays qui est la première destination touristique de la planète et dont le patrimoine est, sans doute, l’un des plus riches au monde ?
Nous examinons à présent les crédits de la communication, budget dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur spécial depuis un certain temps. La communication, c’est la vie. Nous assistons à une révolution permanente, celle du numérique ; elle change complètement la donne structurelle, et nous n’en sommes qu’au début !
Nous avons vécu des années de difficiles ajustements pour passer de l’ordre établi à un ordre nouveau dont on ne percevait pas toujours les lignes directrices. Au cours de cette période, bon nombre de problèmes ont été réglés au fil du temps. Sur l’initiative de Mme Tasca, des contrats d’objectifs et de moyens ont été mis en place dans tous les secteurs : ce dispositif fonctionne plutôt bien.
Je rappelle que les crédits des différents programmes de la mission « Médias, livre et industries culturelles » proviennent, pour pratiquement les trois quarts, de la redevance audiovisuelle – le Sénat a combattu pour que son montant soit indexé sur l’inflation –, le dernier quart étant constitué de crédits budgétaires, destinés à permettre des ajustements ou à financer des secteurs ne pouvant l’être par le produit de la redevance.
En ce qui concerne l’aide à la presse, la diminution apparente des crédits est liée au fait que les engagements sur trois ans pris par le Gouvernement en matière de soutien à la modernisation de la presse ont été tenus. Le bilan est plutôt positif, et il a été décidé de prolonger cette dynamique. La presse en a bien besoin, et on peut d’ailleurs se demander si elle ne sera pas complètement dématérialisée dans quelques années, certains titres ne publiant déjà plus que sous forme numérique…
Par ailleurs, le problème récurrent et ô combien difficile de l’Agence France-Presse n’est toujours pas résolu. Monsieur le ministre, vous avez sans doute fait tout votre possible pour y parvenir, mais la situation n’est pas simple, je le reconnais.
S’agissant de l’audiovisuel, les contrats d’objectifs et de moyens fonctionnent bien. Il y a quelques jours, le Gouvernement a conclu avec France Télévisions le nouveau contrat, qui courra jusqu’en 2015. Il me semble que les parties en sont satisfaites. La dotation budgétaire de France Télévisions s’élèvera à environ 443 millions d’euros en 2012, soit une hausse de presque 14 % par rapport à 2011 : ce n’est pas rien !
Les radios associatives sont également servies, leur dotation étant maintenue à hauteur de 29 millions d’euros.
Le fonctionnement d’Audiovisuel extérieur de la France, AEF, constitue un problème récurrent depuis la création de la société. Le Sénat aimerait avoir communication des conclusions du rapport de la mission de l’Inspection générale des finances que vous avez diligentée, monsieur le ministre. Il serait intéressant de savoir ce que des experts du contrôle budgétaire pensent du fonctionnement d’une maison quelque peu particulière, qui n’arrive pas à négocier avec vous son contrat d’objectifs et de moyens. On sait qu’il existe des problèmes de personnes, même s’ils se sont peut-être un peu apaisés ces derniers temps… Toujours est-il que la situation n’est satisfaisante ni sur le plan financier ni sur celui de la transparence et de la communication avec le Parlement. En effet, je ne parviens pas à obtenir les renseignements qui me seraient nécessaires pour émettre un avis éclairé sur les comptes d’AEF.
Par ailleurs, le contenu des programmes de France 24 est également insatisfaisant, dans une période où le monde bouge à une vitesse extraordinaire, en particulier dans le monde arabe, qui fait partie du champ géographique couvert par cette chaîne. Ainsi, je ne perçois pas de différence de contenu entre France 24 et d’autres chaînes dédiées à l’information. Ceux qui ont voulu la création de cette chaîne, dont je suis, sont en droit, monsieur le ministre, de vous demander d’examiner de près cette question.
Les concours financiers issus de la redevance augmentent de 3, 6 % pour France Télévisions. Par les temps qui courent, c’est tout à fait appréciable, d’autant que cette progression est assortie d’un engagement jusqu’en 2015. Pour Arte, l’augmentation est de 7 % : le Gouvernement a décidé de soutenir l’ambition que Mme Cayla nourrit à bon droit pour sa chaîne.
Radio France rencontre des problèmes d’audience. L’Institut national de l’audiovisuel, l’INA, réalise un travail remarquable. Il était question tout à l’heure de l’histoire de France : l’INA peut être un bel outil au service de la connaissance de l’histoire contemporaine. Il serait fort dommage que nos archives audiovisuelles se perdent, et le Gouvernement a donc raison de soutenir leur numérisation en cours.
Pour conclure, je voudrais souligner que l’ambiance de travail au sein de la commission des finances a été agréable et constructive au cours de l’examen des crédits de cette mission, ce qui n’a pas toujours été le cas dans le passé. Il s’agit peut-être là, monsieur le ministre, d’une forme d’hommage à l’action que vous conduisez ! Ce budget ne faisant plus l’objet de contestations ou de discussions difficiles au sein de la commission de la culture, la commission des finances a décidé de le soutenir, qu’il s’agisse de sa partie budgétaire ou des crédits issus de la redevance.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors des débats sur la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, l’opposition parlementaire de gauche avait donné l’impression de vouloir jouer les Cassandre.
Qu’avait-elle dit exactement? Que la suppression de la publicité sur France Télévisions était irresponsable du point de vue financier, qu’elle n’aurait aucune incidence sur la qualité des programmes, que la mise en place brutale et désordonnée de l’entreprise unique pourrait avoir des conséquences néfastes, ne serait-ce que par la désorganisation qu’elle engendrerait, que la création des deux taxes proposées était juridiquement hasardeuse. Nous disions enfin que le nouveau mode de nomination des présidents de l’audiovisuel public nuirait à leur crédibilité.
Sur l’ensemble de ces points, nos prévisions se sont révélées exactes, voire parfois un peu trop optimistes…
Des deux taxes dont la création était proposée par le Gouvernement, l’une, sur les recettes publicitaires des chaînes privées, a vu son taux raboté et ne rapporte presque plus rien, l’autre est considérée comme contraire au droit communautaire par la Commission européenne : l’État court dès lors un risque majeur de devoir rembourser les sommes perçues – entre 900 millions et 1 milliard d’euros – et la suppression totale de la publicité sur France Télévisions n’est donc absolument pas financée.
S’agissant des programmes, on peut saluer les efforts de la nouvelle direction, mais Patrick de Carolis avait déjà bien amorcé le virage éditorial du groupe avant la suppression de la publicité.
Pendant ce temps, l’entreprise a connu des bouleversements majeurs, avec une centralisation des responsabilités, puis une nouvelle décentralisation : la grosse fusion a abouti à une grosse confusion !
J’ajouterai que les chantiers majeurs du global media –même si la montée en puissance est bien réelle – ou de la mise en place d’une chaîne jeunesse ne sont pas encore achevés.
La raison en est probablement que le financement du groupe est incertain. Trois ans après la réforme, France Télévisions est une entreprise fragilisée.
En outre, les charges nouvelles sont nombreuses : je citerai notamment la diffusion hertzienne de France Ô sur tout le territoire national – 20 millions d’euros –, le déploiement de la télévision numérique terrestre outre-mer – 9 millions d’euros – ou la hausse des subventions au cinéma résultant des obligations réglementaires de France Télévisions – 8 millions d’euros.
Une inquiétude réelle pèse donc sur le financement de la réforme votée en 2009 et la pérennité du service public de l’audiovisuel ; en conséquence, la commission de la culture s’opposera à toute tentative de réduire les recettes.
S’agissant des autres groupes de l’audiovisuel public, le Gouvernement n’a rien fait, et le bilan pourrait par conséquent être plutôt positif. Des contrats d’objectifs et de moyens ont cependant été signés. C’est fondamental, puisque ces contrats sont un outil essentiel, permettant un engagement contractualisé et pluriannuel de l’État ; ils constituent donc une garantie de l’indépendance financière, et surtout éditoriale, de ces groupes.
Qu’a-t-on appris après la seconde délibération sur le projet de loi de finances à l’Assemblée nationale ? Que le Gouvernement, doutant probablement de la constitutionnalité d’une diminution des dépenses par le biais du collectif budgétaire, a introduit nuitamment dans le projet de loi de finances des dispositions retirant 15 millions d’euros de crédits à France Télévisions, 2 millions d’euros à Radio France et 1 million d’euros aux autres acteurs : Arte, l’INA et Audiovisuel extérieur de la France. Je souligne, à cet égard, que cette seconde délibération n’était pas intervenue quand j’ai rédigé mon rapport et quand la commission de la culture a émis son avis.
Cette démarche est contraire à l’esprit du contrat d’objectifs et de moyens, à l’indépendance de ces groupes, qui seraient extrêmement fragilisés par de telles ponctions. Ce ne serait pas la mort subite de notre audiovisuel public, mais, indéniablement, une asphyxie progressive, que nous avions annoncée dès l’origine de la réforme.
En ce qui concerne les crédits consentis à la presse, sans surprise, l’heure est à la diminution : le total des aides directes à la presse s’établit à 543 millions d’euros, répartis entre deux programmes, soit une baisse de plus de 6 % par rapport à 2011. Le Gouvernement a beau jeu de se dédouaner en justifiant cette baisse par la fin de la mise en œuvre du plan exceptionnel de soutien public à la presse et en ajoutant que 540 millions d’euros d’aides directes en 2012, c’est toujours 60 % de plus qu’en 2007…
On aura beau dire, une baisse aussi substantielle s’apparente à un désengagement, que nos entreprises de presse n’ont pas pu anticiper compte tenu de son ampleur et qui pourrait miner tous les efforts de modernisation qu’elles ont conduits au cours de ces trois dernières années.
Je m’interroge sur l’existence d’une véritable stratégie cohérente qui présiderait à l’évolution de ces aides. Lorsqu’elles ne font pas l’objet d’un saupoudrage qui les rend inopérantes, les aides directes sont distribuées de façon plus ou moins automatique aux mêmes titres, dans des conditions assez obscures, et parfois sans réelle analyse prospective préalable. Or c’est la production d’une information à valeur ajoutée que notre système d’aides publiques doit encourager, surtout avec la révolution numérique.
Aujourd’hui, si l’on veut véritablement accompagner la presse dans sa démarche de modernisation, c’est prioritairement sur la fiscalité, d’application neutre, qu’il convient d’agir, en mettant un terme aux inégalités de traitement entre la presse imprimée et la presse numérique.
Je me réjouis d’ailleurs que notre assemblée ait adopté, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, un amendement que j’avais présenté en commission. Cet amendement vise à étendre à la presse en ligne le bénéfice du taux de TVA réduit de 2, 1 %, jusqu’ici réservé à la presse imprimée : c’est la condition de la migration des contenus vers tous les supports.
Compte tenu de mes observations, la commission de la culture, qui a donc délibéré avant la ponction de 20 millions d’euros que j’évoquais, a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Cela étant, mon avis pourrait évoluer si l’amendement que j’ai déposé visant à rétablir ces 20 millions d’euros de crédits était adopté.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rapporte les crédits du programme 334, dédié au livre, à la lecture, à la musique enregistrée et au jeu vidéo. Nous nous sommes particulièrement mobilisés en faveur de ces secteurs majeurs, qui sont au cœur des pratiques culturelles des Français et des mutations technologiques.
Le taux réduit de TVA devrait s’appliquer au 1er janvier 2012 pour le livre numérique. Monsieur le ministre, j’insiste pour que le Gouvernement veille à ce que les modalités d’application du passage à 7 % du taux de TVA permettent de ne pas alourdir les charges des libraires.
S’agissant de la loi du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique, le Sénat a eu raison, je le crois profondément, de se battre pour que les règles de fixation des prix s’appliquent à tous les professionnels, qu’ils soient ou non implantés en France.
L’adoption de la résolution européenne que j’avais déposée pour appuyer notre combat politique en faveur de la diversité culturelle à l’ère numérique a aussi permis d’« enfoncer le clou ». En définitive, la Commission européenne n’ayant pas exprimé de réserves sur cette loi, elle s’applique désormais.
Le marché du livre numérique va donc pouvoir se développer dans le respect de la chaîne de valeur de la filière et avec une offre légale croissante, ce que devrait d’ailleurs faciliter l’adoption de la proposition de loi relative à l’exploitation numérique des œuvres indisponibles du xxe siècle que j’ai déposée et que nous examinerons à la mi-décembre.
Dans ce contexte, l’évolution des crédits du programme recouvre un changement de périmètre, le soutien à la Cinémathèque française étant désormais assumé en totalité par le CNC, et un report des crédits non consommés en 2011 pour financer la « carte musique ». Toutefois, l’Assemblée nationale a adopté un amendement, à l’article 39, tendant à réduire de plus de moitié ce report. Quelle est la position du Gouvernement sur ce point, monsieur le ministre ?
Enfin, les crédits de paiement augmentent de 10 millions d’euros au titre de la contribution spécifique de la Bibliothèque nationale de France au financement des travaux de réaménagement du « quadrilatère Richelieu ». Il s’agit ainsi de renforcer le pôle scientifique et culturel en matière d’histoire de l’art.
Les crédits inscrits au titre de l’édition, de la librairie et des professions du livre sont stables. Le Centre national du livre, le CNL, est cependant essentiellement financé par le produit de taxes affectées, qui sera plafonné en application de l’article 16 ter du projet de loi de finances. Ce sujet a déjà été largement débattu mardi soir, notre commission ayant souhaité exclure les opérateurs culturels du champ de la mesure mais n’ayant pas été suivie par la commission des finances.
Il ne faudrait pas que ce dispositif fragilise cet opérateur qui apporte un soutien vital à un secteur en grande difficulté, compte tenu notamment de la mutation numérique. L’incidence de cette mesure sur le CNL est évaluée à environ 2 millions d’euros pour 2012.
Monsieur le ministre, ce manque à gagner sera-t-il compensé par une dotation budgétaire ? En tout état de cause, pouvez-vous nous garantir que le CNL aura les moyens d’assumer pleinement l’ensemble de ses missions ?
Par ailleurs, donnerez-vous suite au projet, qui fait un peu figure d’arlésienne, de réforme de l’assiette de la taxe reprographie-impression ? Cela étant, si le plafond de cette taxe n’était pas rehaussé, cela ne nous aiderait pas à conforter les ressources du CNL. Nous comptons donc sur la commission mixte paritaire pour améliorer le dispositif de l’article 16 ter…
Je me réjouis de la bonne application des propositions pour le développement de la lecture et du « plan livre », renforcé par les mesures annoncées en mai 2011, ainsi que de la hausse des crédits consacrés au développement de la lecture et des collections. Donner et redonner le goût de la lecture est essentiel : sur ce point, je crois que le Sénat est unanime.
Les difficultés du secteur de la musique enregistrée appellent un renforcement du soutien en sa faveur. Monsieur le ministre, travaillez-vous à une amélioration du crédit d’impôt phonographique ? Par ailleurs, pouvez-vous nous préciser les pistes de réflexion suivies par la mission de préfiguration d’un éventuel futur centre national de la musique, en termes de calendrier, de périmètre et de mode de financement ?
Enfin, nous estimons que le secteur du jeu vidéo mérite une attention plus soutenue des pouvoirs publics. Pour avoir visité avec vous plusieurs établissements de la région Nord-Pas-de-Calais, je pense, monsieur le ministre, que c’est également votre avis. Cette industrie créative en forte croissance crée de nombreux emplois qualifiés et exporte largement sa production.
Les industries créatives, qu’elles soient en mutation ou en pleine expansion, méritent pleinement le soutien croissant que leur consacrent le Gouvernement et le Parlement.
La commission de la culture n’a pas suivi son rapporteur et a donné un avis défavorable aux crédits alloués au programme 334 pour 2012. Cela ne nous empêche pas de tous apprécier la pensée d’Aimé Césaire, pour qui « la culture précède le politique ». Pour notre part, nous pensons en outre qu’elle doit l’accompagner !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’histoire récente de l’audiovisuel extérieur de la France est celle d’un terrible gâchis.
Notre audiovisuel extérieur, qui vise à renforcer l’influence de la France dans le monde par le rayonnement de sa culture et de sa langue, revêt une triple dimension.
Radio France Internationale, radio polyglotte, a su construire une identité et conquérir une large audience, notamment en Afrique.
TV5 Monde, chaîne multilatérale, a également su séduire un large public francophile et francophone.
La dernière née, France 24, chaîne d’information internationale, n’est pas devenue une « CNN à la française », mais a néanmoins su se développer via une diffusion large en trois langues.
L’existence de ces trois structures constitue un atout mais appelle aussi des réponses à trois problématiques : celle de la coexistence de ces médias ; celle de leur gouvernance, avec le défi de faire vivre des médias libres et indépendants, au service de notre politique extérieure ; celle de leur financement, dans un contexte international concurrentiel.
Sur ces trois points, je considère – et j’ai été suivie par mes collègues de la commission – que les gouvernements qui se sont succédé depuis bientôt cinq ans ont échoué.
La création de la holding AEF a provoqué des déchirements et des scandales à répétition, qui ont au final très fortement hypothéqué l’avenir de notre diplomatie audiovisuelle : RFI n’a jamais connu autant de grèves, TV5 Monde s’est sentie délaissée, souvent à raison, et France 24 est au bord de l’implosion.
Premier constat, la coexistence des trois médias dans une entité unique n’a pas réussi. En fait, AEF a plutôt eu tendance à privilégier France 24, dont les crédits ont augmenté sans que sa réussite soit réellement démontrée. En revanche, RFI et TV5 Monde ont été les parents pauvres de la holding avec des diminutions de crédits et un plan social pour RFI.
Deuxième constat, le mode de gouvernance a échoué. Depuis sa création, AEF n’est pas parvenu à se mettre d’accord avec l’État sur sa trajectoire financière et n’a donc pas, en toute illégalité, conclu de contrat d’objectifs et de moyens. La tutelle a été tout simplement fantomatique. Son manque d’implication a été tel que le Gouvernement a dû missionner l’Inspection générale des finances afin de faire le jour sur la situation financière réelle d’AEF.
Troisième constat, le financement s’est clairement avéré insuffisant pour faire vivre harmonieusement les trois structures. Un doute sérieux plane sur la capacité des différents acteurs à effectuer leur mission. Il y aurait ainsi une zone d’incertitude budgétaire de près de 55 millions d’euros pour la période 2011-2013.
Après avoir fait ces constats navrants, la question qui se pose dès lors est celle de l’avenir de l’audiovisuel extérieur de la France.
La dotation globale diminue de 12, 3 millions d’euros dans le projet de budget pour 2012, voire de 1 million d’euros supplémentaire si nous approuvions le budget adopté par l'Assemblée nationale. Cette baisse des crédits est théoriquement rendue possible grâce aux synergies liées à la fusion.
Le constat de l’Inspection générale des finances est formel : l’impact des synergies sera limité.
Le projet de fusion manque nettement de cohérence. Prenons l’exemple symptomatique du déménagement de RFI. Deux arguments ont été évoqués afin de le justifier : les économies budgétaires réalisées en matière de loyers et la logique de rapprochement des équipes dans le cadre d’une entreprise unique.
Le premier argument ne tient pas. Selon l’IGF, le déménagement se traduira au contraire par des surcoûts de 0, 5 million d’euros par an, sans compter le coût de l’opération, qui s’établirait à 25 millions d’euros.
Le second argument est pleinement légitime, mais ne trouve aucune réalité concrète. En effet, le nouveau bâtiment sera dédié uniquement à RFI, en contradiction totale avec l’idée de l’entreprise unique de réunir les rédactions de France 24 et de RFI.
Bref, ce projet de déménagement est à la fois coûteux et démobilisateur, alors que rien n’obligeait RFI à quitter la Maison de la radio.
Le feuilleton à rebondissements d’AEF peut-il finir par un happy end ou doit-il aboutir à une séparation de ses membres ?
Je vous avoue être extrêmement sceptique sur le projet de fusion d’une télévision et d’une radio. Le projet commun n’est pas enthousiasmant : même le site internet unique n’a pas été correctement réalisé. On est en train d’assister à un mariage forcé, et j’ai la conviction que, avec ce projet de fusion, on risque de lâcher la proie – notre rayonnement culturel international – pour l’ombre, à savoir des économies budgétaires improbables et très limitées.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits relatifs à l’audiovisuel extérieur de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais vous exposer les raisons qui ont motivé la commission des affaires étrangères à recommander au Sénat de marquer, par un rejet des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », sa désapprobation à l’égard de la gestion de l’audiovisuel extérieur.
Concernant le programme 115, il nous est demandé d’approuver une dotation globale de ressources publiques de 315, 2 millions d’euros, allouée à la holding AEF, qui est composée de France 24, RFI et TV5 Monde.
Le premier constat inquiétant est la baisse significative de cette dotation après sept années de hausse : 4, 15 % par rapport à 2011 en tenant compte du « rabot » adopté par l’Assemblée nationale. Cette diminution des crédits était annoncée et reposait sur les « économies attendues dans le cadre de la réorganisation opérationnelle » d’AEF. Or force est de constater aujourd’hui que les effets de la réforme engagée n’apparaissent pas suffisants pour compenser cette baisse de la dotation, comme les différents opérateurs n’ont pas manqué de nous le faire savoir.
Tout d’abord, les ressources propres restent faibles.
Ensuite, les mutualisations et les synergies escomptées ne sont pas au rendez-vous, comme en témoignent les difficultés récurrentes au sein des trois opérateurs. Je pense notamment aux mouvements sociaux et au déménagement retardé de RFI sur le site de France 24.
Enfin, et surtout, les synergies ne peuvent pas être analysées et commentées, en raison de l’absence d’indicateurs suffisants et d’un contrat d’objectifs et de moyens attendu depuis deux ans et toujours pas signé, comme l’a rappelé Claude Belot.
Le second constat, plus inquiétant encore, tient à la répartition de la dotation globale entre les opérateurs. Dans sa réponse aux questionnaires budgétaires, le Gouvernement indique que, pour 2012, « la répartition des financements entre les différentes sociétés de la holding n’est pas disponible ». Or nous constatons que c’est France 24 qui a absorbé l’essentiel des augmentations de crédits depuis 2004.
Le Parlement est-il donc aujourd’hui en mesure d’apprécier sur quels critères AEF se fonde pour attribuer les crédits entre ses composantes et quelle sera la répartition pour 2012 ?
Le rapport demandé à l’Inspection générale des finances par le Gouvernement ne nous a pas été communiqué directement, mais a été mis en ligne voilà quinze jours. Il ne me semble pas apporter des garanties sur ce point, bien au contraire ! Il suggère d’appliquer vis-à-vis d’AEF un « principe de précaution budgétaire », signale plusieurs irrégularités dans la gestion financière de la holding et estime nécessaire de « favoriser l’exercice d’une tutelle effective et efficace ».
Ces constatations placent donc, selon moi, le Parlement face à ses responsabilités : il lui revient aujourd’hui de sanctionner une gouvernance pour le moins légère, qui ne respecte ni les critères essentiels de transparence et de clarté ni la légalité. Par ailleurs, les turbulences de cette gouvernance n’ont en rien contribué au rayonnement extérieur de la France.
Le but de la création d’AEF se résumait en un mot : la recherche de synergies. Mais il n’y a de véritable synergie qu’entre ceux qui ont suffisamment d’affinités pour vivre ensemble. Toute la question est donc de savoir si ce mariage entre une chaîne d’information, France 24, une radio généraliste, RFI, et une chaîne généraliste, TV5 Monde, est viable à long terme. La question mérite d’être sérieusement posée.
Afin de sécuriser et de pérenniser le pilotage d’AEF, il me paraît pertinent, à ce stade, d’évoquer quelques pistes de réflexion : la holding AEF pourrait être réaménagée, en songeant notamment à rechercher et à trouver des partenariats plus opérationnels pour certaines de ses entités ; des perspectives nouvelles pourraient être offertes à TV5 Monde, parent pauvre de la holding, alors que la chaîne francophone demeure le principal outil télévisuel de rayonnement mondial de la France ; il faudrait également accroître la participation des collectivités territoriales au processus de rayonnement audiovisuel.
Pour conclure, monsieur le ministre, je voudrais porter à votre connaissance le souhait majoritaire de la commission, partagé notamment par ma corapportrice pour avis Mme Garriaud-Maylam, de voir AEF rattaché au ministère des affaires étrangères, la multiplicité des tutelles étant un facteur certain de dilution des responsabilités.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais saluer l’initiative de la commission des affaires étrangères d’instituer un binôme pour les rapports budgétaires.
Je me réjouis d’avoir pu travailler en parfaite intelligence avec mon corapporteur pour avis Yves Rome. Nos points de vue ont d’ailleurs convergé sur un grand nombre de points, même si nos prises de position se sont séparées au moment de la décision finale. En effet, la commission des affaires étrangères a émis, vous le savez, un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
L’absence de conclusion du contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et la holding en charge de l’audiovisuel extérieur de la France a été, à mon sens, la pierre angulaire du raisonnement qui a conduit à ce rejet. Le président d’AEF a tenté devant nous de minimiser l’ampleur de ce désaccord en le résumant à de petites difficultés ponctuelles. Pourtant, après avoir écouté le point de vue de l’État, on peut se demander si l’absence de contrat d’objectifs et de moyens ne doit pas être imputée à une divergence bien plus profonde sur la stratégie et la trajectoire financière de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.
Beaucoup de critiques, parfois injustes, ont ainsi été adressées à AEF et à l’État. Je tiens cependant à rappeler plusieurs éléments de contexte que l’on ne peut pas, et que l’on ne doit pas, ignorer.
On recense aujourd’hui plus de 27 000 chaînes de télévision dont 57 chaînes d’information. Qui pourrait croire qu’une nouvelle réorganisation de l’audiovisuel extérieur pourrait permettre, par un simple « coup de baguette magique », de diminuer une pression concurrentielle inédite, qui rend plus difficile que jamais l’accès aux ressources publicitaires ? Ces réalités s’imposent non seulement à l’AEF, mais aussi à l’audiovisuel extérieur de nos principaux partenaires européens.
J’ajoute qu’il faut être attentif aux réflexions en cours, menées notamment à l’Assemblée nationale : ne risquent-elles pas de nous faire revenir en arrière en dispersant des entités que l’on a légitimement voulu regrouper pour leur donner une cohérence d’ensemble et une véritable lisibilité ?
Enfin, le rôle de l’État dans cette affaire est difficile. Voyez le tollé qui s’élève lorsqu’il est soupçonné d’intervenir dans l’audiovisuel, alors que, dans le même temps, nous le savons, il serait totalement irresponsable de laisser indéfiniment croître les financements publics.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis, à titre personnel, favorable au vote de ce budget. L’arrêt de l’augmentation des crédits accordés à AEF me paraît légitime et raisonnable, l’institution devant entrer aujourd’hui dans un rythme de croisière après plusieurs années d’investissements très importants liés au lancement de France 24. Pour autant, j’estime nécessaire de réfléchir à certains ajustements.
Je commencerai par relever ce qu’il ne faut pas faire.
Il est impératif de veiller à ce que les économies budgétaires ne portent pas préjudice au cœur de métier d’AEF. En particulier, le budget de diffusion doit être maintenu. Je réfute donc la préconisation de l’Inspection générale des finances de diminuer les crédits de diffusion de TV5 Monde.
Il ne faut pas de bouleversement institutionnel non plus, mais il nous faut veiller à ce que TV5 Monde et RFI ne sortent pas affaiblies de la réforme en cours. Je voudrais d’ailleurs appeler votre attention sur un amendement que je présenterai visant justement à défendre TV5 Monde face à certaines dispositions nocives. Je rappelle que cette chaîne, généraliste et francophone, est un atout considérable pour l’influence de notre pays et de notre culture. En Asie, par exemple, si TV5 Monde est la seule chaîne francophone à être diffusée, c’est parce qu’elle est internationale et généraliste.
S’agissant de France 24, autant il me semblait essentiel d’avoir une chaîne arabophone, dont l’impact a été aussi important que positif pendant ce qu’on a appelé les « printemps arabes », autant je suis un peu plus dubitative quant à la nécessité de la diffuser en anglais, surtout si, comme j’ai pu le constater à de nombreuses reprises, le rôle de la France n’y est pas suffisamment valorisé. Pourtant, cela devrait être sa mission première.
Le recours accru au sous-titrage d’émissions me paraît devoir être exploré. À cet égard, je m’interroge sur l’idée reçue selon laquelle les Anglo-Saxons ne regardent pas les émissions sous-titrées.
France 24 doit proposer une analyse et un regard français sur le monde, mais elle doit aussi favoriser la diffusion de notre langue et l’envie de la pratiquer. La défense du plurilinguisme est essentielle ; elle s’inscrit aussi dans la perspective de la défense de la diversité culturelle, valeur phare de la francophonie et de la construction européenne.
Ainsi, si les contraintes budgétaires ont conduit à une diminution du nombre de langues utilisées par RFI, il semble important d’arrêter ces suppressions et de nous donner les moyens de lancer rapidement une diffusion dans une nouvelle langue, si celle-ci peut nous aider à faire passer certains messages et certaines valeurs.
La limitation à cinq minutes du temps de parole qui m’est accordé m’oblige à terminer mon propos par une remarque qui m’est personnelle, mais qui a fait l’objet d’un accord quasi unanime au sein de la commission des affaires étrangères.
Manifestement, la conduite de l’audiovisuel extérieur n’est pas simple. Il faut retenir les leçons du passé : la multi-tutelle s’accompagne souvent d’effets contre-productifs.
Monsieur le ministre, cela me gêne de dire cela devant vous – j’espère que vous ne m’en voudrez pas –, mais, pour clarifier la mission de l’audiovisuel extérieur de la France, la priorité doit à mon sens être accordée au ministère des affaires étrangères et européennes, afin d’inscrire AEF dans une modernité attentive et réactive, notamment en matière de cohérence, de lisibilité, d’adaptabilité et de choix stratégiques.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.
Il est bientôt une heure du matin. Je vous invite à respecter votre temps de parole, même si je saurai faire preuve d’un peu de souplesse.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Cécile Cukierman.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aucun programme n’est épargné dans cette mission « Médias, livre et industries culturelles ». Toutefois, afin de respecter mon temps de parole, je me concentrerai sur l’audiovisuel et sur la presse écrite.
Cela a été rappelé : la baisse des crédits en faveur de l’audiovisuel est en partie due à la fin du passage à la télévision numérique, mais elle est aussi le fruit d’un véritable désengagement de l’État de la holding Audiovisuel extérieur de la France, dont les crédits sont en baisse de 3, 5 %. Je ne reviens pas sur cette situation, qui a déjà été évoquée par les rapporteurs pour avis.
En outre, des dispositions particulièrement préoccupantes concernant l’audiovisuel public français ont été introduites.
Durant cette législature, l’audiovisuel public a été soumis à des réformes qui ont remis en cause son indépendance ainsi que la pérennité du financement de France Télévisions. Je pense à la réforme de 2009, qui a instauré la désignation des présidents de Radio France, d’Audiovisuel extérieur de la France et de France Télévisions par le Président de la République, mais surtout, et cela est en lien direct avec les préoccupations budgétaires qui nous animent aujourd’hui, à la suppression immédiate de la publicité après vingt heures sur France Télévisions : ce premier pas vers la suppression totale a été décidé sans aucune anticipation des conséquences. Bien loin de se poser en défenseurs de la publicité, nous sommes forcés de constater que la suppression de cette dernière entraîne avec elle une partie des ressources publicitaires du groupe.
Au sein du groupe communiste, républicain et citoyen, nous n’avons cessé de dénoncer cette suppression prétendument vertueuse, qui, en réalité, affaiblit financièrement, et donc stratégiquement, le service public de la télévision, et qui ne manquera pas d’impacter durement – et durablement – les finances publiques. C’est d’autant plus vrai que le Gouvernement nous propose aujourd’hui de mettre l’audiovisuel public à contribution pour réunir les 500 millions d’euros d’économies exigées par le Premier ministre. Ainsi, France Télévisons serait amputée de 15 millions d’euros ; Arte, AEF et l’INA, de 1 million d’euros chacun, quand Radio France se verrait raboter 2 millions d’euros ; nous y reviendrons au moment de l’examen des amendements.
Mais cela n’est pas tout : les ressources publicitaires de France Télévisions étant, malgré les difficultés que le Gouvernement lui a créées, supérieures aux prévisions, ce « surplus » serait pris en compte pour réduire d’autant la compensation que verse l’État au groupe.
Cet acharnement contre les chaînes de télévisions publiques est incompréhensible, voire scandaleux. Il est d’autant plus étonnant que la taxe sur les fournisseurs d’accès à internet – l’une des compensations financières de la suppression de la publicité prévue par la loi de 2009 – est actuellement remise en cause par l’Europe, ce qui pourrait causer une perte de 250 millions d’euros pour France Télévisions.
En outre, la taxe sur le chiffre d’affaires publicitaire des chaînes privées, autre compensation prévue par la loi de 2009, a déjà été rabotée l’an dernier, grâce à l’action d’un lobby puissant, et ne rapporte désormais plus que de faibles sommes.
Au lieu de mettre en avant l’augmentation, par rapport à 2011 – année pour laquelle les crédits ont été particulièrement bas –, de la part du budget « Médias » accordée à France Télévisions, le Gouvernement serait bien avisé de prendre en compte ces paramètres avant que France Télévisions ne se retrouve complètement exsangue.
Je me félicite que la commission de la culture soit, dans la lignée du travail de Jack Ralite, porteuse d’un véritable projet pour France Télévisions. Je soutiens donc pleinement les amendements visant à élargir l’assiette de la redevance ou à réaffecter à l’audiovisuel public les 20 millions d’euros : je pense notamment à l’amendement portant suppression de l’article 52 ter, lequel vise à diminuer la dotation de l’État en fonction des performances de la régie publicitaire.
Ces dispositions s’inscrivent dans les préconisations pour « sauvegarder le service public de la télévision » que nous avions développées dans une proposition de loi déposée en 2010 et qui sont chères à l’actuelle majorité sénatoriale. Nous faisons ainsi la preuve que, dans un contexte budgétaire difficile, la majorité du Sénat peut porter une véritable ambition alternative pour l’audiovisuel public.
Concernant la presse écrite, les crédits sont en baisse puisque les aides directes à la presse diminuent de 6 % par rapport à 2011. Certes, cela correspond à la fin du plan d’aide exceptionnel de soutien conclu à la suite des états généraux de la presse, mais nous n’en sommes pas moins inquiets pour l’avenir d’un secteur qui reste extrêmement fragile. La situation de France Soir et de La Tribune en est l’illustration. D'ailleurs, je veux assurer de mon soutien l’ensemble des salariés de ces deux organes de presse, dont certains, ce soir, assistent au débat, et je l’affirme : l’État a une responsabilité en ce domaine.
Le pluralisme est menacé. À titre d’exemple, le journal France Soir, qui devrait voir sa version papier supprimée au profit de sa seule version numérique, est en danger.
Alors que les aides à la modernisation de la presse pour 2012 sont en baisse de 8 %, le Gouvernement, qui affirme pourtant vouloir favoriser l’adaptation des journaux aux nouvelles technologies, se désengage de France Soir, laissant présager la faillite du projet. Il ne faudrait pas que ce journal populaire évolue vers le populisme !
Je l’ai dit, des emplois sont en danger : quatre-vingt-neuf emplois au siège, l’imprimerie située en région parisienne menacée de fermeture et autant d’emplois induits risquent d’être supprimés dans les imprimeries de province ainsi que dans le circuit de la distribution.
Je le répète, l’État a une responsabilité : des millions d’euros d’aides ont été accordés, au titre de la presse écrite, à France Soir. Aujourd’hui, à quoi cette aide a-t-elle servi ?
Monsieur le ministre, je vous demande de réunir dans les plus brefs délais une table ronde qui pourrait rassembler les dirigeants, les représentants syndicaux et l’État pour envisager un autre avenir pour France Soir et, ainsi, examiner l’utilisation et l’efficacité de l’aide qui lui a été versée. En effet, dans ce champ, comme dans d’autres, le contrôle de l’utilisation des fonds publics accordés aux entreprises, que préconisait, à l’époque, la loi Hue, est une nécessité et un enjeu démocratique pour notre pays.
La presse et l’audiovisuel dans notre pays doivent être soutenus. Notre vote sur cette mission budgétaire dépendra donc du sort qui sera réservé à certains amendements.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Médias, livre et industries culturelles », dont nous examinons aujourd’hui les crédits, revêt une importance particulière.
Les événements qui se sont produits dans le monde arabe cette année rappellent, s’il en était besoin, l’importance stratégique de ce secteur pour la mise en place et le bon fonctionnement d’une démocratie. Mais revenons au contexte national, qui nous intéresse plus particulièrement ici.
Monsieur le ministre, nous avons conscience que le contexte dans lequel vous avez dû bâtir votre budget n’était a priori guère favorable : crise financière, dette et déficits publics abyssaux, plans de rigueur budgétaire… S’il est vrai que les crédits consacrés à la mission « Médias, livre et industries culturelles » restent stables, à 4, 6 milliards d’euros, il n’en demeure pas moins que les choix que vous avez opérés pour construire votre budget nous semblent, à plusieurs égards, contestables ou, du moins, pas à même d’aider à relever les défis importants auxquels se trouve confronté le secteur des médias aujourd’hui, notamment à l’heure du passage au numérique.
Je m’arrêterai plus particulièrement sur les secteurs de la presse et de l’audiovisuel. En effet, dans ces deux domaines, la situation nous semble à maints égards très préoccupante.
Cependant, avant de développer plus avant mon propos, je reviens un court instant sur le secteur du livre. Si nous n’avons pas d’opposition majeure sur les crédits qui lui sont consacrés, nous regrettons la volonté du Gouvernement de profiter du projet de loi de finances pour porter, dès le 1er janvier prochain, le taux de plusieurs produits, dont celui du livre, de 5, 5 % à 7 %.
Venons-en maintenant à la presse.
Dans ce secteur, que l’État soutient à hauteur de 1, 2 milliard d’euros, mon collègue Jean-Pierre Plancade et moi-même avons le sentiment que les problèmes demeurent, alors même que ce budget aurait pu être l’occasion d’envisager certaines réformes structurelles majeures. Citons, par exemple, la diffusion des titres les plus aidés, aujourd’hui en recul, ou les promesses d’amélioration de la situation des diffuseurs ou de développement du réseau des points de vente, démenties par les faits. Il est vrai que cette situation résulte pour partie de la crise économique et du développement d’internet, et n’est donc pas imputable aux seuls choix budgétaires.
Il n’en demeure pas moins qu’un meilleur ciblage des crédits consacrés à la presse aurait contribué à l’améliorer. En effet, en dépit des priorités affichées lors des états généraux de la presse écrite, l’aide à la presse en ligne ne dépasse pas 20 millions d’euros, sur un total d’aides à la presse s’élevant, rappelons-le, à 1, 2 milliard d’euros.
Par ailleurs, les crédits consacrés à l’aide au portage, lequel est pourtant censé représenter l’avenir de la distribution de la presse, passent de 68 millions d’euros à 45 millions d’euros, ce qui représente une diminution d’un tiers.
De la même manière, le total des aides directes à la presse affiche une diminution de 6 % par rapport à 2011, quand les aides à la modernisation du secteur enregistrent, cette année encore, une baisse de 8 %.
Enfin, le rééquilibrage du soutien en faveur des titres d’information politique générale n’a pas eu lieu : la presse quotidienne nationale bénéficie seulement de 15 % des aides, alors que 35 % de ces dernières reviennent à la presse magazine.
Ces différents exemples montrent que le budget qui nous est soumis a manqué l’occasion de procéder à un meilleur ciblage des aides, l’une des réformes pourtant nécessaires pour donner au secteur de la presse les moyens de surmonter les difficultés auxquelles il est confronté.
Venons-en à présent au secteur de l’audiovisuel et arrêtons-nous un instant sur l’audiovisuel extérieur.
Comme l’a rappelé le rapporteur pour avis Claudine Lepage, nous sommes en ce domaine face à un véritable « gâchis ». La réforme initiée en 2008, qui a conduit à la création de la holding Audiovisuel extérieur de la France, est un échec ; les raisons en sont multiples et tristement connues de tous. Le projet de fusion suscite partout de vives inquiétudes et risque fort de fragiliser le devenir de notre rayonnement culturel extérieur. En outre, dans le rapport qu’elle a consacré à cette question, l’Inspection générale des finances dément que cette fusion dégage des synergies significatives et permette donc de faire de véritables économies budgétaires. Malgré tout, le montant de la dotation accordée à AEF diminue cette année de 3, 8 %.
Nos préoccupations ne se limitent malheureusement pas à l’audiovisuel extérieur ; elles concernent également notre secteur public national. Vous vous en doutez : je pense bien évidemment à la situation de France Télévisions.
Dès le départ, mon groupe n’a eu de cesse d’alerter sur le danger que représentait la suppression de la publicité sans que la compensation du manque à gagner soit assurée de manière pérenne. Nos inquiétudes étaient malheureusement fondées. En effet, la suppression de la publicité est en partie financée, d’une part, par une aggravation du déficit public et, d’autre part, par la taxe télécom. Or il est très probable que l’Union européenne nous oblige à rembourser cette dernière, c’est-à-dire contraigne l’État à restituer aux opérateurs de télécommunications plus de 1 milliard d’euros.
En outre, ce projet de budget prévoit que les éventuels surplus réalisés par la régie publicitaire de France Télévisions seront rendus à l’État.
Toutes ces dispositions, on le voit, fragilisent la situation financière de France Télévisions. Un doute raisonnable quant à la pérennité du financement du service public audiovisuel, et donc sur la capacité pour ce dernier de continuer à honorer avec toute la qualité requise les missions qui sont les siennes, est donc permis. Ce doute est atténué, il est vrai, par le bilan un peu plus encourageant des autres groupes de l’audiovisuel public : Radio France, Arte, l’INA. Cependant, là encore, restons vigilants et ne nous réjouissons pas trop vite. Le financement de ces groupes n’est pas non plus pérenne, en témoigne le vote par l’Assemblée nationale, la semaine dernière, d’une disposition tendant à diminuer de 20 millions d’euros les ressources de France Télévisions et de ces autres groupes. Nous pourrions y remédier ce soir, grâce à l’adoption d’un amendement tendant au rétablissement de ces crédits.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, trop de doutes et d’inquiétudes subsistent pour que nous approuvions ce budget. Gouverner, c’est faire des choix. Or les choix que vous avez opérés sur deux points à nos yeux fondamentaux, à savoir l’attribution des aides à la presse et le financement du secteur de l’audiovisuel, ne nous semblent pas opérationnels. Ils fragilisent des secteurs qui auraient au contraire besoin d’être accompagnés, ils ne leur donnent pas les moyens de relever les défis auxquels ils sont confrontés et ils n’amorcent pas la résolution des problèmes structurels qui sont les leurs. Il s’agit à notre sens d’une occasion manquée, et nous le regrettons.
Vous comprendrez que, au nom de mes collègues du RDSE, je réserve mon vote en fonction de l’adoption de certains amendements.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contexte de crise dans lequel est examiné le projet de loi de finances a été rappelé par Jean-Jacques Pignard. Comme vous l’avez indiqué lors de votre audition par la commission de la culture, monsieur le ministre, un effort de rigueur budgétaire important a ainsi été demandé à l’audiovisuel – France Télévisions, Radio France, l’INA et Arte –, effort qui aurait pu, selon moi, être réparti de façon plus équilibrée.
Pour l’Institut national de l’audiovisuel, la dotation publique proposée en 2012 diminuera de 1 million d’euros, ce qui ne sera pas sans conséquence, compte tenu de l’importance de la poursuite du plan de sauvegarde et de numérisation de ses archives, aujourd'hui menacées. Néanmoins, l’essentiel pour le secteur aura été préservé et le budget de la mission « Médias, livre et industries culturelles » reste globalement en légère progression. Cela était nécessaire pour que soient poursuivies les réformes voulues par le Gouvernement dans un secteur en profonde mutation.
S’agissant de France Télévisions, pour apprécier la mise en adéquation des moyens aux grands chantiers qui ont été engagés, il aurait été important, mes chers collègues, d’examiner ce budget à la lumière de l’avis que nous devions rendre sur le contrat d’objectifs et de moyens. Je regrette que le changement de majorité ait été le prétexte à ne permettre ni l’exploitation ni même la présentation des travaux que j’ai réalisés pendant l’été, en tant que rapporteur pour avis de la mission. Ceux-ci auraient pu utilement alimenter notre réflexion collective.
Le nouveau contrat d’objectifs et de moyens, comme je l’avais défendu lors de la dernière loi de finances, met en adéquation sa durée avec celle du mandat du président et redéfinit les priorités que doit se donner l’entreprise unique.
Je me satisfais que deux d’entre elles, parmi les plus importantes – le renforcement de l’identité des chaînes, notamment France 3, et le média global, très en retard –, soient issues des préconisations que nous avions formulées avec mon collègue de la commission des finances, Claude Belot, à la suite de la mission de contrôle sur l’adéquation du financement de France Télévisions à ses moyens. Cette mission, réalisée au cours de l’année 2010, était nécessaire à l’époque pour clarifier les présupposés quant à la gestion du service public. Elle a mis en lumière les économies qu’il est possible de réaliser, au regard notamment des besoins pour conduire la réforme.
Alors que France Télévisions doit faire face à un cahier des charges très exigeant, je citerai par exemple les 420 millions d’euros d’investissements obligatoires dans la création, notons que la résorption du déficit a été réalisée plus vite que prévu. Pour autant, la mise en place de l’entreprise unique est un chantier de longue haleine et, face aux évolutions technologiques, l’instauration d’une offre numérique complète – plateforme d’information et de sport, réseaux sociaux, télévision connectée – nécessite des efforts soutenus.
Je vous rappelle que j’avais déposé l’année dernière un amendement visant à élargir l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public ; je m’étais alors retrouvée bien isolée en séance… Cette année encore, l’idée a été défendue, cette fois par des sénateurs de gauche. Mais notre nouvelle rapporteure générale n’a pas non plus été sensible à une proposition qui permettait de moins grever le budget de l’État, d’autant que l’une des taxes affectées, comme nous l’avions prévu, est aujourd’hui invalidée par Bruxelles. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai déposé un amendement concernant les surréalisations de la régie publicitaire de France Télévisions.
D’une façon générale, la position de mon groupe sur la réforme de l’audiovisuel public a été constante : défendre la suppression totale de la publicité, à condition que celle-ci soit intégralement compensée par des ressources de nature publique, pérenne et dynamique. Avec Claude Belot, nous avions à cet égard proposé l’an passé un moratoire sur la suppression de la publicité avant vingt heures, et ce jusqu’en janvier 2016.
L’objectif que nous nous fixons n’est donc pas le même que celui que défend notre rapporteur pour avis actuel, M. Assouline, qui ne souhaite pas, bien au contraire, libérer les chaînes de la tyrannie de l’audience. Or cette clarification est d’autant plus souhaitable que les dernières évolutions, à travers le téléviseur connectable, ouvrent le paysage audiovisuel à toujours plus de concurrence, pour l’ensemble du secteur.
Nous sommes également très attentifs aux problématiques relatives à la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France, un enjeu majeur pour porter nos valeurs à travers le monde. Cette modernisation, décidée dès 2007, vise à mieux coordonner les différentes entités, mais les derniers événements et l’absence de contrat d’objectifs et de moyens font naître des questions sur le modèle proposé, en dépit des succès rencontrés. N’aurait-il pas mieux valu, à l’instar de la BBC, rattacher France 24 à France Télévisions et RFI à Radio France…
… et doter TV5 Monde, vecteur de la francophonie, d’une structure ad hoc ?
Nous devrions également réfléchir à l’ouverture d’Arte à d’autres partenaires européens, afin non seulement de renouveler une offre de qualité qui reçoit cependant un trop faible écho, mais aussi de promouvoir l’Europe, qui en a tant besoin aujourd'hui.
L’audiovisuel, c’est bien sûr la télévision, mais aussi la radio. Cette année, nous célébrons le trentième anniversaire de la bande FM, âge de la maturité. L’enjeu, pour les dix prochaines années, c’est la révolution numérique que devra effectuer la radio à travers deux modalités principales : la radio numérique terrestre, la RNT, et la radio IP.
La radio numérique terrestre est la voie privilégiée par le législateur. Elle a été évoquée dès 2007 dans le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, puis en 2009 dans la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Le Parlement a toujours milité en faveur du déploiement de la radio numérique sur l’ensemble du territoire métropolitain. Ce n’est donc pas parce que la RNT ne se fera pas en un jour qu’il ne faut pas la faire. Il nous faudra en effet trouver ensemble et progressivement les conditions d’un modèle économique pertinent qui fait encore défaut aujourd’hui.
Je dirai quelques mots, enfin, sur l’univers de l’écrit.
Il faut indéniablement conforter la presse. Concernant l’alignement du taux de TVA de la presse en ligne sur celui de la presse imprimée, sujet sur lequel j’ai moi-même déposé un amendement, je me félicite que le Sénat milite en faveur d’un même traitement fiscal pour tous les supports de diffusion. Pour donner toutes ses chances à l’émergence, en cours, de nouveaux modèles économiques, l’adaptation fiscale doit être concomitante. Cette évolution doit naturellement dépasser le seul cas de la France. Il faut d’ailleurs se féliciter que les parlementaires européens aient récemment adopté, à une très large majorité, une résolution sur la TVA dans laquelle ils soutiennent l’application d’un taux réduit pour la presse en ligne.
La France a déjà fait un pas important l’an dernier pour le livre. Grâce au décret d’application publié le 11 novembre dernier, le livre bénéficiera, dès le 1er janvier 2012, d’un taux de TVA unique, quel que soit le support de sa diffusion. Le groupe centriste avait plaidé pour cette mesure que j’avais moi-même défendue dans cet hémicycle au nom de la commission de la culture. Le projet de budget pour 2012 est donc une nouvelle occasion pour notre pays de confirmer son rôle moteur dans l’Union européenne.
Je conclurai cette intervention en exprimant une crainte concernant le rehaussement annoncé par le Gouvernement du taux intermédiaire de TVA de 5, 5 % à 7 %. Cette hausse, décidée du jour au lendemain, touchera notamment un secteur aujourd’hui fragile : la librairie.
Or, pour ce commerce de détail, la rentabilité moyenne n’est que de 0, 3 % du chiffre d’affaires. Ainsi, les libraires devront demain absorber sur leur marge la hausse de la TVA, ce qui représente un risque réel sur les millions de livres qu’ils ont en stock. Cela aboutira à diminuer la valeur de leur stock de 1, 5 % et à faire passer leur bénéfice de 0, 3 % du chiffre d’affaires en moyenne à moins de 0, 2 %. La majorité des libraires se trouve donc menacée.
Nous attendons donc la concertation que vous avez annoncée, monsieur le ministre, et le travail commun que vous comptez mener avec les libraires. Nous solliciterons, si besoin est, l’examen d’une clause de revoyure dès le projet de loi de finances rectificative en faveur de ce secteur très spécifique.
J’ai bien entendu vos propos, comme ceux du Président de la République, lors du récent forum d’Avignon, et je crois important de rappeler qu’« investir la culture », thème retenu par le forum cette année, c’est aussi investir dans la culture.
Sous réserve de ces observations, le groupe de l’Union centriste et républicaine votera en faveur de l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », ayant bien conscience que nous vivons des temps difficiles, où chacun doit prendre ses responsabilités.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je concentrerai l’essentiel de mon intervention sur les crédits et les aides de l’État en faveur de la presse écrite proposés par le Gouvernement pour l’année 2012. Avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi, en préambule, de rappeler quelques fondamentaux qui sont, à mon sens, susceptibles d’éclairer nos débats.
Pourquoi aide-t-on la presse écrite ? La question est abrupte, mais elle n’en est pas moins nécessaire. Après tout, d’un point de vue un peu simpliste, on pourrait tout simplement considérer que, les entreprises de presse écrite relevant toutes du secteur privé, il n’y a pas, dans l’absolu, de raison de leur accorder des aides publiques.
De fait, c’est tout de même cette logique qui prévaut aujourd’hui en matière d’aides au secteur des médias. Les engagements directs ou indirects de l’État à l’égard de la presse écrite ne représentent en volume que le quart des engagements publics envers l’audiovisuel, ceux-ci s’orientant quasi essentiellement vers les chaînes publiques.
Si l’on se place d’un point de vue moins idéologique et plus historique au regard des pratiques de notre pays en matière de politique publique, que constate-t-on ? On constate que la presse écrite, depuis la Révolution française, a toujours fait l’objet d’aides de l’État, notamment d’aides postales, et que celles-ci se sont renforcées et diversifiées au XXe siècle, après l’adoption de la loi Brachard de 1935 et plus encore après la Libération.
Nous aidons la presse écrite, parce que sa richesse et son pluralisme constituent une condition de l’existence d’une vie démocratique pleine et effective dans notre société. Bien que de statut privé, les titres de presse remplissent, dans leur diversité et par leur pluralisme, une mission de service public à l’endroit de nos concitoyens.
Le problème aujourd’hui est que la presse écrite, en particulier la presse d’information générale, va mal et même très mal. France-Soir s’apprête à quitter définitivement les kiosques, et près d’une demi-douzaine de quotidiens régionaux se portent mal aujourd'hui. Enfin, last but not least, le quotidien La Tribune vient d’être placé en redressement judiciaire : 160 emplois sont en jeu, dont 80 emplois de journalistes.
La question est fondamentale puisque l’on risque de voir disparaître des kiosques, dans les mois qui viennent, deux quotidiens nationaux parmi la petite dizaine de titres que compte notre pays. La presse économique quotidienne se compose aujourd'hui de deux titres, et l’un d’eux risque de disparaître, au grand dam de la liberté d’expression et du pluralisme.
On l’a peu noté, mais c’est pourtant un signal majeur de la dégradation de la qualité globale de notre système d’information : pour la première fois en France depuis la Libération, le nombre de titulaires de la carte de presse, autrement dit de journalistes professionnels, a diminué en 2010. Cette baisse n’est pas conjoncturelle, elle est tendancielle : il y a à peine 35 000 journalistes professionnels en France, contre dix fois plus aux États-Unis et plus du double en Allemagne. Rapportés à la population de chacun de ces deux pays, ces chiffres soulignent le déficit inquiétant dont souffre aujourd'hui la France dans le concert désormais mondialisé de l’information.
Le nombre de journalistes, tous médias confondus, officiant dans le domaine de l’information générale, politique et internationale a encore plus fortement chuté.
Ce qui coûte le plus dans une rédaction, c’est l’information internationale de qualité, c’est-à-dire le fait de disposer de correspondants en poste à l’étranger. C’est là, malheureusement, qu’ont lieu aujourd'hui de nombreuses réductions d’effectifs. C’est pourtant ce qui permet à nos concitoyens, avec l’AFP, de disposer d’informations indépendantes des flux de dépêches dispensés, souvent à bas prix, par les agences de presse anglo-saxonnes.
Pour faire face à la concurrence accrue qui se développe aujourd'hui entre les supports – de plus en plus nombreux, alors qu’il y a de moins en moins de journalistes –, on diffuse une information low cost, de seconde ou de troisième main, non seulement sur les réseaux, mais parfois aussi dans les colonnes de nos titres les plus prestigieux.
La presse écrite va mal. De quoi souffre-t-elle et comment peut-on mieux l’aider ?
Elle souffre, car ses deux principales ressources financières – la diffusion payée et la publicité – sont en net recul. Les recettes publicitaires de la presse, particulièrement celles de la presse d’information générale, déclinent structurellement en France depuis de nombreuses années, notamment du fait de l’apparition de nombreux titres gratuits, non seulement dans la presse, mais également à la télévision et à la radio, compte tenu de l’émergence d’internet au début des années 2000.
Au sein du secteur global des médias, la télévision tire plutôt bien son épingle du jeu, mais c’est la presse écrite qui paie les pots cassés.
À l’intérieur même du marché de la presse écrite, c’est la presse magazine thématique qui capte aujourd'hui la majorité des ressources publicitaires. Souvent en assez bonne santé financière, ces magazines spécialisés emploient relativement peu de journalistes et produisent globalement assez peu d’information générale. Ils bénéficient néanmoins du taux préférentiel de TVA à 2, 1 % appliqué indistinctement à la presse.
Les quotidiens payants en France ne tirent en moyenne qu’à peine 30 % de leurs revenus de la publicité. C’est la principale raison pour laquelle un quotidien en France coûte si cher par comparaison au prix d’un magazine. Cela a naturellement un impact direct sur le niveau de diffusion des journaux en France.
La principale ressource de la presse écrite d’information générale, celle de la diffusion payée, ne cesse de se dégrader, mettant ainsi en danger certains fleurons de notre presse nationale.
Pour toutes ces raisons, il est indispensable de soutenir la presse, et plus particulièrement la presse d’information générale, mais il faut le faire avec plus de discernement qu’aujourd’hui.
En la matière, le projet de budget pour 2012 est bien pingre, notamment en matière d’aides directes, lesquelles sont en recul de 6, 4 % par rapport à l’année passée. Surtout, dans ses actions et dans ses modes d’intervention, il est bien mal adapté à la nature et à l’ampleur des défis à relever.
On m’objectera que ce budget est en baisse, parce que s’achève cette année le plan de trois ans lancé à la suite des états généraux de la presse de 2008. Mais, dans un secteur de l’économie en très profonde mutation, a-t-on le droit de retirer notre soutien stratégique au moment où la situation empire ?
Pourquoi opère-t-on une coupe de 34 % des aides au portage, alors que cette aide a produit des effets si prometteurs ces deux dernières années ? Il reste pourtant tant à faire dans ce domaine, au moment où le réseau des diffuseurs de presse ne cesse de se réduire.
En matière de portage, la politique d’aide du Gouvernement s’inscrit dans une logique, à mon sens très dommageable, de « stop and go » : on lance, on arrête, on lance, on arrête... Je rappelle que l’action publique en faveur du portage a été initiée à la fin des années quatre-vingt-dix. Sur l’initiative de M. Le Guen, le Fonds d’aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d’information politique et générale a été créé dans le cadre de la loi de finances pour 1998. Ce fonds est alimenté par un prélèvement de 1 % sur certaines recettes publicitaires du secteur dit « hors médias ». La première année, ce prélèvement avait permis d’affecter près de 50 millions d’euros au fonds de modernisation de la presse de l’époque.
Depuis, j’ai certainement manqué un épisode. C’est pourquoi je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez ce qu’il est advenu de l’affectation budgétaire de cette ressource, qui, logiquement, n’a pu que croître au fil du temps, compte tenu de la progression des ressources observée dans le « hors médias » depuis quinze ans. Je peine à reconstituer l’emploi de cette ressource dans le projet de budget pour 2012, à un moment où l’on nous annonce une baisse de 8 % des aides à la modernisation de la presse.
Compte tenu de la situation financière très délicate de notre pays aujourd'hui, l’heure n’est évidemment pas aux dépenses exagérées, elle est aux investissements d’avenir. Ce qui pose problème dans le budget des aides à la presse pour 2012, c’est précisément son manque de vision stratégique d’ensemble, cohérente et équitable, sur la dépense publique engagée.
Il faut d’abord cesser la pratique malencontreuse du « stop and go » en matière d’aides à la modernisation de la presse. Des mécanismes d’aide plus ciblés, tenant réellement compte des difficultés spécifiques que rencontrent les différents secteurs de la presse, doivent être mis en place en se référant à leur utilité publique en matière de qualité et de diversité de la production journalistique. Cela suppose un effort nettement plus accentué au profit des titres d’information générale, producteurs d’une très forte valeur ajoutée journalistique.
Il faut ensuite davantage aider les entreprises de presse en fonction de la taille de leur rédaction, notamment en fonction de leurs efforts pour développer ou maintenir un réel réseau de correspondants à l’étranger.
Si une partie importante de l’avenir de la presse se joue aujourd'hui sur internet, notons cependant que les ressources dégagées actuellement, grâce à la diffusion payée et aux investissements publicitaires, restent faibles et encore très insuffisantes. Elles ne permettent pas d’équilibrer financièrement ce secteur : le chiffre d’affaires global de la presse sur internet s’élève actuellement à 100 millions d’euros, alors que les fournisseurs d’accès à internet et les opérateurs de téléphonie enregistrent un chiffre d’affaires de 8 milliards d’euros sur la partie digitale de cette activité.
Monsieur le ministre, je vous sais sensible à la protection des droits d’auteur et à la juste rémunération de la copie privée.
La production journalistique fait aujourd’hui l’objet d’un pillage en bonne et due forme, sans pratiquement aucune contrepartie financière. Il est donc urgent d’instaurer un prélèvement de 1 % sur l’abonnement à internet pour financer la création de contenus de presse sur le web.
Avant de conclure, j’aimerais dire qu’il ne nous paraît pas opportun, pour l’instant, de lancer six nouvelles chaînes TNT, le marché publicitaire étant de plus en plus restreint dans ce secteur.
Pour toutes ces raisons, les sénateurs et les sénatrices écologistes, comme leurs collègues socialistes, appellent à voter contre le budget des aides à la presse pour 2012 proposé par le Gouvernement.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parler de l’audiovisuel extérieur, c’est insister sur la volonté de notre pays de s’inscrire dans un monde ouvert alors qu’il peut parfois donner l’impression d’une certaine frilosité.
Pour mémoire, la loi du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État, très largement inspirée par le Sénat, et dont j’ai été le rapporteur au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, a relativisé, contre l’avis de nombre de parlementaires, l’apport de l’audiovisuel extérieur dans la diplomatie publique d’influence contribuant au rayonnement de la France à l’étranger.
En 2008, les pouvoirs publics affirmaient la volonté de réformer l’audiovisuel public extérieur, partant « du constat que la faiblesse de pilotage stratégique de l’État, ajoutée à la multiplicité des tutelles et des sources de financement, conduisait au manque flagrant de cohérence d’une stratégie de communication performante ».
Au cours des trois dernières années se sont succédé des crises à répétition dans les différents médias de l’audiovisuel extérieur, incitant le Parlement à se pencher à nouveau sur les structures opérationnelles mises en place. Il y a d’abord eu la crise sur le statut de TV5 Monde en 2008, puis, en 2010, celle de la fusion entre France 24 et Radio France Internationale et celle de la gouvernance de France 24, cette dernière crise ayant entraîné la démission très médiatisée de la directrice générale déléguée à l’audiovisuel extérieur de la France.
À la demande du Premier ministre, l’Inspection générale des finances a publié au mois de novembre 2011 un rapport sur l’audiovisuel extérieur de la France. L’IGF y révèle notamment des « zones d’incertitudes budgétaires » de 55 millions d’euros pour la période 2011-2013. AEF a en effet anticipé des ressources propres encore hypothétiques. En outre, il a supporté les charges effectives entraînées par la fusion entre France 24 et RFI, par le plan global de modernisation et le financement du plan de sauvegarde de l’emploi, et par la réduction des effectifs fondée sur le départ volontaire des personnels, sans licenciements secs. L’IGF considère aussi que « la gouvernance de l’ensemble du dispositif existant devrait être améliorée » et propose de désigner un ministère de tutelle, chef de file de l’audiovisuel public extérieur.
Comment comprendre, comme je l’ai exprimé lors d’un récent conseil d’administration d’AEF, où je représente le Sénat, que l’Institut français et l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, deux instruments majeurs de diplomatie culturelle et d’influence, relèvent du ministère des affaires étrangères et européennes et que ce ne soit pas le cas de la société nationale de programme en charge de l’audiovisuel public extérieur de la France ?
La tutelle administrative et financière d’AEF a été confiée au ministère de la culture pour éviter des conflits d’intérêts personnalisés au plus haut niveau. Le ministère des affaires étrangères doit retrouver le pilotage politique de l’ensemble du dispositif audiovisuel pour impulser les orientations stratégiques prises au nom de l’État, en concertation naturellement avec d’autres acteurs publics.
Monsieur le ministre, entendez-vous donner suite au souhait du ministère des affaires étrangères et européennes d’exercer la tutelle d’AEF, la situation actuelle étant l’héritage d’une configuration dirons-nous personnelle ayant conduit à l’incongruité que nous connaissons aujourd'hui ?
Les composantes filialisées ou partenaires d’AEF souhaitent par ailleurs être rassurées. France 24 est un opérateur d’influence prometteur. France 24 en langue arabe et Radio Monte-Carlo Doualiya ont occupé une place historique pendant les événements du printemps arabe. Radio France Internationale regagne des parts d’audience et TV5 Monde apparaît comme une chaîne ayant trouvé ses marques, mais elle est souvent incomprise en raison de sa singularité dans le paysage audiovisuel extérieur de la France.
Les objectifs prioritaires pour AEF ne sont-ils pas d’apporter à France 24 la certitude qu’elle pourra remplir sa mission publique en posant un regard spécifiquement français sur un monde en évolution et qu’elle pourra assurer, conformément à son cahier des charges, le rayonnement de la France et de la francophonie ?
AEF ne doit-il pas permettre à RFI de préserver une identité construite depuis de longues années par des équipes professionnelles aguerries, dans un climat de travail plus harmonieux ?
Ne doit-il pas enfin apporter une garantie de pérennité à TV5 Monde, cet opérateur multilatéral et généraliste apprécié par de nombreux téléspectateurs français, francophones et francophiles sur les cinq continents, et dont la France est, rappelons-le, le premier bailleur de fonds ?
TV5 Monde a été créée voilà vingt-sept ans, en 1984, avec un engagement fort de la France. La création en 2008 de France 24 et la volonté politique et stratégique ensuite manifestée par les pouvoirs publics de réunir les rédactions de France 24 et de RFI, choix validé à plusieurs reprises, rappelons-le, par la justice, posent à nouveau clairement la question de la place de l’opérateur francophone multilatéral au sein de la société holding AEF.
Des pistes de réflexion de l’Inspection générale des finances, qui ne constituent pas encore, à ce stade, des recommandations formelles, devraient enfin permettre à AEF de boucler un contrat d’objectifs et de moyens et d’identifier également des sources d’économies, lesquelles pourraient venir de TV5 Monde, un opérateur qu’AEF ne contrôle qu’à 49 %. Toutefois, cela ne manquerait pas de compliquer de nouveau les relations diplomatiques avec nos partenaires de TV5 Monde, de même qu’avec les États francophones, en faisant de ce média une variable d’ajustement du dispositif audiovisuel extérieur français.
L’Inspection générale des finances estime que la tutelle de TV5 Monde, répartie entre l’État et AEF, est ambiguë. La sortie de TV5 Monde d’AEF est donc une option envisagée, bien qu’elle semble contradictoire avec la mise en œuvre de mesures d’économies. Elle permettrait cependant d’ouvrir la piste d’un rattachement de TV5 Monde à France Télévisions, société fondatrice de TV5 Monde, qui est aussi la vitrine internationale du groupe en tant que chaîne généraliste, à l’heure où de plus en plus de parlementaires préconisent parallèlement le rattachement d’AEF à France Télévisions.
Le rapport de l’IGF dépasse donc très largement la simple recherche d’économies, les questions qu’il soulève relevant avant tout de décisions politiques. Tout affaiblissement de l’AEF et de TV5 Monde conduirait, à terme, à une perte d’influence globale de la France et de la francophonie dans le monde.
Je m’interroge également, monsieur le ministre, sur la raison d’une réduction de 8, 3 % des financements publics consacrés à l’audiovisuel extérieur, à laquelle il convient d’ajouter plus de 1 million d’euros au titre des nouvelles mesures d’austérité gouvernementales, sur un budget total de 328 millions d’euros.
C’est la première fois depuis sa création que l’audiovisuel extérieur enregistre une diminution aussi sensible de ses crédits. En interne, on temporise, en affirmant que ces réductions budgétaires seraient également réparties entre RFI et France 24 et porteraient essentiellement sur les coûts de diffusion, un sujet déjà sensible entre France 24 et TV5 Monde, ces deux chaînes devant négocier, à l’international, sur les mêmes créneaux satellitaires et de câblodistribution.
Si l’on ajoute ces contraintes budgétaires durables à l’ambiguïté structurelle relevée par l’IGF, le risque est bien réel de voir surgir de nouvelles tensions avec les pays francophones partenaires de TV5 Monde, autres bailleurs de fonds de la chaîne multilatérale, au moment même où la France assure la présidence de la conférence ministérielle de TV5 Monde.
La préparation du premier contrat d’objectifs et de moyens d’AEF n’est-elle pas l’occasion de clarifier une configuration structurelle confuse et, en tout état de cause, potentiellement porteuse de relations conflictuelles, spécialement avec TV5 Monde ?
Nous sommes tous conscients de l’importance des enjeux géopolitiques et stratégiques de l’audiovisuel extérieur ainsi que de la nécessité de réunir les conditions de succès en termes de management et d’audience. Aussi, monsieur le ministre, comment entendez-vous, à l’aune de cette analyse, répartir dans le futur, de manière équitable et avec le souci de rechercher des synergies fonctionnelles, les dotations publiques investies auprès des opérateurs filialisés ou partenaires d’AEF, qui tous poursuivent des missions de service public ?
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu de l’heure tardive, je vais essayer de ne pas utiliser tout le temps de parole qui m’est imparti.
Marques de satisfaction sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.
La hausse affichée de 2, 1 % des crédits destinés à l’audiovisuel public peut sembler convenable dans ce contexte budgétaire de rigueur. Néanmoins, il ne faut pas se leurrer : cette présentation relève du trompe-l’œil ! La progression de ces crédits ne repose en effet que sur celle du produit des encaissements de redevance, qui s’élève à 4, 2 %. Pour le reste, l’ensemble des dotations provenant d’une manière ou d’une autre de l’État accusent une baisse. C’est le cas notamment du remboursement des exonérations de redevance, désormais appelées « dégrèvements », mais aussi de la dotation budgétaire du programme « Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique », qui diminue de 10, 3 % hors inflation, soit une sacrée cure d’amaigrissement !
L’action n° 2 de ce programme, Passage à la télévision tout numérique, est désormais dotée de zéro euro ! L’équipement numérique ne serait en effet plus d’actualité, car le basculement vers la TNT serait désormais pleinement effectif. En réalité, il n’en est rien, notamment dans les départements et collectivités d’outre-mer. Avec zéro euro de dotation, de nombreux foyers seront privés de réception numérique, faute d’équipement adéquat et de moyens suffisants pour se le procurer.
De la part de la majorité gouvernementale, tout est prétexte pour saborder l’audiovisuel public : 20 millions d’euros ont été retirés à l’audiovisuel public et l’on prévoit de supprimer par voie d’amendement 28 millions d’euros de crédits qui devaient être reportés de 2011 à 2012. Au final, en lieu et place d’une hausse affichée de 55 millions d’euros, on aura vraisemblablement droit, en 2012, à une baisse des crédits de quelque 50 millions d’euros !
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je suis donc tout à fait favorable aux propositions de David Assouline, rapporteur pour avis de la commission de la culture, qui permettent au moins de réinjecter dans le secteur les millions d’euros supprimés en cours de navette. En revanche, je ne peux être qu’inquiet des deux amendements présentés par notre collègue Vincent Delahaye, qui tendent, pour l’un, à amputer de plus de 10 millions d’euros les crédits destinés à la chaîne franco-allemande Arte et, pour l’autre, à supprimer les 28 millions d’euros de report de dotation de 2011 de France Télévisions.
Nous continuons également à condamner l’irresponsable et dangereuse réforme menée en 2008 et 2009, qui a permis une reprise en main de l’audiovisuel public par le Gouvernement, et particulièrement la réforme du mode de nomination des présidents de ses différentes composantes, qui relève désormais de la seule volonté du Président de la République.
En revanche, pour la suppression de la publicité, c’est marche arrière toute, et nous ne pouvons que nous réjouir de cette demi-victoire.
Par ailleurs, qu’adviendra-t-il de la dotation publique lorsque la taxe de 0, 9 %, prélevée sur le chiffre d’affaires des opérateurs de téléphonie et destinée à compenser les pertes de recettes publicitaires, aura été abrogée ? Si cette taxe devait être abrogée courant 2012, j’aimerais, monsieur le ministre, que vous nous rassuriez en garantissant que cette abrogation n’aura aucune incidence sur le financement du secteur public de l’audiovisuel.
En effet, alors que les négociations avec les partenaires sociaux sont souvent difficiles, le contexte budgétaire défavorable et le non-respect des termes du contrat d’objectifs et de moyens laissent mal augurer du développement harmonieux du groupe dans les prochains mois.
Je ne suis guère plus optimiste quant à l’avenir de la société Audiovisuel extérieur de la France. Je rappelle que, dès 2008, les sénateurs socialistes ont émis de très grandes réserves sur cette entité hybride, estimant qu’il aurait mieux valu renforcer les structures existantes, RFI et TV5, en les adossant à France Télévisions.
Le temps me manque pour évoquer les problèmes des autres sociétés de l’audiovisuel public que sont Arte France, Radio France et l’Institut national de l’audiovisuel. Toutes trois doivent faire face à différents tourments, et l’on vient encore de leur retirer quelques millions d’euros : 2 millions pour Radio France, 1 million pour Arte France et un autre million pour l’INA. J’ajoute que les personnels de l’Institut ont entamé un mouvement de grève en début de semaine ; ils ont été reçus jeudi par vos services, monsieur le ministre, et je souhaiterais connaître le résultat concret de cette rencontre.
Monsieur le ministre, vous l’aurez compris, les grandes réserves que j’ai émises sur les crédits attribués à l’audiovisuel public pour 2012, tout comme sur la politique que vous menez et sur les projets que vous nourrissez pour le secteur, ne permettront pas aux sénateurs du groupe socialiste-EELV de se prononcer en faveur de l’adoption des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dotée de 4, 6 milliards d’euros pour 2012, la mission « Médias, livre et industries culturelles » se veut réaliste et à même d’accompagner les objectifs du secteur. Il s’agit ainsi de mener des chantiers majeurs, comme la réforme des aides à la presse, les nouveaux contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions et d’Arte, ou encore la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France.
Le budget de la culture et de la communication participe bien évidemment aux mesures d’économies supplémentaires de 1, 5 milliard d’euros annoncées par le Premier ministre. L’effort dans le secteur des médias s’élève ainsi à 20 millions d’euros de crédits budgétaires et à 2 millions d’euros sur les taxes affectées. La contribution des organismes de l’audiovisuel public se répartit entre France Télévisions – 15 millions d’euros –, Radio France – 2 millions d’euros –, l’INA – 1 million d’euros –, AEF – 1 million d’euros – et Arte – 1 million d’euros. J’ai veillé à ce que la participation de ces organismes à l’effort national d’économies ne remette en cause – j’insiste sur ce point, madame Cukierman et monsieur Assouline – ni l’économie de leur contrat d’objectifs et de moyens ni la mise en œuvre de leurs missions.
Le secteur culturel et audiovisuel est par ailleurs concerné, comme la plupart des secteurs de notre économie, par le relèvement du taux réduit de TVA. Je veillerai à ce que nous soyons très attentifs aux effets de cette mesure sur les industries et entreprises concernées, et d’autant plus présents auprès d’elles. Je pense en particulier à la librairie, qui ne doit pas pâtir de cette hausse, car ses marges sont déjà faibles. Nous allons donc, chers Catherine Morin-Desailly et Jacques Legendre, accompagner la filière dans la mise en place du nouveau taux réduit. Je reviendrai ultérieurement sur les modalités de cet accompagnement.
Avant de répondre en détail à vos questions, je voudrais souligner que le projet de budget pour 2012 clôt une période de cinq années au cours de laquelle les efforts faits par l’État pour accompagner et moderniser ces secteurs ont été soutenus. Ainsi, entre 2007 et 2012, les crédits ont progressé de 1 milliard d’euros. Nous nous sommes consacrés à ces grands chantiers que représentent le passage à la télévision tout numérique, les états généraux de la presse, la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France et la réforme de France Télévisions. Jamais un Gouvernement et sa majorité n’auront autant réformé et accompagné financièrement le secteur des médias au cours d’une législature.
Venons-en maintenant aux différents sujets que vous avez abordés, mesdames, messieurs les sénateurs.
En ce qui concerne tout d’abord la presse, nous accompagnerons étroitement en 2012 les mutations du secteur, afin de préserver et de favoriser son pluralisme, dans le cadre d’une gouvernance rénovée. Cette réforme de la gouvernance est indispensable pour consolider l’investissement réalisé par l’État en faveur de la presse depuis 2009.
En 2012, nous consacrerons 390 millions d’euros aux aides à la presse. Le plan exceptionnel mis en œuvre à l’issue des états généraux de la presse touche à sa fin : les crédits de soutien à la presse inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 amorcent donc une baisse. Mais je me suis mobilisé pour que ces crédits soient maintenus à un niveau acceptable pour tous. Ils demeurent ainsi à un niveau historiquement élevé, puisqu’ils sont nettement supérieurs, de plus de 40 %, aux crédits alloués avant mon arrivée à cette politique publique. Je me suis par ailleurs engagé auprès des éditeurs de presse à rester vigilant sur les impacts de ces évolutions.
S’agissant plus particulièrement de la baisse des aides au portage, je veux répondre à André Gattolin que cette évolution tient compte du développement même du dispositif, qui concerne désormais plus de 25 % des ventes totales, et qu’elle s’accompagne d’une modification de leur répartition entre aide au stock et aide au flux, conformément aux souhaits des éditeurs.
Le premier bilan qui peut être dressé aujourd’hui des états généraux de la presse est positif.
Tous les engagements de l’État ont été tenus, comme vous l’avez souligné, cher Claude Belot. Entre 2009 et 2011, plus de 580 millions d’euros de crédits complémentaires ont été consacrés à la presse. Cet effort s’est traduit par une hausse de plus de 60 % des crédits. Les mesures prises par l’État ont permis à la presse française de préserver ses équilibres économiques, alors qu’elle était confrontée à sa plus grave crise depuis l’après-guerre, et d’accélérer sa reconversion vers un modèle économique équilibré tenant compte des enjeux du numérique.
En particulier, en matière de portage, nous tenons notre objectif de créer une offre structurante. Ainsi, le nombre d’exemplaires portés a progressé de 50 millions en trois ans, pour atteindre 850 millions en 2010. Aujourd’hui, le portage à domicile représente plus du quart des ventes totales de la presse, contre 21 % en 2005.
Je tiens par ailleurs à souligner que la politique de conquête de nouveaux lecteurs initiée dans le cadre des états généraux de la presse est un vrai succès. L’opération d’abonnement « Mon journal offert » a ainsi permis d’amener, en deux ans, plus de 560 000 jeunes à la lecture de la presse quotidienne d’information générale, soit plus de 5 % des dix-huit–vingt-quatre ans. L’objectif d’abonner gratuitement 200 000 jeunes par an a donc été largement dépassé.
À la suite des états généraux de la presse, la gouvernance des aides sera profondément rénovée. C’est une réflexion que j’ai souhaité mener en lien étroit avec la profession et qui sera mise en œuvre à partir du 1er janvier 2012. Elle a pour objectif une gouvernance des aides à la presse écrite plus efficace pour les éditeurs et fidèle à ses principes fondamentaux.
Je voudrais ajouter, pour répondre à MM. Assouline et Gattolin, que la question du ciblage des aides, singulièrement pour la presse d’information politique et générale, est un principe directeur de l’intervention publique.
Je souhaiterais maintenant aborder deux questions essentielles : le défi du numérique et l’application du taux super réduit de TVA à la presse en ligne, …
… disposition que le Sénat vient d’adopter.
L’État entend bien que le défi du numérique soit relevé. Nous soutenons ainsi le développement de nouvelles pratiques professionnelles et de nouveaux modèles économiques adaptés à l’ère du numérique.
S’agissant de l’adaptation de la presse à l’ère du numérique, que vous avez soulignée, madame Laborde, la création d’un statut d’éditeur de presse en ligne, assorti d’un régime de responsabilité adapté, a ouvert la voie à une harmonisation des aides publiques à la presse, permettant à la presse en ligne de bénéficier d’un soutien identique.
D’autres dispositifs, comme ceux sur lesquels nous sommes en train de travailler avec les éditeurs dans le cadre des investissements d’avenir, devraient compléter cet arsenal.
Enfin, je répondrai à Mme Catherine Morin-Desailly et à M. David Assouline, qui m’ont interrogé sur l’application du taux super réduit de TVA aux services de presse en ligne, que j’y suis, bien entendu, favorable. La situation actuelle affecte directement les perspectives de croissance d’un secteur qui a connu plus de bouleversements en un an que dans les dix dernières années, notamment avec l’arrivée massive des tablettes. Aussi, je ne ménage pas mes efforts pour obtenir à l’échelon européen une révision de la fiscalité appliquée aux services de presse en ligne. À ce titre, je constate des avancées, tant parmi nos partenaires européens – l’Espagne s’est ralliée à notre position – qu’au sein de la Commission et du Parlement européens.
S’agissant des relations financières entre l’État et l’Agence France-Presse, je répondrai qu’une clarification est nécessaire compte tenu du risque que la nature de ces relations fait peser sur l’avenir économique et financier de l’Agence. C’était l’un des objets de la proposition de loi relative à la gouvernance de l’Agence France-Presse, que vous aviez déposée, monsieur Legendre, en mai dernier. Ce projet ayant suscité de vives réactions de la part des représentants des personnels de l’Agence, le président de l’AFP a annoncé qu’une plus large concertation avec le personnel serait organisée sur la voie retenue pour sécuriser la situation financière et l’indépendance de l’Agence.
La direction de l’AFP et l’État examinent donc actuellement d’autres voies de réforme, notamment l’hypothèse d’une modification a minima de la loi de 1957, légitime au regard des règles constitutionnelles sur l’indépendance des médias et cohérente face aux attentes des salariés de l’Agence.
Je voudrais conclure sur la presse en rappelant que tant les réformes de fond mises en place dans le cadre des états généraux que la réforme des aides publiques en cours ont pour objectif d’accompagner les éditeurs, alors que l’heure n’est plus aux ajustements destinés à retarder une évolution inéluctable du métier.
L’activité du secteur s’est redressée en 2010, après une année 2009 catastrophique. Nous confirmons maintenant l’engagement en faveur de la rénovation de fond du secteur. C’est indispensable pour contrer la crise de l’été 2011. Qu’il s’agisse de France Soir ou de La Tribune, qui nous préoccupent au plus haut point actuellement, mais dont je rappelle que les situations sont très différentes. Je veux dire à Mme Cukierman et à M. Gattolin que notre mission est avant tout de préserver le pluralisme de la presse française. Aussi nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour pérenniser l’activité de ces titres.
Abordons maintenant la politique en faveur du livre et de la lecture. Les crédits qui y seront consacrés en 2012 augmentent de 4 %, pour atteindre 263 millions d’euros. Cette enveloppe est complétée par les moyens mobilisés par le Centre national du livre.
Il s’agit de poursuivre dans de bonnes conditions nos grands objectifs : accompagner les mutations liées au numérique, tant pour la structuration de la filière économique du livre que pour l’adaptation des bibliothèques aux nouveaux usages en matière de lecture, et assurer les missions de valorisation et de diffusion du patrimoine écrit. À cet égard, la proposition de loi portée par M. Legendre est fondamentale pour la diffusion des centaines de milliers d’ouvrages indisponibles, projet par ailleurs porté par les investissements d’avenir.
Le soutien aux librairies est une priorité. Il se traduit par la mobilisation constante de moyens budgétaires, mais prend bien d’autres formes. J’ai ainsi réformé le dispositif de labellisation afin de permettre de distinguer un plus grand nombre d’établissements de qualité jusqu’alors inéligibles.
J’ai vivement encouragé l’adoption de la loi du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique, qui vise à créer un cadre favorisant l’accès de toutes les formes de commerce à la distribution des livres numériques. Cependant, la situation des librairies n’en est qu’au début de modifications nouvelles.
Vous m’avez interrogé, chère Catherine Morin-Desailly et cher Jacques Legendre, sur les modalités d’application du relèvement du taux réduit de TVA à 7 % dans le cas particulier des librairies. Après avoir consulté les professionnels et reçu les représentants des librairies, Valérie Pécresse et moi-même avons chargé Pierre-François Racine, conseiller d’État, d’accompagner la filière du livre. Les caractéristiques techniques propres au secteur du livre – importance des stocks qui constituent les fonds des librairies, détermination du prix de vente par l’éditeur, en application de la loi sur le prix unique du livre, et système d’information interprofessionnel – rendent nécessaires une attention particulière des pouvoirs publics sur la mise en place de cette hausse de la TVA. La mission s’attachera en particulier à faciliter, en concertation avec l’ensemble de la filière, la mise en place des modifications du prix des ouvrages décidées par les éditeurs. Un soutien financier spécifique sera par ailleurs mis en place par le Centre national du livre à l’intention de la librairie indépendante, pour faire face aux éventuelles difficultés liées à la transition.
Enfin, je voudrais préciser à Jacques Legendre que la mesure de plafonnement des taxes affectées au Centre national du livre n’aura pas d’impact sur l’activité du Centre.
Vous le savez, les principales industries culturelles sont aujourd’hui confrontées aux défis de la numérisation et de l’internet, qui représentent non seulement une grande opportunité de diffusion pour les artistes et les créations culturelles, mais aussi une menace pour la rémunération des créateurs et de l’ensemble de la chaîne de valeur, du fait du piratage de masse des contenus culturels. Dans ce domaine, la politique de mon ministère repose sur deux volets indissociables : protéger le droit d’auteur sur les réseaux numériques et favoriser le développement d’une offre légale diversifiée et attractive.
Le volet « protection des œuvres » s’appuie sur la mise en œuvre de la loi HADOPI. S’agissant du développement d’une offre légale diversifiée, une mesure innovante de soutien à la consommation légale, la carte musique pour les jeunes, a été lancée en octobre 2010 pour une durée de deux ans. Le budget alloué à cette opération est de 25 millions d’euros. La version physique de la carte musique est distribuée depuis quelques jours dans les grandes surfaces et un nouveau site internet fonctionnant sur les smartphones a été mis en place. Par ailleurs, une vaste campagne de communication a été lancée afin de mieux faire connaître le dispositif, qui, il faut bien le reconnaître, pour sa première édition n’avait pas bien fonctionné. Pour répondre à votre question, cher Jacques Legendre, sur la suppression, votée à l’Assemblée nationale, des crédits destinés à la carte musique en 2012, j’indiquerai que je souhaite qu’il y soit remédié.
Malgré les mesures prises, l’impact de la crise sur les acteurs du secteur, en particulier les plus fragiles, les petites et moyennes entreprises et les indépendants, reste patent. Aussi, sur ma proposition, le Président de la République a décidé de la création, en 2012, d’un centre national de la musique.
Pour répondre à l’ensemble des interrogations que vous avez formulées, Jacques Legendre, je tiens à souligner que la création de ce nouveau centre est une grande opportunité non seulement pour accompagner la sortie de crise, une crise absolument dramatique de toute la filière musicale, mais également pour fédérer l’ensemble des acteurs de cette filière et des dispositifs de soutien existants autour d’une institution pivot. C’est aussi une formidable opportunité pour financer la diversité musicale à l’ère numérique, en mobilisant des financements nouveaux, issus des acteurs du numérique, notamment les fournisseurs d’accès à internet, sans accroître la pression fiscale.
La réflexion est donc aujourd’hui en cours sur le véhicule législatif qui permettra la création du centre et qui précisera ses modalités de financement. J’ai confié une mission de préfiguration à M. Didier Selles, qui devra rendre ses premières conclusions très rapidement, d’ici à la mi-janvier, sur les modalités de mise en œuvre opérationnelles et budgétaires de l’établissement public, les conditions de sa gouvernance ainsi que les différents régimes d’aides administrés par le futur centre.
Enfin, en ce qui concerne le crédit d’impôt phonographique sur lequel vous m’avez interrogé, Jacques Legendre, l’intérêt pour la mesure est croissant : le nombre de nouvelles entreprises sollicitant l’agrément est passé de quarante en 2006 à plus de cent cinquante aujourd’hui. Cette augmentation concerne principalement les PME et les très petites entreprises et concerne tous les répertoires. Les réflexions sont en cours sur l’évolution du dispositif, en lien avec la création du centre national de la musique.
Pour compléter ce tour d’horizon des industries culturelles, je voudrais dire un mot du jeu vidéo. J’attends la remise prochaine, par Patrice Martin-Lalande, de ses conclusions sur le statut juridique du jeu vidéo.
Par ailleurs, nous travaillons actuellement avec le Commissariat général à l’investissement et le CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée, afin de faciliter l’accès des PME et des très petites entreprises du jeu vidéo au crédit bancaire.
S’agissant de l’audiovisuel, la législature a donc été particulièrement riche en réformes, qu’il s’agisse du passage à la télévision tout numérique, des nouvelles stratégies mises en place par France Télévisions et Arte, ou encore de la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France. Nous avons ainsi accompagné, monsieur Domeizel, une évolution du paysage audiovisuel marquée par les défis technologiques et économiques.
La nécessaire évolution du paysage audiovisuel face aux défis technologiques ne s’arrête pas là. Ainsi, début octobre, d’importantes décisions pour préparer l’avenir ont été prises, sur ma proposition, par le Gouvernement : l’abrogation du dispositif des canaux compensatoires, le lancement d’un appel à candidature pour de nouvelles chaînes et la préparation, à plus long terme, à un changement de norme de diffusion de la télévision. Ainsi, six nouvelles chaînes seront prochainement lancées, que les Français pourront recevoir avec leur équipement actuel. L’enjeu est de donner une orientation claire à l’avenir de la télévision numérique terrestre : celle d’une télévision gratuite, pour tous les Français. Ces valeurs ont fait le succès du passage à la télévision numérique terrestre, dont nous pouvons tous être fiers.
Les bouleversements que traverse le paysage audiovisuel rendent d’autant plus centrales les missions assumées par le service public audiovisuel, dans un paysage qui s’atomise, où la logique qui prévaut est non plus celle de la rareté de l’offre de programmes, mais au contraire l’hyper-choix.
En 2012, les crédits publics alloués aux organismes de l’audiovisuel public progresseront de 1, 4 %, pour atteindre 3, 9 milliards d’euros. Je le répète, les 20 millions d’euros que chacun de ces organismes consacrera aux efforts d’économies annoncés par le Premier ministre ne remettent en cause ni l’économie de leur contrat d’objectifs et de moyens ni la mise en œuvre de leurs missions.
Pour France Télévisions, les objectifs fixés dans le contrat d’objectifs et de moyens pour 2011-2015, qui a été signé mardi dernier, sont ambitieux : fédérer tous les publics, en bénéficiant de la complémentarité des antennes du bouquet France Télévisions, investir massivement dans la création originale, la seule à même d’exister et de rassembler dans un univers où l’offre de programmes s’est démultipliée. Ces objectifs ne sauraient être remis en cause au motif des audiences de quelques programmes, sur lesquels tous les commentateurs portent leur attention, sans même relever les succès importants enregistrés par le groupe, notamment en termes d’information, de fiction ou de sport.
Afin de permettre à France Télévisions de remplir ces objectifs, le projet de contrat d’objectifs et de moyens prévoit une croissance de la ressource publique de 2, 2 % par an en moyenne. Cette progression reflète l’engagement fort de l’État pour accompagner dans la durée la mise en œuvre d’une stratégie visant à fédérer tous les publics, orientée prioritairement vers la création audiovisuelle et cinématographique. France Télévisions investira ainsi chaque année un minimum de 420 millions d’euros dans les œuvres audiovisuelles dites patrimoniales – fiction, documentaire, animation, spectacle vivant – et 60 millions d’euros dans le cinéma.
Je souhaite également appeler votre attention sur la rigueur qui a été la nôtre dans l’élaboration du contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions. Les objectifs de recettes publicitaires de France Télévisions sont réalistes, tout en restant puissamment incitatifs. La période instable de 2008-2010, marquée par la crise et le bouleversement du marché publicitaire, rendait très difficile la prévision des revenus publicitaires, mais cette époque est aujourd’hui certainement derrière nous. En particulier, le groupe France Télévisions est conscient de la part qu’il doit prendre à l’effort national d’économies. Aussi, sa dotation publique pour 2012 est réduite de 15 millions d’euros et la répartition des éventuels excédents publicitaires de France Télévisions est aujourd’hui en débat.
S’agissant enfin du contentieux en cours relatif à la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, sur lequel vous m’avez justement interpellé, cher monsieur Assouline, je voudrais rappeler – quelle que soit l’issue de ce contentieux – que cette taxe est non pas affectée au financement de France Télévisions, mais au budget général de l’État. Il importe d’autant plus de bien distinguer les enjeux que la Commission européenne a clairement validé, il y a plus d’un an, le dispositif de financement du groupe France Télévisions.
Concernant la réforme de l’audiovisuel extérieur, sur laquelle Mmes Garriaud-Maylam, Lepage, Laborde et Morin-Desailly et MM. Rome, Duvernois et Belot m’ont légitimement interrogé, je veux souligner qu’elle est en voie d’achèvement.
De nombreuses étapes ont été franchies au cours de ces cinq dernières années. La société holding et le groupe AEF ont été créés. La montée en puissance de France 24, qui est, depuis 2010, distribuée mondialement, est indéniable : à la mi-2011, cette chaîne pouvait ainsi être reçue par 160 millions de foyers dans le monde.
Par ailleurs, depuis le mois d’octobre 2010, France 24 est diffusée vingt-quatre heures sur vingt-quatre en langue arabe, et elle dispose désormais de trois canaux, en français, en anglais et en arabe. On a d’ailleurs vu, lors des récents événements qui sont intervenus dans le monde arabe, que la notoriété de France 24, notamment en Tunisie, était un acquis, ce qui est un réel succès pour une chaîne aussi jeune.
Je n’ignore pas les troubles qu’a connus AEF, et qui se sont manifestés jusque dans mon bureau, d’autant plus que j’ai œuvré autant que possible à leur résolution. Mais je ne doute pas de l’achèvement, en 2012, de la réforme voulue, en 2008, par le Président de la République. Les différents chantiers restants avancent, en effet, désormais de façon satisfaisante. Surtout, les négociations relatives au contrat d’objectifs et de moyens viennent de reprendre de manière active. Un calendrier a été défini : le plan d’affaires associé au contrat d’objectifs et de moyens 2011-2014 sera arrêté au tout début de l’année 2012.
S’agissant de l’exercice de la tutelle, un sujet qu’a plus particulièrement abordé M. Duvernois, la remise en cause de son organisation n’est pas à l’ordre du jour et n’est pas souhaitable. Que je sache, le corps diplomatique n’est pas à même de réaliser des émissions de télévision.
Sur le plan budgétaire, sur lequel vous m’avez également interrogé, cher Louis Duvernois, la dotation publique d’AEF s’élève à un peu moins de 320 millions d’euros dans le projet de budget pour 2012 : elle enregistre une baisse par rapport à l’an dernier, qui tient compte des premiers effets des synergies engendrées par la réforme. Toutefois, AEF devrait bénéficier d’une ouverture de crédits de 45 millions d’euros dans le collectif de fin d’année, afin de couvrir notamment les coûts liés au déménagement de RFI et de Monte Carlo Doualiya à proximité de France 24. Cette décision est salutaire en ce qu’elle assure les conditions d’une meilleure mutualisation. Ainsi, AEF disposera, en 2012, j’en suis intimement persuadé, des moyens nécessaires à son activité et à l’achèvement de sa réforme.
Enfin, concernant, l’Institut national de l’audiovisuel, la dotation publique proposée en 2012 s’élève à près de 95 millions d’euros, soit une progression de 2 %, ce qui lui permettra de réaliser les objectifs stratégiques que sont la poursuite du plan de sauvegarde et de numérisation de ses archives menacées, la consolidation de l’activité de formation continue, la valorisation des collections notamment par la croissance du site « ina.fr » et l’élargissement des activités du dépôt légal à internet. La nouvelle présidence de l’INA devrait mener à bien ce programme de la manière la plus satisfaisante qui soit.
Comme j’ai eu l’occasion de le souligner, chère Catherine Morin-Desailly, la mise en œuvre par l’INA de ses missions n’est pas remise en cause par sa participation à l’effort national d’économies.
Tels sont les points que je souhaitais aborder avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, et qui sont, je l’espère, des éléments de réponse aux questions légitimes que vous m’avez posées.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations
d’engagement
Crédits
de paiement
Médias, livre et industries culturelles
Presse
Livre et industries culturelles
Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique
Action audiovisuelle extérieure
L'amendement n° II-147 rectifié bis, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Presse
Livre et industries culturelles
Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique
Action audiovisuelle extérieure
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Vincent Delahaye.
Compte tenu des arguments que j’ai entendus au cours du débat sur le nécessaire maintien du pluralisme de la presse, je retire cet amendement, monsieur le président.
L'amendement n° II-147 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-146 rectifié, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Presse
Livre et industries culturelles
Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique
Action audiovisuelle extérieure
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Vincent Delahaye.
Je tiens à formuler deux remarques sur le budget de l’audiovisuel, que j’ai déjà faites en commission des finances.
Tout d’abord, je n’ai pas entendu dire, ni de la part du Gouvernement ni de la part de nos collègues de la majorité sénatoriale d’ailleurs, que l’audiovisuel constituait une priorité budgétaire dans le contexte actuel. Peut-être en est-ce une, mais j’aimerais que cela soit annoncé plus clairement, afin notamment que les Français puissent donner leur avis sur le sujet.
Ensuite, des réformes ont été entreprises et menées à bien dans le secteur de l’audiovisuel, mais nombreuses sont celles qui restent à engager, concernant notamment l’audiovisuel public.
Je considère qu’une réforme d’ensemble est nécessaire en vue de diminuer le nombre de chaînes publiques : nous en avons beaucoup trop ! Personnellement, je suis favorable à l’existence d’une chaîne généraliste, culturelle, régionale ; d’une chaîne européenne, qui pourrait être Arte ; d’une chaîne internationale et d’une chaîne civique citoyenne, qui regrouperait Public Sénat et LCP.
Au vu de ces éléments, je considère que le budget alloué à l’ensemble de l’audiovisuel public est trop important. C’est pourquoi j’ai déposé deux amendements visant à diminuer certains crédits. Pour commencer, l’amendement n° II-146 rectifié tend à réduire de 28 millions d’euros la dotation accordée à France Télévisions, soit à due concurrence du report de crédits non versé par l’État en 2011.
L'amendement n° II-102, présenté par M. Assouline et Mme Blandin, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Presse
Livre et industries culturelles
Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique
Action audiovisuelle extérieure
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis.
Cet amendement est en soi un « contre-amendement » à celui que vous venez de présenter, monsieur Delahaye. Vous, vous voulez diminuer encore les crédits attribués à l’audiovisuel public, tandis que la commission de la culture souhaite rétablir les crédits de France Télévisions tels qu’ils avaient été présentés dans le projet de loi de finances initial.
Cela étant, je veux faire une remarque sur la méthode, monsieur le ministre.
Le projet de budget a été examiné en commission. J’ai rédigé un rapport. Mais ce n’est qu’ensuite qu’on a appris que des réductions de crédits allaient intervenir à hauteur de 15 millions d’euros pour France Télévisions, de 1 million d’euros pour Arte France, de 2 millions d’euros pour Radio France, de 1 million d’euros pour l’INA et de 1 million d’euros pour la société Audiovisuel extérieur de la France. Ces éléments n’avaient pas été versés au débat !
On nous avait indiqué que les 20 millions d’euros qui doivent être ponctionnés dans le cadre de ce que le Gouvernement appelle les « nouvelles mesures de rigueur » et que nous qualifions de « mesures d’austérité » feraient l’objet d’une discussion lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative. Or c’est lors d’une seconde délibération à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, que vous avez supprimé ces crédits dans le projet de budget qui nous est soumis. Je le dis nettement : la méthode employée n’est pas de nature à garantir la sincérité de nos débats.
Voilà pourquoi nous proposons cet amendement. J’ai d’ailleurs trouvé, me semble-t-il, le meilleur argumentaire qui soit pour le défendre : « Le niveau de la dotation publique globale de France Télévisions dans le projet de loi de finances pour 2012, accompagné d’un report de crédits de 2011, a été calculé au plus juste dans le cadre de l’élaboration du nouveau contrat d’objectifs et de moyens de l’entreprise. Au plus juste !
« Or, au moment où la nouvelle présidence de France Télévisions accomplit un travail absolument considérable de remise en ordre de cet énorme navire, rassemblant des chaînes dont chacune a sa propre culture d’entreprise pour les amener à acquérir la culture d’entreprise de l’audiovisuel public, qu’elles peinent parfois à avoir, même si chacune d’elles est de très grande qualité et dotée de professionnels remarquables ; au moment où ce travail considérable est, enfin, entrepris par une direction et une présidence issues de la “maison” – ayant donc une forte légitimité ; au moment où l’on finalise un contrat d’objectifs et de moyens sur lequel un travail intensif a fini par conduire à un consensus, allons-nous revenir sur ce contrat d’objectifs et de moyens dans un dispositif financier certes marginal mais ô combien symbolique […] ? Allons-nous donner à la nouvelle présidence une marque de manque de confiance, au moment précis où nous sommes parvenus à construire avec elle un rapport de confiance, dont elle a absolument besoin pour mener à bien cette profonde réforme de son économie, de sa politique, voire du consensus interne qui lui est si nécessaire ?
« Je pense que ce serait une grave erreur. »
Ce plaidoyer, qu’on pourrait attribuer à notre ancien collègue Jack Ralite, il est de vous, monsieur le ministre. Ces propos, vous les avez tenus lors de l’examen de la mission « Médias, livre et industries culturelles » à l'Assemblée nationale avant la ponction des 20 millions d’euros dans le projet de budget pour 2012 !
Je ne résiste pas à l’envie de vous citer à nouveau : « Le niveau de la dotation […] a été calculé au plus juste ». Qu’est-ce qu’on peut dire de plus, monsieur le ministre ? Si, peut-être une chose : la dotation a été tellement calculée au plus juste qu’elle fragilisait déjà le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions, la direction du groupe et la réforme entreprise. Je présenterai donc tout à l'heure un autre amendement visant à supprimer l’article 52 ter, qui tend à permettre à l’État d’empocher tous les surplus de recettes publicitaires de France Télévisions.
En tout cas, monsieur le ministre, sachez que j’adhère totalement à votre plaidoyer. J’espère que vous n’allez pas vous contredire en l’espace de quelques semaines à peine.
Aussi, j’invite le Sénat à voter cet amendement, qui a été adopté par tous les membres de la commission de la culture.
La commission des finances, dans toutes ses composantes – je pense notamment à Mme la rapporteure générale – a émis un avis défavorable sur l’amendement n° II-146 rectifié ainsi que sur l’amendement n° II-102.
Certes, la commission de la culture œuvre pour l’éternité, mais elle doit comprendre que l’on ne peut pas vivre hors du temps. Notre pays connaît actuellement une pression financière considérable à laquelle le Gouvernement est soumis, et le budget de la culture ne saurait y échapper. D’ailleurs, nous n’avons pas encore, à mon avis, mesuré toutes les difficultés auxquelles nous allons être confrontés dans les mois qui viennent. Il est inimaginable de ne pas prendre en compte la situation financière dans laquelle se trouve notre pays.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous êtes en contact avec la direction de France Télévisions. Mais, moi aussi, je le suis, tout comme l’est également le Gouvernement. Or je puis vous affirmer que le président de France Télévisions m’a confié récemment au téléphone que, même s’il aurait bien évidemment préféré disposer de dotations accrues, il ne voyait pas d’inconvénients majeurs à cette diminution des crédits, car il ne pouvait ignorer la situation actuelle. Je tenais à vous apporter ces précisions importantes.
Par ailleurs, permettez-moi, mes chers collègues, de formuler une remarque quant au fonctionnement de notre assemblée.
Le Sénat est composé d’une majorité et d’une opposition. Il en va ainsi de toutes les assemblées comme la nôtre. Mais il n’est pas convenable que les positions prises ici au sein d’une même majorité soient aussi divergentes.
Non, ce n’est pas de trop ! J’ai une certaine idée de notre assemblée et, si le Sénat ne fait pas son métier comme il doit le faire, c’est l’Assemblée nationale qui le fera ; mais, ce jour-là, on pourra s’interroger sur l’utilité de notre maison !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Je ne me contredis pas, cher David Assouline, je lubrifie !
Sourires.
Je pense que nous avons réussi à défendre le budget de la télévision de la manière la plus efficace possible. Et ce n’est pas au moment où nous avons réussi à restreindre le plus possible la ponction et où nous avons « piqué », comme l’on dit familièrement, 15 millions d’euros au service public que nous allons aller plus loin. Ce n’est pas non plus pour cette raison-là que nous allons agir en sens inverse et rétablir les 19 millions d’euros que vous évoquiez.
Nous n’allons plus rien toucher ! Je suis donc défavorable à ces deux amendements.
Le groupe CRC votera ces deux amendements.
Nous vivons tous avec notre temps et dans l’époque qui est la nôtre. Mais nous pouvons avoir des appréciations différentes. Le débat politique, c’est précisément respecter la diversité des idées, sans en arriver aux invectives, et cela même à une heure tardive !
Des choix ont été faits par le Gouvernement et par la majorité à l’Assemblée nationale. Au sein de cet hémicycle, nous en avons fait d’autres, notamment sur les recettes de la loi de finances. Nous pensons qu’il existe d’autres solutions pour dégager des recettes supplémentaires dans notre pays, afin d’apporter les moyens nécessaires à un certain nombre de missions, et que nous devons et pourrons rétablir les moyens de l’audiovisuel.
La méthode qui a prévalu à l’Assemblée nationale et qui a consisté à retirer rapidement, à la hussarde, ces crédits-là n’est pas digne d’un fonctionnement satisfaisant et équitable du Parlement ; c’est un manque de respect du travail qui doit se faire entre les deux Chambres !
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Pour ma part, je suivrai l’avis défavorable du rapporteur spécial sur les deux amendements.
J’indique à mon collègue Vincent Delahaye que l’audiovisuel est, au même titre que la presse, tout à fait nécessaire et qu’il participe à l’expression de la démocratie dans notre pays.
Nous avons eu largement l’occasion de débattre du périmètre de l’audiovisuel public au sein de la Commission pour la nouvelle télévision publique en 2008 et lors de l’examen de la loi relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, en 2007. Nous nous sommes posé la question des valeurs que devaient véhiculer les missions effectuées par les chaînes de l’audiovisuel public.
J’imagine que l’avis de mon collègue Claude Belot s’appuie aussi sur le rapport d’information Les comptes de France Télévisions : quelle ambition pour la télévision publique ?, que nous avons déposé ensemble, au nom de la commission de la culture et de la commission des finances.
Je l’ai déjà dit dans mon intervention liminaire, ce rapport définissait les justes besoins de France Télévisions, ni plus ni moins, de façon à respecter un équilibre, équilibre qui me semble aujourd’hui atteint, même si l’on tient compte de l’effort temporaire nécessaire pour, comme l’a souligné M le ministre de la culture, participer à l’effort national d’économie.
Cela dit, l’effort demandé ne doit pas mettre en péril cet équilibre, ni remettre en cause le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions, ainsi que l’a dit le nouveau président de France Télévisions, Rémy Pflimlin, lors de son audition devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale.
Je voudrais maintenant répondre à David Assouline. Mon cher collègue, s’il manquait autant d’argent que cela, pourquoi n’avez-vous pas voté votre propre amendement sur l’extension de la contribution à l’audiovisuel public la semaine dernière ? J’avais défendu un amendement semblable l’année dernière et la commission de la culture a toujours milité pour une telle extension depuis la suppression de la publicité commerciale. Notre ancien collègue Louis de Broissia ne cessait de le dire ! Un tel élargissement de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public aurait apporté 200 millions d’euros de recettes complémentaires, monsieur Assouline !
Comme l’a fait M. Belot, je veux à mon tour vous mettre face à vos propres contradictions. À un moment donné, il faut savoir prendre ses responsabilités.
M. Belot m’a convaincu de ne pas voter ces amendements. Toutefois, il a eu, me semble-t-il, une parole malheureuse quand il a dit que la commission de la culture vivait en dehors des réalités, en dehors du monde.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Nous devons nous épargner ce genre de commentaire. Il n’y a pas, d’un côté, une commission courageuse qui affronterait la réalité et, de l’autre, une commission qui vivrait dans le luxe et la mollesse ! Il n’y a ici que des parlementaires siégeant dans leur commission et, s’ils ont parfois des priorités légèrement différentes, tous n’en recherchent pas moins le bien du pays !
Applaudissements
Je souscris tout à fait aux propos M. Jacques Legendre, mais ce n’est pas sur ce point que portera mon intervention.
Je voudrais seulement préciser que le groupe socialiste votera contre l’amendement n° II-146 rectifié, car il ne veut pas aggraver encore la réduction de 15 millions d’euros des crédits opérée à l’Assemblée nationale.
En revanche, il votera l’amendement n° II-102, ne serait-ce que par esprit de cohésion, puisque nous l’avons adopté en commission.
Je veux seulement vous rappeler que l’amendement n° II-102 est porté par la commission de la culture, qui a tout bien pesé avant d’émettre son jugement, et que nous restons cohérents et dans la continuité en suivant le pas de côté intelligent qu’elle a toujours su faire et que rappelait à l’instant Jacques Legendre.
Ce que vous qualifiez de distorsions de majorité ne sont que des différences de regard, et celles-ci ont toujours existé. Je pense à Jean-Pierre Leleux, qui, sur le cinéma, n’a pas été suivi par l’ensemble de son groupe ; je pense à Louis de Broissia, qui n’avait pas été suivi par la commission des finances ; je pense à Jacques Ralite à qui il est arrivé la même chose qu’à David Assouline aujourd’hui !
Nous sommes parfaitement en accord avec notre temps. Et, en cette période de crise aiguë, nous sommes plus convaincus que jamais que la culture évitera la barbarie !
En conséquence, nous ne voterons pas l’amendement n° II-146, qui va à l’encontre de ce que nous souhaitons.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Ces amendements, y compris l’amendement quelque peu provocateur sur la presse que vous avez retiré, monsieur Delahaye, traduisent bien ce qui vient d’être exprimé, à savoir l’existence de regards différents, de conceptions différentes sur la culture, la presse et l’audiovisuel.
Je l’ai déjà dit lors du débat que nous avons eu sur le Centre national de la cinématographie, et mon propos va dans le sens de ce que vient d’exprimer M. Legendre, la commission de la culture ne doit pas être considérée par la commission des finances, indépendamment des tendances politiques de chacun, comme une commission de rêveurs, loin des réalités et ne travaillant que sur un « supplément d’âme », pour reprendre la formule d’un homme célèbre.
Il n’y a pas que les membres de la commission des finances qui ont les pieds sur terre, qui vivent dans le monde réel et qui sont conscients de la nécessité de faire des économies compte tenu de l’ampleur de la dette !
Lors des crises qui ont eu lieu par le passé, y compris lors de la grande mutation industrielle des années quatre-vingt qui a fortement touché des villes comme Metz, Lille ou encore Bilbao, pour reprendre les exemples cités par le Président de la République dans le discours qu’il a prononcé vendredi dernier, c’est chaque fois la culture qui a permis de redynamiser les zones atteintes, y compris sur le plan économique, en favorisant la création de dizaines de milliers d’emplois !
Défendre les emplois, défendre les entreprises de presse, telles que, dont les personnels sont jetés à la rue par des plans sociaux, ne pas réduire l’aide à la presse, mais au contraire la maintenir, en l’orientant, en la ciblant mieux – je pense à l’aide au portage qui est une réussite : voilà des impératifs que nous devons nous fixer !
Depuis que je suis membre de la commission de la culture, je ne vois dans les combats qu’ont menés les socialistes ni incohérence, ni exagération.
Je pense à l’audiovisuel public, que nous défendrons bec et ongles pour maintenir son mode et son niveau de financement, pour lui conserver son périmètre et l’ensemble de ses chaînes. À cette fin, aujourd’hui, le moins que nous puissions faire est de rétablir le budget initial que vous proposiez voilà encore une semaine !
Je pense aussi à la proposition que j’ai faite, et qui a été adoptée, de créer une taxe sanctionnant la vente à plus de 280 millions d'euros d’une chaîne de la TNT attribuée par l’État et donc achetée zéro centime, comme c’est le cas actuellement !
Nous pouvons donc travailler ensemble pour trouver de l’argent, même dans le secteur de la culture, où il existe des niches, des pratiques qui ne sont pas supportables.
Mais il n’est pas possible de toucher à l’audiovisuel public qui ne tient qu’à un fil, sans le fragiliser et lui rendre la vie encore plus difficile qu’elle ne l’est aujourd'hui.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° II-134 rectifié ter, présenté par Mmes Garriaud-Maylam, Morin-Desailly et Farreyrol et MM. Magras, Fontaine, Laufoaulu, Frassa et Ferrand, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Presse
Livre et industries culturelles
Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique
Action audiovisuelle extérieure
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
La chaîne TV5 Monde, généraliste et francophone, a, jusqu’à aujourd’hui, bénéficié d’une couverture par satellite dans les départements et régions d’outre-mer et les collectivités d’outre-mer, les DROM-COM, couverture étendue à d’autres territoires, comme Haïti ou Madagascar.
Cette couverture est aujourd’hui remise en question du fait d’un regrettable vide juridique. En effet, il n’est pas précisé, dans l’article 34-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, que l’obligation de must carry de TV5 Monde en métropole s’applique aussi aux DROM-COM.
Canal Overseas réclame donc aujourd’hui à TV5 Monde des frais de location de ses capacités satellitaires pour un montant de 1, 3 million d’euros, surcoût que le budget actuel de la chaîne TV5 Monde ne peut supporter.
Aussi, mes chers collègues, à défaut d’un amendement à cette loi, nous souhaitons que le Gouvernement parvienne, soit à persuader Canal Overseas de continuer à laisser TV5 Monde diffuser dans les DROM-COM, soit à abonder le budget de cette chaîne à hauteur de 1, 3 million d’euros, afin de lui permettre de continuer à être diffusée sur ces territoires.
Cela est extrêmement important, non seulement pour la chaîne TV5 Monde elle-même, mais aussi pour le rayonnement de notre pays, pour nos relations diplomatiques avec tous nos partenaires et pour la francophonie.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, il s’agit d’un amendement d’appel, car je ne saurais, bien sûr, étant moi-même très attachée à l’audiovisuel public, souhaiter sérieusement amputer France Télévisions d’un million d’euros, comme cela est suggéré dans cet amendement.
En revanche, j’aimerais, monsieur le ministre, que vous preniez un engagement clair : soit d’obtenir de Canal Overseas de changer sa position, soit de prendre des mesures pour que la loi soit modifiée, le vide juridique comblé, et que TV5 Monde puisse continuer sa diffusion dans les DROM et COM.
La commission, qui n’ignore pas le problème que vous posez, madame Garriaud-Maylam, est défavorable à cet amendement.
TV5 Monde regroupe plusieurs actionnaires, dont la France, mais aussi le Québec et les pays francophones. Est-il logique de faire payer seulement à la France le coût de la diffusion de TV5 ?
Par ailleurs, TV5, comme France Télévisions, fournit des milliers d’heures de programmes gratuitement ; mais c’est prévu par contrat. En outre, fait nouveau très important, les populations d’outre-mer reçoivent désormais les chaînes françaises grâce au déploiement de la TNT, qui est effective dans la quasi-totalité des territoires, mis à part Mayotte, qui en bénéficiera très bientôt.
Par conséquent, le problème est en grande partie résolu pour ce qui concerne les programmes de la télévision française. Pour les programmes québécois, c’est un autre sujet. Il faudra peut-être que les responsables concernés prennent des positions un peu différentes.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. En effet, ce n’est pas au moment où nous sommes en train de nous mobiliser, avec M. Assouline et d’autres, pour protéger, de toute la force de notre conviction, le budget de France Télévisions, que nous allons décider de grignoter son budget pour en faire bénéficier TV5 !
De surcroît, des négociations sont en cours avec Canal Overseas.
Enfin, les propos tenus par M. le rapporteur sont tout à fait exacts : compte tenu de la gouvernance interne de TV5, que je connais bien pour en avoir fait partie pendant trois ans, je vois mal comment obtenir de chacun une avancée. Il ne faut pas toucher à tout cela ! C’est déjà tellement compliqué et fragile.
Il n’est pas possible de soutenir cet amendement, qui vise à retirer de l’argent à France Télévisions.
Cependant, j’ai été, comme vous, alerté par nos amis, notamment des DROM et TOM sur ce sujet. De nombreux foyers ne recevront bientôt plus TV5, en raison du vide juridique qui contraint la chaîne à payer des frais de location de capacités satellitaires.
Monsieur le ministre, lors de l’examen du texte sur les chaînes bonus, nous pourrions tenter de combler ce vide juridique, afin de régler cette question. Ce serait une bien meilleure solution que de ponctionner le budget de France Télévisions !
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Je souhaite simplement rectifier une erreur matérielle. J’apparais en effet comme cosignataire de cet amendement, ce qui n’est pourtant pas le cas.
Bien que je sois solidaire de TV5 Monde face aux problèmes qu’elle rencontre, je ne suis pas favorable à un amendement visant à retirer de l’argent à France Télévisions.
Je ne suis pas sûr que l’amendement tel qu’il est formulé puisse être adopté.
En effet, personne n’a envie, aujourd’hui, de diminuer les ressources de France Télévisions. En revanche, nous souhaitons tous défendre la diffusion de TV5 Monde. De ce point de vue, je soutiens l’initiative prise par Joëlle Garriaud-Maylam et me réjouis du débat qu’elle soulève dans l’hémicycle.
Monsieur le ministre, nous vous demandons de faire le maximum pour que TV5 puisse continuer à être présent dans nos DROM, COM et POM. Le message ayant été entendu, il me paraîtrait sage de retirer l’amendement.
L’amendement n° II-134 rectifié ter est-il maintenu, madame Garriaud-Maylam ?
Comme je l’avais dit, il s’agit d’un amendement d’appel, destiné à attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité, pour TV5 Monde, de se maintenir dans les DROM et les COM.
Il est bien évident, je l’ai dit aussi, que je ne maintiendrai pas un amendement visant à soustraire une somme aussi importante à France Télévisions. Je le retire donc.
Toutefois, j’aimerais tout de même vous entendre sur ce sujet, monsieur le ministre. En effet, votre précédente réponse ne prenait pas en compte la demande exprimée par MM. Assouline et Legendre, que je remercie de leur contribution et de leur appui.
L’amendement n° II-134 rectifié ter est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
Nous allons procéder à l’examen des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », figurant à l’état D.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Avances à l’audiovisuel public
France Télévisions
ARTE France
Radio France
Contribution au financement de l’action audiovisuelle extérieure
Institut national de l’audiovisuel
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-129 rectifié, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
France Télévisions
ARTE France
Radio France
Contribution au financement de l’action audiovisuelle extérieure
Institut national de l’audiovisuel
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Vincent Delahaye.
C’est le second amendement que je dépose sur ces crédits audiovisuels, qui augmentent fortement, notamment pour Arte, puisqu’il est proposé une hausse de 7, 3 %, pour porter le projet ambitieux défendu par sa présidente. Je l’ai dit en commission, des projets ambitieux, mais à crédit, je suis moi-même tout à fait capable d’en faire !
Je souhaite donc que ces projets soient réalisés avec des crédits en moindre augmentation. C’est pour cette raison que je vous propose, mes chers collègues, de diminuer de 10, 2 millions d’euros la dotation accordée à Arte.
L'amendement n° II-103, présenté par M. Assouline et Mme Blandin, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
France Télévisions
ARTE France
Radio France
Contribution au financement de l’action audiovisuelle extérieure
Institut national de l’audiovisuel
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis.
Il s’agit de rétablir, comme nous l’avons fait tout à l’heure pour France Télévisions, les crédits d’Arte, de Radio France, de l’AEF et de l’INA tels qu’ils étaient présentés dans le projet de loi de finances initial.
Avant même que nous sachions que les crédits de Radio France seraient rabotés de 2 millions d’euros, son personnel, que j’avais reçu, m’avait alerté sur le fait que la tension devenait importante à l’intérieur de l’entreprise. La pression d’un chantier qui n’en finit plus pèse sur l’ensemble des investissements. Tout cela, chacun peut le sentir, ne va pas tenir longtemps. Ainsi, le fait de retrancher deux millions d’euros d’une dotation que le personnel estimait déjà très serrée serait ressenti de façon extrêmement douloureuse !
Cet amendement vise également à rétablir les crédits de l’INA, qui fait l’objet, vous le savez, d’un conflit social, accompagné d’une grève. Pense-t-on améliorer la situation et prétendre qu’on a entendu les revendications en retirant un million d’euros supplémentaires ?
Pour toutes ces raisons, nous proposons de rétablir ces crédits, qui sont déjà gagés par l’amendement que nous avons adopté tout à l’heure.
La commission est défavorable aux amendements n° II-129 rectifié et II-103.
J’hésite entre deux solutions, monsieur le président : soit donner le numéro de téléphone de Véronique Cayla, la présidente d’Arte, à M. Delahaye, pour qu’ils s’expliquent ensemble, mais cela risque de se terminer dans le sang ; soit, plus prudemment, émettre un avis défavorable sur l’amendement n° II-129 rectifié, compte tenu de la nécessité à la fois d’éviter qu’un crime ne se déroule dans les heures qui viennent et de préserver – c’est un peu plus sérieux ! – un équilibre extrêmement fragile, pour lequel nous nous sommes tellement battus. Il ne serait vraiment pas sage de revenir dessus.
Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements n° II-129 rectifié et II-103.
Nous sommes défavorables à l’amendement présenté par M. Vincent Delahaye, car il n’est pas nécessaire de fragiliser Arte, qui se doit de continuer d’être en pointe en matière de nouvelles technologies.
Nous sommes, en revanche, favorables à l’amendement n° II-103, présenté par la commission de la culture.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », figurant à l’état D.
La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis.
Je souhaite simplement expliquer, très brièvement, la cohérence de la position de la commission de la culture.
Nous avons rétabli, par l’adoption de deux amendements, ce qui avait été ponctionné dans le budget de la mission.
Si nous considérions auparavant qu’il convenait de rejeter le budget initial, nous ne souhaitons pas aujourd’hui nous inscrire dans la politique du pire. À partir du moment où nous avons « sauvé » vingt millions pour l’audiovisuel public, nous considérons, dans l’esprit de construction que nous avons adopté lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, qu’il convient de voter en faveur de ces crédits modifiés, pour défendre l’essentiel.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix, modifiés, les crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », figurant à l’état D.
Ces crédits sont adoptés.
J’appelle en discussion l’article 52 ter, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
Médias, livre et industries culturelles
Le dernier alinéa du VI de l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le cas échéant, le montant de cette compensation est réduit à due concurrence du montant des recettes propres excédant le produit attendu de ces mêmes recettes tel que déterminé par le contrat d’objectifs et de moyens ou ses éventuels avenants conclus entre l’État et la société mentionnée au même I. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-110 est présenté par M. Assouline et Mme Blandin, au nom de la commission de la culture.
L'amendement n° II-133 est présenté par Mme Morin-Desailly, M. Maurey, Mme Férat et MM. Guerriau et Détraigne.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-110.
Cet amendement, que nous avons présenté en commission, est à nos yeux très important. Quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, mes chers collègues, il vous est facile d’en comprendre l’objet.
La régie publicitaire de France Télévisions concourt, grâce à l’argent des annonceurs qu’elle va chercher, à un équilibre absolument nécessaire au groupe.
D’ailleurs, quand on a projeté de vendre cette régie, on a reculé parce qu’on s’est rendu compte que d’aussi bons résultats, une telle manne récoltée, les fruits d’un travail si efficace ne pouvaient pas être bradés.
Peut-on imaginer que, si l’État retirait à la régie publicitaire de France Télévisions ses excédents de recettes, les personnels qui y travaillent garderaient le même enthousiasme, la même énergie et le même esprit d’entreprise dans leur travail de collecte des fonds ? En fait, on aboutirait à ce que même l’objectif fixé dans le contrat d’objectifs et de moyens ne soit pas atteint, tant la démotivation du personnel serait générale !
Je sais que des discussions sont en cours et que la navette permettra de poursuivre la réflexion.
Pour ma part, je pense qu’il n’est vraiment pas de bonne politique de ponctionner les excédents de recettes de la régie publicitaire de France Télévisions.
C’est la raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues, à supprimer l’article 52 ter.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour présenter l'amendement n° II-133.
Pour les raisons que j’ai déjà exposées dans le débat, je vous propose, avec plusieurs de mes collègues, de supprimer la disposition, introduite par les députés, qui prévoit la restitution à l’État des recettes publicitaires de France Télévisions excédant le montant anticipé par le contrat d’objectifs et de moyens.
Il ne s’agit pas d’une idée nouvelle. Mais, en ce qui me concerne, je la trouve toujours aussi injustifiée.
D’une part, il est évident qu’elle contribuera à démotiver grandement tout le personnel de la régie publicitaire.
D’autre part, je rappelle que France Télévisions a déjà consenti l’effort nécessaire de 15 millions d’euros dont nous avons parlé tout à l’heure.
Dès lors, contraindre France Télévisions à restituer ses excédents de recettes publicitaires reviendrait à lui imposer une pénalité non justifiée.
Lors de l’audition du nouveau président de France Télévisions, Rémy Pflimlin, à l’Assemblée nationale, mercredi dernier, certains députés ont estimé que les prévisions de recettes publicitaires inscrites au contrat d’objectifs et de moyens pour les années à venir étaient follement optimistes… Pourquoi donc prévoir une mesure qui n’aura pas l’occasion d’être appliquée ?
Je rappelle enfin que nous avons choisi de proposer un moratoire jusqu’à 2016, c’est-à-dire le temps que l’indexation et la revalorisation de la contribution à l’audiovisuel public, que nous avons décidées, produisent leurs effets.
Dès lors qu’on fait le choix de maintenir la publicité avant 20 heures, il faut être cohérent et en accepter toutes les implications, y compris celles qui pourraient, éventuellement, être très positives.
Il est souhaitable que des excédents de recettes puissent être réinvestis dans la modernisation de l’audiovisuel public, en particulier dans son évolution vers le global media.
C’est donc par souci de cohérence que nous avons déposé cet amendement de suppression.
Nous assistons ce soir à un jeu de rôle : M. le ministre est plein d’humour et les séances de nuit permettent, à partir d’une certaine heure, de ne plus compter le temps…
J’ai pour ma part le rôle de l’affreux et je persévère dans ce jeu ! La commission des finances est en effet défavorable à ces deux amendements.
Je suis tout à fait d’accord avec Mme Morin-Desailly lorsqu’elle souhaite le développement du média global. Il est évident que ce développement est nécessaire. Il y faut certes des moyens, mais aussi une volonté et une capacité technique. Or, à mon avis, France Télévisions se cherche un peu sur ce terrain – il est vrai que ce n’est pas facile.
S’agissant des recettes publicitaires, notre débat me rajeunit d’un certain nombre d’années… Ici même, j’ai été rapporteur sur la loi de privatisation du 19 juillet 1993. Dans ce cadre, j’avais reçu les représentants d’une bonne partie des entreprises du CAC 40 d’aujourd’hui. Ils m’avaient dit « en avoir marre » d’essayer de faire des bénéfices que Bercy leur cravatait le 2 janvier au matin !
Je comprends ce qu’une telle situation peut avoir de décourageant. Toutefois, mes chers collègues, je vous rappelle que la régie publicitaire de France Télévisions est un cas très particulier.
Le contrat d’objectifs et de moyens doit obéir à un certain nombre de principes budgétaires : sincérité des comptes et sincérité des prévisions.
Or ces prévisions sont très difficiles à réaliser dans le domaine de la publicité, parce que la facturation repose sur l’audimat qui est une donnée constatée : à la commande, le prix d’une heure de télévision n’est pas connu. C’est une situation assez unique dans l’ensemble du droit commercial.
Quand on négocie un contrat d’objectifs et de moyens, on émet une certaine prévision ; ensuite, l’audimat peut se révéler très favorable. C’est ce qui s’est passé avec l’embellie générale de la conjoncture que France Télévisions a connue.
Or il y a des besoins d’argent criants partout et les recettes ainsi dégagées peuvent servir de leviers pour diverses actions.
La commission des finances demande donc aux auteurs de ces deux amendements de bien vouloir les retirer.
Si toutefois il y a d’autres solutions, elles seront les bienvenues.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, l'article 52 ter est supprimé.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Médias, livres et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 28 novembre 2011 :
À dix heures, à quatorze heures trente et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (n° 106, 2011-2012).
Examen des missions :
- Politique des territoires
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial (rapport n° 107, annexe n° 19)
MM. Ronan Dantec et Rémy Pointereau, rapporteurs pour avis de la commission de l’économie (avis n° 111, tome V).
- Économie
Compte spécial : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
MM. Christian Bourquin et M. André Ferrand, rapporteurs spéciaux (rapport n° 107, annexe n° 11)
M. Gérard Cornu, Mme Évelyne Didier, MM. Pierre Hérisson et Michel Teston, rapporteurs pour avis de la commission de l’économie (avis n° 111, tome III)
M. Antoine Lefèvre, rapporteur pour avis de la commission des lois (Développement entreprise et emploi - avis n° 112, tome VIII)
- Aide publique au développement
Compte spécial : Prêts à des États étrangers
Compte spécial : Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique
M. Yvon Collin et Mme Fabienne Keller, rapporteurs spéciaux (rapport n° 107, annexe n° 4)
MM. Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères et de la défense (Aide publique et financière - avis n° 108, tome IV)
- Solidarité, insertion et égalité des chances (+ articles 61 et 61 bis)
M. Éric Bocquet, rapporteur spécial (rapport n° 107, annexe n° 28)
Mme Aline Archimbaud, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 109, tome VI)
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis de la commission des lois (Égalité entre les hommes et les femmes - avis n° 112, tome IX)
- Défense
Compte spécial : Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien
MM. Yves Krattinger et François Trucy, rapporteurs spéciaux (rapport n° 107, annexe n° 8)
MM. Didier Boulaud et André Trillard, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères et de la défense (Environnement et soutien - avis n° 108, tome V)
MM. Xavier Pintat et Daniel Reiner, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères et de la défense (Équipement des forces - avis n° 108, tome VI)
MM. Gilbert Roger et André Dulait, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères et de la défense (Préparation et emploi des forces - avis n° 108, tome VII)
Mme Michelle Demessine et M. Jean-Marie Bockel, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères (Soutien des forces - avis n° 108, tome VIII)
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le samedi 26 novembre 2011, à deux heures cinquante.