Lors de votre audition par la commission de la culture du Sénat, monsieur le ministre, vous nous avez fait part de votre sentiment d’être le gardien du patrimoine, à la fois en tant que citoyen et en tant que ministre. Vous avez aussitôt précisé, à juste titre, que notre gigantesque patrimoine national relève de nombreux ministères. C’est peut-être là que le bât blesse.
En effet, comme je le rappelle régulièrement, le ministère des affaires étrangères et européennes gère quelque 1 500 biens relevant de notre patrimoine national situés hors de nos frontières, dans 160 pays différents, et dont la valeur globale est évaluée à 4, 47 milliards d’euros.
Parmi ces ambassades, consulats, centres culturels, logements de fonctions ou même églises, près d’une centaine ont une haute valeur patrimoniale. Une trentaine d’entre eux seraient même classés monuments historiques s’ils étaient situés sur le territoire français, et une soixantaine seraient inscrits à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques.
Mais, depuis deux ans, le financement de la programmation immobilière du ministère des affaires étrangères et européennes ne doit plus être assuré que par les produits de cession de ses biens immobiliers. En effet, aucun crédit d’investissement n’est plus inscrit dans le budget général. En conséquence, la grande braderie est ouverte… J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer devant vous, monsieur le ministre, la vente à la découpe à laquelle est promis le Palazzo Lenzi, à Florence.
Déjà, en 2002, dans un rapport d’information de la commission des finances, notre rapporteur spécial des crédits de la mission « Culture », M. Yann Gaillard, avait écrit, paraphrasant Édouard Herriot : « Le patrimoine, c’est ce qui reste quand on a tout dilapidé. » Que restera-t-il si l’on s’attaque au patrimoine ?
Il ne s’agit nullement de sanctuariser, de façon inconsidérée, l’ensemble du patrimoine français à l’étranger. Au titre d’une politique immobilière efficace, certains immeubles, inadaptés ou devenus inutiles, doivent pouvoir être cédés. Mais encore faut-il que ces ventes soient réalisées de façon pertinente, or il semble bien que cette condition soit rarement remplie. Cela est compréhensible, tant cette activité est éloignée des « métiers » classiques du ministère des affaires étrangères et européennes. D’ailleurs, le Gouvernement le reconnaît quand il relève « l’inadaptation des procédures et des instruments budgétaires existants à une gestion dynamique et efficace du patrimoine immobilier de l’État à l’étranger ».
À cela s’ajoutent les problèmes du retour effectif de la totalité du produit des cessions au ministère des affaires étrangères et européennes, celui-ci étant entravé pour diverses raisons techniques ou dilatoires, et de la mise en place des loyers budgétaires.
Au regard de ces difficultés, nous attendons toujours la création d’une agence foncière de l’État à l’étranger. Mais il est vrai que, si j’ai eu connaissance d’une « liste non exhaustive des immeubles appartenant à la France à l’étranger et ayant un intérêt patrimonial et/ou architectural » datant de 2001, complétée voilà quelques mois, il n’existe toujours pas de réel inventaire exhaustif de notre patrimoine à l’étranger.