Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’histoire récente de l’audiovisuel extérieur de la France est celle d’un terrible gâchis.
Notre audiovisuel extérieur, qui vise à renforcer l’influence de la France dans le monde par le rayonnement de sa culture et de sa langue, revêt une triple dimension.
Radio France Internationale, radio polyglotte, a su construire une identité et conquérir une large audience, notamment en Afrique.
TV5 Monde, chaîne multilatérale, a également su séduire un large public francophile et francophone.
La dernière née, France 24, chaîne d’information internationale, n’est pas devenue une « CNN à la française », mais a néanmoins su se développer via une diffusion large en trois langues.
L’existence de ces trois structures constitue un atout mais appelle aussi des réponses à trois problématiques : celle de la coexistence de ces médias ; celle de leur gouvernance, avec le défi de faire vivre des médias libres et indépendants, au service de notre politique extérieure ; celle de leur financement, dans un contexte international concurrentiel.
Sur ces trois points, je considère – et j’ai été suivie par mes collègues de la commission – que les gouvernements qui se sont succédé depuis bientôt cinq ans ont échoué.
La création de la holding AEF a provoqué des déchirements et des scandales à répétition, qui ont au final très fortement hypothéqué l’avenir de notre diplomatie audiovisuelle : RFI n’a jamais connu autant de grèves, TV5 Monde s’est sentie délaissée, souvent à raison, et France 24 est au bord de l’implosion.
Premier constat, la coexistence des trois médias dans une entité unique n’a pas réussi. En fait, AEF a plutôt eu tendance à privilégier France 24, dont les crédits ont augmenté sans que sa réussite soit réellement démontrée. En revanche, RFI et TV5 Monde ont été les parents pauvres de la holding avec des diminutions de crédits et un plan social pour RFI.
Deuxième constat, le mode de gouvernance a échoué. Depuis sa création, AEF n’est pas parvenu à se mettre d’accord avec l’État sur sa trajectoire financière et n’a donc pas, en toute illégalité, conclu de contrat d’objectifs et de moyens. La tutelle a été tout simplement fantomatique. Son manque d’implication a été tel que le Gouvernement a dû missionner l’Inspection générale des finances afin de faire le jour sur la situation financière réelle d’AEF.
Troisième constat, le financement s’est clairement avéré insuffisant pour faire vivre harmonieusement les trois structures. Un doute sérieux plane sur la capacité des différents acteurs à effectuer leur mission. Il y aurait ainsi une zone d’incertitude budgétaire de près de 55 millions d’euros pour la période 2011-2013.
Après avoir fait ces constats navrants, la question qui se pose dès lors est celle de l’avenir de l’audiovisuel extérieur de la France.
La dotation globale diminue de 12, 3 millions d’euros dans le projet de budget pour 2012, voire de 1 million d’euros supplémentaire si nous approuvions le budget adopté par l'Assemblée nationale. Cette baisse des crédits est théoriquement rendue possible grâce aux synergies liées à la fusion.
Le constat de l’Inspection générale des finances est formel : l’impact des synergies sera limité.
Le projet de fusion manque nettement de cohérence. Prenons l’exemple symptomatique du déménagement de RFI. Deux arguments ont été évoqués afin de le justifier : les économies budgétaires réalisées en matière de loyers et la logique de rapprochement des équipes dans le cadre d’une entreprise unique.
Le premier argument ne tient pas. Selon l’IGF, le déménagement se traduira au contraire par des surcoûts de 0, 5 million d’euros par an, sans compter le coût de l’opération, qui s’établirait à 25 millions d’euros.
Le second argument est pleinement légitime, mais ne trouve aucune réalité concrète. En effet, le nouveau bâtiment sera dédié uniquement à RFI, en contradiction totale avec l’idée de l’entreprise unique de réunir les rédactions de France 24 et de RFI.
Bref, ce projet de déménagement est à la fois coûteux et démobilisateur, alors que rien n’obligeait RFI à quitter la Maison de la radio.
Le feuilleton à rebondissements d’AEF peut-il finir par un happy end ou doit-il aboutir à une séparation de ses membres ?
Je vous avoue être extrêmement sceptique sur le projet de fusion d’une télévision et d’une radio. Le projet commun n’est pas enthousiasmant : même le site internet unique n’a pas été correctement réalisé. On est en train d’assister à un mariage forcé, et j’ai la conviction que, avec ce projet de fusion, on risque de lâcher la proie – notre rayonnement culturel international – pour l’ombre, à savoir des économies budgétaires improbables et très limitées.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits relatifs à l’audiovisuel extérieur de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».