Intervention de Yves Rome

Réunion du 25 novembre 2011 à 21h45
Loi de finances pour 2012 — Compte de concours financiers : avances à l'audiovisuel public

Photo de Yves RomeYves Rome, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’audiovisuel extérieur :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais vous exposer les raisons qui ont motivé la commission des affaires étrangères à recommander au Sénat de marquer, par un rejet des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », sa désapprobation à l’égard de la gestion de l’audiovisuel extérieur.

Concernant le programme 115, il nous est demandé d’approuver une dotation globale de ressources publiques de 315, 2 millions d’euros, allouée à la holding AEF, qui est composée de France 24, RFI et TV5 Monde.

Le premier constat inquiétant est la baisse significative de cette dotation après sept années de hausse : 4, 15 % par rapport à 2011 en tenant compte du « rabot » adopté par l’Assemblée nationale. Cette diminution des crédits était annoncée et reposait sur les « économies attendues dans le cadre de la réorganisation opérationnelle » d’AEF. Or force est de constater aujourd’hui que les effets de la réforme engagée n’apparaissent pas suffisants pour compenser cette baisse de la dotation, comme les différents opérateurs n’ont pas manqué de nous le faire savoir.

Tout d’abord, les ressources propres restent faibles.

Ensuite, les mutualisations et les synergies escomptées ne sont pas au rendez-vous, comme en témoignent les difficultés récurrentes au sein des trois opérateurs. Je pense notamment aux mouvements sociaux et au déménagement retardé de RFI sur le site de France 24.

Enfin, et surtout, les synergies ne peuvent pas être analysées et commentées, en raison de l’absence d’indicateurs suffisants et d’un contrat d’objectifs et de moyens attendu depuis deux ans et toujours pas signé, comme l’a rappelé Claude Belot.

Le second constat, plus inquiétant encore, tient à la répartition de la dotation globale entre les opérateurs. Dans sa réponse aux questionnaires budgétaires, le Gouvernement indique que, pour 2012, « la répartition des financements entre les différentes sociétés de la holding n’est pas disponible ». Or nous constatons que c’est France 24 qui a absorbé l’essentiel des augmentations de crédits depuis 2004.

Le Parlement est-il donc aujourd’hui en mesure d’apprécier sur quels critères AEF se fonde pour attribuer les crédits entre ses composantes et quelle sera la répartition pour 2012 ?

Le rapport demandé à l’Inspection générale des finances par le Gouvernement ne nous a pas été communiqué directement, mais a été mis en ligne voilà quinze jours. Il ne me semble pas apporter des garanties sur ce point, bien au contraire ! Il suggère d’appliquer vis-à-vis d’AEF un « principe de précaution budgétaire », signale plusieurs irrégularités dans la gestion financière de la holding et estime nécessaire de « favoriser l’exercice d’une tutelle effective et efficace ».

Ces constatations placent donc, selon moi, le Parlement face à ses responsabilités : il lui revient aujourd’hui de sanctionner une gouvernance pour le moins légère, qui ne respecte ni les critères essentiels de transparence et de clarté ni la légalité. Par ailleurs, les turbulences de cette gouvernance n’ont en rien contribué au rayonnement extérieur de la France.

Le but de la création d’AEF se résumait en un mot : la recherche de synergies. Mais il n’y a de véritable synergie qu’entre ceux qui ont suffisamment d’affinités pour vivre ensemble. Toute la question est donc de savoir si ce mariage entre une chaîne d’information, France 24, une radio généraliste, RFI, et une chaîne généraliste, TV5 Monde, est viable à long terme. La question mérite d’être sérieusement posée.

Afin de sécuriser et de pérenniser le pilotage d’AEF, il me paraît pertinent, à ce stade, d’évoquer quelques pistes de réflexion : la holding AEF pourrait être réaménagée, en songeant notamment à rechercher et à trouver des partenariats plus opérationnels pour certaines de ses entités ; des perspectives nouvelles pourraient être offertes à TV5 Monde, parent pauvre de la holding, alors que la chaîne francophone demeure le principal outil télévisuel de rayonnement mondial de la France ; il faudrait également accroître la participation des collectivités territoriales au processus de rayonnement audiovisuel.

Pour conclure, monsieur le ministre, je voudrais porter à votre connaissance le souhait majoritaire de la commission, partagé notamment par ma corapportrice pour avis Mme Garriaud-Maylam, de voir AEF rattaché au ministère des affaires étrangères, la multiplicité des tutelles étant un facteur certain de dilution des responsabilités.

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