Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Médias, livre et industries culturelles », dont nous examinons aujourd’hui les crédits, revêt une importance particulière.
Les événements qui se sont produits dans le monde arabe cette année rappellent, s’il en était besoin, l’importance stratégique de ce secteur pour la mise en place et le bon fonctionnement d’une démocratie. Mais revenons au contexte national, qui nous intéresse plus particulièrement ici.
Monsieur le ministre, nous avons conscience que le contexte dans lequel vous avez dû bâtir votre budget n’était a priori guère favorable : crise financière, dette et déficits publics abyssaux, plans de rigueur budgétaire… S’il est vrai que les crédits consacrés à la mission « Médias, livre et industries culturelles » restent stables, à 4, 6 milliards d’euros, il n’en demeure pas moins que les choix que vous avez opérés pour construire votre budget nous semblent, à plusieurs égards, contestables ou, du moins, pas à même d’aider à relever les défis importants auxquels se trouve confronté le secteur des médias aujourd’hui, notamment à l’heure du passage au numérique.
Je m’arrêterai plus particulièrement sur les secteurs de la presse et de l’audiovisuel. En effet, dans ces deux domaines, la situation nous semble à maints égards très préoccupante.
Cependant, avant de développer plus avant mon propos, je reviens un court instant sur le secteur du livre. Si nous n’avons pas d’opposition majeure sur les crédits qui lui sont consacrés, nous regrettons la volonté du Gouvernement de profiter du projet de loi de finances pour porter, dès le 1er janvier prochain, le taux de plusieurs produits, dont celui du livre, de 5, 5 % à 7 %.
Venons-en maintenant à la presse.
Dans ce secteur, que l’État soutient à hauteur de 1, 2 milliard d’euros, mon collègue Jean-Pierre Plancade et moi-même avons le sentiment que les problèmes demeurent, alors même que ce budget aurait pu être l’occasion d’envisager certaines réformes structurelles majeures. Citons, par exemple, la diffusion des titres les plus aidés, aujourd’hui en recul, ou les promesses d’amélioration de la situation des diffuseurs ou de développement du réseau des points de vente, démenties par les faits. Il est vrai que cette situation résulte pour partie de la crise économique et du développement d’internet, et n’est donc pas imputable aux seuls choix budgétaires.
Il n’en demeure pas moins qu’un meilleur ciblage des crédits consacrés à la presse aurait contribué à l’améliorer. En effet, en dépit des priorités affichées lors des états généraux de la presse écrite, l’aide à la presse en ligne ne dépasse pas 20 millions d’euros, sur un total d’aides à la presse s’élevant, rappelons-le, à 1, 2 milliard d’euros.
Par ailleurs, les crédits consacrés à l’aide au portage, lequel est pourtant censé représenter l’avenir de la distribution de la presse, passent de 68 millions d’euros à 45 millions d’euros, ce qui représente une diminution d’un tiers.
De la même manière, le total des aides directes à la presse affiche une diminution de 6 % par rapport à 2011, quand les aides à la modernisation du secteur enregistrent, cette année encore, une baisse de 8 %.
Enfin, le rééquilibrage du soutien en faveur des titres d’information politique générale n’a pas eu lieu : la presse quotidienne nationale bénéficie seulement de 15 % des aides, alors que 35 % de ces dernières reviennent à la presse magazine.
Ces différents exemples montrent que le budget qui nous est soumis a manqué l’occasion de procéder à un meilleur ciblage des aides, l’une des réformes pourtant nécessaires pour donner au secteur de la presse les moyens de surmonter les difficultés auxquelles il est confronté.
Venons-en à présent au secteur de l’audiovisuel et arrêtons-nous un instant sur l’audiovisuel extérieur.
Comme l’a rappelé le rapporteur pour avis Claudine Lepage, nous sommes en ce domaine face à un véritable « gâchis ». La réforme initiée en 2008, qui a conduit à la création de la holding Audiovisuel extérieur de la France, est un échec ; les raisons en sont multiples et tristement connues de tous. Le projet de fusion suscite partout de vives inquiétudes et risque fort de fragiliser le devenir de notre rayonnement culturel extérieur. En outre, dans le rapport qu’elle a consacré à cette question, l’Inspection générale des finances dément que cette fusion dégage des synergies significatives et permette donc de faire de véritables économies budgétaires. Malgré tout, le montant de la dotation accordée à AEF diminue cette année de 3, 8 %.
Nos préoccupations ne se limitent malheureusement pas à l’audiovisuel extérieur ; elles concernent également notre secteur public national. Vous vous en doutez : je pense bien évidemment à la situation de France Télévisions.
Dès le départ, mon groupe n’a eu de cesse d’alerter sur le danger que représentait la suppression de la publicité sans que la compensation du manque à gagner soit assurée de manière pérenne. Nos inquiétudes étaient malheureusement fondées. En effet, la suppression de la publicité est en partie financée, d’une part, par une aggravation du déficit public et, d’autre part, par la taxe télécom. Or il est très probable que l’Union européenne nous oblige à rembourser cette dernière, c’est-à-dire contraigne l’État à restituer aux opérateurs de télécommunications plus de 1 milliard d’euros.
En outre, ce projet de budget prévoit que les éventuels surplus réalisés par la régie publicitaire de France Télévisions seront rendus à l’État.
Toutes ces dispositions, on le voit, fragilisent la situation financière de France Télévisions. Un doute raisonnable quant à la pérennité du financement du service public audiovisuel, et donc sur la capacité pour ce dernier de continuer à honorer avec toute la qualité requise les missions qui sont les siennes, est donc permis. Ce doute est atténué, il est vrai, par le bilan un peu plus encourageant des autres groupes de l’audiovisuel public : Radio France, Arte, l’INA. Cependant, là encore, restons vigilants et ne nous réjouissons pas trop vite. Le financement de ces groupes n’est pas non plus pérenne, en témoigne le vote par l’Assemblée nationale, la semaine dernière, d’une disposition tendant à diminuer de 20 millions d’euros les ressources de France Télévisions et de ces autres groupes. Nous pourrions y remédier ce soir, grâce à l’adoption d’un amendement tendant au rétablissement de ces crédits.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, trop de doutes et d’inquiétudes subsistent pour que nous approuvions ce budget. Gouverner, c’est faire des choix. Or les choix que vous avez opérés sur deux points à nos yeux fondamentaux, à savoir l’attribution des aides à la presse et le financement du secteur de l’audiovisuel, ne nous semblent pas opérationnels. Ils fragilisent des secteurs qui auraient au contraire besoin d’être accompagnés, ils ne leur donnent pas les moyens de relever les défis auxquels ils sont confrontés et ils n’amorcent pas la résolution des problèmes structurels qui sont les leurs. Il s’agit à notre sens d’une occasion manquée, et nous le regrettons.
Vous comprendrez que, au nom de mes collègues du RDSE, je réserve mon vote en fonction de l’adoption de certains amendements.