Intervention de Bernard Saugey

Réunion du 30 novembre 2011 à 10h30
Loi de finances pour 2012 — Compte de concours financiers : avances aux collectivités territoriales

Photo de Bernard SaugeyBernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le bref laps de temps qui m’est imparti pour évoquer devant vous les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales, je développerai quatre thèmes qui ont retenu l’attention de la commission des lois.

Tout d’abord, pour l’année 2012, les collectivités territoriales continueront d’être associées, d’un point de vue budgétaire et financier, à l’effort de réduction des déficits publics de l’État.

Cette association des acteurs locaux, qui n’est ni acceptée ni comprise par la commission des lois, a suscité quelques remarques.

En effet, les collectivités sont loin d’être les premières responsables de la dégradation des finances publiques : au 31 décembre 2010, la dette locale ne représentait que 10 % de la dette publique.

Les collectivités territoriales sont soumises à des règles strictes d’élaboration du budget, qui limitent leur endettement. Dès lors, l’idée selon laquelle le gel des concours budgétaires de l’État serait une garantie de non-baisse et, in fine, un facteur de protection des finances locales nous semble pour le moins contestable.

Par ailleurs, la composition de l’effort global de l’État en faveur des collectivités mériterait un travail de clarification. Aux concours budgétaires inscrits dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales » s’ajoutent les autres concours inclus dans l’enveloppe normée, ceux qui ne le sont pas, les dégrèvements et compensations, ainsi que les transferts de fiscalité. Une réflexion mériterait d’être conduite afin de rendre cette répartition plus lisible ; nous le demandons pratiquement chaque année.

Ma deuxième observation porte sur les difficultés, déjà perceptibles, de financement bancaire rencontrées par les collectivités.

Ce constat trouverait son origine principale dans l’anticipation, par les établissements bancaires, des nouvelles règles prudentielles définies dans le cadre du comité Bâle 3, qui imposent aux banques de relever progressivement, entre 2013 et 2019, leur ratio minimum de liquidités de 2 % à 7 %. C’est pourquoi les banques, pour pouvoir respecter ces nouvelles règles, privilégieraient les emprunteurs à financements courts disposant d’épargne bancaire, ce qui n’est pas le cas des collectivités territoriales.

Aux difficultés engendrées par ces nouvelles règles prudentielles, s’ajoute le récent démantèlement de Dexia, première banque de financement des collectivités.

Les difficultés de financement des collectivités territoriales pourraient être néfastes pour notre économie si elles venaient à perdurer. C’est pourquoi la commission des lois salue l’initiative des associations nationales d’élus visant à créer une nouvelle agence de financement des collectivités locales, qui devrait être opérationnelle dès 2012. Celle-ci aura pour objet de diversifier l’offre de financement des collectivités territoriales.

La mise en place d’une enveloppe de 3 milliards d’euros, cogérée par la Caisse des dépôts et consignations et par les établissements bancaires, selon les déclarations récentes du Premier ministre, devrait être alimentée à hauteur de 5 milliards d’euros. Mais cela n’apporte pas de solution pérenne au problème, même si je me félicite, à titre personnel, de cette initiative.

Ma troisième observation porte sur la problématique des emprunts toxiques et sur leur poids dans l’encours de la dette publique locale. Force est de constater que nombreux sont les élus qui, face à leurs difficultés budgétaires actuelles, ont pu naïvement préférer des produits leur permettant de bénéficier, pendant quelques années, de taux d’intérêt bonifié. Toutefois, les taux d’intérêt se sont ensuite envolés, généralement au bout de trois ou quatre années, en raison de leur indexation sur des facteurs extrêmement volatiles.

La Cour des comptes estime, dans un rapport thématique publié en juillet dernier, que les emprunts toxiques ne représenteraient pas un risque systémique pour les collectivités dans leur ensemble. Pourtant, tous les effets des produits structurés ne sont pas encore connus, la période des taux d’intérêt bonifié n’étant pas arrivée à son terme pour l’ensemble des emprunts contractés.

Les risques liés aux emprunts toxiques montrent la nécessité de sécuriser les collectivités dans leurs relations avec les établissements de crédit. La signature d’une charte de bonne conduite et la mise en place d’un médiateur des emprunts toxiques, sur l’activité duquel nous disposons de peu d’informations, ne semblent pas adaptées à la résolution des difficultés rencontrées par les collectivités. C’est pourquoi monsieur le ministre, nous souhaiterions connaître les solutions que le Gouvernement entend mettre en œuvre, ainsi que leur éventuel calendrier d’application.

Enfin, le dernier point sur lequel je souhaiterais attirer votre attention concerne la problématique des normes et de leur poids au sein de notre activité quotidienne.

Je tiens à rendre hommage au bilan très positif de la commission consultative d’évaluation des normes, la CCEN, présidée par notre ancien collègue Alain Lambert. Ce bilan témoigne de la nécessité de toute démarche visant à mieux associer les collectivités territoriales aux décisions qui les concernent. Il reflète également la nécessité d’un dialogue apaisé et serein entre l’État et les collectivités territoriales.

C’est pourquoi la commission des lois estime que le champ de compétences de la CCEN mériterait d’être élargi aujourd’hui au stock de normes afin de poursuivre les initiatives engagées par le Gouvernement et par l’ancien président du Sénat, Gérard Larcher, visant à recenser les normes existantes qui mériteraient une révision urgente.

Au terme de ce bref tour d’horizon, j’indique que je voterai à titre personnel les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Je souligne néanmoins que la commission des lois a émis un avis défavorable sur les crédits de cette mission.

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