Madame la secrétaire d'État, vous avez déclaré que le débat sur les OGM avait été un bel exercice de la vie démocratique ; nous sommes au regret de vous contredire, car, bien au contraire, ce texte est particulièrement symptomatique du déficit démocratique des politiques du Gouvernement à la fois dans l’absence de prise en compte de la volonté de nos concitoyens et vis-à-vis de l’expression du Parlement.
Alors que la grande majorité des Français se déclare opposée à la culture et à la commercialisation à des fins alimentaires des OGM, vous avez choisi de mépriser leur sentiment de défiance envers les organismes génétiquement modifiés et, pour ce faire, vous avez voulu réduire le débat à une simple opposition entre obscurantisme et progrès scientifique.
Le texte relatif aux organismes génétiquement modifiés ne prévoit, d’ailleurs, aucun contre-pouvoir démocratique représentant la population ni même les producteurs.
De plus, à l’heure où certains veulent faire croire, à travers la réforme des institutions, que le Parlement sera doté de plus de pouvoirs, le Gouvernement multiplie les atteintes à cette institution, jusqu’à nier l’expression de sa volonté. Je fais référence, vous l’aurez compris, au passage en force qui a débouché sur la constitution d’une commission mixte paritaire, alors même que la motion tendant à opposer la question préalable avait été adoptée par 1’Assemblée nationale.
Je ne souhaite pas ici entrer dans l’examen détaillé de la Constitution ou des règlements des assemblées. Mais, quelle que soit l’interprétation experte qui pourrait en être donnée, ce qui est certain, c’est qu’aujourd’hui le Gouvernement a fait le choix politique de lire ces textes de façon à nier l’expression de la volonté de la représentation nationale quand celle-ci ne lui convenait pas.
C’est ce même Gouvernement qui annonçait déjà la suppression par le Sénat de l’amendement Chassaigne tout juste voté ! Cet amendement a pourtant reçu un large soutien. Il a recueilli des milliers de signatures et a suscité au sein même de la majorité parlementaire et du Gouvernement des réactions révélatrices d’une absence de consensus autour de ce projet de loi. Cet amendement revendiquait la richesse des produits de qualité, des appellations d’origine contrôlées, des labels. Mais le Sénat a fait le choix de se ranger du côté de la standardisation et de l’uniformisation des cultures.
La commission des affaires économiques, fort opportunément, a proposé de soumettre la définition du « sans OGM » à la définition communautaire. Or, à l’heure actuelle, si une telle définition n’existe pas, nous craignons qu’il n’y ait là la volonté de réduire la portée de l’exigence d’une absence totale d’OGM, exigence qui vous gêne tant.
De plus, les débats que nous avons eus sur le seuil de détectabilité et le seuil d’étiquetage ne laissent pas beaucoup d’espoir en ce qui concerne le renvoi à un décret en Conseil d’État, introduit par le Sénat. Ce renvoi laisse au Gouvernement toute latitude pour vider de son sens l’amendement protecteur de notre collègue et ami le député André Chassaigne.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen considèrent qu’il aurait été préférable que le Gouvernement tire les leçons du contenu et de la tenue très chaotique des débats, en présentant un nouveau texte.
S’il plaît à M. le député Jean-François Copé de justifier l’adoption de la question préalable défendue par les communistes à l’Assemblée nationale par un absentéisme inconscient, en jetant du même coup le discrédit sur le sérieux du travail des députés de la majorité, nous pensons qu’une telle explication est par trop simpliste.
En réalité, cet événement est symptomatique du doute qui s’est installé sur les bancs de la majorité et du Gouvernement tout au long des débats. Les enjeux en termes de santé publique ou de protection de l’environnement, le caractère irréversible de la dissémination, de la généralisation de la culture des OGM en plein champ et de leur commercialisation sont tels qu’il est inconscient de feindre de les ignorer.
Quelle crédibilité accorder au Président de la République qui persiste à dire que la liberté de produire et de consommer avec ou sans OGM est une avancée du texte, alors même que le caractère irréversible des contaminations des cultures « sans OGM » par les cultures OGM a été confirmé par le Gouvernement ? Comment osez-vous faire la promotion d’une agriculture que votre projet de loi met en péril ? Je pense ici, par exemple, à votre volonté d’imposer des produits bio dans les restaurants scolaires.
Sur le dossier OGM, comme sur d’autres, vos paroles et vos actions sont en totale contradiction. Vous vous félicitez d’un texte qui va permettre la généralisation des cultures OGM alors que l’absence de danger pour les hommes, la faune et la flore n’a pas été démontrée. Et vous vous réjouissez d’avoir tiré les conséquences – c’est la moindre des choses – d’une mise en garde sur les effets du maïs Monsanto 810.
Que ce soit le Président de la République, M. le ministre ou vous-même, madame la secrétaire d’État, vous n’avez de cesse de vous féliciter d’avoir actionné la clause de sauvegarde. Et pour renforcer encore vos prétendus mérites, vous affirmez que cela n’a pas été facile. Mais qu’est-ce qui n’a pas été facile ? La tentation de céder aux intérêts mercantiles au détriment de la protection de la santé publique et de l’intérêt général ? Car, au fond, il n’y a rien de compliqué à faire jouer une exception prévue par le droit communautaire et justifiée par l’existence de doutes sérieux pesant sur l’innocuité du maïs Monsanto 810.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont exposé leurs critiques tout au long des débats. Nous avons déposé une motion tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi ; vous ne serez donc pas étonnée, madame la secrétaire d’État, que nous affirmions à nouveau, pour des raisons d’impératifs de santé publique, de préservation de l’environnement et de la biodiversité, notre ferme opposition à ce projet. Nous voterons donc contre ce texte.