Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article me fait penser au début du film de Stanley Kubrick 2001, l’Odyssée de l’espace. On regarde ce monolithe noir, en se demandant : qu’est ce que cela peut bien être, à qui est-ce destiné ?
En fait, les destinataires de l’article 58, ce sont les communes et les EPCI à fiscalité propre, ainsi que les « ensembles intercommunaux », entités encore inconnues à ce jour. Probablement s’agit-il de la préfiguration des communes de demain, quand elles auront finalement été absorbées par les intercommunalités.
À cet égard, l’alinéa 9 de l’article est significatif puisqu’il dispose qu’« un ensemble intercommunal est constitué d’un EPCI à fiscalité propre et de ses communes membres ». La préséance accordée ici à l’EPCI sur les communes en dit long sur l’inconscient administratif des rédacteurs du texte : habituellement, en effet, on parle plutôt des « communes et [de] leurs EPCI »...
Quelle est donc cette machine improbable, au fonctionnement difficile à pénétrer ?
Si j’osais un néologisme, je dirais qu’il s’agit d’une « péréquatrice », une mécanique dont les ambitions sont inversement proportionnelles à la complexité, comme nous allons le voir.
C’est à se demander si cette subtilité n’est pas là pour masquer la modestie de l’ambition des concepteurs, à moins que ce ne soit simplement pour désamorcer les inévitables contestations, seuls des experts patentés pouvant en effet se retrouver dans cette suite d’engrenages et de poulies.
Si 2 % seulement des ressources fiscales des communes et EPCI à fiscalité propre font l’objet de péréquation, c’est avec un luxe de tuyauterie, d’indices, de vases d’expansion… Tout cela est sans doute d’une beauté confondante, mais n’évitera pas les ratés !
Un certain nombre de ceux-ci ont déjà été évoqués. Ainsi, une commune pauvre d’un EPCI riche pourra être mise à contribution, alors même qu’elle est éligible à la DSU ou à la DSR.
Monsieur le ministre, vous avez dit plusieurs fois qu’il conviendrait de trouver une solution s’agissant de la DSU. Mais sans doute faudrait-il aussi s’intéresser au cas des communes qui se retrouveraient à la fois éligibles à la DSR et contributrices.
Outre la complexité du dispositif, et la modestie des sommes en jeu, le principal reproche qu’on peut lui adresser, c’est, là encore, de maintenir les strates démographiques, qui, je le répète, constituent le facteur essentiel de maintien des inégalités.
Telle est d’ailleurs la volonté expresse du Gouvernement, ainsi qu’il l’a lui-même indiqué lors de la discussion après l’avoir écrit dans un rapport : « [L’utilisation d’un indice national] favorise les plus petites collectivités dans de très grandes proportions. Seuls 10 % des contributeurs potentiels – dont 4 % des ensembles intercommunaux et 15 % des communes isolées – de moins de 10 000 habitants se situent au-dessus du PFIA moyen national, tandis que cette proportion atteint 76 % des collectivités de plus de 200 000 habitants. Il convient donc d’analyser l’origine et la légitimité de tels écarts de prélèvements entre strates. »
D’où l’opportune invocation des « charges », notion qui, par ailleurs, n’est pas utilisée par le dispositif de péréquation.
J’ai donc déposé un amendement visant à revenir sur cette neutralisation des effets du Fonds national de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales, le FPIC, par la technique des strates. J’attends avec impatience, et je ne serai pas le seul, de connaître le sort qui lui sera réservé.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, j’espère que le temps du repas aura permis de méditer sur ce problème que pose l’utilisation des strates démographiques, lesquelles, je ne cesserai de le répéter, ôtent l’essentiel de son efficacité au mécanisme péréquateur.