Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 22 mai 2008 à 9h45
Organismes génétiquement modifiés — Vote sur l'ensemble

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me permettrai de compléter les propos de mes collègues Jacques Muller et Marie-Christine Blandin en insistant sur ce qui nous paraît un des points de controverse les plus saillants de ce projet de loi : son incompatibilité avec la Constitution.

Cette opposition à la Constitution ne concerne pas seulement le fond du texte : la procédure qui a conduit à l’adoption de ce projet de loi est elle-même entachée d’irrégularités manifestes.

Je commencerai par ce qui me paraît être une violation manifeste de l’article 45 de la Constitution : la convocation de la commission mixte paritaire après le rejet du texte à l’Assemblée nationale par l’adoption d’une motion de procédure.

Le 13 mai, l’Assemblée nationale a rejeté le texte du projet de loi relatif aux OGM. Le règlement de l’Assemblée nationale est clair : l’adoption d’une motion de procédure « entraîne le rejet du texte à l’encontre duquel elle a été soulevée ». Selon ce même règlement, « les propositions repoussées par l’Assemblée ne peuvent être reproduites avant un délai d’un an ». Dont acte.

Le Gouvernement a cru bon de convoquer une commission mixte paritaire pour entériner le texte du projet de loi, sans autre forme de débat, car il n’y a pas eu de débat, mon collègue Jacques Muller, membre de cette commission mixte paritaire, l’a déjà mentionné.

Dans ces circonstances, le recours à l’article 45 de la Constitution est purement et simplement un détournement de procédure. En effet, selon cet article, le Gouvernement ne peut convoquer une commission mixte paritaire qu’après deux lectures d’un texte devant chaque assemblée et à la suite d’un désaccord entre les deux chambres.

Le texte est très clair et donc le détournement de procédure évident : l’adoption de la question préalable a eu pour effet d’écarter la seconde lecture. La réunion de la commission mixte paritaire n’est qu’une manœuvre dilatoire du Gouvernement pour court-circuiter le débat et faire adopter au forceps ce texte, dont les députés de la majorité ont pourtant permis le rejet par leur brillante et peut-être courageuse absence.

Pour reprendre une image appropriée, on pourrait dire que ce « fauchage volontaire » du débat démocratique n’intervient pas dans des conditions sereines. Le rejet du texte aurait dû être retenu à sa juste mesure, mais le Gouvernement n’a pas voulu prendre en compte le désaveu dont il a fait l’objet.

Sur le fond, je tiens à vous faire part de mes interrogations sur la compatibilité de ce texte avec la Charte de l’environnement, qui est aujourd’hui partie intégrante du bloc de constitutionnalité.

En faisant adopter un texte qui ne prend pas en compte les dommages éventuels de la généralisation des OGM dans le secteur agro-alimentaire, le Gouvernement balaye d’un revers de main le principe de précaution au profit d’un principe moins honorable : la liberté de cultiver avec ou sans OGM.

En posant le principe d’une « évaluation préalable indépendante et transparente des risques pour l’environnement et la santé publique », l’article 1er du texte issu de la commission mixte paritaire ne fait que reprendre le principe de prévention visé à l’article 3 de la Charte, le principe de précaution étant, quant à lui, totalement obéré.

Le principe de précaution est un « principe d’action par excellence » – je reprends les propos que vous avez tenus à l’Assemblée nationale le 25 mai 2004, madame la secrétaire d’État. II impose aux législateurs que nous sommes de prendre les mesures nécessaires afin de prévenir tout dommage à l’environnement, même si la réalisation de ce dommage est incertaine.

Malheureusement, ce texte ne présente aucune de ces garanties. Où est donc passé le principe de précaution ? La mise en place d’un régime d’indemnisation des productions contaminées est, à cet égard, d’une hypocrisie sans égale : au lieu d’éviter le dommage, on indemnise le préjudice subi. Autrement dit, au lieu de prévenir, on guérit par assurance interposée. Est-ce là votre manière d’être écologistes, mes chers collègues ?

Autre exemple d’incompatibilité de ce texte avec le principe de précaution : la loi précise que des conditions techniques permettront de limiter la présence accidentelle d’OGM dans d’autres productions. Ces conditions techniques qui régiront la culture et la récolte d’OGM se limiteront donc à éviter une contamination des cultures voisines sans prendre en considération l’environnement dans sa globalité. En d’autres termes, elles ne constituent pas des mesures nécessaires et efficaces conformément au principe constitutionnel de précaution.

La pollution transgénique est incontrôlable, irréversible, dangereuse. Elle affecte de manière grave et à long terme l’environnement. Autoriser son introduction dans la nature, c’est permettre son déploiement dans l’environnement et dans la chaîne alimentaire.

Cette contamination en chaîne, dont vous porterez la responsabilité, ouvre une boîte de Pandore dont on connaît déjà les risques, sur le plan scientifique, pour la santé et pour l’environnement : destruction de la biodiversité, développement d’allergies chez l’être humain, disparition d’espèces. Bref, avec ce texte, vous allez créer des mutants : d’abord dans nos champs, puis dans nos assiettes, enfin dans notre nature.

En conséquence, non seulement nous voterons contre ce projet de loi, mais nous nous emploierons, avec nos partenaires, à le soumettre au Conseil constitutionnel afin que celui-ci se prononce sur son inconstitutionnalité et sur les irrégularités de procédure qui ont présidé à sa discussion. Quoi qu’il en soit, lorsque les dangers que nous évoquons se matérialiseront, vous ne pourrez pas dire : « Nous ne savions pas. »

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