Intervention de Valérie Pécresse

Réunion du 22 mai 2008 à 15h00
Opérations spatiales — Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture

Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’année 2008 a d’ores et déjà, à travers différents événements, apporté sa pierre à l’aventure spatiale française et européenne.

Elle a débuté avec le séjour de notre compatriote Léopold Eyharts sur la station spatiale internationale.

Elle s’est poursuivie avec le lancement, au mois de mars, de l’ATV Jules Verne, puis avec l’impressionnant amarrage automatique de ce véritable « cargo de l’espace ». Une fois encore, par cette première mondiale, l’Europe faisait la preuve de ses capacités techniques et de la rigueur de ses scientifiques et de ses industriels.

Voilà quelques jours, c’était le satellite Giove-B qui était mis en orbite, apportant une nouvelle contribution au projet européen Galileo, qui permettra à notre continent de se doter de son propre système de localisation.

Le 15 juin prochain, c’est le satellite Jason-2 qui sera lancé. Fruit de la collaboration entre le Centre national d’études spatiales et la NASA, il permettra d’améliorer la connaissance du système océanique et d’effectuer des prévisions climatiques à long terme.

Ces événements ne sont pas anodins. Bien au contraire, ils témoignent de l’intérêt de l’espace, non comme outil de puissance entre États rivaux, mais comme lieu de toutes les innovations qui changent en profondeur notre vie quotidienne.

Plus qu’un rêve de grandeur ou le témoignage d’une ambition démesurée, c’est désormais la volonté d’améliorer concrètement et au quotidien la vie de nos concitoyens et, plus largement, des citoyens européens qui fonde notre politique spatiale. Car les avancées dans ce domaine nous sont utiles tous les jours : du téléphone aux soins à distance, d’Internet à la météo, à chaque minute de notre vie, sans toujours en avoir conscience, nous avons besoin d’un outil dont l’origine première n’est autre que l’espace.

Connues ou ignorées, nombreuses sont les innovations nées de la conquête spatiale et l’on mesure mal à quel point nos vies seraient profondément modifiées si les satellites cessaient de fonctionner.

Plus qu’un simple enjeu scientifique, au-delà de ses dimensions stratégiques, la politique spatiale constitue un enjeu économique et social.

Et c’est précisément le développement extraordinaire de ces activités qui nous impose aujourd’hui de définir un cadre juridique neuf. Il s’agit de mettre en place un cadre sécurisé, propre à prémunir chacun contre les dangers qui entourent nécessairement les opérations menées dans ce secteur – le professionnalisme dont les opérateurs européens n’ont cessé de faire preuve nous a parfois fait oublier qu’il existait des risques –, et clair, afin d’offrir à tous les acteurs un environnement favorable au développement de leurs activités.

Les objets dans l’espace extra-atmosphérique, comme les opérateurs qui en ont la charge, se sont multipliés. Les acteurs du secteur, qui étaient autrefois exclusivement sous le contrôle de l’État, se sont diversifiés. D’autres opérateurs, privés ceux-là, sont venus les rejoindre, désireux d’exercer leurs compétences dans un secteur riche de perspectives industrielles et commerciales multiples. Le cadre juridique des opérations spatiales se devait donc de prendre en compte cette nouvelle réalité.

En premier lieu, il faut s’assurer de la capacité des opérateurs à mener à bien les opérations qu’ils entendent conduire. À cette fin, les demandeurs seront à l’avenir dans l’obligation de prouver qu’ils présentent les garanties techniques, financières et morales exigibles d’un secteur de haut niveau technologique qui, comme nous l’ont montré les opérateurs actuels, ne peut admettre en son sein ni amateurisme, ni négligence, ni improvisation.

En second lieu, il faut clarifier le régime de responsabilité des opérations spatiales et des opérateurs qui les conduisent. Le professionnalisme et l’exigence des opérateurs français et européens nous ont parfois fait oublier la dangerosité d’une activité qui se situe sans cesse aux limites de la technologie. Or il n’est pas envisageable que l’État se voie imputer l’ensemble des risques relevant d’opérations conduites par des opérateurs privés. Compte tenu des risques encourus et du montant potentiellement très élevé des éventuels dommages, il n’est pas non plus raisonnable d’en faire porter la charge intégrale aux seuls opérateurs privés, qui ont par ailleurs démontré leur professionnalisme.

L’objectif du projet de loi est précisément de parvenir à un tel point d’équilibre, c'est-à-dire à un cadre législatif clair permettant de sécuriser l’environnement dans lequel évoluent les intervenants du secteur. C’est une condition indispensable à son développement économique, que nous appelons toutes et tous de nos vœux.

Sur ce point, je tiens à saluer la qualité du travail des parlementaires. Tout au long des débats, par leurs amendements, ceux-ci se sont attachés à proposer les réponses les mieux adaptées aux nouvelles questions soulevées par l’évolution du secteur.

Ainsi, les modifications qui ont été apportées au projet de loi par l’Assemblée nationale se sont inscrites dans la droite ligne des travaux accomplis d’abord par le Sénat, tout particulièrement par votre rapporteur, M. Henri Revol.

L’introduction d’une distinction entre phase de lancement et phase de maîtrise de l’objet spatial permet d’attribuer à chaque opérateur une part de responsabilité conforme aux risques réellement encourus par les opérations qu’il mène, ces risques étant très différents en phase de lancement et en phase d’entretien des satellites.

Prenant acte de la pratique, restera ainsi ouverte la possibilité pour les opérateurs de satellites de demeurer leur propre assureur lorsque leurs satellites seront en position stationnaire, c’est-à-dire quand ils ne présenteront pas de risques majeurs pour leur environnement.

Le texte reste mesuré quant aux nouvelles obligations des opérateurs spatiaux. Pour l’État, celles-ci se limitent strictement à s’assurer que les opérations se dérouleront dans les conditions de sécurité les plus strictes.

Sur ce point, l’expertise du CNES sera le gage d’une bonne équation entre les obligations qui incomberont aux opérateurs et l’autonomie nécessaire dont a besoin une activité devant en permanence viser la frontière technologique. Cette équation sera garantie par le dialogue et la concertation qui, soyez-en sûrs, présideront à l’élaboration de la réglementation technique à laquelle devront se conformer les opérateurs.

Monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à votre travail, le texte qui vous a été transmis est, me semble-t-il, parvenu à un point d’équilibre permettant de concilier à la fois les obligations internationales de notre pays, la garantie des intérêts de l’État, ainsi que la sécurité et la clarté juridiques nécessaires à la compétitivité de la France en ce domaine.

En l’état, ce texte est de nature à permettre à la France de continuer à tenir le rang qui est le sien dans le domaine spatial, c'est-à-dire celui de première puissance européenne.

Votre commission des affaires économiques partage ce sentiment puisqu’elle a, sur l’invitation de votre rapporteur, voté l’adoption conforme du texte transmis par l’Assemblée nationale. Ce vote légitime à son tour une adoption conforme et rapide des treize articles restant en discussion, sur les trente que comporte le projet de loi.

En outre, une telle adoption est le gage d’une mise en œuvre concrète et rapide de la loi.

Monsieur Revol, vous le savez pour en avoir pris connaissance, les avant-projets des décrets nécessaires à l’application de la loi ont d’ores et déjà été transmis par mes services. Je m’engage à poursuivre ce travail de concertation avec le Sénat et l’Assemblée nationale une fois que la loi aura été votée.

L’adoption rapide de ce projet de loi est d’autant plus souhaitable que, d’ici à quelques semaines, la France assurera pour six mois la présidence de l’Union européenne, présidence dont l’un des enjeux majeurs sera la consolidation de la politique spatiale européenne.

Les 21 et 22 juillet prochains, je réunirai nos partenaires européens au Centre spatial guyanais de Kourou. Cette rencontre sera une occasion importante d’avancer dans la construction de l’Europe spatiale.

De fait, depuis trente-cinq ans, la France a toujours construit sa politique spatiale dans un cadre élargi aux dimensions de l’Europe. Ainsi, en 1973, la mise en place du programme Ariane nous a prouvé combien une coopération enthousiaste et efficace en matière spatiale était susceptible de permettre à la France d’atteindre la première place dans le monde. Elle a aussi permis à l’Europe de faire entendre sa voix singulière. À la fois pacifique et attachée au progrès de l’humanité, l’Union européenne doit faire de l’espace un symbole de sa détermination à édifier un avenir commun, par la coopération entre les différents États. Elle en a les moyens ; il lui faut en avoir aussi la volonté et l’exigence.

C’est pourquoi, au mois de février dernier, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a insisté sur l’importance qu’il y avait à créer de véritables infrastructures européennes en matière spatiale.

Le présent projet de loi pose les fondations juridiques nécessaires pour permettre la France d’accueillir dans les meilleures conditions ces futures infrastructures européennes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’en suis convaincue, vous mesurez combien ce texte contribue à entretenir l’espoir que l’espace a fait naître et continue de faire naître pour de nombreuses générations, pour tous ceux qui ont assisté, émerveillés, aux incessants progrès de la conquête spatiale, pour tous ceux qui croient en l’avenir et en la science, pour tous ceux qui ont foi dans la France et dans l’Europe.

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