D’autre part, je sais gré à Pierre Lasbordes de m’avoir consulté sur chacun des projets d’amendements avant leur présentation en commission à l’Assemblée nationale, ce qui nous a permis d’avoir des échanges fructueux, notamment en tenant compte, madame la ministre, de l’avancement des projets de décret d’application en cours de rédaction. Ces futurs décrets conditionnent en effet pour beaucoup la portée de la loi puisqu’ils détermineront notamment les contrôles et les conditions d’obtention des autorisations et des licences. Nous en reparlerons à l’occasion de l’examen de l’amendement de notre collègue Daniel Raoul.
J’en viens maintenant brièvement à la présentation des amendements adoptés à l’Assemblée nationale. Je retiendrai principalement quatre modifications de fond par rapport au texte du Sénat.
La première modification porte sur les définitions des différentes phases d’une opération. Il s’est agi, d’une part, de préciser au 3° de l’article 1er que la phase de lancement prenait fin en principe lors de la séparation du lanceur et de l’objet destiné à être lancé.
D’autre part, il a été ajouté un 4° bis au même article 1er, afin de définir dans le texte la phase de maîtrise d’un objet spatial, c’est-à-dire essentiellement d’un satellite. Cette phase succède à la phase de lancement et se termine soit à la fin de la désorbitation de l’objet, soit en cas de perte de contrôle de l’objet, soit à l’occasion de son retour sur terre ou de sa désintégration complète dans l’atmosphère.
Ces précisions me semblent utiles, car il s’agit d’éléments essentiels dans la détermination de la responsabilité des différents acteurs, y compris de l’État, sachant que, comme le prévoit le 3° de l’article 1er, ces définitions peuvent toujours être adaptées par l’administration à l’occasion de la délivrance de l’autorisation, afin de tenir compte de la spécificité de certaines opérations.
La deuxième modification apportée par l’Assemblée nationale poursuit l’œuvre de simplification entreprise au Sénat. S’agissant de l’obligation d’assurance ou de garantie financière, l’Assemblée a complété le paragraphe I de l’article 6, afin de permettre qu’en dehors des phases de lancement ou de manœuvre de l’objet spatial l’opérateur puisse, comme c’est le cas actuellement, être son propre assureur.
Quant à la troisième modification, elle concerne la durée pendant laquelle l’opérateur est responsable des dommages du fait de l’opération. Il est ainsi rappelé que l’opérateur voit la responsabilité être « canalisée » sur lui, non seulement pendant l’opération, mais aussi en raison des conséquences d’un fait dommageable qui a pu survenir longtemps après l’opération. Un mauvais lancement ou une mauvaise mise en orbite peuvent en effet produire des dommages bien après leur survenance.
La commission des affaires économiques a jugé que cette modification était justifiée dès lors que la modification introduite à l’article 6 n’oblige plus les opérateurs à payer une prime d’assurance en permanence.
La dernière modification sera, je le pense, de nature à satisfaire nos collègues socialistes, qui s’étaient émus du positionnement du CNES par rapport au ministère.
Afin de lever toute ambiguïté quant aux pouvoirs de police du CNES à Kourou, l’Assemblée nationale a modifié le paragraphe 1 bis de l’article 21, afin de remplacer la formule : « le président du Centre national d’études spatiales peut […] recevoir délégation du ministre chargé de l’espace » par les mots : « le président du Centre national d’études spatiales peut, par délégation de l’autorité administrative, » prendre les mesures de sécurité.
Notre commission n’a pas vu d’obstacle à ce que cette précision soit apportée, d’autant qu’elle nous assure que le président du CNES pourra prendre toutes les mesures, y compris en cas d’urgence, y compris si un danger survenait, ou en cas de changement de ministre, pendant la période intermédiaire où l’autorisation précédente ne serait plus valable.
Dans le même esprit, et s’agissant cette fois des pouvoirs de contrôle technique du président du CNES, l’Assemblée a modifié le g) de l’article 28, afin de préciser que ceux-ci ne sont pas exercés à la demande du ministre chargé de l’espace, mais, de façon plus permanente, par délégation de celui-ci. Tout en confortant le CNES, qui est – je tiens à le dire – l’illustration de l’excellence spatiale française, la formule qui a été retenue ménage l’existence du ministre comme autorité d’appel, ce à quoi notre commission était particulièrement attachée.
Au terme de ses travaux, la commission des affaires économiques a estimé que ce qui devait être fait en termes d’enrichissement législatif l’a été et que l’attention doit maintenant se concentrer sur la finalisation des décrets. En effet, l’engagement avait été pris dans cet hémicycle par vous-même, madame la ministre, que la préparation des décrets d’application serait entreprise parallèlement à la navette législative, et je vous remercie d’avoir enclenché cette procédure. Je souhaiterais que vous puissiez nous dire où nous en sommes aujourd’hui, madame la ministre. Les opérateurs spatiaux, mais surtout les parlementaires qui ont travaillé sur ce texte, attendent vos précisions.
Je souhaiterais aussi, madame la ministre, vous faire part de mon regret de constater que la garantie, telle qu’elle est aujourd’hui proposée, bénéficie à tous les opérateurs français ou étrangers qui font envoyer un satellite depuis Kourou, alors qu’à l’inverse, lors de lancements menés depuis l’étranger, les opérateurs français sont soumis à un système d’autorisation français, ce qui n’est, bien sûr, pas le cas des opérateurs étrangers.