Intervention de Valérie Pécresse

Réunion du 22 mai 2008 à 15h00
Opérations spatiales — Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture

Valérie Pécresse, ministre :

Je n’aurai pas l’inélégance de me réfugier derrière le fait que ce texte a été élaboré et déposé sur le bureau de votre assemblée sous une précédente législature, avant que je ne prenne mes fonctions. Désormais, je le porte et je l’assume.

Dès que ce projet de loi a été inscrit à l’ordre du jour du Sénat, nous avons entamé ensemble une concertation approfondie avec tous les acteurs concernés, afin d’envisager les voies permettant d’aboutir à l’équilibre le plus satisfaisant. Sur ce point, notre coopération a été harmonieuse et fructueuse.

Par ailleurs, si, comme je le souhaite, la Haute Assemblée décidait, dans sa grande sagesse, d’adopter dès aujourd’hui ce texte sans modification, son application resterait encore suspendue à la publication des décrets. Vous savez toute l’attention que je porte à ce que les lois votées par le Parlement puissent être appliquées dans les meilleurs délais, conformément à la lettre et à l’esprit voulus par le législateur. C’est pourquoi, fidèle à cet objectif et à ma volonté de concertation, j’ai d’ores et déjà demandé à mes services de travailler sur les avant-projets de décret, parallèlement à la discussion du projet de loi et en liaison avec les partenaires concernés. Vous le savez, monsieur le rapporteur, pour avoir été destinataire de ces textes à tous les stades de leur rédaction.

Il va de soi que la loi définitivement adoptée, je demanderai immédiatement à ce que, après consultation de toutes les parties prenantes, la rédaction des textes d’application soit finalisée, et vous serez bien sûr associé à ce travail, monsieur le rapporteur.

Je vous rappelle que les trois avant-projets qui ont été rédigés sont relatifs aux autorisations, au pouvoir de police du CNES et à l’immatriculation des objets spatiaux, ainsi qu’à la surveillance des exploitants des données d’origine spatiale.

Vous m’avez également fait part de votre regret de constater que la garantie de l’État bénéficie à tous les opérateurs, français ou étrangers, qui envoient un satellite depuis Kourou, mais pas aux opérateurs français qui lancent un satellite depuis l’étranger, alors même qu’ils sont soumis à un régime d’autorisation.

Cette asymétrie – c’est ainsi que vous avez fort justement qualifié cette situation – repose sur un fondement et s’inscrit dans une logique très précise. De fait, le régime d’autorisation prévu par le projet de loi découle purement et simplement des obligations internationales de la France résultant de l’article VI du traité du 27 janvier 1967. En revanche, tel n’est pas le cas de la garantie de l’État, qui vise simplement à sécuriser l’indemnisation des victimes et l’activité économique en cas de dommages causés par un objet spatial. En conséquence, – vous en conviendrez avec moi – elle ne saurait s’appliquer à d’autres activités que celles qui sont menées depuis le territoire national ou, par extension, depuis l’espace économique européen. J’estime, en effet, qu’il ne revient pas au contribuable français de prendre à sa charge les risques financiers très lourds de dysfonctionnement d’un système qui contribuerait essentiellement à la prospérité d’États extra-européens.

De surcroît, et c’est un point très important, ces dispositions ne constituent pas pour les opérateurs une régression par rapport à la situation actuelle, pas plus qu’un facteur de perte de compétitivité des opérateurs français vis-à-vis de leurs concurrents.

D’un point de vue purement pratique, je vous précise enfin que plusieurs États offrent aux opérateurs français qui agissent depuis leur territoire une garantie de même nature que celle que notre pays propose, de telle sorte que, au-delà des principes que j’ai rappelés et qui justifient à eux seuls cette asymétrie, l’adoption d’une telle disposition serait en réalité de peu d’effet pour eux.

Monsieur Raoul, vous vous inquiétez du fait que la licence puisse valoir autorisation pour certaines opérations. Comme vous le souhaitez, je vais donc bien volontiers vous apporter un certain nombre de précisions à cet égard, d’autant que vous avez subordonné votre vote à ma réponse. §

Pour les opérations particulièrement dangereuses, comme des lancements, il n’est pas question de donner un total blanc-seing aux opérateurs. Je vous le garantis. En revanche, le maintien d’un satellite en orbite doit pouvoir faire l’objet d’une licence valant autorisation. De toute façon, une telle licence ne sera donnée qu’à des opérateurs bien connus, qui ont déjà fait la preuve de leur compétence et de leur professionnalisme. Il ne s’agit pas d’une simplification excessive, dans la mesure où l’autorité administrative pourra toujours retirer la licence, si l’opérateur ne se conforme pas à ses obligations.

Par ailleurs, sur le décret d’utilisation des images, vous avez souligné la nécessité de s’assurer de la bonne utilisation des données spatiales, en particulier eu égard au respect de la vie privée. Monsieur le sénateur, je partage tout à fait votre point de vue. Je peux vous assurer que je serai très attentive à ce sujet. D’ailleurs, dans le cadre de la concertation sur la rédaction des décrets, vous serez tenu informé de l’avancée des travaux et je serai heureuse d’entendre vos remarques sur ce point.

Quant à la compétitivité juridique, dont a parlé le rapporteur à l’Assemblée nationale, M. Lasbordes, il s’agissait, selon moi, de trouver un cadre juridique équilibré, n’imposant pas des contraintes administratives excessives pour les opérateurs.

Si des procédures de contrôle sont absolument nécessaires, dans la mesure où la responsabilité de l’État est en jeu, elles ne doivent pas conduire à d’inutiles tracasseries administratives. Je suis convaincue que la discussion parlementaire a permis de trouver ce subtil équilibre, même si nous avons eu une petite divergence d’appréciation sur ce point. La volonté des députés est toutefois claire. Il est possible aujourd’hui de considérer que le texte adopté par l’Assemblée nationale est équilibré.

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