Intervention de Gérard Larcher

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 22 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission sécurité - programme gendarmerie nationale - examen du rapport pour avis

Photo de Gérard LarcherGérard Larcher, rapporteur pour avis :

Mon collègue M. Michel Boutant et moi-même souhaiterions vous présenter le programme gendarmerie nationale pour 2012 en rappelant le contexte dans lequel il s'inscrit, cette présentation faisant suite à l'audition par notre commission du ministre de l'Intérieur, M. Claude Guéant, ainsi que du directeur général de la gendarmerie nationale, le général Jacques Mignaux.

Sans revenir en détail sur ce budget, je souhaiterais évoquer les principales évolutions de la gendarmerie nationale depuis son rattachement au ministère de l'intérieur en 2009, avant de vous faire part de deux interrogations, qui portent sur l'immobilier et sur le financement des opérations extérieures (OPEX).

La loi du 3 août 2009 a rattaché la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur, tout en garantissant le respect de son statut militaire, le ministre de l'intérieur étant désormais responsable de l'organisation de la gendarmerie, de sa gestion, de son emploi, et de l'infrastructure militaire qui lui est nécessaire ainsi que, en principe, de la gestion des ressources humaines.

Toutefois, la gendarmerie reste placée sous l'autorité du ministre de la défense pour l'exercice de ses missions militaires et en matière de discipline. Relèvent aussi de ce ministre les gendarmeries spécialisées que sont la gendarmerie de la sécurité des armements nucléaires, la gendarmerie maritime, la gendarmerie de l'air et la gendarmerie des transports aériens.

Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur a d'abord permis de développer les mutualisations et les synergies de moyens entre la police et la gendarmerie. Alors qu'il y a encore quelques années, les deux forces disposaient chacune de leurs propres systèmes de communication non connectés entre eux, police et gendarmerie ont engagé une mutualisation de leurs fichiers, et passent désormais des marchés communs pour l'achat de certains équipements.

La gendarmerie utilise aussi les ateliers de la police nationale pour la réparation de ses véhicules, et les gendarmes sont formés à la prévention ou au renseignement dans des centres de formation de la police, tandis que les moyens aériens et nautiques de la gendarmerie ont été mis à la disposition des deux forces.

En outre, la formation des motocyclistes, cavaliers, maîtres-chiens et plongeurs de la police est aujourd'hui assurée dans les centres spécialisés de la gendarmerie.

Quant à la formation initiale, creuset de l'identité militaire des gendarmes, elle reste naturellement distincte, ce qui me paraît très important.

Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur a également permis de renforcer la coopération opérationnelle entre la police et la gendarmerie, ce dans le prolongement de la création en 2003 des offices centraux et des groupes d'intervention régionaux (GIR), composés de policiers et de gendarmes. Des structures communes ont ainsi été mises en place dans le domaine des nouvelles technologies et des systèmes d'information, et la coopération entre la police et la gendarmerie est désormais devenue la règle en matière de maintien de l'ordre, de sécurité dans les transports ou encore de lutte contre l'insécurité routière.

Enfin, un nouveau dispositif, la coopération opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires (ou CORAT) a été mis en place, permettant à la police ou à la gendarmerie de faire appel aux renforts de l'une ou l'autre force en cas d'urgence. J'ai d'ailleurs pu en constater le fonctionnement très récemment dans mon propre département.

En définitive, comme l'ont souligné nos collègues, la sénatrice Mme Anne-Marie Escoffier et le député M. Alain Moyne-Bressand, dans leur rapport d'évaluation, « cette réforme s'est calmement, presque sereinement, mise en place ».

Après ce bilan plutôt positif, je voudrais vous faire part de deux interrogations qui sont toutes deux directement liées au statut militaire de la gendarmerie.

Ma première interrogation porte sur l'immobilier. Le parc immobilier de la gendarmerie comprend 77 400 logements, répartis entre 710 casernes domaniales et près de 3 300 casernes locatives représentant respectivement 42 et 42,5% des logements, le reste étant constitué par des logements hors caserne. L'état du parc domanial est préoccupant, l'âge moyen des logements étant de 38 ans, plus de 70 % des logements ayant plus de 25 ans. Cela nécessite la réalisation de travaux de réhabilitation importants et suivis.

Or, les investissements n'ayant pas été suffisants ces dernières années, on constate une certaine dégradation des conditions de vie des gendarmes et de leur famille, qui peut peser sur leur moral et leur manière de servir.

On estime donc que l'Etat devrait consacrer environ 160 millions d'euros par an, pendant plusieurs années, à la construction ou à la réhabilitation des casernes domaniales, car entre 2003 et 2008, seulement 122 millions d'euros en moyenne y ont été consacrés.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, il est prévu de consacrer d'une part, 52 millions d'euros à des opérations de maintenance lourde, ce qui permettra la réhabilitation de plus de 2 200 logements de gendarmes mobiles, et, d'autre part, 38 millions d'euros à des travaux d'entretien. Cependant, seulement 47 millions d'euros sont prévus pour la construction de nouvelles casernes auxquels s'ajoutent 15 millions d'euros de subventions aux collectivités locales pour la réhabilitation et la construction de casernes locatives.

Je considère donc qu'il sera indispensable, à l'avenir, d'engager un vaste programme pluriannuel de rénovation de l'immobilier de la gendarmerie.

Le second sujet que je souhaiterais aborder en particulier est celui du financement des opérations OPEX. Près de 420 gendarmes français participent actuellement à des opérations extérieures en Afghanistan, au Kosovo et en Haïti, sans oublier la Côte d'Ivoire,

Le contingent le plus nombreux intervient en Afghanistan, où plus de 200 gendarmes participent à des missions de formation de la police afghane, auprès des armées, en Kapisa et Surobi, mais aussi dans le Wardak. Son action est appréciée à la fois des autorités afghanes et par les autres armées.

Au moment où nous allons réduire notre présence, nous devrons veiller à ne pas laisser ces gendarmes en quelque sorte isolés ; il conviendra, dés lors, de reconsidérer la localisation des centres de formation en Afghanistan ou ailleurs.

En outre, ces OPEX posent des questions d'ordre budgétaire. En effet, le budget prévoit d'y affecter 15 millions d'euros alors que, chaque année, le coût de ces opérations est de l'ordre de 20 à 30 millions d'euros, et que, cette année, il devrait même dépasser 30 millions d'euros, dont 20 millions pour la seule mission en Afghanistan.

Je considère donc qu'il serait souhaitable à l'avenir de mieux évaluer le coût prévisible de ces OPEX et, en cas de dépassement, de les financer par la réserve interministérielle, à l'image de ce qui prévaut pour les autres armes, et non par un redéploiement au sein des crédits de la gendarmerie.

Ce point de vue correspond d'ailleurs à la réponse qui nous a été faite par le ministre de l'intérieur au cours de son audition. Je vous proposerai d'adopter un amendement en ce sens afin de conduire le Gouvernement à confirmer cet engagement.

En conclusion, je souhaiterais une nouvelle fois rendre hommage à la façon dont la gendarmerie a su s'adapter à une évolution très profonde, comme peu d'institutions peut-être auraient été capables de le faire, assurant ainsi le succès de la réforme de 2009.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion