Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 22 novembre 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission examine le rapport pour avis de MM. Michel Boutant et Gérard Larcher sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 : mission Sécurité (programme 152 « Gendarmerie nationale »).

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mon collègue M. Michel Boutant et moi-même souhaiterions vous présenter le programme gendarmerie nationale pour 2012 en rappelant le contexte dans lequel il s'inscrit, cette présentation faisant suite à l'audition par notre commission du ministre de l'Intérieur, M. Claude Guéant, ainsi que du directeur général de la gendarmerie nationale, le général Jacques Mignaux.

Sans revenir en détail sur ce budget, je souhaiterais évoquer les principales évolutions de la gendarmerie nationale depuis son rattachement au ministère de l'intérieur en 2009, avant de vous faire part de deux interrogations, qui portent sur l'immobilier et sur le financement des opérations extérieures (OPEX).

La loi du 3 août 2009 a rattaché la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur, tout en garantissant le respect de son statut militaire, le ministre de l'intérieur étant désormais responsable de l'organisation de la gendarmerie, de sa gestion, de son emploi, et de l'infrastructure militaire qui lui est nécessaire ainsi que, en principe, de la gestion des ressources humaines.

Toutefois, la gendarmerie reste placée sous l'autorité du ministre de la défense pour l'exercice de ses missions militaires et en matière de discipline. Relèvent aussi de ce ministre les gendarmeries spécialisées que sont la gendarmerie de la sécurité des armements nucléaires, la gendarmerie maritime, la gendarmerie de l'air et la gendarmerie des transports aériens.

Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur a d'abord permis de développer les mutualisations et les synergies de moyens entre la police et la gendarmerie. Alors qu'il y a encore quelques années, les deux forces disposaient chacune de leurs propres systèmes de communication non connectés entre eux, police et gendarmerie ont engagé une mutualisation de leurs fichiers, et passent désormais des marchés communs pour l'achat de certains équipements.

La gendarmerie utilise aussi les ateliers de la police nationale pour la réparation de ses véhicules, et les gendarmes sont formés à la prévention ou au renseignement dans des centres de formation de la police, tandis que les moyens aériens et nautiques de la gendarmerie ont été mis à la disposition des deux forces.

En outre, la formation des motocyclistes, cavaliers, maîtres-chiens et plongeurs de la police est aujourd'hui assurée dans les centres spécialisés de la gendarmerie.

Quant à la formation initiale, creuset de l'identité militaire des gendarmes, elle reste naturellement distincte, ce qui me paraît très important.

Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur a également permis de renforcer la coopération opérationnelle entre la police et la gendarmerie, ce dans le prolongement de la création en 2003 des offices centraux et des groupes d'intervention régionaux (GIR), composés de policiers et de gendarmes. Des structures communes ont ainsi été mises en place dans le domaine des nouvelles technologies et des systèmes d'information, et la coopération entre la police et la gendarmerie est désormais devenue la règle en matière de maintien de l'ordre, de sécurité dans les transports ou encore de lutte contre l'insécurité routière.

Enfin, un nouveau dispositif, la coopération opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires (ou CORAT) a été mis en place, permettant à la police ou à la gendarmerie de faire appel aux renforts de l'une ou l'autre force en cas d'urgence. J'ai d'ailleurs pu en constater le fonctionnement très récemment dans mon propre département.

En définitive, comme l'ont souligné nos collègues, la sénatrice Mme Anne-Marie Escoffier et le député M. Alain Moyne-Bressand, dans leur rapport d'évaluation, « cette réforme s'est calmement, presque sereinement, mise en place ».

Après ce bilan plutôt positif, je voudrais vous faire part de deux interrogations qui sont toutes deux directement liées au statut militaire de la gendarmerie.

Ma première interrogation porte sur l'immobilier. Le parc immobilier de la gendarmerie comprend 77 400 logements, répartis entre 710 casernes domaniales et près de 3 300 casernes locatives représentant respectivement 42 et 42,5% des logements, le reste étant constitué par des logements hors caserne. L'état du parc domanial est préoccupant, l'âge moyen des logements étant de 38 ans, plus de 70 % des logements ayant plus de 25 ans. Cela nécessite la réalisation de travaux de réhabilitation importants et suivis.

Or, les investissements n'ayant pas été suffisants ces dernières années, on constate une certaine dégradation des conditions de vie des gendarmes et de leur famille, qui peut peser sur leur moral et leur manière de servir.

On estime donc que l'Etat devrait consacrer environ 160 millions d'euros par an, pendant plusieurs années, à la construction ou à la réhabilitation des casernes domaniales, car entre 2003 et 2008, seulement 122 millions d'euros en moyenne y ont été consacrés.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, il est prévu de consacrer d'une part, 52 millions d'euros à des opérations de maintenance lourde, ce qui permettra la réhabilitation de plus de 2 200 logements de gendarmes mobiles, et, d'autre part, 38 millions d'euros à des travaux d'entretien. Cependant, seulement 47 millions d'euros sont prévus pour la construction de nouvelles casernes auxquels s'ajoutent 15 millions d'euros de subventions aux collectivités locales pour la réhabilitation et la construction de casernes locatives.

Je considère donc qu'il sera indispensable, à l'avenir, d'engager un vaste programme pluriannuel de rénovation de l'immobilier de la gendarmerie.

Le second sujet que je souhaiterais aborder en particulier est celui du financement des opérations OPEX. Près de 420 gendarmes français participent actuellement à des opérations extérieures en Afghanistan, au Kosovo et en Haïti, sans oublier la Côte d'Ivoire,

Le contingent le plus nombreux intervient en Afghanistan, où plus de 200 gendarmes participent à des missions de formation de la police afghane, auprès des armées, en Kapisa et Surobi, mais aussi dans le Wardak. Son action est appréciée à la fois des autorités afghanes et par les autres armées.

Au moment où nous allons réduire notre présence, nous devrons veiller à ne pas laisser ces gendarmes en quelque sorte isolés ; il conviendra, dés lors, de reconsidérer la localisation des centres de formation en Afghanistan ou ailleurs.

En outre, ces OPEX posent des questions d'ordre budgétaire. En effet, le budget prévoit d'y affecter 15 millions d'euros alors que, chaque année, le coût de ces opérations est de l'ordre de 20 à 30 millions d'euros, et que, cette année, il devrait même dépasser 30 millions d'euros, dont 20 millions pour la seule mission en Afghanistan.

Je considère donc qu'il serait souhaitable à l'avenir de mieux évaluer le coût prévisible de ces OPEX et, en cas de dépassement, de les financer par la réserve interministérielle, à l'image de ce qui prévaut pour les autres armes, et non par un redéploiement au sein des crédits de la gendarmerie.

Ce point de vue correspond d'ailleurs à la réponse qui nous a été faite par le ministre de l'intérieur au cours de son audition. Je vous proposerai d'adopter un amendement en ce sens afin de conduire le Gouvernement à confirmer cet engagement.

En conclusion, je souhaiterais une nouvelle fois rendre hommage à la façon dont la gendarmerie a su s'adapter à une évolution très profonde, comme peu d'institutions peut-être auraient été capables de le faire, assurant ainsi le succès de la réforme de 2009.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Boutant

Je rappelle que l'enveloppe globale des crédits de la gendarmerie nationale augmente légèrement en 2012, passant de 7,766 à 7,892 milliards d'euros en autorisations d'engagement, et de 7,7 à 7,8 milliards d'euros en crédits de paiement, soit respectivement une hausse de 2,9 % et de 1,7%.

Toutefois, les crédits de la gendarmerie pour 2012, hors pensions, diminuent de 0,7 %, ce qui est préoccupant, surtout si l'on y ajoute les interrogations sur les financements des OPEX évoquées par M. Gérard Larcher.

Les dépenses de personnel qui s'élèvent à 6,6 milliards d'euros représentent 85 % des crédits de la gendarmerie, soit une augmentation de 2,5 % par rapport à 2011. Cette augmentation étant uniquement imputable à la hausse des pensions, les crédits de rémunération connaissent en fait une légère baisse de 0,06 %. Je ne suis pas sûr toutefois que cette diminution corresponde au niveau attendu par l'application, dans le cadre de la RGPP, de la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Les crédits disponibles garantiront la poursuite des mesures de revalorisation, notamment le règlement de la dernière annuité du plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (le PAGRE rénové) à hauteur de 23 millions d'euros, ce plan visant une parité globale des traitements et des carrières entres gendarmes et policiers, conformément à l'engagement pris par le président de la République.

On peut d'ailleurs se demander s'il ne vise pas aussi à préparer l'intégration future des deux forces au sein d'un éventuel système de sécurité unifié. Certains sans doute y songent.

Les dépenses de fonctionnement courant s'élèvent à 946 millions d'euros en 2012, soit une baisse de 2,1 % par rapport à 2011 qui n'est qu'apparente, puisqu'elle s'explique par un transfert de 25 millions d'euros de dépenses d'habillement vers les crédits d'investissement. A périmètre constant, les crédits de fonctionnement augmentent ainsi de 4,8 millions d'euros, en euros courants, soit une hausse de 0,5 % due aux dépenses de loyers.

En effet, à l'image des années précédentes, on observe une hausse des loyers, qui devraient s'élever à 441 millions d'euros en 2012 contre 435 millions d'euros en 2011.

Les autres postes budgétaires ont vu leur dotation reconduite en 2012. Cela concerne notamment les crédits consacrés à l'alimentation pour 61 millions d'euros, aux mutations pour 46,5 millions d'euros, à l'entretien du matériel et au carburant pour plus de 100 millions d'euros.

Mais, malgré la sanctuarisation des dépenses de fonctionnement, la capacité opérationnelle des unités risque d'être tendue en 2012.

Par exemple, comme le général Jacques Mignaux nous l'a indiqué lors de son audition, une hausse du coût du litre d'essence de 10 centimes se traduit par une dépense supplémentaire de 5 millions d'euros pour la gendarmerie.

Compte tenu de l'augmentation des dépenses de personnel et de la sanctuarisation des dépenses de fonctionnement, la réduction du budget porte, cette année encore, principalement sur les investissements.

Le président M. Gérard Larcher vous ayant fait part de ses interrogations, que je partage, concernant l'immobilier de la gendarmerie nationale et la sous-dotation des opérations extérieures, je voudrais, pour ma part, vous faire part de mes préoccupations.

Ces dernières portent en particulier sur trois sujets : d'une part, la diminution des effectifs de la gendarmerie et son impact sur le maillage du territoire assuré par les brigades territoriales ; d'autre part, sur la réserve de la gendarmerie, et, enfin, la forte baisse des crédits d'investissement et ses conséquences sur le renouvellement des équipements.

Ma première préoccupation tient à la forte baisse des effectifs de la gendarmerie en 2012. Après une suppression de 4 500 emplois entre 2008 et 2011, en application de la règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, ce sont à nouveau 1 185 postes qui devraient être supprimés dans la gendarmerie en 2012.

Rappelons que, dans le cadre de la loi LOPSI, qui avait fixé à 7 000 emplois les renforts nécessaires à la gendarmerie, celle-ci s'était vu doter de 6 050 emplois sur la période 2003-2007. Mais cette règle de non-remplacement devrait se traduire, à l'inverse, par la suppression de plus de 6 500 postes entre 2008 et 2012. Au total, le plafond d'emploi, qui était de 101 000 en 2008, devrait ainsi passer à 95 900 en 2012.

Vous me permettrez d'ailleurs de faire observer qu'au moment même où les effectifs de la Gendarmerie et la Police nationales connaissent de telles diminutions, ceux de la police municipale sont passés de 14 300 à 19 370 au cours de ces dernières années.

Lorsque l'on répète à l'envi que les collectivités locales recrutent trop, n'oublions pas que c'est aussi pour compenser le retrait de l'Etat en matière de sécurité.

Même si le ministre de l'intérieur et le directeur général de la gendarmerie nationale se sont engagés à ne pas remettre en cause la capacité opérationnelle de la gendarmerie et la densité de son maillage territorial, je suis néanmoins préoccupé par cette forte baisse des effectifs de la gendarmerie, et par ses conséquences sur les brigades territoriales.

Comme nous l'a indiqué le directeur général lors de son audition, après avoir supprimé de nombreux postes au sein des écoles - dont la moitié ont été fermées -, des services de soutien, des états-majors et, après la suppression de quinze escadrons de gendarmerie mobile, la gendarmerie est, selon les termes mêmes du général Mignaux, aujourd'hui « à l'os ».

Au rythme actuel, il ne fait pas de doute que les diminutions d'effectifs toucheront de plus en plus les brigades territoriales, comme je peux d'ailleurs déjà le constater dans mon département, où l'on procède désormais à une suppression d'une brigade par an.

Ma deuxième préoccupation concerne les réservistes de la gendarmerie nationale. La réserve opérationnelle de la gendarmerie compte aujourd'hui un vivier d'environ 25 000 réservistes, servant en moyenne 17 jours par an. Il s'agit souvent de jeunes, qui apportent un renfort indispensable aux unités, notamment pour faire face aux pics d'activité de la période estivale ou lors de grands événements, à l'image du récent sommet du G20 à Cannes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Boutant

Or, avec une dotation destinée à la réserve opérationnelle de 44 millions d'euros en 2012, soit une hausse de 2 millions d'euros par rapport à 2011, l'objectif de parvenir à une réserve opérationnelle d'environ 40 000 réservistes en 2012 paraît désormais hors d'atteinte budgétaire.

Enfin, ma dernière préoccupation porte sur la forte baisse des crédits d'investissement de la gendarmerie nationale, qui avaient déjà enregistré une baisse de 13 % l'an dernier. La contraction prévue pour 2012 sera de 5 %, les 160 millions et 122 millions d'euros respectivement disponibles en autorisation de programme et en crédits de paiement ne permettant pas de lancer de grands programmes tels que le renouvellement des hélicoptères ou des véhicules blindés.

Concernant les hélicoptères, je rappelle que la gendarmerie nationale dispose actuellement d'un parc de 56 appareils, qui se répartissent entre 29 Écureuil et 27 nouveaux modèles, dont 12 EC 135 et 15 EC 145. Je précise que ceux-ci sont désormais mis à disposition de la police dans le cadre de la mutualisation des moyens entre la police et la gendarmerie ; les hélicoptères de la gendarmerie sont mis à disposition de la police nationale, évitant ainsi à cette dernière l'acquisition de matériels coûteux en doublon.

Le renouvellement par de nouveaux modèles des 29 appareils de type Ecureuil, qui datent des années 1970, s'impose au regard de la nouvelle réglementation européenne qui interdit le survol des zones d'habitation par des appareils mono-turbines.

Toutefois, en raison de la baisse des investissements, la gendarmerie nationale a été contrainte de différer le renouvellement de ses hélicoptères ; en 2012, seuls trois appareils supplémentaires seront commandés.

De même, le renouvellement des véhicules blindés à roue de la gendarmerie mobile a dû être une nouvelle fois différé, faute de financement suffisant.

Or, le taux de disponibilité des véhicules blindés, en service dans la gendarmerie depuis 1974, est préoccupant puisqu'il est de l'ordre de 40 %, ce qui conduit à devoir assurer le maintien en condition opérationnelle de ces matériels en prélevant des pièces détachées sur les appareils hors d'usage, pour permettre de disposer de 80 véhicules blindés sur un total de 130. Or, les véhicules blindés sont indispensables en cas de crise grave

En conclusion et compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je vous propose d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « Gendarmerie nationale».

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Avant d'exprimer mon avis sur les crédits du programme, je souhaiterais faire état de deux préoccupations complémentaires. La première porte, plus que sur l'évolution de l'effectif global, sur le fait que, pour des raisons budgétaires, la scolarité des élèves-gendarmes débute en fin d'année. La concomitance de ces départs en école avec les départs en retraite, qui interviennent souvent à la même période, provoque des sous-effectifs. Je voudrais rappeler qu'en 1989-1990, alors que Jean-Pierre Chevènement était ministre de la défense, ce type de difficultés avait donné lieu à une levée de boucliers et que cela s'est d'ailleurs reproduit dix ans plus tard avec Alain Richard. Dans le cadre des prochains budgets, il faudrait qu'une attention soit portée sur le cadencement des incorporations dans les écoles de manière à lisser les recrutements tout au long de l'année.

Ma seconde préoccupation concerne les véhicules. La gendarmerie utilisant environ 30 000 véhicules dont la durée moyenne d'usage est de 8 ans, il faut donc en commander 3 000 par an si l'on veut assurer un renouvellement du parc. Or cette année, ce sont au maximum 2 200 véhicules qui seront livrés, et 850 commandés pour être livrés en 2013, ce qui risque d'affecter directement les conditions quotidiennes d'intervention des gendarmes.

Néanmoins, dans le contexte budgétaire que nous connaissons, et sous réserve de l'amendement sur les OPEX visant à en assurer le financement du surcoût par la réserve interministérielle, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits du programme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Ma première remarque concerne les effectifs. Je constate la diminution très importante de la présence des gendarmes sur le terrain, pas seulement depuis deux ans, mais plutôt depuis dix ans. J'estime que ce problème d'effectifs se double d'un problème de fonctionnement lorsque, du fait du regroupement des brigades, on nous indique qu'il faut se rendre à 25 kilomètres pour qu'un petit accident soit pris en charge.

Nous sommes en train de perdre une sorte de police de proximité rurale dont la présence était rassurante pour les habitants des campagnes. La spécificité de la gendarmerie se perd aussi dans ce qu'on appelle les zones « périurbaines », c'est-à-dire les zones habitées par des citadins venus s'installer à la campagne. Eloignés des villes, ces territoires ne sont plus couverts par la police, mais ils ne le sont pas non plus vraiment par la gendarmerie. Nous allons au devant de problèmes. En témoigne le fait que les vols à domicile diminuent dans les centres villes alors qu'ils augmentent dans ces zones « rurbaines ». Cela mériterait en tout cas d'être étudié.

Ma deuxième question porte sur l'immobilier. Les crédits de rénovation des casernements étant insuffisants, il serait intéressant de réfléchir sur la façon dont les collectivités pourraient apporter leurs contributions. Beaucoup sont prêtes à investir si les loyers versés en retour suffisent à couvrir les remboursements d'emprunts amortis sur 20 ou 25 ans. Il faudrait pouvoir comparer cette solution avec celle des partenariats public-privé. Je ne doute pas une seconde du résultat d'une telle comparaison !

Pour les collectivités, ces financements locatifs me semblent être l'option la plus raisonnable. Il serait intéressant de l'étudier à l'occasion du budget de l'an prochain.

Le groupe socialiste et le groupe CRC votant contre, le groupe UMP et le groupe UCR votant pour, la commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme n°152 « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurité ».

La commission adopte à l'unanimité l'amendement déposé par M. Gérard Larcher visant à insérer un article additionnel après l'article 60 ter relatif au financement par la réserve interministérielle des surcoûts des OPEX pour la gendarmerie.

La commission examine le rapport pour avis de MM. Alain Néri et Raymond Couderc sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 : mission Immigration, asile et intégration (programme 303 « exercice du droit d'asile »).

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Couderc

Monsieur le Président, mes chers Collègues, la mission « Immigration, asile et intégration » a été créée en 2007 et comprend deux programmes : le programme 303 porte sur « l'immigration et l'asile », le programme 104 sur « l'intégration et l'accès à la nationalité française ». Depuis cette création, votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées se saisit pour avis sur le programme 303. Seule l'action 2 « garantie de l'exercice du droit d'asile » fait l'objet d'un examen par la commission.

Cette action a pour objectif de garantir aux demandeurs d'asile un traitement optimal de leur demande, ainsi qu'une bonne prise en charge en termes de conditions matérielles d'accueil et d'accès aux soins pendant la durée d'instruction de leur demande.

L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis, en cas de recours, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) qui relève du programme Conseil d'État et autres juridictions administratives, instruisent les demandes d'asile.

Depuis 2007, les crédits de la mission Immigration, asile et intégration relevaient du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Ce pilotage au sein d'un ministère unique, procédure inédite, devait permettre de simplifier le parcours d'un demandeur d'asile en centralisant l'ensemble des services dédiés à l'immigration en France. Après la suppression de ce ministère par décret du 14 novembre 2010, la politique de l'immigration a été rattachée au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. La configuration des services a été maintenue intacte et la maquette budgétaire préservée.

J'en viens aux dispositions du projet de loi de finances. Le programme 303 concentre la majorité des crédits dévolus à la mission Immigration, asile et intégration, soit 87,5% des crédits totaux. Les autorisations d'engagement (553 millions d'euros en 2012 contre 490 millions en 2011, soit + 12,78 %) ainsi que les crédits de paiement (560 millions d'euros en 2012 contre 488 millions en 2011, soit +14,67 %), sont en progression.

Au sein du programme 303, c'est l'action 2 « garantie de l'exercice du droit d'asile » qui concentre l'essentiel des dotations, puisqu'elle représente 73,86 % des autorisations d'engagement demandées pour 2012. Cette action passe d'une dotation de 327,75 millions d'euros en 2011 à 408,91 millions en 2012, soit une hausse de 24,76 %.

L'action a pour objet d'assurer l'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile en cours de procédure qui le demandent. Cette prise en charge intervient sous la forme soit d'un hébergement accompagné en centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA), soit du versement d'une prestation financière, l'allocation temporaire d'attente (ATA), qui peut être associée à un hébergement d'urgence. C'est ce domaine de l'accueil qui voit ses dotations augmenter.

Tout d'abord concernant l'hébergement d'urgence, depuis plusieurs années les dépenses engagées sont largement supérieures aux crédits votés en loi de finances initiale. Ainsi en 2011, 40 millions d'euros ont été engagés, puis 50 millions d'euros supplémentaires ont été ouverts par la loi de finances rectificative de juillet 2011 afin de pouvoir faire face aux dépenses, qui devraient atteindre environ 125 millions d'euros sur l'ensemble de l'année.

Tirant les conséquences de cette sous-budgétisation initiale, les crédits engagés pour l'hébergement d'urgence 2012 sont en forte croissance, avec une enveloppe de 90,9 millions d'euros. Concrètement, ce sont plus de 9 000 places supplémentaires qui pourront ainsi être financées.

Ensuite concernant l'allocation temporaire d'attente, le constat depuis quelques années est le même : une sous-budgétisation initiale et des dépenses qui explosent en cours d'année. Ainsi en 2011, 54 millions d'euros avaient été engagés en loi de finances initiale, mais ce sont près de 151 millions qui devraient être consommés.

Tout comme pour l'hébergement d'urgence, les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2012 au titre de l'ATA sont en forte augmentation puisque l'enveloppe s'établira à 89,65 millions d'euros en 2012. Ce sont donc plus de 21 000 bénéficiaires qui devraient toucher l'ATA en 2012.

En conclusion, nous dirons qu'il s'agit certainement du programme dont il est le plus facile de défendre le budget. Certes, on a l'impression que la cible s'éloigne au fur et à mesure que l'on s'en rapproche et que les efforts très importants qui sont faits ne suffisent pas à faire face à l'évolution de la situation : l'accroissement du nombre de candidats à l'asile pourrait faire oublier que les budgets qui sont consacrés à ce programme sont en forte augmentation. Cependant, c'est tout à l'honneur de la France d'augmenter ainsi ses efforts pour respecter sa tradition d'accueil et je vous propose d'adopter les crédits du programme 303.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je voudrais rapidement dresser un panorama de la demande d'asile. La France est le deuxième pays mondial destinataire de demandes d'asile, derrière les États-Unis. En 2010, ce sont plus de 52 000 demandes qui ont été enregistrées auprès de l'OFPRA, en hausse de 14 % par rapport à l'année précédente.

Le nombre de demandes déposées est estimé à 23 406 au premier semestre 2011 par le ministère de l'intérieur, soit une progression de 14,1 % par rapport à la même période en 2010. En 2010, le premier pays de provenance des demandeurs d'asile est le Kosovo (3 267 premières demandes) devant le Bangladesh (3 061 premières demandes).

Si la tendance observée au cours du premier semestre 2011 se maintient, le nombre de demandes de protection internationale (mineurs accompagnants compris) pourrait s'élever à 58 000 en 2011 et 64 000 en 2012.

Or, cette augmentation continue pose des problèmes en matière de traitement des dossiers. A l'OFPRA, le délai d'examen d'une demande d'asile, indicateur essentiel du programme, est en constante augmentation depuis quelques années pour atteindre un pic prévisionnel de 150 jours en 2011. Un recrutement de 30 personnes a été réalisé, mais l'impact sur le délai de traitement des dossiers a été quasi-nul du fait de l'augmentation parallèle du nombre de demandes.

Ce problème a des conséquences autant en termes humains que sur le plan financier. Sur le plan humain, il est impensable de laisser un demandeur d'asile dans l'incertitude pendant aussi longtemps, délai d'autant plus allongé si la réponse s'avère négative et est suivie par un recours auprès de la CNDA. Sur le plan financier, un tel délai a un coût et des conséquences non négligeables sur les finances publiques.

M. Claude Guéant avait indiqué lors de son audition devant la commission que les effectifs de l'OFPRA seraient consolidés et que 15 nouveaux emplois, gagés sur les effectifs du ministère de l'intérieur, seraient ouverts en 2012. Ceci devrait permettre de réduire le délai global de traitement des dossiers de moitié. Nous resterons extrêmement vigilants sur ce point.

La deuxième limite, qui se place dans la continuité de la première, est le cas de la CNDA. Deuxième étape d'un demandeur d'asile qui voit sa demande refusée par l'OFPRA, la CNDA est confrontée aux mêmes problèmes, puisque le nombre de recours déposés auprès d'elle est à la hausse, +10 % entre 2009 et 2010. Au premier semestre 2011, ce sont plus de 15 000 recours qui ont été déposés par les demandeurs d'asile.

Cette croissance des entrées a rapidement impacté les délais de jugement. Le délai moyen prévisible de jugement a dépassé 15 mois fin 2009, contre un peu plus de 10 mois fin 2008.

Afin de répondre à cette hausse parallèle des recours et des délais, un plan d'action a été mis en place par le Conseil d'État. Ce plan de recrutement a porté prioritairement sur des emplois de rapporteurs (en charge de l'instruction des recours), passés de 70 fin 2009 à 95 fin 2010 et à 135 fin 2011. L'augmentation des recrutements devrait ainsi permettre de juger 38 000 affaires en 2011 (contre 24 000 en 2010) et 47 000 fin 2012, et d'atteindre un délai prévisible moyen de jugement de 9 mois fin 2011 et de 6 mois fin 2012.

Enfin, la troisième et dernière limite que je souhaite souligner est celle de l'hébergement des demandeurs d'asile. Les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) ont une capacité de 21 410 places en 2011, nombre en progression, mais qui ne suffit pas à couvrir le besoin réel. D'autres solutions doivent être trouvées, qui prennent la forme d'hébergement d'urgence ou d'ATA, dépenses qui explosent comme mon collègue l'a souligné.

A cela s'ajoute le problème de la répartition géographique des demandeurs d'asile sur le territoire français. Des situations très différentes entre les communes sont constatées, certaines supportant la charge plus que d'autres.

C'est pourquoi une circulaire relative au pilotage du dispositif d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile a été publiée le 24 mai 2011, afin d'homogénéiser les pratiques, organiser la répartition des demandeurs d'asile et rationaliser les dépenses. Un suivi précis et trimestriel de l'activité d'hébergement d'urgence est ainsi mis en oeuvre au plan régional. Encore une fois, vos rapporteurs resteront très attentifs sur cette question.

En conclusion, le constat est simple, on ne peut que saluer l'augmentation de l'enveloppe budgétaire affectée au programme 303 et surtout à son action 2. Cependant, force est de constater aussi que les crédits inscrits restent notoirement insuffisants pour apporter une réponse positive aux dossiers prioritaires que sont :

- les délais trop longs de l'instruction des dossiers de demandeurs d'asile qui varient de 130 à 150 jours à l'OFPRA pour atteindre 2 ans s'il y a un recours au CNDA. Laisser un demandeur d'asile aussi longtemps dans l'incertitude est inhumain. Malheureusement, le stock des dossiers est toujours plus important à l'OFPRA.

- l'hébergement en CADA (Centre d'Accueil des Demandeurs d'Asile), qui ne couvre pas les besoins réels. Les hébergements d'urgence se multiplient, posant de graves problèmes financiers à certaines communes et aux départements. L'ATA (Allocation Temporaire d'Attente) reste sous-budgétisée comme c'est le cas depuis plusieurs années.

Aussi, je vous propose de rejeter le projet de budget de la mission « immigration et droit d'asile ».

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Le délai de réponse de 120 jours peut paraître long, mais nous sommes dans les normes européennes qui donnent 180 jours. Pour réduire ce délai, il faudrait un texte. Est-on en mesure de le produire ? Envisagez-vous de déposer un amendement à ce sujet ?

Mon autre question concerne les motifs des demandeurs d'asile. Une partie d'entre eux sont des demandeurs d'asile économique, donc non recevables à ce statut. Cela pose notamment des problèmes aux demandeurs d'asile légitimes, et pèse sur les finances publiques.

Donc si l'augmentation de ce budget est une bonne nouvelle, il faudra tout de même être très vigilant quant à la manière dont il sera utilisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Avant de laisser la parole à nos deux rapporteurs, je voudrais juste préciser que le délai n'est pas de 120 jours mais 150 jours. Ce délai est une constatation et n'est pas fixé légalement, il n'y a donc pas d'amendement à produire ou de texte à voter pour le changer. C'est uniquement fonction du nombre de fonctionnaires afin de permettre une contraction du délai, donc d'une volonté politique à faire face à ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Couderc

L'objectif à 115 jours est un objectif à l'horizon 2013.

Pour ce qui est de l'origine des demandeurs d'asile, il est vrai qu'il faut rester vigilant afin que cette demande ne soit pas galvaudée.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Même si l'Union européenne fixe des normes, il n'est pas exclu que nous puissions faire mieux. C'est même préférable. Les délais constatés sont trop importants et ne permettent pas un traitement humain des dossiers.

D'autre part, si on veut un budget sincère, il faut que les crédits inscrits correspondent aux besoins que l'on a à traiter. Il est légitime que des crédits supplémentaires soient affectés, personne ne conteste cet effort, mais il reste néanmoins insuffisant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Je consulte la commission sur l'avis que nous devons émettre.

Par dix-neuf voix contre (SOC et CRC), dix-sept pour (UMP et UCR) et aucune abstention, la commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission Immigration, asile et intégration (programme 303).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Je souhaite rappeler que notre commission travaille depuis 4 ans en « binômes » majorité-opposition pour le suivi et le contrôle des budgets dont nous avons la charge. En octobre dernier, nous avons généralisé cette pratique à l'ensemble de nos avis budgétaires.

Cette règle suppose que les co-rapporteurs se mettent d'accord sur un tronc commun du rapport, lequel n'empêche pas une expression singulière de leur opinion, reflétant leurs divergences éventuelles. Dans ce cas, nous pouvons reporter en annexe cette expression. Ceci permet de ne pas remettre en cause le fonctionnement en binôme auquel je suis, et je crois pouvoir le dire, nous sommes attachés.