Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Bruno Retailleau sur le projet de loi n°145 (2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
a tout d'abord rappelé que la commission des affaires culturelles était saisie au fond sur ce texte, la commission des affaires économiques étant saisie pour avis sur les points relevant de sa compétence, concernant notamment les communications électroniques, la couverture numérique du territoire, et la régulation de l'internet.
Présentant l'économie générale du texte, M. Bruno Retailleau a considéré que les mutations profondes que traverse le monde de l'audiovisuel rendaient nécessaire la mise en oeuvre de cette réforme. L'exception culturelle s'est en effet fondée sur le rôle central de la télévision, l'Etat soumettant l'usage gratuit du domaine public hertzien au respect d'obligations de production et de contribution au financement de la création. Or le secteur affronte aujourd'hui un choc technologique, un choc des usages et un choc économique. Sur le plan technologique, la diffusion des images, loin de se limiter à la télévision hertzienne, emprunte désormais de nouveaux canaux tels que la télévision par satellite, par le câble, mais également l'internet et le téléphone mobile. En matière d'usages, la télévision est de moins en moins familiale et sédentaire : la moitié des foyers français disposent aujourd'hui d'au moins deux téléviseurs, tandis que les récepteurs deviennent mobiles avec les téléphones de troisième génération (3G). Les usagers ne se contentent plus de regarder des émissions de télévision à l'heure définie pour tous dans une grille unique, mais composent eux-mêmes leur programme avec les systèmes de télévision à la demande, voire produisent et diffusent leurs propres contenus vidéo sur internet. Dans ce nouveau contexte, le choc économique se traduit, par une segmentation du marché publicitaire entre plusieurs centaines de canaux, contre deux ou trois chaînes autrefois : ainsi, l'audience des nouvelles chaînes gratuites de la télévision numérique terrestre (TNT) a doublé en un an et les grandes chaînes historiques ont perdu presque un quart de leur audience en quelques années. Or, une baisse des recettes publicitaires représente une menace pour le financement de la création, ce qui ne peut laisser personne indifférent.
S'agissant du financement du service public audiovisuel, M. Bruno Retailleau a indiqué qu'il était assuré jusqu'à présent pour deux tiers par la redevance et pour un tiers par la publicité. Le conseil d'administration de France Télévisions a décidé de supprimer progressivement la publicité à partir du 5 janvier 2009. Cette suppression pourrait devenir totale à la fin de l'année 2011, qui verra également le basculement vers la TNT dont les coûts de diffusion sont très inférieurs à ceux de la télévision analogique (une fréquence transportant six chaînes en numérique contre une seule en analogique), ce qui permettra à France Télévisions d'économiser 150 à 200 millions d'euros de coûts de diffusion.
a approuvé l'indexation de la redevance sur l'évolution de l'indice des prix à la consommation, qui lui donnera une dynamique, alors que la redevance, gelée depuis 2002, ne représente que la moitié de la redevance allemande ou britannique. En revanche, il s'est montré réservé, à titre personnel, sur l'instauration d'une taxe de 0,9 % sur les opérateurs de communications électroniques, dont le modèle économique est étranger à la suppression de la publicité sur France Télévisions ; cette taxe étant préjudiciable aux investissements numériques, vecteur de croissance pour demain, et assise sur une assiette sans lien avec la diffusion des images puisque le chiffre d'affaires de la distribution de télévision par ADSL est sorti de l'assiette taxable. Il a proposé à la commission d'exonérer du paiement de cette taxe les opérateurs détenant une part de marché inférieure ou égale à 3 % afin d'épargner les opérateurs mobiles virtuels (MVNO), aiguillon concurrentiel, ainsi que les opérateurs installés dans des départements d'outre-mer, ceux-ci n'étant pas concernés par la suppression de la publicité sur les chaînes de France Télévisions puisque RFO, qui y est diffusée, restera financée par la publicité.
a également mis en garde contre l'éventualité d'une surcompensation du manque à gagner pour France Télévisions, s'en tenant aux 450 millions d'euros estimés par la commission présidée par M. Jean-François Copé, mais relevant qu'un cabinet indépendant - A.T. Kearney - l'évalue à 215 millions d'euros. De ce fait, il a approuvé certaines modifications que souhaitait proposer la commission des affaires culturelles, tendant, d'une part, à ce que le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) transmette chaque année au Parlement un rapport relatif au financement du secteur public de l'audiovisuel, et, d'autre part, à instituer un comité de suivi chargé d'évaluer chaque année les modalités de financement de France Télévisions, au vu de l'indexation de la redevance arrondie à l'euro supérieur.
S'agissant des services de médias audiovisuels à la demande (SMAd), M. Bruno Retailleau a approuvé la distinction établie entre le domaine de l'audiovisuel et celui de l'internet par la directive 2007/65 relative aux services de médias audiovisuels, estimant souhaitable de transposer celle-ci le plus fidèlement possible.
Rappelant que l'Assemblée nationale avait adopté un amendement visant à donner au CSA un rôle de contrôle de la publicité sur internet afin d'assurer la protection des mineurs, il a jugé qu'il s'agissait d'une mauvaise réponse à une bonne question. Il a considéré que, d'une part, cela créait une confusion entre le CSA et l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) et que, d'autre part, le CSA n'avait pas les moyens de surveiller tous les contenus vidéo publiés sur internet. Il a proposé de favoriser sur ce sujet un mode de co-régulation entre les pouvoirs publics, les hébergeurs et la société civile en donnant une base législative à un organisme qui en serait chargé, conformément au projet annoncé par M. Eric Besson, secrétaire d'Etat chargé du développement de l'économie numérique.
a terminé son exposé par les trois points suivants :
- évoquant la possibilité offerte par l'Assemblée nationale aux collectivités territoriales d'établir et d'exploiter elles-mêmes des réémetteurs de télévision, il a jugé souhaitable de confier au CSA un rôle de conseil permettant aux collectivités de déterminer s'il s'agit bien pour elles de la meilleure solution technique et financière pour étendre la couverture de télévision numérique sur leur territoire, alors que le recours au satellite est peu coûteux ;
- sur le projet des députés d'interdire la pratique consistant pour un opérateur à ne proposer qu'à ses seuls abonnés les chaînes de télévision qu'il édite, il a proposé d'attendre que le Conseil de la concurrence formule un avis plutôt que de légiférer ;
- enfin, afin de favoriser le développement de la télévision mobile personnelle, il a proposé que le Gouvernement remette dès le mois de mars 2009, et non 2010 comme prévu actuellement par la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007, le rapport sur la possibilité d'attribuer la ressource radioélectrique à des distributeurs de services plutôt qu'aux éditeurs de services de télévision.
A l'issue de cet exposé, un large débat s'est ouvert.