Commission des affaires économiques

Réunion du 7 janvier 2009 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Bruno Retailleau sur le projet de loi n°145 (2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

a tout d'abord rappelé que la commission des affaires culturelles était saisie au fond sur ce texte, la commission des affaires économiques étant saisie pour avis sur les points relevant de sa compétence, concernant notamment les communications électroniques, la couverture numérique du territoire, et la régulation de l'internet.

Présentant l'économie générale du texte, M. Bruno Retailleau a considéré que les mutations profondes que traverse le monde de l'audiovisuel rendaient nécessaire la mise en oeuvre de cette réforme. L'exception culturelle s'est en effet fondée sur le rôle central de la télévision, l'Etat soumettant l'usage gratuit du domaine public hertzien au respect d'obligations de production et de contribution au financement de la création. Or le secteur affronte aujourd'hui un choc technologique, un choc des usages et un choc économique. Sur le plan technologique, la diffusion des images, loin de se limiter à la télévision hertzienne, emprunte désormais de nouveaux canaux tels que la télévision par satellite, par le câble, mais également l'internet et le téléphone mobile. En matière d'usages, la télévision est de moins en moins familiale et sédentaire : la moitié des foyers français disposent aujourd'hui d'au moins deux téléviseurs, tandis que les récepteurs deviennent mobiles avec les téléphones de troisième génération (3G). Les usagers ne se contentent plus de regarder des émissions de télévision à l'heure définie pour tous dans une grille unique, mais composent eux-mêmes leur programme avec les systèmes de télévision à la demande, voire produisent et diffusent leurs propres contenus vidéo sur internet. Dans ce nouveau contexte, le choc économique se traduit, par une segmentation du marché publicitaire entre plusieurs centaines de canaux, contre deux ou trois chaînes autrefois : ainsi, l'audience des nouvelles chaînes gratuites de la télévision numérique terrestre (TNT) a doublé en un an et les grandes chaînes historiques ont perdu presque un quart de leur audience en quelques années. Or, une baisse des recettes publicitaires représente une menace pour le financement de la création, ce qui ne peut laisser personne indifférent.

S'agissant du financement du service public audiovisuel, M. Bruno Retailleau a indiqué qu'il était assuré jusqu'à présent pour deux tiers par la redevance et pour un tiers par la publicité. Le conseil d'administration de France Télévisions a décidé de supprimer progressivement la publicité à partir du 5 janvier 2009. Cette suppression pourrait devenir totale à la fin de l'année 2011, qui verra également le basculement vers la TNT dont les coûts de diffusion sont très inférieurs à ceux de la télévision analogique (une fréquence transportant six chaînes en numérique contre une seule en analogique), ce qui permettra à France Télévisions d'économiser 150 à 200 millions d'euros de coûts de diffusion.

a approuvé l'indexation de la redevance sur l'évolution de l'indice des prix à la consommation, qui lui donnera une dynamique, alors que la redevance, gelée depuis 2002, ne représente que la moitié de la redevance allemande ou britannique. En revanche, il s'est montré réservé, à titre personnel, sur l'instauration d'une taxe de 0,9 % sur les opérateurs de communications électroniques, dont le modèle économique est étranger à la suppression de la publicité sur France Télévisions ; cette taxe étant préjudiciable aux investissements numériques, vecteur de croissance pour demain, et assise sur une assiette sans lien avec la diffusion des images puisque le chiffre d'affaires de la distribution de télévision par ADSL est sorti de l'assiette taxable. Il a proposé à la commission d'exonérer du paiement de cette taxe les opérateurs détenant une part de marché inférieure ou égale à 3 % afin d'épargner les opérateurs mobiles virtuels (MVNO), aiguillon concurrentiel, ainsi que les opérateurs installés dans des départements d'outre-mer, ceux-ci n'étant pas concernés par la suppression de la publicité sur les chaînes de France Télévisions puisque RFO, qui y est diffusée, restera financée par la publicité.

a également mis en garde contre l'éventualité d'une surcompensation du manque à gagner pour France Télévisions, s'en tenant aux 450 millions d'euros estimés par la commission présidée par M. Jean-François Copé, mais relevant qu'un cabinet indépendant - A.T. Kearney - l'évalue à 215 millions d'euros. De ce fait, il a approuvé certaines modifications que souhaitait proposer la commission des affaires culturelles, tendant, d'une part, à ce que le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) transmette chaque année au Parlement un rapport relatif au financement du secteur public de l'audiovisuel, et, d'autre part, à instituer un comité de suivi chargé d'évaluer chaque année les modalités de financement de France Télévisions, au vu de l'indexation de la redevance arrondie à l'euro supérieur.

S'agissant des services de médias audiovisuels à la demande (SMAd), M. Bruno Retailleau a approuvé la distinction établie entre le domaine de l'audiovisuel et celui de l'internet par la directive 2007/65 relative aux services de médias audiovisuels, estimant souhaitable de transposer celle-ci le plus fidèlement possible.

Rappelant que l'Assemblée nationale avait adopté un amendement visant à donner au CSA un rôle de contrôle de la publicité sur internet afin d'assurer la protection des mineurs, il a jugé qu'il s'agissait d'une mauvaise réponse à une bonne question. Il a considéré que, d'une part, cela créait une confusion entre le CSA et l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) et que, d'autre part, le CSA n'avait pas les moyens de surveiller tous les contenus vidéo publiés sur internet. Il a proposé de favoriser sur ce sujet un mode de co-régulation entre les pouvoirs publics, les hébergeurs et la société civile en donnant une base législative à un organisme qui en serait chargé, conformément au projet annoncé par M. Eric Besson, secrétaire d'Etat chargé du développement de l'économie numérique.

a terminé son exposé par les trois points suivants :

- évoquant la possibilité offerte par l'Assemblée nationale aux collectivités territoriales d'établir et d'exploiter elles-mêmes des réémetteurs de télévision, il a jugé souhaitable de confier au CSA un rôle de conseil permettant aux collectivités de déterminer s'il s'agit bien pour elles de la meilleure solution technique et financière pour étendre la couverture de télévision numérique sur leur territoire, alors que le recours au satellite est peu coûteux ;

- sur le projet des députés d'interdire la pratique consistant pour un opérateur à ne proposer qu'à ses seuls abonnés les chaînes de télévision qu'il édite, il a proposé d'attendre que le Conseil de la concurrence formule un avis plutôt que de légiférer ;

- enfin, afin de favoriser le développement de la télévision mobile personnelle, il a proposé que le Gouvernement remette dès le mois de mars 2009, et non 2010 comme prévu actuellement par la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007, le rapport sur la possibilité d'attribuer la ressource radioélectrique à des distributeurs de services plutôt qu'aux éditeurs de services de télévision.

A l'issue de cet exposé, un large débat s'est ouvert.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

a indiqué que le groupe socialiste s'exprimerait au cours de la séance publique sur la suppression de la publicité pour les chaînes de télévision publiques et sur la désignation du président de France Télévisions. S'agissant de la couverture du territoire national par la TNT, il a rappelé que le CSA venait de publier une liste de 1 626 zones à couvrir par celle-ci d'ici à novembre 2011. Estimant que ces zones ne représentaient que 91 % de la population dans certains départements, il a déploré la nécessité pour de nombreux foyers de s'équiper de paraboles, ce qui pourrait entraîner des charges pour les collectivités qui pourraient avoir à financer la réception de la TNT.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Déplorant en premier lieu que la suppression de la publicité à la télévision publique ait été mise en oeuvre avant que le Sénat n'en soit saisi, M. Hervé Maurey a estimé que le projet de loi ne proposait pas de solution de financement autonome et pérenne pour le service public audiovisuel, ce qui obligera le président de France Télévisions à demander chaque année à l'Etat les ressources nécessaires. Il a proposé d'augmenter de trois ou quatre euros la redevance audiovisuelle qui est restée au même niveau depuis sept ans. Il s'est étonné de la création d'une taxe sur les chaînes privées, ce qui reviendrait à faire dépendre les ressources du service public du succès de ses concurrents, et a vivement critiqué l'instauration d'une taxe sur les opérateurs de communications électroniques, domaine d'activités dont le dynamisme mérite de ne pas être entravé par la nécessité de financer un secteur sans lien avec lui. Il a estimé que la priorité était que les opérateurs assurent la couverture complète du territoire, dans l'esprit des orientations du plan France Numérique 2012 présenté par M. Eric Besson en octobre 2008. Enfin, il s'est étonné que le président français veuille taxer ceux qui réussissent quand le président américain, Barack Obama, axe la relance sur le numérique. Il a donc annoncé qu'il allait déposer plusieurs amendements pour supprimer la taxe ou, à défaut, ramener son taux à 0,5 % ou encore soustraire de son assiette les investissements améliorant la couverture du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Se disant également choqué par l'entrée en vigueur de la suppression de la publicité avant son examen par le Sénat, M. Martial Bourquin a souligné que la pérennité des chaînes de télévision publiques exigeait une ressource dynamique. Evoquant la future procédure de nomination du président de France Télévisions, il s'est inquiété d'une mainmise du pouvoir politique sur la création audiovisuelle et sur la diffusion de l'information.

Après avoir proposé au rapporteur, dont il a salué le talent de pédagogue, de venir s'exprimer devant le groupe d'études « Poste et communications électroniques » qu'il préside, M. Pierre Hérisson a approuvé la suppression de la publicité dans la mesure où cette ressource, dont le produit a été très variable sur la période récente, n'offrait pas de garantie de recette. Il a craint que les zones montagneuses, à l'instar de l'outre-mer, ne soient défavorisées dans le déploiement de la télévision numérique terrestre et a demandé que le projet précise les conditions dans lesquelles les populations concernées pourraient recevoir cette télévision.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

En réponse aux intervenants, M. Bruno Retailleau a précisé les points suivants :

- la liste publiée récemment par le CSA pour la couverture du territoire en télévision numérique terrestre (TNT) indique seulement les sites d'émission sans préciser les zones de couverture assurées par chaque site ; partageant le souci d'une meilleure couverture des départements, il a craint que des exigences accrues en la matière ne grippent encore plus le fonctionnement déjà difficile du groupement d'intérêt public « France Télé numérique » réunissant l'Etat et les chaînes historiques. Il s'est d'ailleurs préoccupé de la gouvernance de l'extinction de la diffusion analogique de la télévision et a suggéré un renforcement du Comité stratégique pour le numérique ;

- le dynamisme des ressources du service public de l'audiovisuel doit être assuré et devrait être amélioré par un amendement proposé par la commission des affaires culturelles ;

- la présente réforme est absolument nécessaire car un statu quo exposerait à l'avenir la télévision publique comme les grandes chaînes privées et le secteur de la création audiovisuelle à des difficultés considérables.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Considérant que la mise en application de la suppression de la publicité avant l'examen du texte par le Sénat remettait en cause le rôle du Parlement, M. Didier Guillaume a également regretté que le projet prévoie la nomination et la révocation du président de France Télévisions par le pouvoir exécutif. Il a également fait observer que la suppression de la publicité que les Français n'ont jamais réclamée serait nécessairement compensée par des ressources provenant des prélèvements obligatoires payés par les mêmes Français, convenant que 4 ou 5 euros par an représentaient peu mais apparaissaient inopportuns en période de crise. En ce qui concerne internet, il a souligné la difficulté d'adapter la régulation à la vitesse d'évolution des usages et insisté sur le rôle des parents dans la protection des mineurs. Il s'est enfin joint à la proposition d'imposer aux opérateurs de télécommunications des obligations de couverture du territoire, se souciant lui aussi des zones de montagne. Il a enfin annoncé que son groupe voterait contre le texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Regrettant que la commission ne soit saisie que d'aspects strictement techniques d'un texte qui, de surcroît, a déjà été mis partiellement en application, M. Jean-Jacques Mirassou a considéré que la chaîne la plus pénalisée serait France 3, qui sera amenée à concentrer les publicités sur une tranche horaire consacrée jusqu'à présent à l'information régionale. Il s'est également étonné que la redevance soit augmentée pour pallier les conséquences d'une décision qui favorise les concurrents de la télévision publique, bénéficiaires du transfert de la ressource publicitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

s'est à son tour demandé comment il était possible d'examiner convenablement une mesure déjà appliquée sur décision du conseil d'administration de France Télévisions. Déclarant le projet contraire à ses convictions politiques, il a jugé qu'il aurait mieux valu débattre du dimensionnement actuel du service public audiovisuel et de l'opportunité d'augmenter la part de la publicité dans ses ressources tout en diminuant celle de la redevance, alors que le projet de loi proposait une forme de nationalisation de France Télévisions.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Considérant que le projet n'était ni urgent, ni souhaitable, M. François Patriat a estimé qu'il n'y avait pas de demande réelle des citoyens pour supprimer la publicité sur les chaînes de télévision publiques, l'accent devant plutôt être mis sur l'accompagnement des collectivités territoriales dans la réduction de la fracture numérique. Il a craint que l'existence de certaines chaînes publiques ne soit remise en cause après 2011, notamment France 3, qui risquerait d'être démantelée et régionalisée.

En réponse, M. Bruno Retailleau a alors précisé que la situation des zones montagneuses n'était pas comparable à celle des régions d'outre-mer. En effet, la publicité n'est pas supprimée sur la chaîne RFO, ce qui justifie d'exonérer les opérateurs de communications électroniques présents en outre-mer de la taxe envisagée en métropole. Il a enfin confirmé l'importance de la couverture numérique du territoire, à laquelle il travaille ardemment, notamment à la tête de la commission du dividende numérique.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements proposés par le rapporteur pour avis sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

A l'article 14 quater (pouvoir donné à l'ARCEP d'imposer des obligations à l'utilisateur d'un site d'émission permettant la diffusion de services audiovisuels hertziens terrestres), la commission a adopté un amendement tendant à supprimer l'article, estimant que l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) pouvait déjà réguler le marché de la diffusion.

A l'article 21 (institution d'une taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques), la commission a adopté deux amendements tendant à :

moduler le champ des assujettis à la taxe pour tenir compte de la situation des opérateurs émergents ;

exclure les opérateurs alternatifs ultramarins de l'assiette de la taxe.

A l'article 22 (Définition et périmètre des services de médias audiovisuels à la demande ou SMAd), la commission a adopté, outre deux amendements tendant à rapprocher le texte de celui de la directive communautaire « Services de médias audiovisuels » (SMA) et à éviter ainsi toute confusion entre hébergeurs et éditeurs, un amendement tendant à introduire la définition de la notion de « programme », issue de la directive SMA, dans l'article 2 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

A l'article 27 (extension aux SMAd des règles relatives à la protection des mineurs et au respect de la dignité de la personne), la commission a adopté un amendement visant à supprimer le contrôle du CSA sur la publicité sur les sites communautaires, introduit par les députés, et à revenir au texte initial du Gouvernement.

Après l'article 27, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel portant création d'un organisme de régulation de l'internet.

Avant l'article 49A, la commission a adopté à l'unanimité un sous-amendement à l'amendement n° 67 de la commission des affaires culturelles tendant à insérer un article additionnel portant création d'un comité de suivi chargé d'évaluer l'application de la présente loi et les modalités de financement de l'audiovisuel public ; le sous-amendement a pour objet, d'une part, de préciser que le comité de suivi devra proposer d'adapter les modalités de financement de l'audiovisuel public en tenant compte de la dynamique de la redevance audiovisuelle, et, d'autre part, de compléter la composition de ce comité.

A l'article 49 quater (possibilité, pour une collectivité territoriale, de se voir assigner des fréquences pour la diffusion de la TNT dans les zones non couvertes par les éditeurs), la commission a adopté un amendement imposant aux collectivités territoriales, préalablement à la demande d'assignation de fréquences au CSA, de réaliser une étude comparative simplifiée, estimant notamment le coût des solutions alternatives tant pour les foyers que pour les collectivités territoriales.

A l'article 49 sexies (interdiction, pour un opérateur de communications électroniques, de distribution exclusive des services de communication audiovisuelle qu'il édite aux seuls abonnés à son offre d'accès à internet), la commission a adopté un amendement de suppression de cet article, dans l'attente de l'avis du Conseil de la concurrence.

Après l'article 49 octies, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de prévoir, dès le 31 mars 2009, la parution du rapport prévu par l'article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée pour envisager l'attribution de la ressource radioélectrique à des distributeurs de services en matière de télévision mobile personnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

a alors indiqué que le groupe centriste approuverait le rapport mais que son vote sur l'ensemble du projet de loi dépendrait de l'évolution du texte au cours des débats en séance publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

a indiqué que le groupe socialiste s'opposerait au texte, tout en s'abstenant sur les amendements, à l'exception du sous-amendement à l'amendement n° 67 qu'il approuvait.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi ainsi modifié, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) s'abstenant.