Intervention de Bruno Lasserre

Commission des affaires économiques — Réunion du 7 janvier 2009 : 2ème réunion
Présidence de l'autorité de la concurrence — Audition de M. Bruno Lasserre candidat

Bruno Lasserre, candidat :

Au cours d'une seconde séance, tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Bruno Lasserre, candidat proposé à la nomination à la fonction de président de l'Autorité de la concurrence (AC).

Après avoir brièvement exposé les principales caractéristiques de sa carrière professionnelle, M. Bruno Lasserre a fait part des réflexions générales sur la concurrence et la régulation inspirées de son expérience de membre du Conseil de la concurrence entre 1998 et 2004 et de président dudit conseil depuis 2004 :

- si la concurrence est un instrument essentiel de politique économique et un excellent levier pour inciter les entreprises à donner le meilleur d'elles-mêmes, elle n'est pas une fin en soi qui se suffirait à elle-même, d'autant que d'autres préoccupations légitimes doivent aussi être prises en compte par le décideur politique, telles que la solidarité, l'aménagement du territoire ou encore l'indépendance nationale ;

- pour qu'elle produise ses effets vertueux et que les entreprises fonctionnent correctement sans abuser de leur pouvoir de marché, la concurrence doit être régulée ;

- pour que la régulation soit elle-même efficace et qu'elle joue pleinement son rôle sans interférer ni avec l'action politique ni avec la gestion économique, la régulation doit être indépendante, transparente, collégiale et responsable.

Puis M. Bruno Lasserre a énuméré les quatre priorités qu'il avait définies pour l'action du Conseil de la concurrence sous sa présidence :

- agir dans le temps économique, car l'efficacité de la régulation des marchés est étroitement dépendante des capacités d'adaptation des entreprises : c'est ainsi que le stock des dossiers en instance est passé de 420 à 155 entre 2000 et 2007 et que le délai entre la détection d'une entente et la décision du Conseil a été ramené à 18 mois ; ce raccourcissement du temps de l'action sera renforcé pour l'Autorité de la concurrence puisque la loi de modernisation de l'économie (LME), qui l'a créée, a regroupé en son sein les pouvoirs d'enquête et d'instruction, jusqu'alors séparés entre la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et le Conseil de la concurrence ;

- renforcer la dissuasion par une augmentation significative des amendes, qui a en conséquence accru le risque de la pénalisation : de l'ordre de 50 à 60 millions d'euros en moyenne annuelle, les amendes décidées par le Conseil ont brusquement augmenté à partir de 2005, s'élevant cette année-là à 754 millions d'euros et ayant atteint l'an dernier 630 millions d'euros ; cette politique ferme à l'encontre des grandes entreprises et au bénéfice des PME et des consommateurs sera considérablement renforcée par les moyens nouveaux donnés à l'Autorité de la concurrence par la LME, notamment à l'encontre des enseignes de la grande distribution, auxquelles pourront être imposées des injonctions structurelles de céder des surfaces afin de relancer la concurrence ;

- développer des outils de négociation et de dialogue avec les acteurs économiques, conformément aux options ouvertes par la loi NRE (nouvelles régulations économiques) qui a permis aux entreprises de prendre des engagements volontaires pour respecter les prescriptions concurrentielles ;

- renforcer l'analyse économique développée par le Conseil afin de lui permettre de porter le meilleur jugement possible et d'adopter de bonnes décisions.

a ensuite présenté les caractéristiques de la nouvelle Autorité de la concurrence. Au préalable, il a rendu hommage à l'action du Sénat, et singulièrement de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de LME et alors présidée par M. Gérard Larcher qui, compte tenu de l'importance politique de la création de l'Autorité, a exigé que celle-ci résulte de la loi et non pas, comme l'envisageait le Gouvernement, d'une ordonnance. Il a également souligné que le débat démocratique ainsi rendu possible avait permis de renforcer les outils du contrôle des concentrations économiques dévolu à l'Autorité, et de connaître, pendant la discussion parlementaire, les grandes lignes du projet d'ordonnance relatives au contrôle des pratiques anti-concurrentielles.

Il a alors indiqué que l'Autorité de la concurrence partagerait avec le Conseil trois éléments de continuité :

- défendre le bien-être des consommateurs et les conditions loyales d'activité des acteurs économiques, en particulier les PME ;

- donner toutes leurs chances aux entreprises, y compris les grandes, pour affronter les défis de la compétition économique ;

- renforcer l'influence et la visibilité de la France en matière de régulation concurrentielle dans le contexte européen et mondial.

Toutefois, le renforcement significatif des pouvoirs de l'Autorité par rapport à ceux du Conseil conduit à l'ouverture de trois chantiers nouveaux :

- l'accroissement de la responsabilité de l'Autorité : à cet égard, M. Bruno Lasserre a indiqué que la procédure d'examen par le Parlement de sa candidature à la présidence de cet organe constituait selon lui le point de départ d'une relation nouvelle entre celui-ci et la représentation nationale, qui devrait du reste être étendue à toutes les autorités administratives indépendantes ; il s'est par ailleurs félicité que la LME ait prévu la remise annuelle au Parlement du rapport de l'Autorité et la faculté pour les commissions compétentes de convoquer son président pour l'entendre ;

- le renforcement de la pédagogie et du dialogue avec les entreprises et les consommateurs, rendu possible par la faculté qu'aura l'Autorité de s'autosaisir et de rendre des avis sur le fonctionnement concurrentiel des marchés ; à cet égard, elle a vocation à devenir un expert de la concurrence, au bénéfice notamment du Parlement ;

- le développement d'une culture des résultats, gage de la légitimité des autorités administratives indépendantes : alors qu'aujourd'hui, le Conseil de la concurrence ne hiérarchise pas ses interventions, l'Autorité de la concurrence devrait, demain, mener une réflexion sur le rôle stratégique qu'elle peut avoir en privilégiant la résolution des affaires importantes ou de dossiers relevant de secteurs structurants de l'économie (télécommunications, énergie, distribution, BTP, banque et assurance...).

A l'issue de cette présentation, M. Bruno Lasserre a été interrogé par les commissaires.

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