Cette proposition de loi est l'aboutissement d'un travail de longue haleine, entamé il y a plus d'un an avec Annie Jarraud-Vergnolle, sur les dysfonctionnements observés dans les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et, plus largement, sur les améliorations à apporter à la loi Handicap du 11 février 2005. Vous êtes nombreux à l'avoir cosignée, ce qui témoigne de l'implication de la commission à ce sujet.
La première partie du texte tend à améliorer le fonctionnement et le financement des MDPH, confrontées à trois problèmes principaux : d'abord, l'instabilité de leur personnel, doté de statuts très divers ; ensuite, la précarité de leurs ressources à court terme ; enfin, la persistance de lourdeurs administratives dans l'instruction des demandes.
En ce qui concerne le traitement des demandes, le texte permet aux commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de statuer lorsqu'elles sont réunies en sections locales et incite le tribunal du contentieux de l'incapacité (TCl) et la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (Cnitaat) à mieux prendre en compte le caractère pluridisciplinaire des décisions contestées. Je vous proposerai de donner également aux CDAPH le droit de statuer en sections spécialisées.
S'agissant des agents des MDPH, le texte comporte trois mesures visant à les stabiliser, à mieux les former et à enrichir leurs perspectives de carrière.
La première supprime la possibilité de mettre à disposition des maisons départementales des agents des fonctions publiques d'Etat ou hospitalière et ne laisse cette possibilité que pour les seuls fonctionnaires territoriaux. Parallèlement, le texte met en place une formule avantageuse de détachement, sur une période de cinq ans renouvelable sans limitation, pour les agents des trois fonctions publiques.
Cette solution présente un triple avantage : limitation des retours inopinés dans l'administration d'origine, la réintégration se faisant en surnombre sans garantie de retrouver son emploi ; stabilisation des personnels ; rémunération des agents par les MDPH, l'Etat s'engageant, dans le cadre d'une convention triennale, à leur transférer les crédits nécessaires. De la sorte, en cas de défection des fonctionnaires d'Etat en cours d'année, la MDPH disposera des moyens financiers nécessaires pour les remplacer, alors que jusqu'à présent la compensation des postes vacants était ajustée après leur décompte en fin d'exercice, ce qui a pu donner lieu à des contentieux entre l'Etat et les conseils généraux, notamment en 2008.
La deuxième mesure autorise les MDPH à recruter des agents en contrat de droit public à durée indéterminée. A l'heure actuelle, conformément aux règles de la fonction publique, ceux-ci sont généralement employés en contrat de droit public à durée déterminée d'une durée maximale de trois ans, renouvelable par reconduction expresse dans des conditions très restrictives.
La troisième mesure permet au centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) d'ouvrir les formations qu'il dispense généralement aux seuls fonctionnaires territoriaux, à tous les personnels, quel que soit leur statut, et de prélever les cotisations correspondantes.
Par ailleurs, les MDPH rencontrent d'importants problèmes financiers du fait de la compensation partielle des postes mis à disposition par l'Etat lorsqu'ils ne sont pas pourvus, mais aussi faute de trésorerie et de plan pluriannuel de financement.
La proposition de loi tend d'abord à stabiliser leur statut : les MDPH resteraient des groupements d'intérêt public, les conseils généraux s'étant finalement ralliés à cette solution, y voyant l'avantage d'une certaine souplesse de fonctionnement et le signe que l'Etat maintiendra sa contribution financière. La participation des associations sera ainsi préservée.
Le texte prévoit aussi d'exonérer les MDPH du paiement de la taxe sur les salaires : l'économie ainsi réalisée - 1,2 million d'euros - permettra à celles qui emploient des agents contractuels de dégager des moyens supplémentaires pour embaucher.
Enfin, une convention triennale d'objectifs et de moyens sera conclue entre chaque MDPH, l'Etat, la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et le conseil général, afin de préciser les modalités de compensation des postes que l'Etat s'est engagé à transférer aux Gip dans la convention constitutive, ainsi que les moyens supplémentaires apportés en cas d'élargissement des missions assignées aux maisons.
Si la formule de détachement proposée rencontre globalement l'adhésion, elle suscite toutefois deux types de réserves : d'abord, la réticence de certaines MDPH à devenir employeurs, deux tiers d'entre elles ayant délégué la gestion de leur personnel aux conseils généraux ; ensuite, la crainte d'un retour massif des agents concernés dans leur administration d'origine, avec le risque d'un désengagement de l'Etat. Ces objections m'ont conduit à formuler une autre solution, qui consisterait :
- d'une part, à aménager le régime de la mise à disposition des fonctionnaires de l'Etat, dont la durée passerait de trois à cinq ans avec un préavis de six mois au lieu de trois ;
- d'autre part, à instaurer un système de mise à disposition contre remboursement, l'Etat demeurant employeur et versant en début d'année une subvention de fonctionnement dont le montant figurerait dans la convention triennale. Cette subvention devrait au moins couvrir les salaires remboursés par les MDPH et intégrer une contribution aux frais généraux.
Il faudra alors annexer à cette convention un avenant financier annuel, afin de préciser les modalités et le montant de la participation des membres du groupement et du concours versé par la CNSA au conseil général. La réussite de cette nouvelle formule suppose que l'Etat sache inciter ses agents à travailler dans les MDPH.
J'en viens aux politiques en faveur de l'emploi des personnes handicapées. L'organisation et la gouvernance des politiques d'insertion professionnelle des personnes handicapées ont été modifiées au cours des dernières années par la création du fonds d'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) en 2005 et de Pôle emploi en 2008, mais aussi par la réforme de l'allocation adulte handicapé (AAH), dont le versement est désormais subordonné à l'évaluation préalable par la MDPH des capacités professionnelles de la personne concernée et à une orientation. Ces évolutions ayant été mal anticipées, il en résulte de graves dysfonctionnements. Il faut clarifier le rôle des différents acteurs, actuellement défini par une convention tripartite qui associe Pôle emploi, l'association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (Agefiph) et le FIPHFP, qui vient d'être signée pour la période 2010-2011. Le contenu de cette convention devrait à l'avenir être mieux encadré, afin que les travailleurs handicapés bénéficient d'un accompagnement spécifique, qui tienne compte de leurs particularités.
Par cette proposition de loi, nous entendons réaffirmer la place du service public de l'emploi et de l'Etat dans le pilotage de cette politique mais aussi redonner une existence légale aux Cap emploi, structures qui ont démontré leurs compétences en termes d'orientation, de placement et de suivi professionnel des personnes handicapées.
Je vous proposerai quelques modifications afin d'associer l'Etat et la CNSA à la convention ; de préciser les modalités du partenariat des MDPH avec les autres acteurs ; d'évaluer la mise en oeuvre de la convention et de prévoir que ses déclinaisons régionales et locales s'appuieront sur les plans régionaux d'insertion professionnelle des travailleurs handicapés (PRITH). Par ailleurs, je vous soumettrai deux nouvelles mesures :
- la première autorisant le FIPHFP à financer des actions réalisées à son initiative dans les trois fonctions publiques et à subventionner des organismes ou associations avec lesquels il a conclu une convention ;
- la seconde révisant les critères d'attribution des aides au poste aux entreprises adaptées.
Le texte comporte enfin des dispositions diverses tendant à améliorer la compensation des conséquences du handicap.
Il prévoit d'abord d'améliorer la prise en charge des aides humaines par la prestation de compensation (PCH). Aujourd'hui, ces frais ne sont couverts que si l'état de la personne handicapée justifie l'aide d'une tierce personne pour les actes essentiels de l'existence ou requiert une surveillance particulière. Or, la notion d'« actes essentiels de l'existence » fait l'objet d'une interprétation très restrictive : si l'aide à la prise des repas est incluse dans le périmètre de la PCH, leur préparation et les tâches ménagères afférentes ne le sont pas. Cette situation explique en grande partie les réticences des bénéficiaires de l'allocation compensatrice de tierce personne (ACTP) à opter pour la PCH : alors qu'environ 80 000 personnes perçoivent la nouvelle prestation, 110 000 ont choisi de conserver l'ancienne.
Afin de rendre la PCH plus attractive, nous proposons d'élargir le périmètre de prise en charge des aides humaines aux cas où celles-ci conditionnent le maintien à domicile. Les coûts supplémentaires devraient être en partie compensés par la diminution des dépenses d'ACTP et les économies réalisées grâce au maintien à domicile de personnes dont la prise en charge en établissement aurait été plus onéreuse .
Le texte prévoit aussi un mécanisme de péréquation des concours versés par la CNSA aux conseils généraux au titre de la PCH, afin de mieux les ajuster aux dépenses réellement engagées. Le taux de couverture s'est dégradé depuis 2009, avec de fortes disparités : d'ici à la fin de l'année, un tiers des départements devraient être déficitaires, avec des taux de couverture compris entre 70 % et 100 %, tandis que sur les deux tiers restants, la moitié devrait conserver un taux de 120 % à 180 %. Notre objectif est de réduire ces écarts, selon des modalités définies par décret, pris après avis du conseil de surveillance de la CNSA où sont représentés les conseils généraux. Je vous proposerai un amendement visant à remplacer l'ancien mécanisme de redistribution, très complexe et inopérant, par ce nouveau dispositif.
En ce qui concerne les fonds départementaux de compensation du handicap, le texte prévoit de séparer leurs comptes de ceux des MDPH grâce à la création d'un budget annexe, afin d'éviter les dérives observées dans certains départements. Il rend plus explicite la possibilité de mobiliser le fonds pour attribuer, à titre ponctuel, des aides aux personnes non bénéficiaires de la PCH. Mais cet article aurait plutôt sa place dans la loi de finances, et l'on pourrait nous opposer l'article 40 : je vous suggérerai donc de le supprimer.
Enfin, je vous soumettrai deux mesures nouvelles :
- l'une favorisant la mise en accessibilité des constructions neuves, en prévoyant des mesures de substitution pour les cas où il est impossible de remplir les exigences réglementaires et légales ;
- l'autre visant à étendre l'obligation faite aux distributeurs de services (ADSL, câble, satellite) d'offrir gratuitement les prestations nécessaires à la diffusion des programmes audiovisuels audiodécrits destinés aux personnes aveugles ou malvoyantes.
Nous n'avons pas à rougir des avancées permises par la loi de 2005. Les améliorations que je vous propose, et qui sont le fruit d'un travail approfondi d'écoute, de concertation et d'analyse, permettront, je le crois, de résoudre les problèmes rencontrés par les MDPH, de faire progresser la cause des personnes handicapées et d'améliorer leur quotidien.