Intervention de Dov Zerah

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 8 mars 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Dov Zerah directeur général de l'agence française de développement

Dov Zerah :

Je vous remercie de me donner l'opportunité de présenter à la représentation nationale le contrat d'objectifs et de moyens de l'agence française de développement. Je ne sais pas encore exactement quand et selon quelle modalité le COM sera adopté. Les sénateurs sont les bienvenus au Conseil d'administration de l'AFD et cela avant même que le statut de l'Agence ne soit modifié en application de la loi sur l'action extérieure de l'Etat.

Depuis 2005, l'AFD a en effet connu une profonde évolution, voire une véritable révolution. Grâce à une extension de son champ d'intervention géographique et à une diversification sectorielle, l'AFD a multiplié par quatre ou cinq ses engagements et atteint aujourd'hui une taille comparable à son homologue allemand ou à des banques régionales de développement telles que la Banque africaine de développement ou la Banque asiatique de développement. Cette croissance a été rendue possible par un accroissement de 35 % des effectifs depuis 2005.

Par rapport à la croissance rapide de ces dernières années, une phase de consolidation est nécessaire. Cette volonté de consolidation qui est la mienne s'est d'ores et déjà traduite par de nombreuses initiatives dont la constitution d'une direction exécutive des risques, qui s'imposait compte tenu de la croissance des engagements de l'agence.

Le contrat d'objectifs et de moyens en cours de négociation, qui s'inspire du document-cadre adopté par le Gouvernement en liaison avec le Parlement, traduit également cette volonté de consolidation. Il comporte une clarification de la stratégie de l'agence en matière de concentration géographique et sectorielle.

En matière de concentration géographique, nous avons proposé à nos tutelles de consacrer 80 % des subventions-projets aux quatorze pays prioritaires de la coopération française, hors pays en crise ou en sortie de crise. On s'aperçoit en effet que, lorsque l'on concentre 60 % de l'effort budgétaire de l'Etat, subventions et prêts compris, à l'Afrique subsaharienne, la majorité de ces engagements ne vont pas aux pays francophones de cette zone dont la capacité d'emprunt est limitée. C'est pourquoi il nous faut concentrer davantage nos interventions sous forme de dons aux quatorze pays prioritaires et en particulier à ceux de la zone sahélienne. Notre proposition n'a été retenue qu'en partie car les tutelles ont souhaité garder des marges de manoeuvre.

En matière de concentration sectorielle, le projet de contrat d'objectifs comporte des cibles sur deux secteurs : l'éducation et la santé. Pourquoi ces secteurs ? Parce qu'ils ne peuvent être financés que difficilement par des prêts ou par des instruments de marché. C'est pourquoi, il est prévu que l'AFD consacre au moins 40 % des subventions-projets affectés au secteur de l'éducation en Afrique subsaharienne et 48 millions d'euros de subventions par année dans les pays prioritaires pour la santé et notamment la santé maternelle et infantile. Il nous faudra également conserver des moyens pour intervenir dans les domaines de l'eau, de l'assainissement et du développement urbain.

Lors de la négociation du contrat d'objectifs, il y a eu un débat fourni sur le modèle économique de l'agence et la réduction des frais de fonctionnement. Une de nos tutelles a souhaité nous assimiler à un opérateur de l'Etat au sens de la LOLF, à l'instar des établissements publics administratifs ou des administrations centrales, et nous imposer une réduction de nos coûts de fonctionnement comparable à celle imposée à ces opérateurs. Or j'insiste sur le fait que nous ne sommes pas un opérateur de l'Etat au sens de la LOLF car nous ne bénéficions d'aucune subvention de fonctionnement. Non seulement la majorité de nos ressources ne provient pas de l'Etat, mais nous versons à l'Etat actionnaire un dividende conséquent qui s'est élevé en 2009 à 220 millions d'euros. L'AFD a versé, depuis 2005, 1,1 milliard d'euros de dividendes à l'Etat. Dans ces conditions, il faut bien comprendre que brider le développement de l'AFD par des contraintes conduira à réduire, à terme, le dividende dont pourrait bénéficier l'Etat. J'ai constaté lors de ces négociations une véritable dérive consistant à vouloir imposer à l'agence des contraintes en valeur absolue en matière d'effectifs et de frais généraux qui correspondent à un « micro-management ». Cette dérive n'est pas compatible avec l'autonomie de gestion dont nous devons pouvoir jouir pour mener une stratégie pertinente. Je ne suis pas opposé à mener une politique de réduction de nos coûts de fonctionnement. J'ai même proposé de réduire le taux de croissance de ces frais de 12 % par an ces dernières années à 2 % en 2011. Je suis favorable à ce que, comme pour les autres établissements bancaires, soient imposés par l'Etat actionnaire des ratios qui prennent en compte l'évolution de l'activité de l'agence tels que frais généraux sur encours ou d'autres ratios de ce type. Cela ne me paraît en revanche pas pertinent de fixer un plafond d'emplois à l'unité près ou un montant de frais généraux hors dépenses du personnel.

S'agissant du dividende, le fait que l'Etat prélève 100 % du résultat net de l'agence ne me paraît pas une attitude vertueuse. Ce n'est pas un mécanisme incitatif puisque, dans ces conditions, l'agence n'a aucun intérêt à dégager des résultats. L'agence est confrontée aujourd'hui à un problème de fonds propres puisqu'elle atteint dans un certain nombre de pays un plafond en regard du ratio prudentiel « grands risques ». C'est le cas au Maroc, en Tunisie. Cela sera bientôt le cas en Afrique du Sud, en Turquie et au Vietnam. Ce problème eût été moins important si nous avions pu conserver une partie de notre dividende pour accroître nos fonds propres. Nous avons proposé un ratio de 35 % de retenue par l'Etat qui correspond à l'impôt sur les sociétés auquel l'agence n'est pas soumise. Nos tutelles auraient retenu un prélèvement de 75 % sur les 75 premiers millions, de 50 % sur les sommes entre 75 et 140 millions.

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