Intervention de Joëlle Garriaud-Maylam

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 9 mars 2011 : 1ère réunion
Réserves militaires et civiles — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam, co-rapporteur de la mission d'information :

Je veux dire moi aussi combien nous sommes heureux d'accueillir notre nouveau ministre.

Je ne voudrais pas ici répéter ce que nous avions présenté en décembre. Je me concentrerai sur le diagnostic qui nous a conduits à faire cette proposition de loi. J'invite ceux de nos collègues qui voudraient approfondir la question à lire notre rapport. Michel Boutant, nous retracera lui l'économie générale du dispositif.

Nous sommes partis du constat que la France devait se préparer à faire face à des crises, des crises militaires, des crises sécuritaires et aussi des crises liées à des catastrophes naturelles. Il nous faut être prêts pour un nouveau septembre 2001 et pour l'Ouragan Katrina, tout en étant convaincus que le danger se présentera sous une forme que nous n'aurons sans doute pas prévue.

Dans le prolongement du Livre blanc, nous nous sommes interrogés sur la capacité des Pouvoirs publics à faire face à ces crises. Nous avons donc étudié le recours aux réserves sous cet angle-là. Nous avons regardé les réserves militaires, bien sûr, qui forment plus de 90 % des effectifs, mais aussi les réserves civiles qui se sont constituées plus récemment, réserve de la police, réserve sanitaire ou réserve communale de sécurité civile.

Nous avons constaté que ces réserves remplissent aujourd'hui deux fonctions majeures. Elles constituent, d'une part, un renfort ponctuel pour faire face à des pics d'activité dans le cadre d'activités programmées du quotidien. Les réserves servent là d'appoint, de forces intérimaires. Le cas le plus emblématique est celui de la gendarmerie, qui utilise la réserve pour faire coïncider au mieux ses effectifs avec ses engagements, notamment lors de la période estivale. Cette activité quotidienne permet d'entraîner et d'entretenir des réserves professionnelles.

Elle est essentielle à la deuxième fonction des réserves, celle qui nous intéresse, qui consiste à compléter les forces actives en cas de crise. Les crises majeures sont celles qui peuvent conduire à saturer dans la durée les capacités des forces actives, des administrations et des services de secours.

Nous l'avions dit lors de la présentation du rapport, dans les premières heures d'une crise, c'est évidemment les professionnels qui interviendront. En revanche, les réserves peuvent être très utiles, voire indispensables pour tenir dans la durée et pour permettre une rotation des effectifs. A petite échelle, c'est un système qui fonctionne déjà de façon assez remarquable dans les états-majors de zones de défense, qui fonctionne déjà avec 75 % de réservistes, comme nous l'avons constaté à Bordeaux où l'état-major a eu à gérer la crise de Xynthia.

Dans le contexte actuel de diminution des effectifs des forces d'active des armées, des services de sécurité et de secours, il est important que l'Etat puisse avoir recours à des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure. En cas de crue de la Seine, où il faudrait évacuer plus de 800 000 personnes selon les scénarios en cours, en cas de vagues d'attaques terroristes où il faudrait sécuriser des milliers de sites, il est important, il est essentiel que les pouvoirs publics puissent compter sur un renfort, constitué non seulement de volontaires, mais de volontaires formés, intégrés aux forces d'active et pleinement opérationnels.

Or, lors de notre mission, nous avons cependant constaté que les réserves telles qu'elles sont organisées aujourd'hui ne permettraient pas de contribuer efficacement à la gestion de crises majeures et cela pour deux raisons principales : la disponibilité et la réactivité de ces réservistes.

Le premier constat est que la disponibilité réelle des réservistes n'est pas vérifiée.

Il y a, d'un côté, le problème de la multiplication des filières de réserves et la possibilité pour un réserviste d'appartenir à plusieurs réserves. Ce problème est réel, mais relativement marginal. Il y a, de l'autre côté, la question des réservistes qui ont comme activité à titre principal un emploi fortement sollicité en période de crise. Cela concerne toutes les personnes qui travaillent dans des services de sécurité ou de secours comme la police ou les pompiers, mais aussi les polices municipales ou les services de sécurité privés. Cela concerne également toutes les personnes qui sont intégrées dans des plans de continuité d'activité d'administrations ou d'entreprises essentielles au bon fonctionnement du pays. Je pense, par exemple, à France Telecom, à la SNCF, à EDF, bref à ce que le code de la défense appelle les opérateurs d'importance vitale. S'il est important de pouvoir disposer des réservistes en cas de crise, il faut s'assurer que ces personnes-là ne soient pas mobilisées. Il est, en effet, dans l'intérêt collectif qu'elles participent, au sein de leur entreprise ou de leur administration, à la gestion de la crise. D'ailleurs, dans la plupart des cas, elles ne viendraient pas si on leur demandait, mais encore faut-il le savoir, et savoir sur qui les réserves peuvent réellement compter.

Aujourd'hui, aucun dispositif d'identification ne permet de mesurer l'importance de ces doubles appartenances ni d'organiser des priorités.

Le deuxième constat est celui de l'absence de réactivité des réservistes en cas de crise. Actuellement, le code de la défense prévoit que le réserviste militaire sous ESR, qui accomplit une mission pendant son temps de travail, doit prévenir son employeur de son absence avec un préavis d'un mois. De plus, si les activités accomplies pendant le travail dépassent cinq jours, l'employeur a la possibilité de refuser le départ de son salarié. On comprend, dans ces conditions, que la réserve n'est pas conçue et pensée comme un outil de réponse aux situations de crise.

Un mois de préavis, cinq jours de disponibilité, ce n'est pas adapté.

Nous sommes donc partis de ce constat pour créer un mécanisme qui permet de mobiliser les réservistes plus rapidement, pour des durées plus longues sans pour autant modifier les règles de gestion quotidienne des réserves.

En effet, il nous a paru important de ne pas alourdir les contraintes qui pèsent au quotidien sur les réservistes et sur les entreprises qui les emploient car il y a là un équilibre fragile qu'il convient de préserver si on ne veut pas tarir le nombre de volontaires.

Autrement dit, on n'a pas voulu modifier les règles de gestion des réserves pour les activités programmées des réservistes, c'est-à-dire en gros les 20 jours d'entraînement par an. En revanche, on a voulu créer un instrument pour répondre à des besoins exceptionnels dans des circonstances exceptionnelles. Nous l'avons fait après avoir constaté que les régimes juridiques d'exception, comme l'état d'urgence ou la mobilisation générale, n'étaient pas adaptés. Une partie d'entre eux ne vise pas les réservistes, les autres sont des dispositifs tellement attentatoires aux libertés publiques qu'on imagine mal qu'ils soient utilisés en cas de catastrophe naturelle, de pandémie ou de crise terroriste. C'est le cas, par exemple, de la mobilisation générale dont le Livre blanc souligne que son usage est devenu improbable.

Accroître la réactivité, mieux cerner la disponibilité des réservistes, ne pas alourdir les contraintes des entreprises, voire faciliter l'emploi des réservistes au sein des entreprises par une disposition fiscale, voilà ce qu'ont été, Monsieur le président, nos motivations.

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